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Full text of "Le livre des Juges (Etudes bibliques)"

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Le livre des 
Juges 












ÉTUDES BIBLIQUES 


LE LIVRE 



1^0 


A 


DES JUGES 

PAR 

LE P. Marie-Joseph LAGRANGE 

DES FRÈRES PRÊCHEURS 


PARIS 

LIBRAIRIE VICTOR LECOFFRE 

RIE UONAPARTE, 90 


1903 


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MARIÆ IMMACULATÆ DEIPARÆ 


A LA MÉMOIRE DE MES PARENTS 

CLAUDE-PIERRE LAGRANGE 

ET 

MARIE-ÉLISABETH FALSAN 



J’ai lu, par ordre du Révérendissime Père Maître Général des Frères 
Prêcheurs, l’ouvrage du Très Révérend Père Marie-Joseph Lagrange, 
Maître en théologie, intitulé : Le Livre des Juges . Je n'y ai rien trouvé 
de contraire à la doctrine catholique et déclare en approuver la publi- 
cation. 

Paris, le 8 janvier 1902. 

Fr. D. Sertillange* 
des Frères Prêcheurs, 

Professeur de philosophie à l'Institut catholique de Paris. 


Ayant lu, par ordre du R me Père Maître Général des Frères 
Prêcheurs, le Livre des Juges , traduit et expliqué, d'après les 
textes originaux et les anciennes versions, par le T. R. P. Marie- 
Joseph Lagrange, Maître en théologie et Professeur d’Ecriture 
Sainte au collège Saint-Étienne à Jérusalem, je déclare n’y 
avoir rien trouvé qui, sous le rapport de la foi ou des mœurs, puisse 
en empêcher la publication. 

Rome, le 12 janvier 1902. 

Fr* Maur. M ie Kaiser 
des Frères Prêcheurs, 

Lecteur en théologie. 


Harum sérié, nostrique auctoritate ofïicii, facultatem, quantum in 
nobis est, concedimus adm. Reverendo Patri Fr. Mariae-Josepho 
Lagrange, Ordinis nostri, ut possit typis mandare opus, cui titulus ; 
Le Livre des Juges , continens hujus Sacrae Scripturae Libri transla- 
tionem in linguam gallicam una cum commentariis juxta textus origi- 
nales et antiquiores versiones, de mandato nostro revisum et approba- 
tum a duobus Lectoribus Ordinis nostri, servatis de jure servanais. 

Datum Romae die 25 januarii 1902. 

Fr. Andréas Frühwirth 
Magister Generalis Ordinis Praedicatorum. 


IMPRIMATUR 

Parisiis, die 15 februarii 1902. 

Franciscus, card. Richard 
Arch. Parisiensis. 



AVANT-PROPOS 


La traduction commentée du Livre des Juges que nous 
publions aujourd’hui ne sera, s’il plaît à Dieu, que le pre- 
mier volume d’une série qui comprendra toute la Bible. 

Nous avons exposé déjà le but que nous poursuivons et la 
méthode que nous nous proposons de suivre { . Qu’il nous 
suffise de déclarer ici qu’en expliquant directement le texte 
original, nous n’entendons nullement déroger au décret du 
saint concile de Trente qui déclare la Vulgate authentique 
et interdit de la rejeter, sous quelque prétexte que ce soit 1 2 . 

Nous pensons bien plutôt que, si le recours aux textes pri- 
mitifs est un puissant secours pour l’intelligence de la Vul- 
gate elle-même, il en est ainsi, à plus forte raison, d’une 
exposition suivie. 

Nous ne manquons pas de rappeler à l’occasion le texte 
latin ecclésiastique et de chercher la genèse de ses expres- 


1. Projet d'un commentaire complet de l'Écriture Sainte , Revue biblique 
1900, p. 44. 

2. Sessio IV. Insuper eadem sacrosancta Synodus considerans non parum 

utililatis accedere posse Ecclesiæ Dei, si ex omnibus latinis editionibus 
quæ circumferuntur, sacrorum librorum, quænam pro authentica habenda 
sit, innotescat; statuit et déclarât, ut hæc ipsa vêtus et vulgata editio, 
quæ longo tôt sæculorum usu in ipsa Ecclesia probata est, in publicis 
lectionibus, disputationibus, prædicationibus et expositionibus pro authen- 
tica babeatur ; et ut nemo illam rejicere, quovis prætextu audeat, vel præ- 
suxnat. "T? 



VIH 


AVANT-PROPOS 


sions dans le grec ou dans l’hébreu. Pour rendre la compa- 
raison plus facile, nous aurions souhaité d’imprimer le texte 
même de la Y ulgate Clémentine ; nous avons dû y renoncer 
à cause des difficultés typographiques ; nous supposons, 
avec tant de commentateurs anciens et modernes, que cha- 
cun possède et a toujours sous les yeux le texte officiel de 
l’Église. Il en est de même du texte hébreu que nous tra- 
duisons sans le reproduire parce qu’il est dans toutes les 
mains. 

Depuis la publication de notre programme, le R. P. Nivard 
Schloegl a entrepris, avec la haute approbation de Sa Sain- 
teté le Pape Léon XIII, une édition du texte hébreu lui- 
même, déterminé par les principes de la critique textuelle. 

Nous n’avons pas pensé que notre œuvre fît double emploi 
avec la sienne qui est d’ailleurs une preuve nouvelle de la 
nécessité qui s'impose aux catholiques d’employer la cri- 
tique dans l’étude de la Bible. 

Pour l’explication du Livre des Juges, je dois beaucoup 
aux commentaires de Moore et de Budde. Je me suis appli- 
qué à reconnaître cette dette ; mais il doit m’être permis 
d’ajouter avec la même liberté que si j’avais cru ne faire 
qu’une adaptation en français de résultats déjà acquis, je 
n’aurais pas pris la plume. 

On voudra bien être indulgent, au point de vue des 
recherches bibliographiques, pour un ouvrage composé à 
Jérusalem, où on ne trouve guère d’autres livres que ceux 
qu’on y apporte. 

Jérusalem, 6 juin 1902. 


Fr. M. J. LAGRANGE. 



TABLE 

DES SIGLES ET ABRÉVIATIONS 


E. — Élohiste. 

J. — Jahviste ou Iahviste. 

P. — Code Sacerdotal ( Priester Codex), 

R. — Rédacteur. 

R D . — Rédacteur deutéronomiste. 

R p . — Rédacteur postérieur au Code Sacerdotal. 

* ’ — Modification du texte massorétique. 

[ ] — Ajouté pour la clarté de la traduction. 

( ) — Passage rédactionnel ou glose probable. 

[ ] — Indication d’un retranchement au texte massorétique. 


TM — Texte, massorétique. 

G ou’LXX. — Version dite des Septante. 

G(A) G(B) etc. — Voir l’introduction. 

Lag. — Librorum Veteris Testamenti Canonicorum Pars prior. 
Aq. — Aquila. 

Theod. — Théodotion. 

Sym . — Symmaque. 

Anc.-lat . — Ancienne version latine. 

Vg, — Vulgate Clémentine. 

Targ . — Targum. 


X 


TABLE DES SIGLES ET ABRÉVIATIONS 


Syr. — Version syriaque Pechittâ. 

Syr.-hex. — Version syriaque hexaplaire. 

Eth. — Version éthiopienne. 

Sâh. — Version sahidique. 

Ver ss. — Versions. 

* 

♦ ♦ 

AHW. — Assyrisches Handworterbuch, de Delitzsch. 

Budde, Caj. (Cajétan), Calm. (Calmet), Hum. (Hummelauer), 
Moore, Nowack, Rosen. (Rosenmüller) : Leurs commentaires. 
BDM. — La Bible et les découvertes modernes de F. Vigou- 
roux, 5® édition. 

CIS. — Corpus Inscriptionum Semiticarum. 

Del. — Fr. Delitzsch. - Prol. - Prolegomena eines neuen hebr.- 
aram. Wôrterbuchs zum A T. . 

Field. — Origenis Hexaplorum. 

Ges 13 . — Hebraisches und aramaisches Handworterbuch, 
13 e édition. 

Ges. -K. — Hebraische Grammatik, 26 e édition. 

KB. — Keilinschriftliche Bibliothek. 

Kœn. — Kœnig, Syntax der hebraischen Sprache. 

Klost. — Klostcrmann, Geschichte des Volkes Israël. 

Lid. — Lidzbarski, Handbuch der nordsemitischen Epigraphik. 
Maspero, Histoire. — Histoire ancienne des peuples de TOrient 
classique. 

Müller, Asien. — W. Max Müller, Asien und Europa nach 
altàgyptischen Denkm&lern. 

On. — Onomasticon, éd. Lagarde. 

RB. — Revue Biblique. 

REJ. — Revue des Études Juives. 

Sg St. — Siegfried Stade : Hebraisches Worterbuch. 
Wellhausen. — Prolegomena zur Geschichte lsraels, 3 e éd. 
ZATW. — Zeitschrift für die alttestamentliche Wissenschaft. 
ZDPV. — Zeitschrift des deutschen Palâstina-Vereins. 

Mit. DPV. — Mitteilungen de la même Revue. 



TABLE DES BIGLES ET ABRÉVIATIONS 


XI 


La transcription des mots hébreux n’a pas été poursuivie en 
toute rigueur; les noms les plus connus ont gardé leur forme 
traditionnelle. 

Dans les mots hébreux h = n ; t = ta ; Tesprit rude = X ; 
s = X ; ch = vi ; dans les mots arabes h = ^ ; h = . 

Lorsque la traduction française suppose un autre texte hébreu 
que le te xtejmassoré tique, ce texte hébreu est restitué dans la 
première partie des notes qui suivent la traduction ; le texte 
massorétique vient ensuite avec une traduction en français ; les 
raisons de l’option sont données dans le commentaire. 

Par respect pour le texte reçu et dans l'impossibilité de se 
prononcer avec certitude, on a laissé dans le texte des passages 
considérés comme des gloses postérieures à la rédaction. 




ERRATA 


P. xlii, 1. 2, en bas, lire Élon avec au lieu de Énoalvec. 

P. 18, 1. 12, en bas, lire SSnj au lieu de SSru. 

P. 21, 1. 1, en haut, lire l’Amorrhéenau lieu de l'Armorrhéen. 
P. 65, note, rétablir la lettre s dans Ilasor. 

P. 70, 1. 14, en bas, lire yjY au lieu de 

P. 82, 1. 16, en haut, lire iSfa au lieu de 

P. 96, 1. 10, en bas, lire au lieu de 'pniNJ. 

P. 99, 1. 13, en haut, lire dS»! au lieu de DnS. 

P. 151, 1. 10, en haut, lire éphod au lieu de épnod. 

P. 174, 1. 7, en haut, effacer le chewa sous N. 

P. 185, 1. 16, en haut, lire Baethgen au lieu de Boetugen. 

P. 209, dans le titre, lire 12 au lieu de 11. 

P. 211 ss., le titre devrait être 10 6 — 12 16 au lieu de 12. 

P. 274, 1. 19, en bas, lire Kim au lieu de Kim. 

P. 280, 1. 5, en haut, lire 117 et non 717 deux fois. 



INTRODUCTION 


1. UNITÉ CANONIQUE DU LIVRE, SA DIVISION. 

Aussi loin que nous remontons dans l’histoire du Canon, le 
livre des Juges nous apparaît comme une unité constituée. C'est 
bien lui que visait l'Ecclésiastique (xlvi 11 s.) en citant les Juges, 
entre Josué avec Calebet Samuel. Cette unité résulte du caractère 
distinct, quoique presque négatif, de la période qu’il couvre. Entre 
Josué, le conquérant de la Terre promise, et Samuel le fondateur 
de la royauté, l'histoire ne se compose que d’épisodes détachés 
dont les héros sont nommés juges. Tout le monde est d'accord 
sur les divisions principales du livre ; il faut les rappeler en vue 
des discussions sur la composition elle-même. Le livre des 
Juges comprend : une double introduction, il — il 5; n 6, 
— m 6 ; le corps de l'ouvrage, m 7 — xvi 31 ; deux appendices, 
xvn et xviu ; xix-xxi. Les deux premières introductions sont paral- 
lèles, débutant toutes deux par une allusion à la mort de Josué; 
les deux appendices, quoique très distincts, sont réunis par la 
formule : « il n’y avait point alors de roi dans Israël ». Le corps 
de l’ouvrage raconte l’histoire de six grands juges, Othoniel 
(m 7-11), Ehoud (m 12-30), Débora-Baraq (iv et v), Gédéon (vi- 
vm), Jephté (x 17 — xii7), Samson (xm-xvi). Ces grands juges 
sont des sauveurs institués par Dieu dans des circonstances spé- 
ciales, même Othoniel, quoique son histoire soit très courte. Les 



XVI 


INTRODUCTION 


petits juges sont aussi au nombre de six ; ils obtiennent des men- 
tions plus succinctes et plus uniformes. — Thola et Iaïr (x 1-5), 
Ibsan, Elon et Abdon (xn 8-15), encadrent Jephté. Samgar est à 
part(m 31). Abimélek dont l’histoire est racontée après celle de 
Gédéon ne saurait être considéré comme un juge, quoiqu’il serve 
de point de repère à la suite des faits (x 1). 

II. CRITIQUE TEXTUELLE* 

On peut dire que le texte du livre des Juges nous est parvenu 
sous deux formes, le texte massorétique et le texte grec ancien. 
Aucun critique n’en est plus aujourd’hui à soutenir l’intégrité 
absolue du texte hébreu. Il serait facile de prouver par de nom- 
breux exemples qu’il est inférieur au texte que le premier tra- 
ducteur grec avait sous les yeux , mais ceci est l’afTaire du com- 
mentaire. Ce qui offre un intérêt spécial, c’est que la version 
grecque nous est parvenue, pour ce livre, sous deux formes très 
distinctes. Le fait a été reconnu par Ernest Grabe en 1705, mais 
sans qu’on y attachât beaucoup d’importance. Lagarde 1 a repris 
la démonstration et l’a poursuivie de la manière la plus convain- 
cante en imprimant les deux textes grecs des cinq premiers cha- 
pitres sur le recto et le verso du même volume. On voit d’un 
coté le manuscrit Alexandrinus (A) avec ses compagnons habi- 
tuels, quelques manuscrits grecs et les versions syriaque-hexa- 
plaire, arménienne, ancienne latine : de l’autre le manuscrit 
Valicanus (B) escorté d’autres manuscrits grecs et de la version 
sahidique dont malheureusement il ne reste que peu de fragments 
(i 10 — i 20 ; i 27 — il 17) publiés par le cardinal Ciasca 2 . 

Lagarde a conclu de cette comparaison que le texte de A coïn- 
cide en gros avec le texte d’Origène et celui de l’Occident latin, 
que le texte de B ne représente pas une recension, mais une tra- 
duction différente. Moore, dans son commentaire, a traité la ques- 

1. Sepluaginta-Studicn, Gftttingen 1892. 

2. Sacrorum Dibliorum Fragmenta coplo-sahidica, vol. I. Romæ, 1885. 



INTRODUCTION 


XVII 


tion avec beaucoup de soin et met dans la première catégorie, 
parmi les onciaux, les manuscrits Sarravianus, Coislinianus, 
Basiliano-Vaticanus et la version éthiopienne. 11 ne peut plus 
être douteux que ce texte ne représente l’ancienne et primitive 
traduction grecque, quoique plus ou moins altérée pour être rap- 
prochée de l’hébreu. Il est très facile de le posséder depuis que 
les syndics des presses de T Université de Cambridge ont fait 
imprimer séparément le manuscrit Alexandrinus' ; on le trouve 
aussi dans l’édition de Lagarde 2 . D'après la majorité des critiques 
ce texte de Lagarde représente la recension de Lucien, nous le 
citons sous le sigle Lag., pour ne pas préjuger cette difficile 
question. 

Dans cette version primitive, Moore a essayé de distinguer 
trois recensions : celle de Lagarde dont nous venons de parler, 
qui va avec la polyglotte d'Alcala, une seconde (M) 3 représentée 
par les cursifs 54, 59, 75, 82 de Holmes et Parsons qui représen- 
terait le texte de Théodoret, une troisième (O), l'édition Aldine 
d’après les cursifs 120 et 121. Il est certain en effet que Moore a 
relevé des variantes très intéressantes, qui ne se trouvent ni 
dans A ni dans Lagarde, et nous ne nions pas l’existence du 
groupe M ; cependant nous ne voyons pas que Théodoret l’ait 
suivi de préférence à A ou à Lag . ; Théodoret ne contient ce 
semble qu’une seule leçon caractéristique en dehors de A et de 
Lag. ; il s’accorde avec le groupe M sur Jonathan, fils de Manassé, 
fils de Gersom, fils de Moïse, leçon composite sur laquelle on ne 
peut faire grand fond. La question a son importance, car Théo- 
doret a dû suivre la recension de Lucien; s’il était avec M plutôt 
qu’avec Lag., Lag. ne représenterait donc pas la recension de 
Lucien. 

1. The hook of Judges in greek according to the text of codex Alexandri- 
nus , Cambridge, 1897. 

2. Librorum veteris testamenti pars prior , Gottingae, 1883. 

3. Ce texte est dénommé Lp. dans l'édition hébraïque de la bible poly- 
chrome, à cause d’un manuscrit inédit de Leipzig qui fait partie du même 
groupe. 

P. Lagrangk. — Le» Juge». 


b 


XVIII 


INTRODUCTION 


La seconde version est représentée par B, le codex Musei bri - 
tannici Add. 2002 [g dans Lag, G. dans Moore) et de nombreux 
cursifs (N dans Moore), avec la version sahidique. Il faut cepen- 
dant noter que l’accord de cette version n’est pas aussi étroit que 
celui de B et de G, comme on peut s’en convaincre par la colla- 
tion de Lagarde; elle rejoint assez souvent l’autre colonne, en 
particulier pour les noms propres, sans souci de s’ajuster à 
l’hébreu : iü)a6 (i 16), a psz, (i 31), peu) 6 (i 31) BatôxijxsO (i 33), lapa?;), 
(i 33). Les premiers Pères égyptiens, Clément, Origène, Didyme, 
ayant suivi l’ancienne version, saint Cyrille se range au groupe 
de B. ; Moore est tenté d’en conclure que cette seconde traduction 
des Juges a été faite au iv e siècle, sans cependant rien affirmer. 
Il en résulterait que la version sahidique ne date que du V e siècle, 
ce qui ne serait peut-être pas une date trop tardive pour le livre 
des Juges. 

Nous ne saurions d’ailleurs considérer les deux types comme 
deux traductions totales. Entre A et B il y a constamment cette 
différence que B est une tentative de se rapprocher du texte 
massorétique sans cependant sacrifier toujours certaines leçons 
anciennes et meilleures. C’est donc un remaniement considérable, 
mais sur fond ancien. Si la version représentée par B avait été 
faite à nouveau sur le texte hébreu à une époque postérieure à 
Origène, elle serait encore plus différente de A, car il est impos- 
sible de supposer qu’il existât alors un autre texte hébreu que le 
texte massorétique, et on se serait gardé de corriger aussi com- 
plètement d’après les LXX un texte plus fidèle à l’hébreu. Le 
mouvement portait plutôt, dans le monde grec, à se rapprocher 
du texte massorétique. D’un autre côté, il ne peut être question 
ici d’une simple recension à la manière de celle de Lucien; on 
dirait des anciens LXX envahis par Aquila dans des proportions 
étranges. Grabe avait pensé à la recension d’IIésychius... il faut 
en tous cas maintenir l’origine égyptienne. 

On a cette recension dans l’édition romaine et dans celles de 
Tischendorf et de Swete. 



INTRODUCTION 


XIX 


Dans cette situation, le terme de LXX convient beaucoup 
mieux au type A, M, 0, Lag ., si Ton entend par là la version 
grecque primitive. C’est là surtout qu’on trouvera les restes d’une 
recension hébraïque différente de celle du texte massorétique, 
plus ancienne et meilleure dans l’ensemble, si l’on ne tient pas 
compte de ce qui est le fait du traducteur. Cependant B pourra 
aussi avoir conservé de bonnes leçons qui ne se retrouveraient 
pas ailleurs dans le monde grec et qui témoignent, elles aussi, de 
l’ancien état de l’hébreu. Pour le choix des variantes on devra 
toujours envisager la situation sous toutes ces faces. 

Les autres versions faites directement d’après l’hébreu n’offrent 
rien de spécial dans le livre des Juges. La Vulgate témoigne du 
soin que prenait saint Jérôme d’être toujours intelligible; c’est 
sans doute dans ce but qu’il a rendu plus rondement qu’ailleurs 
certains passages embrouillés par suite du mauvais état du texte 
ou qu’il a atténué des traces de suture entre divers documents, 
par exemple xx 9.10; xxi 9. Cette largeur dans l’œuvre de saint 
Jérôme empêche d’utiliser la Vulgate pour la critique textuelle ; 
d’ailleurs on sait qu’il avait sous les yeux notre texte hébreu 
actuel à très peu de chose près. Plus rarement que dans la Genèse 
on voit pénétrer les idées midrachiques de ses maîtres d'hébreu, 
par exemple Dinn (viii 13) traduit « soleil » avec le Targum, 
tandis que dans l'Onomasticon il sait que c’est un nom propre ; 
aussi hoc est in Silo , (xx, 18) glose du traducteur. Une lacune du 
TM (xvi 14) est voilée : quod cum fecissct Dalila... Les contre- 
sens proprement dits sont rares ; l’auteur a tiré un merveilleux 
parti de son texte dans l’ensemble, et, là où il est visiblement cor- 
rompu, il l’a encore arrangé convenablement (vu 3 : cf. xn 4 ; 
xx 42 s. etc.). On peut voir dans le P. de Hummelauer (p. 20 ss.) 
des échantillons beaucoup plus nombreux des libertés prises par 
saint Jérôme dans sa traduction. 


XX 


INTRODUCTION 


III. — CRITIQUE LITTÉRAIRE. 

Dom Calmet a écrit : « L’Auteur de ce livre ne nous est pas 
bien connu. Les uns l'attribuent aux Juges eux-mêmes, on veut 
qu’ils aient écrit chacun l’histoire de ce qui est arrivé sous leur 
gouvernement, d’autres en font auteurs Phinéès ou Samuel, ou 
Ezéchias, ou Esdras ; mais il nous paraît incontestable que c’est 
l’ouvrage d’un seul Auteur qui vivait après le temps des Juges 
Une preuve sensible de ce sentiment, c’est qu’au chapitre second 
dans le verset dixième, et dans les suivants, l’historien fait un 
précis de tout le livre et en donne une idée générale 1 ... » Calmet 
reconnaît ici que la tradition est complètement muette sur le 
nom de l’auteur et qu’elle flotte de Phinéès à Esdras. Il croit à 
l’unité pour une raison insuffisante, car outre que l’idée générale 
ne commencerait qu’au chapitre n 10, et ainsi ne comprendrait 
pas ce qui précède, la question est de savoir si cette idée géné- 
rale est le cadre dans lequel ont été mises d’anciennes histoires 
ou le principe moteur qui a décidé un auteur à les écrire. 

M. Vigouroux 2 reconnaît que l’Introduction (i-hi 7) « renferme 
deux parties qui sont parallèles entre elles ». De plus, le double 
appendice xvii-xxi ne fait pas partie du tout homogène qui cons- 
titue le reste du livre. Néanmoins, et, sauf sans doute ce double 
appendice, il conclut à l’unité contre « les rationalistes ». 
<( L’unité du livre des Juges, qui se manifeste si bien dans le 
plan adopté par l’auteur, est la preuve qu’il est l’œuvre d’un 
seul écrivain. » L’ouvrage a été écrit avant la prise de Jérusa- 
lem par David, et la tradition talmudique qui attribue à Samuel 
le livre des Juges s’accorde bien avec les faits et ne manque pas 
de vraisemblance. 

M& r Kaulen 3 distingue nettement le thème moral et les his- 
toires. Celles-ci constituent un matériel antérieur à la rédaction. 

1. Préface, p. vi, éd. de 1720. 

2. Manuel biblique, 10° éd. 1899, t. II, p. 54- ss. 

3. Einleitung, 2 e éd., p. 180 ss. 



INTRODUCTION 


XXI 


Elles ne sont même pas du même auteur et se distinguent par 
des particularités linguistiques 1 . Il semble donc qu’ici le très 
conservateur Kaulen doive être rangé parmi les « rationalistes » 
dont parle M. Vigouroux. D’ailleurs Kaulen croit que le livre 
a été rédigé dans les premiers temps du règne de Saül et il 
accueille volontiers la tradition talmudique qui nomme Samuel. 

Le P. de Hummelauer est encore de ces « rationalistes »qui 
nient l’unité du livre des Juges. D’après lui 2 l’auteur a emprunté 
les vies des grands juges à autant de documents contem- 
porains ou presque contemporains qu'il a transcrits dans son 
-œuvre sans en changer la substance. C’est une opinion constante 
-et commune, apud omnes constat , que l’auteur des Juges s’est 
servi de documents plus anciens. Cet auteur est probablement 
Samuel, le livre est certainement de son temps. Le grand argu- 
ment relatif au temps est pour Hummelauer comme pour Vigou- 
roux la situation marquée par i 21 : habitavitquc Jebusaeus cum 
/ iliis Benjamin in Jérusalem, usque in praesentem diem. Mais il 
est clair que Vigouroux est ici seul logique, car si ce verset est 
emprunté par le Rédacteur à un document plus ancien, il a pu 
être transcrit tel quel et ne prouve donc rien pour le temps du 
Rédacteur. Or il est certain que ce verset fait partie d’un docu- 
ment antérieur, il se retrouve Jos. xv 63. Et il en peut être de 
même du nom ancien de Sidoniens donné aux Phéniciens par 
une des sources du livre (m 3) reproduite par le Rédacteur (ix 6 
et 12. 

Ubaldi 3 expose d’abord l’état incertain de la question : Alii 
enim Esdram , alii Ezechiam , alii Samuelem eius auctorem fuisse 
opinantur , alii demum non uni sed plurihus auctoribus eum tri - 
buunt , existimantes singulos iudices aliqua scripsisse , quæpostea 

1. « Die einzelnen Erzâblungen, welcbe das Material geliefert haben- 
ruhren selbstverstündlich von verschiedenen Aufzeichnern ber, und bewei, 
se n diess durch sprachliche Verschiedenheiten. » p. 182. 

2. Comm., p. 27. 

3. Introductio i, p. 396. 



XXII 


INTRODUCTION 


in unum volumen confîata fuerint. L’opinion la plus vraisem- 
blable est celle qui attribue le livre à Samuel ; mais il est invrai- 
semblable qu’on puisse le conclure d un pareil raisonnement : Ex 
tribus autem superioribus senlentiis verosimilior videtur tertia, 
quæ librum Samueli adscribit : hic enim et postremus fuit inter 
Iudices, et propheiico spiritu afflatus , et inter Agiographos com- 
putatus . Si ces raisons sont faibles, elles sont confirmées par 
l’autorité des Juifs Rabbi Kimchi, Abarbanel et plerique Rabbi- 
norum , et « des Pères de l’Eglise 1 ». 

De cet examen rapide des opinions exprimées par les princi- 
paux auteurs catholiques en France, en Allemagne, en Italie, il 
résulte clairement que le nom de l’auteur des Juges n’est pas fixé 
par la tradition. De plus l’unité absolue n’est plus admise par 
personne. Il y a même une tendance prononcée à distinguer le 
Rédacteur des auteurs des vies des juges qu’on croit nombreux. On 
a été amené à ce dernier résultat soit par des raisons critiques, soit 
par l’avantage qu’il y a, quant à la crédibilité historique, à posséder 
des sources très voisines des événements. Il résulte encore que 
si l’on tient pour l’unité absolue, on peut arguer de certains détails 
de critique interne pour fixer la date de la composition du livre, 
mais que cet argument n’a plus la même valeur si les documents 
et le Rédacteur sont distincts. Quant à nommer cet auteur-rédac- 
teur Samuel à cause de la tradition, le fondement n’est pas 
solide, car le fondement de la tradition n’est pas tant juif que 
pharisaïque et il suffît de lire le fameux passage du Bâba Bathrâ 
pour constater qu’il ne s’agit pas ici d’une tradition, mais d’une 
combinaison incohérente comme le Talmud en contient tant, élu- 
cubration de cerveaux obsédés qu’on a trop longtemps prise pour 
un renseignement sérieux 2 . 

Parmi les protestants on a passé de même de l’hypothèse de 
l’unité littéraire absolue à l’étude des sources. On peut voir dans 

1. Peut-on en citer un seul avant S. Isidore (f 636) qui appartient à peine 
au temps des Pères? 

2. Encore Neteler! 



INTRODUCTION 


XXUI 


de Hummelauer les opinions d’Ewald, de Bertheau, de Reuss. 
Nous mentionnerons seulement les études plus récentes. 

Dans toutes les écoles l’unité absolue est abandonnée. Kœnig 1 
est très réservé selon sa méthode ordinaire. La question présente 
est de savoir si les sources des Juges correspondent à celles du 
Pentateuque. C’est ce qui ne paraît pas clairement. On conclu- 
rait avec assez de vraisemblance à l’existence d’une rédaction 
deutéronomiste, mais les mots allégués ne sont pas suffisamment 
caractéristiques, ils se retrouvent dans d’autres parties récentes 
de l’Ecriture. Mêmes réserves pourun document iahviste-élohiste. 
La première introduction (i-ii 5) est une vue d’ensemble compo- 
sée d’après d’anciennes sources. D’ailleurs le livre renferme des 
parties extrêmement anciennes, comme le chant de Débora, con- 
temporain des faits, et d’autres morceaux; il n’a pas été terminé 
avant le huitième Siècle avant J.-C. 

Kittel 2 distingue plusieurs parties. La première introduction 
(i-ii S) est rédigée par le dernier rédacteur d’après le Iahviste. 
Le corps du livre est une histoire des Héros, comprenant les 
grands juges, rédigée dans l’esprit du Deutéronome par un pre- 
mier rédacteur qui les a unis aux petits juges, conservés sur un 
tableau particulier. Les appendices sont nécessairement à part, 
retouchés par un auteur sacerdotal qui a mis en œuvre le ch. xx. 
Le tout a eu un dernier rédacteur. Dans l’histoire des Héros 
quelques parties représentent des traditions spéciales. 

Lorsqu'on crut avoir reconnu que quelques-uns des documents 
historiques du Pentateuque, la source iahviste et la source 
élohiste, se continuaient dans le livre de Josué, il était naturel 
de se demander si elles ne formaient pas encore le fond du livre 
des Juges. Budde est le premier qui ait essayé cette analyse, il 
est aussi celui qui va le plus loin dans la voie de la dissection. 
Tous les grands juges (sauf Othoniel et Samson, lui paraissent 

t. Einleitung , 1893, p. 250 s. 

2. Dans la traduction allemande publiée par Kaulzsch, 1896, p. xm de la 
seconde partie. 



XXIV 


INTRODUCTION 


écrits en partie double par J et E, rédigés en une seule histoire 
(JE) par un rédacteur (R JB ). • 

De plus, Samson appartient à J quoique fortement retouché 
dans le ch. xiii; J est encore au fond de la première introduction 
i-u 5, tandis que E est au fond de la seconde. Les mêmes J et E 
étroitement entrelacés forment aussi la trame des deux appen- 
dices. D’ailleurs Budde se défend de faire de J et d’E deux per- 
sonnes; ce sont plutôt deux écoles. A l'école de E, dans un pas- 
sage secondaire (surtout x 6-18), appartenait déjà l'intention de 
tirer de cette histoire une morale religieuse. C’est sur quoi a 
insisté un rédacteur très fortement influencé par le Deuté- 
ronome (R d ). C'est à lui qu’appartient, avec un fond élohiste, la 
dernière introduction (u 6-m 6) avec le cadre des grands juges et 
Othoniel. Il aurait cependant retranché de son livre la première 
introduction ( 1-11 5) , l’histoire d’Abimélek, remplacée par une 
réflexion générale (vin 33-35), la mort de Samson (xvi) et le noyau 
des deux appendices actuels (xvn-xxi). Nous avons déjà’les deux 
stades correspondants à la formation du Pentateuque, le stade 
JE et le stade Deutéronome. Celui du Code sacerdotal n’est pas 
absent. C'est le rédacteur inspiré de son esprit (R p ) qui a ajouté 
les petits juges, replacé tout ce que R n avait enlevé et refondu 
les deux appendices; sa main se retrouverait encore çà et là, 
car il est comme le rédacteur définitif. On n’a plus ajouté que 
l’histoire de Samgar (m 31), un midrach au ch. xx et xxi et 
quelques gloses. 

Ce système élaboré avec soin a été exposé par Budde dans un 
livre de pure critique, Die Bûcher Richler und Samuel (1890), et 
appliqué avec la dernière rigueur dans le commentaire des Juges 
(1897). Entre les deux a paru (1895) le commentaire de Moore, 
et, depuis, sa traduction anglaise (1898) et l'édition du texte 
hébreu (1900) dans la Bible polychrome. Moore adopte en subs- 
tance les conclusions de Budde, avec plus de résolution dans son 
dernier ouvrage; cependant il pousse moins loin la dissection, 
par exemple dans l’histoire d'Éhoud, dans celle de Débora, dans 



INTRODUCTION 


XXV 


celle de Jephté, dans le dernier appendice. Ce sont aussi les con- 
clusions de Cornill K Nous devons maintenant dire ce qui nous 
paraît certain ou probable. 

Le livre des Juges dont nous essayons ici d’étudier la compo- 
sition est le livre canonique de ce nom tel qu’il a été rédigé par 
un auteur-rédacteur, responsable et inspiré. Nous avons dès le- 
début mis à part l’examen de la critique textuelle qui détache ou 
du moins note spécialement ce qu’on peut considérer comme de 
véritables gloses ajoutées à l’ouvrage terminé et qui par consé- 
quent ne peuvent servir à juger de sa composition. Dès lors que 
nous reconnaissons un auteur-rédacteur inspiré , rien n’empêche 
de rechercher ses sources et d’admettre avec le P. de Humme- 
lauer qu’il les a reproduites sans y faire de changements substan- 
tiels. 

Le fait qui a frappé tous les anciens est l’existence d’un cadre 
qui commence 11 6 et finit xvi 31. C'est « l'idée générale » de Cal- 
met. On annonce d’abord le but de tout le livre (n 6-m 6) : les 
Israélites sont demeurés mêlés aux anciennes populations pour 
être éprouvés; ils succombent à l’épreuve et adorent leurs divi- 
nités. Pour les punir Dieu les livre à leurs ennemis, ils crient 
vers Dieu qui leur envoie un sauveur ou juge, puis ils retombent 
après la mort du juge dans leurs premiers égarements. C’est le 
fameux/)ragrma/«meàquatretermes : péché, châtiment, pénitence, 
délivrance. Or ce thème si clairement défini est appliqué à chacun 
des grands juges. Les termes sont légèrement différents, l’idée est 
exactement la même, 111 7 s. 12-14; iv 1-3; vi 1 ; x 6-8; xm 1. 
Cela constitue évidemment une unité. C est donc un même auteur 
qui amis en œuvre les histoires d’Othoniel, d’Ehoud, de Débora, 
de Gédéon, de Jephté, de Samson. Ce qui complète le caractère 
du cadre, c’est que chacun de ces juges est considéré comme ayant 
exercé son action en faveur de tout Israël (ni 10. 15; iv 4; 
viii 34; xii 7 ; xv 28; cf. xvi 31) et que chaque fois on mentionne 


1. Einleilung, 2 e éd., p. 91. 



XXVI 


INTRODUCTION 


et le temps que dura l’oppression et le temps de la judicature 
(m 8.11 ; ni 14.30; îv 3; v 31 ; vi 1; viii 28; x 8; xii 7; xm 1 ; 
xv 20). Cette unité dûment constatée, elle est si bien caractéri- 
sée qu’elle se distingue comme toute unité de ce qui précède et 
de ce qui suit. L’auteur qui débute par le souvenir de la mort de 
Josué et qui se propose un but si marqué, l’histoire des sauveurs 
d’Israël avec ces modalités précises, n’a écrit ni la première intro- 
duction où Ton fait un tableau général de ce qui s’est passé soit 
au temps de Josué, soit après lui (i-ii 3), ni les appendices (xvu- 
xxi) où il n’est nullement question de juges. Ces deux morceaux 
sont donc provisoirement exclus de notre étude et réservés. 

Mais de ce que le corps du livre (n 6-xvi 31) forme une unité et 
porte partout la trace d une même pensée, il ne s’ensuit pas que 
l’unité soit rigoureuse. On peut penser avec Kaulen et de Hum- 
melauer qu'il s’agit ici d’un rédacteur qui a utilisé des matériaux 
préexistants. En d'autres termes l’unité serait constituée par un 
cadre. Naturellement la preuve n’en peut être faite qu’en montrant 
entre le cadre et les histoires un certain manque d'harmonie pri- 
mordiale, mais cela n’a rien de choquant. Le rédacteur a très 
bien pu introduire un nouveau point de vue qui n’était pas celui 
des auteurs primitifs, insister sur la leçon d’ensemble qui résultait 
pour tout Israël des faits particuliers qu'il avait sous les yeux. 
Le cadre envisage les juges comme les sauveurs de tout Israël, 
tandis que chaque juge n’a en réalité sauvé qu'une partie d'Israël, 
comme le prouve clairement chaque histoire. Il est aussi évident 
que l’usurpation d’Abimélek ne rentre pas dans le cadre du vrai 
juge et que son histoire n’est là que pour faire suite à celle de 
Gédéon : l’histoire de Gédéon suivie de celle d'Abimélek est donc 
antérieure au cadre. On peut aussi procéder ici par une sorte de 
contre-épreuve. Les cadres de chaque histoire forment un schéma 
très régulier comme nous l’avons vu ; de plus ce schéma n’est 
que l’application d’une grande idée générale (n 6-m 6) : tout cela 
constitue un style. Or ce style se trouve exactement concrétisé 
dans le juge Othoniel. Le juge Othoniel n’est pour ainsi dire que 



INTRODUCTION 


XXVII 


le cadre avec des noms propres. Cette histoire est donc bien de 
l’auteur du cadre. Mais alors les autres ne sont pas de lui, car si 
nous avons ici un échantillon de sa manière d’écrire l’histoire, 
nous voyons clairement qu’il n’est pas l’auteur de celle de Samson. 
Nous sommes donc amené à cette conclusion que l’unité est cons- 
tituée artificiellement au moyen d’un cadre , en d’autres termes 
que le Rédacteur a employé et transcrit des documents préexis- 
tants pour l’histoire des grands juges, sauf Othoniel, et comme 
son cadre est très caractérisé, ces documents ont dû être repro- 
duits dans l’état qu’ils avaient antérieurement. Nous nommons 
provisoirement l’auteur du cadre et d’Othoniel Rédacteur deuté- 
ronomiste, R D ; les preuves de son affinité étroite avec le Deuté- 
ronome appartiennent au commentaire. 

Ce point établi avec Budde et Moore et en substance avec 
Kaulen et de Hummelauer, nous pouvons aborder les autres ques- 
tions posées. Les petits juges ne peuvent être considérés comme 
des histoires antérieures au cadre, puisqu’ils sont pour ainsi dire 
tout en cadre ; mais ce cadre est-il de la main de R D , ou serait-il 
postérieur comme le veulent Moore et Budde ? Budde argue qu’il 
n’est ici question ni de péché ni de châtiment, qu’il n’y a pas de 
mention du temps de l'oppression, en un mot que les formules ne 
sont pas celles de R D . Pour ce qui est des petits juges, si la tra- 
dition orale ou écrite ne disait rien des oppresseurs, R n ne pou- 
vait leur appliquer ses formules ordinaires, ni parler du temps de 
l'oppression. 11 eût fallu qu'il leur créât des histoires, ce qu’il n’a 
pas voulu faire, se contentant de ranger parmi les juges des 
hommes demeurés célèbres par le rôle qu’ils avaient joué dans 
Israël et dont les tombeaux étaient vénérés. La vraie question est 
de savoir s’ils font partie de la chronologie du Rédacteur deuté- 
ronomiste. Nous pensons que oui et par conséquent nous les 
attribuons à cet auteur. La question de chronologie doit d’ailleurs 
être traitée à part. Quant à Samgar, il figure aussi dans un cer- 
tain nombre de mss. des LXX après xvi 31. La rédaction même 
du petit morceau se présente comme une addition ; nous ne pou- 



XXVUI 


INTRODUCTION 


vons rien dire de précis, mais rien n'empêche qu’il appartienne 
lui aussi à R D (cf. sur m 31); en définitive il ne s’agit que d’un 
verset. Si les cinq petits juges sont de R D , il est encore plus pro- 
bable qu’il n’a pas dû retrancher Abimélek, comme le veut Budde. 
En effet, il faudrait avoir des arguments très forts pour affirmer 
que le morceau ne rentrait pas dans les idées de R D , mais qu'il a 
été repris par R p . Une critique aussi conjecturale risque bien 
d'être fantaisiste. Sans doute Abimélek n'est pas un sauveur, 
mais il pouvait faire partie d’un enseignement moral. On prétend 
que vin 33-35 ont pour but , dans la pensée de R n , de remplacer 
l’épisode d' Abimélek. Il serait plus simple de dire que ce passage 
a pour but d’expliquer à quel titre figurait ici cette étrange his- 
toire; c'était encore un péché mis à la charge des Israélites et qui 
avait apporté avec lui son châtiment. On dit qu’on ne voit dans 
cet épisode aucun indice de R n ; la date (îx 22) peut très bien être 
de lui. Avec la petite introduction (vin 33-35) cela suffit assuré- 
ment; il n’y a pas plus de R D à proportion dans la longue histoire 
de Gédéon. 

Faut-il attribuer à R n toute la seconde introduction (n 6-m 6)? 
Il semble que non, car le début est emprunté à la fin de l’histoire 
de Josué. De plus, tandis que la première partie esquisse toute la 
pragmatique de l’époque entière, au ch. h 20 nous revenons à 
l’époque de Josué, et il s’agit des raisons pour lesquelles Dieu n’a 
pas chassé complètement les anciens habitants et ne continuera 
pas de les chasser. Pour le détail il faut voir le commentaire de 
cette partie. Ce qui se soude h l'histoire de Josué aurait assez le 
cachet de l'histoire élohiste de Josué. Le même mélange se retrouve 
dans la petite instruction morale qui fait comme une introduction 
à la seconde partie du livre, x 6-16. 

La part de R D est donc en définitive une introduction (u 6-m 6), 
probablement d'après E, l’histoire d’Othoniel, les cadres de l’his- 
toire des grands juges, péché, pénitence, châtiment, délivrance 
avec date de l’oppression et de la judicature, y compris l’annonce 
d’Abimélek comme appendice de Gédéon, les petits juges et l’in- 
troduction de la deuxième partie, encore d'après E. 



INTRODUCTION 


XXIX 


Il ne reste plus pour cette partie centrale (ii6-xvi31) qu’à 
nous demander si les histoires des grands juges sont un même 
ouvrage, — c’est la solution de Kittel sauf les détails, — ou s’ils 
sont autant d’ouvrages distincts, — comme semblent penser Kau- 
len et de Hummelauer, — ou enfin s’ils forment deux histoires 
rigoureusement parallèles et enlacées par un rédacteur, l’histoire 
iahviste et l’histoire élohiste unies par un premier rédacteur R JE . 
Dans cette dernière hypothèse on obtiendrait encore moins d’au- 
teurs primitifs que si chaque juge avait écrit son histoire, opinion 
soutenue par de nombreux catholiques (cf. Hum., p. 27). II n’y a 
aucun inconvénient à admettre que deux auteurs aient raconté 
les mêmes histoires, depuis fondues par un autre auteur dans un 
seul récit. 

Voici ce qui nous paraît non point certain, mais le plus pro- 
bable. 

L’histoire d’Ehoud est parfaitement une (avec Cornillet Moore 
contre Budde), et très caractéristique. Celle qui lui ressemble le 
plus est celle de Samson, qui ne présente aucune trace de deux 
récits parallèles (même Budde). Il est vrai que dans l’histoire de 
Samson tel trait était peut-être déjà ou rédigé ou stéréotypé dans 
la mémoire populaire avant d’être écrit comme partie d’une his- 
toire religieuse, mais ce fait serait bien différent de celui de deux 
relations différentes sur le même sujet. Ces deux épisodes 
attribuent à Iahvé la même gloire que les autres, cependant on 
ne voit son intervention que dans des actions de force; le héros 
est l’instrument de la divinité, mais il n’est pas instruit par elle, 
transformé par elle en agent conscient d’un rôle religieux. Le 
récit est populaire avec une teinte d'humour satirique qui paraît 
dans la mort d’Églon et dans maint trait de la lutte de Samson 
contre les Philistins. Il est donc très vraisemblable que ces deux 
récits du moins sont sortis de la même plume. Nous pouvons 
provisoirement désigner l’auteur par J. 

Tout autre est le type de Débora la prophétesse. Pour cette 
histoire, quoique le texte ait plus souffert, nous avons reconnu 



XXX 


INTRODUCTION 


l’unité dans une étude spéciale L Tout se passe par le conseil de 
Dieu, c’est le type de l’histoire prophétique que nous désignons 
par E. 

Il reste Gédéon et Jephté. Dans l’histoire de Gédéon nous trou- 
vons ün double fil, à deux moments de l’histoire. Cest d’abord 
un double autel, une fois à la suite d’une vision, comme commé- 
moraison de la visite de l’ange de Iahvé (vi 11-24), une fois en 
lieu et place de l’autel de Baal (vi 23-32). Ensuite la victoire des 
Éphraïmites sur les chefs Oreb et Zeëb (vil 24 s.) semble paral- 
lèle à la poursuite de Gédéon contre Zebah et Salmana (vin 4-21). 
Le commentaire est nécessaire pour établir mieux ces points, 
nous ne pouvons que les indiquer ici. Il nous paraît donc assez 
certain que l’histoire de Gédéon a été racontée par deux auteurs. 
D’après l’un, c’est le héros qui reçoit comme le père de Samson 
la visite de l’ange; d’après l’autre, c’est le fidèle serviteur de 
Iahvé qui renverse l’autel de Baal. L’un des auteurs paraît être J, 
l’autre E, tels que nous venons de les caractériser; peut-être 
faut-il admettre encore une tradition qui ne serait représentée 
que par un seul morceau. 

Dans Jephté la dualité est moins accusée, le partage plus diffi- 
cile à fixer; il est certain en tout cas qu’il est fait une "longue 
allusion à l’histoire élohiste des Nombres au temps de Moïse 
(Jud. xi 12-28), ce qui serait de E, tandis que le héros (xi 1) 
appartient peut-être à J. Nous avons par conséquent, soit dans 
les histoires d’une seule venue, soit dans celles qui semblent à 
double fil, des raisons de supposer deux écrivains, mais pas plus, 
car il n’y a que deux types ou deux manières d’écrire d’une 
façon suivie. 

J est-il le Iahviste du Pentateuque, E est-il l’Élohiste? Nous 
ne pouvons ni ne voulons résoudre ainsi indirectement la ques- 
tion du Pentateuque. Le caractère qui nous paraît le plus saillant 
dans notre J des Juges, c’est celui des guerres de Iahvé. On peut 


1. RB , 1900, p. 200 ss. 



INTRODUCTION 


XXXI 


remarquer d’ailleurs quelques-unes des expressions considérées 
communément comme caractéristiques du Iahviste du Penta- 
teuque, y\ wra (vi 17) p Sy (vi 22) les Ismaélites au lieu des 
Madianites (vm 24) rPOT nN7 na (xv 11) L En revanche on 
peut noter l'absence dans le Pentateuque de "s wm 112P en par- 
lant d’une femme (Jud. xiv 3. 7). De sorte qu’il faut du moins se 
tenir dans une certaine réserve et prononcer tout au plus le nom 
d’école iahviste, sans prétendre à l’identité d’auteur avec les 
morceaux iahvistes du Pentateuque. 

Quant à la suite de morceaux que nous avons d’avance dénom- 
mée E, il nous semble beaucoup plus clair quelle se rattache en 
effet à l’histoire élohiste du Pentateuque, telle que nous la con- 
cevons. L’importance du prophétisme, l’enseignement divin 
donné la nuit, et sous forme de songes avec l’explication, les 
détails religieux avec notices archéologiques comme le Baal- 
Berith, la fête de la fille de Jephté, le rappel des anciens rap- 
ports avec le pays d’outre-Jourdain, la lutte contre les Baals 
issus de l’influence cananéenne, tels sont les principaux traits de 
cette histoire, indiquée dès l’introduction comme une lutte contre 
les Baals et les Astartés. Tout cela rappelle assez bien l’histoire 
élohiste du Pentateuque. Les expressions analogues à celles rele- 
vées par Holzinger pour l’Elohiste 1 2 sont relativement nom- 
breuses : nrm by (vi 7), Elohim trois fois dans l’histoire de la 
toison (vi 36-40), ipnn, DWn très caractéristique de E selon 
nous (vi 28, cf. vi 38, ix 33); narra très souvent, amran (vu 11), 
le songe et l’interprétation (vu 9-15) ^rrabfi Dlbn... n:m (cf. Gen. 
xxxvn 6), (vu 18), infinitif absolu pour continuer le sens 

(vu 19), vnnn (vu 21 ; cf. Ex. x 23), ...ibjn les citoyens de ... 
(ix 2), msn contre un homme (xi 27 Budde). 

Il semble d’ailleurs que cette histoire se présente avec un 
caractère suivi. Israël est d'abord jugé par une prophétesse, 

1. (xv 9) relevé par Budde se rattacherait plutôt aux parties dites 
iahvistes de Samuel (II Sam. V 18-22). 

2. Einleitung in den Hexateuch , p. 181. 



XXXII 


INTRODUCTION 


Gédéon inaugure presque la royauté, première tentative compro- 
mise par l’usurpation d’Abimélek, Jephté exige le pouvoir sou- 
verain. Commencée à la mort de Josué et marchant vers le 
début de Samuel, c'est déjà une histoire générale, non plus une 
suite d’épisodes, qui représente la lutte religieuse commencée 
par des chefs, mais sans un succès décisif. Encore :ci cependant 
nous ne concluons pas à l’unité d’auteur avec un des documents 
du Pentateuque, mais la parenté intellectuelle est incontestable. 

Il nous reste maintenant à parler de la première introduction 
(i-u 5) et des deux appendices (xvu-xxi). Que la première intro- 
duction présente le phénomène encore plus accusé d’une rédac- 
tion d’après des sources, cela est d’autant plus évident qu’elle 
renferme quelques passages qui se retrouvent dans le livre de 
Josué : Jud. i 10-15. 20 = Jos. xv 13-19 ; Jud. i 21 = Jos. xv 
63 ; Jud. i 29 = Jos. xvi 10 ; Jud. i 27 s. = Jos. xvu 11-13. On 
ne peut pas dire que c’est le livre de Josué qui a emprunté au 
livre des Juges parce que le texte de Josué est souvent plus pri- 
mitif, d’autre part Juges a quelquefois peut-être un aspect plus 
ancien ; il est donc vraisemblable que tous deux ont puisé à une 
source commune. Mais quelle est la source, quel est le rédacteur? 
La plupart des critiques assignent comme source J, et voient 
dans cet important morceau une histoire de la conquête qui 
serait la contre-partie de celle de E. Le rédacteur serait double : 
R jk d’abord, puis R‘‘. Nous sommes obligé de renvoyer pour le 
détail de cette difficile question au commentaire. Nous dirons 
seulement ici que nous ne pouvons voir là une histoire de la con- 
quête, mais plutôt, dans la pensée de l’auteur, un exposé de ce 
que les Israélites n’ont pas fait en montrant cependant ce qu’ils 
auraient pu faire. Il nous paraît peu probable que le Rédacteur 
deutéronomiste ait retranché cette introduction, s’il l’avait eue 
sous les veux, et nous pensons qu’elle a été composée telle 
qu elle est pour servir de première préface à l’ouvrage. Celui qui 
l’a écrite a pensé qu’il fallait remonter à la cause du mal, décrit 
dans la seconde introduction. D’où venoit le danger? Des 



INTRODUCTION 


XXXIII 


alliances ! Les Israélites avaient fait la faute d’en contracter avec 
les Cananéens demeurés au milieu d’eux, d’où les reproches 
mérités de l’ange (u 1-5). D’ailleurs, pour dresser ce tableau, 
l’auteur-rédacteur a eu recours à de très anciennes notices, dont 
une au moins antérieure à la prise de Jérusalem par David (i 
21), et qui semblent en général du même temps, puisque l’assu- 
jettissement des Cananéens est attribué à des forces isolées plu- 
tôt qu’au pouvoir royal (i 35 la maison de Joseph). 

Les appendices ont en commun qu’ils constituent un tableau 
de ce qui s’est passé avant l’institution de la royauté. La pre- 
mière histoire, celle de Mika et dés Danites ^xvii et xvm), ne 
présente selon nous aucune trace sérieuse du mélange de deux 
documents anciens ou de la transformation d’un document 
ancien par un rédacteur * quelques retouches, peut-être de 
simples gloses, n’entrent pas en ligne de compte. On peut dire 
la même chose de la première partie de l’histoire de Gibea (xix). 
La question des chapitres xx et xxl est au contraire des plus dif- 
ficiles. Budde et Moore y voient du midrach , et sans doute il a 
pénétré dans le texte massorétique en forme d’adaptation à la 
législation religieuse postérieure, mais ce qui est le plus carac- 
téristique dans ce sens (xx 27 b -28 a ) ne peut être qu’une glose 
(A/oore, Budde , Poels ). A part cet élément, la situation litté- 
raire des ch. xx et xxi nous paraît répondre assez bien à celle 
des ch. i-ii 5, la transformation d’un ancien document par une 
rédaction très active. Il y a là deux préparations de la guerre 
(xx 3-8 et xx 11-17), deux combats (xx 29-3i et xx 38-40), 
deux solutions de toute la campagne (xxi 1-14 et xxi 15-23). 
Cependant nous ne concluons pas à deux documents primitifs, 
car il nous semble qu’une des séries a plutôt l’aspect d’une série 
de compléments. Or ces compléments, par Béthel, les sacriflces 
qu’on y fait, les larmes qu’on y verse, le rôle très vague attribué 
à Juda (xx 18. 26), rappellent précisément les compléments de 
la première introduction par rapport à ses sources, i 1-2; 
n 1-5 (lxx pour Béthel). Il semble donc que le même auteur 

P. Lagrange. — Les Juges. c 



XXXIV 


INTRODUCTION 


qui a écrit la première introduction d’après des documents très 
anciens a voulu donner aussi au livre des Juges une sorte de 
conclusion qui préparait mieux encore les débuts de la royauté. 
Quelle a été sa source pour les appendices? Tout le monde 
convient qu’elle doit être fort ancienne, et nous pourrions nous 
en tenir là. Il semble cependant assez naturel de la rattacher 
soit à J, soit à E. Moore et Budde disent naturellement à J et 
à E. De J nous n’avons vu aucune trace. Nous conclurions 
plutôt à E, qui nous paraît surtout indiqué pour l’histoire des 
Danites : l’histoire des teraphim avec la poursuite rappelle 
Gen. xxxi (E); bn explorer, OmSn.I (xviii 10, en coupant comme 
il convient, dmSnh ]rü id), la richesse du détail archéologique, 
soit en ce qui concerné le sanctuaire de Mika, soit quant à la 
situation de Laïs, colonie des Sidoniens (xvm 7, cf. ni 3). 
L’histoire de Gibea est moins caractéristique ; on peut relever 
1p22 DWH (xix 8), ... (xx 3 comme ix 2), etc. 

Si notre analyse est exacte, au moins dans les grandes lignes, 
nous pouvons suivre la composition du livre des Juges dans 
l’ordre du temps. 

Au début, deux groupes d'histoires, l’une racontant les épi- 
sodes des guerres de Iahvé, d'un style plus populaire (J), l’autre 
traçant d’une manière suivie l’histoire religieuse de Josué à 
Samuel (E). Dans E les Cananéens étaient demeurés pour 
qu' Israël se formât peu à peu aux grandes guerres du temps de 
David, mais aussi afin d’éprouver la fidélité d’Israël. Les deux 
points de vue ne s'excluent pas et ont été réunis (m 1-6). Pour 
avoir une idée plus complète de cette période, il suffisait de souder 
ces deux suites de récits. Il est probable pour Jephté, plus visible 
pour Gédéon, que ces deux héros faisaient partie de deux séries : 
nous avons ainsi l’histoire des cinq grands juges, Ehoud, Débora 
avec Baraq, Gédéon, Jephté, Samson. 

Le mélange suppose nécessairement un Rédacteur (R ,E ). Il 
aurait pu être fait par celui qui a encadré les histoires, mais on 
ne reconnaît nulle part ses liaisons plus extérieures ; partout le 



INTRODUCTION 


XXXV 


mélange très intime, par exemple dans l’histoire de Jephté, 
indique, selon la métaphore de Budde, un autre ciment que le 
sien. Il y avait là un enseignement tout formé sur le secours 
donné par Dieu à son peuple, et cette morale était même expres- 
sément tirée par l’auteur élohiste qui avait déjà montré les 
Israélites entraînés au mal par leurs voisins, punis par la servi- 
tude, et sauvés lorsqu’ils demandaient du secours à Dieu. On 
pouvait seulement exprimer cette pensée plus fortement, et, en 
prenant pour base la solidarité de tout Israël, appliquer à toute 
la nation les leçons particulières qu’avaient reçues ses diffé- 
rentes tribus. L’ouvrage prenait dès lors un caractère plus uni- 
versel, il couvrait même et tout le pays et toute la période, et il 
pouvait paraître opportun d’accentuer le caractère d’une histoire 
suivie et complète en ajoutant les noms d’autres héros demeurés 
célèbres dans leurs tribus, Othoniel pour Juda et les petits 
juges. Cet universalisme est l’œuvre du Rédacteur deutérono- 
miste (R°). Il est parfaitement légitime, puisqu’il s’agit surtout 
ici d’établir les vrais rapports de Dieu avec son peuple, plutôt 
que d’isoler les faits dans leur réalité concrète. 

Tel qu'il était, le livre des Juges formait une unité avec son 
enseignement propre. Mais lorsqu’on voulut le ranger à sa place 
dans la série des ouvrages qui contenaient l’histoire entière du 
peuple de Dieu depuis ses plus lointaines origines, il put 
paraître opportun de le faire précéder d’une préface qui donne- 
rait un tableau général de la situation au moment où commen- 
çait le livre et qui insisterait sur le danger du commerce et des 
alliances avec les gens du pays. Ce fut probablement à cette 
même occasion qu’on termina le livre par les deux appendices 
demeurés parmi les anciens monuments de la littérature natio- 
nale et qui probablement n'avaient pas été employés par le 
rédacteur deutéronomiste parce qu’ils ne contenaient aucun 
héros sauveur. Le tableau de l’époque était ainsi plus complet et 
les esprits mieux préparés à l'utile royauté de David ; c’est la 
dernière rédaction, celle de l’ Auteur-Rédacteur inspiré de tout le 



XXXVI 


INTRODUCTION 


livre (R). Que s’il fallait indiquer des dates, nous ne verrions 
aucune raison de faire descendre la rédaction de l’Élohiste plus 
bas que le règne de David, et nous en disons autant du Iahviste, 
sans voir entre eux, pour ce qui regarde le livre des Juges, 
aucune raison décisive de priorité. L’Elohiste se rattacherait 
plutôt à l’école de Samuel, le Iahviste à la cour militaire de 
David. 

Du rédacteur qui les a unis nous ne pouvons rien dire, ne 
pouvant même jamais affirmer que nous sommes sûrs de recon- 
naître ses sutures, précisément parce qu’elles sont très bien 
faites. La formule JE a son utilité très pratique pour dire qu’on 
ne saurait se prononcer entre J ou E comme base de la rédac- 
tion ; il est presque impossible de dire R JK , c’est-à-dire ceci est 
propre au rédacteur des deux. 

Le Rédacteur deutéronomiste est naturellement postérieur à la 
promulgation solennelle du Deutéronome en 621. Quelle que 
soit la date de sa composition, le Deutéronome n’a profondément 
influencé la littérature qu’après Josias. 

Si la dernière rédaction répond vraiment au besoin de classer 
les Juges à leur rang dans la grande série des histoires et si elle 
se propose de combattre les alliances avec les gens du pays et de 
montrer les inconvénients de leur contact, elle pourrait être pla- 
cée au temps d’Esdras. Nous pourrions presque dire que nous 
concilions ainsi les différentes opinions catholiques énumérées 
par dom Calmet et Ubaldi ! 

IV. — CRITIQUE HISTORIQUE. 

Quoi qu’il puisse subsister des doutes sur plusieurs points de 
notre analyse littéraire, il demeure cependant acquis que le livre 
des Juges se compose de très anciens documents reproduits 
presque sans altérations par les rédacteurs. Nous considérons ces 
documents comme datant des premiers temps de la monarchie ; 
nous n’avons donc diminué en rien les garanties du témoignage 



INTRODUCTION 


XXXVII 


historique qu’ils rendent ; nous sommes aussi voisins des faits 
que ceux qui attribuent le livre à Samuel; par le cantique de 
Débora nous touchons aux faits. D’ailleurs, tout le monde con- 
vient que nous avons là ce qu’il y a de plus précieux pour con- 
naître l’histoire politique, sociale et religieuse des anciens Israé- 
lites. 

Cependant l’étude littéraire elle-même n’est pas inutile pour 
nous fixer sur l’intention des écrivains et sur ce qu’ils entendent 
enseigner. On ne peut s’en rendre compte qu’en distinguant pré- 
cisément les rédactions et les histoires. Il est clair, par exemple, 
que le rédacteur deutéronomiste poursuivait surtout un but reli- 
gieux, nettement exposé. Il ne s’est fait nul scrupule, pour le 
rendre sensible à tout Israël, d’encadrer de termes généraux les 
épisodes particuliers de son histoire. Par chacune de ces leçons 
de choses, Dieu s’adressait à tout son peuple. Il n’y a pas dans 
ce procédé la moindre velléité de nous induire en erreur puisque 
l’ancien texte est ménagé et nous permet de nous rendre compte 
des faits. Mais il est dès lors assez obvie d’appliquer les mêmes 
principes aux petits juges. Nous sommes en présence de faits 
particuliers soudés de manière è constituer une histoire géné- 
rale. Au premier coup d’œil on croirait que les juges ont été une 
succession non interrompue de magistrats préludant à la monar- 
chie en régissant tout Israël. En regardant de près, on s'aperçoit 
qu'il n’en est rien, et que ce cadre a quelque chose d’artificiel 
pour mettre les faits dans une certaine perspective. C’est une 
manière d’écrire l’histoire qu’il faut interpréter selon ce qu’elle 
prétend être elle-même. 

11 en est de même du dernier rédacteur. Vouloir placer tous 
les faits du 1 er chapitre au temps de Josué parce que le livre 
débute par ces mots : il arriva après la mort de Josué ... c’est 
oublier que les anciens ne disposaient pas de nos moyens typo- 
graphiques. Ce début n’est qu’un titre équivalent à notre « His- 
toire de tel monarque », dans laquelle on pourra assurément 
reprendre les événements du règne précédent. 



XXVIII 


INTRODUCTION 


Toutefois nous pouvons constater — non pas par conjecture 
critique, mais par la comparaison entre des textes bibliques qui 
se trouvent dans deux endroits, — que les rédacteurs ne se 
croyaient nullement interdit de modifier leur texte pour raccom- 
moder à une nouvelle manière de présenter les faits. C'est dire 
qu’ils composaient assez librement sans attacher trop d’impor- 
tance à ce que nous nommons la précision historique. Que ce soit 
Caleb ou Juda qui ait pris Hébron (cf. sur i 10), que ce soit 
Juda ou Benjamin qui ait échoué devant Jérusalem (cf. i 21), il 
importe fort peu aux rédacteurs : nous ne devons pas être plus 
minutieux qu’eux et surtout nous ne devons pas mettre notre 
conception de l’histoire et de l’histoire sacrée à la place de celle 
des auteurs inspirés. 

C’est donc dans l'esprit de ces rédacteurs eux-mêmes que nous 
devons utiliser les anciens documents au point de vue stricte- 
ment historique, ou plutôt c’est un point de vue auquel nous 
devons renoncer. Il n’y a aucune raison de révoquer en doute le 
caractère réel et objectif de l’histoire qui se dégage de ces 
récits, mais il faut toujours se rendre compte de la pensée de 
l’auteur. Si la vie de Samson se présente à nous en toute évi- 
dence comme revêtue par la verve populaire de détails pitto- 
resques, nous devrons prendre ces morceaux tels qu’ils sont. Il 
ne nous est pas plus interdit d’user de la raison critique en 
matière d’histoire qu’en matière de morale. 

Or, lorsqu’il s’agit de morale, nous serions cruellement trom- 
pés à suivre trop servilement le sens trop obvie de l’Ecriture. 
C’est ce que saint Augustin a très bien marqué à propos du 
vœu de Jephté. Il montre fortement combien il serait facile de 
conclure que les sacrifices humains plaisent à Dieu, puisque le 
vœu de Jephté vient après la mention du don de l’Esprit (xi 29) 
et semble récompensé par la victoire (xi 32). Mais en somme 
l’Ecriture ne se prononce pas, c’est à nous de voir : Scriptum 
reliquisse legentibus judicandum .. . sed justitia et lege Dei 
consulta aestimandum pcnsandumque dimisit ... ut noster Intel - 



INTRODUCTION 


XXXIX 


lectus in jndicando exerceretur ( quaest . ad h. 1.)... Si nous 
pouvons exercer en pareil cas notre jugement moral d’après 
la justice et la loi de Dieu, bien entendu sous la suprême auto- 
rité de l’Eglise, il est beaucoup moins périlleux d’exercer notre 
sens critique, sous la même autorité, lorsqu’il s’agit du sens 
que l’auteur sacré attache aux termes et au caractère de son 
récit. 

V. — CHRONOLOGIE. 

C’est dans le même esprit qu’il faut aborder la chronologie ; 
c’est la comparaison des divers textes qui nous suggère de ne 
pas prendre les choses trop à la lettre et de faire une part à l’in- 
terprétation. 

La difficulté est bien connue. Dans I Reg. vi 1, nous lisons 
qu’il s’est écoulé 480 ans depuis l’Exode jusqu’au commencement 
de la construction du temple, la quatrième année du règne de 
Salomon. Or, si l’on additionne toutes les dates fournies par le 
livre des Juges, on a le tableau suivant : 


Oppression de Kouchan (ni 8) 8 

Othoniel (iii 11) 40 

Oppression d’Églon (m 14) 18 

Éhoud (m 30) 80 

Iabin (iv 3) 20 

Débora et Baraq (v 32) 40 

Oppression des Madianites (vi 1) 7 

Gédéon (vin 28) 40 

Abimélek (ix 22) 3 

Thola (x 2) 23 

Iaïr (x 3) 22 

Oppression des Ammonites (x 8) 18 

Jephté (xn 7) 6 

Ibsan (xn 9) 7 

Élon(xnll) 10 

Abdon (xn 14) 8 

Oppression des Philistins (xm 1) 40 

Samson (xv 20 ; xvi 31) 20 

410 


Ce total est beaucoup trop élevé pour coïncider avec celui de 



XL 


INTRODUCTION 


480 ; il nous manque ici les 40 ans du désert, les 40 ans de 
David (II Sam. v 4) les 4 ans de Salomon et de plus le temps de 
Josué, le temps d’Éli (I Sam. xv 18, 40 ans d’après TM, 20 ans 
d’après LXX), le temps de Samuel et le temps de Saül (40 ans 
d’après Actes xui 21, car on ne peut rien tirer de I Sam xur 1, 
manifestement corrompu). M. Vigouroux ( Manuel biblique , 
10 e éd., 1899, II, p. 59) donne 25 ans à Josué d’après Josèphe 
(. Ant . V, i 29) et constate*qu’on obtient 599 au lieu de 480, soit 
plus de 100 ans de trop sans compter ni Samuel ni l’intervalle 
entre la mort de Josué et l’oppression de Kouchan. 

Il n’y a, dit le savant maître, « qu’un moyen de résoudre la 
difficulté, c’est d’admettre, ce qu’indique d’ailleurs une étude 
attentivfe du texte, que plusieurs juges ont été contemporains ». 
En note : « voir surtout Jud. m 31 et iv 1-2 ; x 7 et xm 1 ». — 
Malheureusement le premier cas cité est à côté de la question ; le 
juge contemporain d’un autre serait Saingar qui est complète- 
ment en dehors du système chronologique, puisqu’aucune date 
ne lui est assignée, sans parler du doute qui règne sur sa véri- 
table place dans le texte. Le second cas ne prouve rien non 
plus, car x 7 est l’annonce des deux oppressions dans une sorte 
d’introduction générale, tandis que xm 1 range expressément la 
seconde après la première. L’harmonisation proposée, loin d’être 
suggérée par l’auteur, est d’autant plus contraire à sa pensée 
qu’il a soin d’établir entre les juges un ordre de succession, ce 
qui paraît clairement surtout à propos des petits juges dont cha- 
cun suit son prédécesseur (x 1.3; xu 8. 11 . 13). Les chiffres ont 
donc bien pour but d’établir une chronologie ; on pourrait seule- 
ment remarquer que dans la pensée de l’auteur ce n’est point 
sans doute une chronologie naturelle, puisqu’elle suppose que 
l’oppression suit immédiatement la mort du grand juge, tandis 
qu’il faudrait supposer après cette mort le temps nécessaire à la 
prévarication, comme après la mort de Josué, puis à la pénitence; 
mais alors nous aurions encore un temps plus considérable et 
l’harmonisation rigoureuse serait encore plus difficile. 



INTRODUCTION 


XL1 


Il faut chercher une autre harmonie ; le secret de Fauteur n’est 
pas dans la combinaison de juges contemporains, et cependant 
il est impossible d’admettre qu’il soit en opposition avec le 
chiffre de 480 qu’il a dû connaître ou qui n’a pu être établi en 
désaccord avec ses propres calculs. 

Une tentative a été faite par Wellhausen qui a obtenu les plus 
chaudes sympathies de Budde et de Cornill, après même que 
son auteur eut déclaré n’y avoir plus autant de confiance 1 . 

On additionne le temps des oppressions et celui des petits 
juges, et on constate que les deux sommes correspondent assez 
bien : 


Aram 

8 

Abimélek . . . 

3 

Moab 

18 

Thola 

23 

Canaan .... 

20 

Iaïr 

22 

Madian .... 

7 

Ibsan 

7 

Ammon 

18 

Elon 

10 


71 

Abdon 

8 

73 



et sans Abimélek 70 


On en conclut que le dernier rédacteur n’a pas voulu tenir 
compte dans la chronologie du temps des oppressions et qu’il a 
précisément inséré les petits juges pour remplacer les soixante- 
dix ans ou à peu près qui manquaient dans ce concept. On ne 
compte pas l’oppression des Philistins parce que ces quarante 
ans seraient partagés entre Samson (xv 20) et Eli (I Sam. îv 18 
d’après LXX). On obtient ainsi l’ordre suivant : désert 40, Otho- 
niel40, Éhoud 80, Baraq 40, Gédéon 40, Jephté 6, Samson 20, 
Éli 20, après Éli 20 (d’après I Sam. vil 2), David 40, Salomon 
4. Si on ajoute 70 pour les petits juges, sans Abimélek, on 
obtient 491. Mais c’est H ans de trop, et on n’a pas compté 
Josué. Il m’est impossible de voir comment Budde croit rectifier 
ce système en ajoutant encore 60 ans pour Josué, Samuel et 

1. Composition des Hexateuchs, p. 216 s. et p. 356. 



XLII 


INTRODUCTION 


Saül. De quel droit retranchera-t-on ensuite 60 -h H pour abou- 
tir à 480 ? Manifestement la faveur que Budde accorde à ce sys- 
tème vient de ce qu'il exclut les petits juges du comput primitif 
et les renvoie ainsi à une rédaction postérieure à celle du Deuté- 
ronomiste auquel on ne peut refuser la première chronologie. 

La vraie solution a été indiquée par Nœldeke 1 et poussée 
dans ses dernières conclusions logiques par Moore que nous sui- 
vons ici simplement. Le fondement en est emprunté aux 
anciennes traditions juives. On ne compte ni les années de domi- 
nation étrangère ni celles des usurpateurs : c’est ainsi que pro- 
cédait Eusèbe (C/iron., éd. Schoene, II, p. 35) : post mortem 
Jesu subjectos tenuerunt Hebraeos alienigenae annis 8 , qui jun - 
guntur Gothonielis temporibus , secundum Judaeorum traditio - 
nés » et de même dans les autres cas. On peut dire d’ailleurs 
que c’est le principe de toute chronologie officielle ; les rois réta- 
blis sur le trône affectent d’ignorer le règne des usurpateurs. Il 
faut donc supprimer les années d’oppression, ei aussi Abimélek 
et même Saül qui ne fut pas considéré par les Juifs comme roi 
légitime, ayant été rejeté par Dieu. L’oppression des Philistins 
ayant été de 40 ans, on préfère donner à Éli 20 ans (LXX) plu- 
tôt que 40 (TM), car les 20 ans de Samson avec 20 ans d’Eli font 
justement le pendant des 40 ans d’oppression. Il reste deux 
inconnues. Josué x , Samuel y. Le meilleur moyen de les détermi- 
ner, c’est de fixer le caractère même de la chronologie. C’est ici 
que Noeldeke a fait une observation importante : la somme des 
petits juges en y comprenant Jephté atteint 76 ans (sans Abimé- 
lek !), avec les 4 ans de Salomon cela fait 80, chiffre qui revient 
constamment dans la série, par lui-même ou ses fractions de 20 
et de 40. Et de fait des divisions par dix se rencontrent même 
dans les petits juges : Thola avec 23 est facilement complété par 
Ibsan 7 et Iaïr 22 par Abdon 8. Énoalvec 10 fait les 20 avec les 
6 de Jephté et les 4 de Salomon. Si Jephté est un grand juge par 


1. Unlersuchungen zur Krilik des Alten Testaments , 1869, p. 173-198. 



INTRODUCTION 


XL1I1 


l’étendue de son histoire, le temps de sa judicature le range du 
moins parmi les petits. On a donc en tout cas le tableau suivant : 


Désert 40 

Othoniel 40 

Éhoud 80 

Baraq 40 

Gédéon 40 

Samson 20 

Éli 20 

David 40 


Petits juges et jusqu’à la 4 e année de Salomon 80 

T5ô 

Il reste 80 ans pour Josué et Samuel : on n'hésitera guère à 
leur donner à chacun 40 ans. Josué est mort à 110 ans. Il aurait 
eu 30 ans à l'Exode. Quant à Samuel, on ne peut guère lui don- 
ner moins qu’aux autres grands juges : d’ailleurs il suffît de con- 
sidérer le schéma précédent pour être porté à partager en deux 
le nombre de 80. 

Mais il suffit aussi de jeter un regard sur ces chiffres pour com- 
prendre la pensée du chronologiste. Ce ne sont point des chiffres 
précis, la nature ne marche pas par périodes de vingt, de qua- 
rante ou de quatre-vingts ans, cela saute aux yeux. Mais 
d'autre part se servir de cette observation facile pour attaquer la 
véracité des histoires, c’est confondre les anciens documents qui 
les racontent avec le système arithmétique qui les relie. Le 
chiffre de quarante ans .n’a pas la prétention d’être une mesure 
exacte de l'histoire, mais une mesure proportionnelle. Un ancien 
écrivant de la sorte en avait parfaitement conscience et ne se 
trompant pas lui-même ne trompait non plus personne. Moore a 
cité Hécatée de Milet comme ayant construit l’ancienne chrono- 
logie des Grecs d'après les généalogies en comptant quarante ans 
pour une génération 1 . A ce compte les 480 ans équivaudraient à 
douze générations, et il est assurément très remarquable que le 

I. D’après Meyer, Forschungen i.p. 169 ss. 



XL1V 


INTRODUCTION 


même chiffre de 480 se retrouve de la quatrième armée de Salo- 
mon au retour de l’exil (Wellh. Proleg . 3, p. 284 ss.). On 
peut s’en assurer par les tables dressées dans le Manuel biblique r 
n° 478, à un an près. Cependant il n’est pas possible de dire avec 
Budde, etc., que les douze générations sont dans la pensée du 
chronologiste Moïse, Josué, Othoniel, Ehoud, Baraq, Gédéon, 
Jephté, Samson, Eli, Samuel, Saül , David, parce que Ehoud 
avec ses 80 ans représenterait deux générations et que Saül et 
David ne peuvent représenter deux générations distantes de 
40 ans. Par conséquent les petits juges loin d’être exclus de la 
pensée du Rédacteur deutéronomiste auquel on attribue la chro- 
nologie, sont nécessaires pour la compléter et c’est une preuve 
qu’ils faisaient partie de la même trame. 

Un autre point de vue est peut-être encore plus frappant 
que celui des douze générations. Si nous ajoutons aux 480 ans les 
vingt années qui ont précédé la dédicace du Temple (I Reg. vi 
38, et vu 1), nous avons le chiffre rond de 500 ans, moitié du 
millénaire. Or le second temple a été bâti la sixième année de 
Darius, soit vingt ans après le retour de l’exil, ce qui donne dere- 
chef 500 ans, cependant depuis la 4 e année de Salomon 1 . De 
toutes manières on voit que de pareils chiffres ont le caractère de 
cycles : il doit être permis de raisonner à leur égard comme pour 
les généalogies de saint Matthieu qui sont choisies arbitrairement 
pour marquer les grandes époques. Nous sommes beaucoup plus 
sûrs d’atteindre la vraie pensée de l’auteur en prenant ces chiffres 
pour des cycles, qu’en établissant des synchronismes qui ruine- 
raient l’effet qu’il a voulu produire. 

Ces chiffres ne peuvent donc nous servir à fixer absolument 
des dates historiques. 11 semble que la royauté s'est jétablie vers 
1040. Si l’Exode a eu lieu sous le règne de Ménephtah, comme 
le tiennent encore la majorité des égyptologues, on ne peut guère 
remonter au delà de 1240, c’est-à-dire que la période des Juges 


1. Cf. Boussct ZÀTW 1900. 



INTRODUCTION 


XLV 


ne comprendrait que deux siècles. Les 480 ans nous reportent au 
temps d’Aménophis IV, ce qui est naturellement très bien vu 
de ceux qui font des Khabiri les Hébreux (cf. RB. 1897, p. 320). 
Tout ce qu’on peut dire à propos des faits de l’histoire des juges, 
c’est qu’ils tiendraient aisément dans une période de 200 ans. 

VI. TRADITION EXÉGÉTIQUE. 

On ne peut guère donner le nom de commentaire aux neufs 
homélies d’Origène que nous ne possédons plus que dans la 
traduction de Rufin (Migne, PG, t. 12) ; ce ne sont que des 
explications allégoriques ; toute l'histoire des Juges est interpré- 
tée d’après Jésus-Christ et l’Eglise. L'ouvrage s’arrête au milieu 
de l’histoire de Gédéon, mais il faut probablement ajouter à ces 
homélies anciennement connues une partie de celles publiées par 
Mgr Batiffol 1 ; ce qui regarde les Juges commence précisément 
au milieu de l’histoire de Gédéon et contient une partie de celle 
de Samson. 

Saint Éphrem a commenté les Juges ( Œuvres , 1. 1, p. 308-330). 

Saint Augustin publia vers 419 Quæstionum in Hcptaleuchum 
libri septem (PL, t. 34 col. 547-824). Le livre des Juges est l’ob- 
jet de la dernière partie avec cinquante-six questions qui s’ar- 
rêtent au moment où Samson se livre aux Judéens (xv 12). Saint 
Augustin suivait T Ancienne Latine, ce qui donne un grand intérêt 
à ses citations : cependant il s’arrête devant l’impossibilité abso- 
lue du texte, le maigre Eglon, exilis valde rex Eglon, et recourt 
à la nouvelle version de saint Jérôme, erat auiem Eglon crassus 
nimis ( Quaest . 21) : de même pour le célèbre contresens de l’ai- 
guillon de Samgar ( Quâest . 25 cf. sur ni 41), pour l'éphod 
( Quaest . 41) et pour Samson ( Quaest . 55). Cette pratique était 
parfaitement conforme à son système : suivre la version ecclé- 

1. Tractatus Origenis de libris SS. Scripturarum , detexit et edidit Petrus 
Batiffol sociatis curis Andreae Wilmart, Parisiis , 1900. 



XLYI 


INTRODUCTION 


siastique, mais recourir à l'hébreu. On ne voit pas qu’il se soit 
obstiné ici à soutenir l’inspiration des Septante, quoiqu’il ne les 
abandonne pas complètement non plus et ne recule pas devant 
l’interprétation de exilis, maigre, dans le sens de gras, sicut dici - 
tur lucus , quod minime luceat. Le principal souci de saint Augus- 
tin est de résoudre les objections soulevées contre le texte : il lui 
arrive même une fois de recourir pour cela à l'allégorie. Comme 
il ne peut s’expliquer que Dieu ait exterminé les Cananéens peu 
à peu, de peur de laisser se multiplier les bêtes féroces qu’il 
aurait pu détruire aussi bien que les hommes, il entend les bêtes 
féroces dans le sens des mauvaises passions. Les faits du début 
appartiennent aussi en partie à l'histoire de Josué : Augustin ne 
se prononce pas sur la question de savoir s’il y a ici une récapi- 
tulation de l’histoire de Josué ou au contraire une anticipation 
dans le livre de Josué. Il assimile Baal à Jupiter et Astarté à 
Junon ; ce dernier trait est fort juste pour la Juno Cœlestis de 
Carthage. Il reconnaît que l’unité d’autel n'était pas pratiquée 
darts ce temps et que les sacrifices offerts en dehors du sanc- 
tuaire légal du Pentateuque pouvaient être agréables à Dieu, 
non seulement par une indication spéciale de sa volonté, mais en 
vertu d’une coutume tolérée ( Quaest . 36). L’éphod de Gédéon est 
discuté avec soin, et Augustin n’hésite pas à blâmer Gédéon. Il 
n’est pas plus indulgent pour Jephté. Après avoir noté très jus- 
ment que Jephté a parlé de Camos selon l’opinion de ses adora- 
teurs ( Quaest . 48); il le condamne pour avoir fait un vœu témé- 
raire. Ni le témoignage de l'épître aux Hébreux (xi 32), ni le 
don de l’esprit à Jephté (Jud. xi 29) ne peuvent l’excuser, car 
Dieu ne veut pas de sacrifices humains. Augustin insiste ensuite 
sur le sens allégorique. * 

Théodoret (*j* 438) écrivit vers la fin de sa vie 1 des questions 
et réponses au sujet des Juges ( PG , t. 80, col. 483-318) au 
nombre de vingt-huit. Les difficultés du livre ont été très nette- 


1. Bardenhewer, p. 347. 



INTRODUCTION 


XL VU 


ment perçues au point de vue littéral et historique, mais réso- 
lues avec moins de profondeur que par saint Augustin. Les cita- 
tions ont aussi leur importance pour la critique textuelle. Le 
début du livre est une récapitulation de ce qui s’est passé sous 
Josué; Adonibézec est le roi qu’il a vaincu. Le contresens des 
Septante qui prennent rekeb, les chars de fer, pour un nom 
propre, a son contre-coup dans les explications (Jud. i 19). 
Gédéon est excusé et Théodoret a pénétré moins qu’Augustin le 
problème de la vraie nature de l’éphod. Jephté est condamné et 
dans son vœu et dans sa douleur. Les questions vont jusqu’au 
rapt de Silo qui termine le livre. 

Procope de Gaza (vers 520) a aussi commenté les Juges (PG, 
t. 87, col. 1041-1080). Il suit encore le texte que nous avons 
nommé l’ancienne version grecque, mais il fait allusion à des 
variantes d’après le Vaticanus. Les Hexaples ont été mises à 
profit, et l’auteur se préoccupe même du texte de Josèphe. Sa 
connaissance de la Palestine aurait pu lui permettre de donner 
plus de détails géographiques. Il passe l'histoire de Mika et ne 
dit qu’un mot de celle de Gibea. 

Saint Isidore de Séville clôt la période des Pères ( PL , t. 83, 
col. 379-390). On peut remarquer que leur accord n’est nulle part 
plus unanime que dans l’affirmation du sacrifice humain voué et 
offert par Jephté, ce qui n’a pas empêché plusieurs auteurs 
catholiques de soutenir le système contraire, pensant en cela 
mieux défendre la Bible. Aussi est-ce à peine si à propos du 
livre des Juges on peut parler d’une exégèse traditionnelle obli- 
gatoire. Le P. de Hummelauer a fait la même observation au 
sujet des Nombres (Comm., p. 9 etp. 172). 

Tous ces commentaires ayant été faits sur des versions, l’exé- 
gèse philologique et littérale du texte hébreu ne commence qu’au 
moyen âge avec les travaux des savants Juifs Rachi 1 (1040-1105) 
et David Kimchi (1160-1235). 

1. Ce sont les initiales de son nom, Rabbi Salomon Isaaki. 



XLVIII 


INTRODUCTION 


L’exégèse critique débute avec le commentaire de Studer 
très estimé et souvent cité par Moore. Le commentaire de Ber- 
theau dans la collection de Hirzel(1845 et 1883) est très soigné. 
C’est l’ouvrage que le P. de Hummelauer a surtout en vue, le 
plus souvent pour le combattre, parfois pour lui emprunter 
d’utiles explications, dans son Commentarius in libros Judicum 
et Ruth (Paris, 1888). Très approfondi et très complet, l’ouvrage 
du savant Jésuite est certainement le plus utile parmi ceux des 
catholiques. Cependant son horizon est déjà dépassé, puisqu’il ne 
vise nullement la phase où est entrée la question littéraire. 
Vigouroux [La Bible et les découvertes modernes , t. III) a fourni 
la plus docte contribution à l’étude des mœurs au temps des 
Juges d’après l’érudition et la connaissance de l’Orient moderne. 

Les derniers commentaires parus sont ceux de Moore (1895) et 
de Budde (1897) dont nous avons déjà fait connaître les conclu- 
sions littéraires et de Nowack ( Richter-Ruth , 1900) que nous 
n’avons pu utiliser que pour la révision. Neteler [Das Buch der 
Richter , 1900) a traduit en allemand le texte de la Vulgate et le 
texte hébreu ; il y a joint quelques scolies. 


i. Das Buch der Richter, 1835. 



LES JUGES 


TRADUCTION ET COMMENTAIRE 


Chapitre 1 — 2 5. — Première introduction 

|R] 1 Après la mort de Josué, les fils d’Israël consultèrent 
Iahvé, disant : Qui d’entre nous montera le premier chez les 

i-2. Introduction. — 1 ) Les mots « après la mort de Josué » sont appliqués 
à tout le livre. C'est l’équivalent d’un titre moderne : histoire des faits qui 
ont suivi la mort de Josué. Rien n’empêche de commencer un pareil livre 
par la récapitulation de faits antérieurs. La mort de Josué sera mentionnée 
2 6 ss., et c'est à partir de ce moment seulement que commence propre- 
ment le livre. Il convenait cependant de ne pas reprendre l'histoire de 
Josué lui-même et d’exposer la situation en marquant ce qu’avait fait ou 
n'avait pas fait chaque tribu au moment de la conquête. — On consulte 
Iahvé; cf. 18 5 et 20 18.23.27, surtout I Sam. 10 22; 14 37 etc.; la 
consultation se faisait normalement au moyen de l’éphod. Les tribus sont 
considérées ici comme centralisées et possédant un oracle commun. — 
'• Les Cananéens » un nom générique pour toute la population du pays 
avant l'invasion israélite. C’est un terme attribué au style de J. — La Vg. a 
traduit an/e nos ; c’est plutôt un datif commodi , « pour notre compte », 
ou mieux encore « de notre part » ; cf. Is. 6 8. — La même Vg. a rendu nbnrQ 
et erit dux (belli). D’après cela la tribu de Juda prendrait pour ainsi dire la 
direction et le commandement à la place de Josué. On objecte que nbnrQ 
ne signifie nulle part le rang, l’hégémonie, mais plutôt : « au commencement, 
en premier lieu »; Gen. 13 3; 41 21 ; 43 18.20 ; Is. 1 26 ; cependant Jud. 

P. Lagnange. — Les Juget. 1 



2 


JUGES, 1 2-4 

Cananéens pour les combattre? 2 Et Iahvé dit : Juda montera, 
voici que je livre le pays dans ses mains. [J) 3 Et Juda dit à 
Siméon son frère : Monte avec moi dans mon lot, et nous com- 
battrons les Cananéens et j’irai moi aussi dans ton lot. Et 
Siméon alla avec lui. [R] 4 Juda monta donc et Iahvé livra 

20 18, ce mot ne peut guère signifier qu’un rang d’honneur. Juda marchera 
le premier de tous. D’ailleurs au v. suivant on ne voit pas que Juda agisse 
comme chef des tribus ou dans leur intérêt ; il invite Siméon à faire ensemble 
leurs affaires particulières. 

2) La décision de Dieu est efficace, d'où le parfait d’assurance, >nns. « Le 
pays »> doit correspondre au terme « Cananéens ». Si donc ce dernier dési- 
gnait tous les habitants de la terre promise, c’est ici de toute cette terre qu’il 
est question, ou du moins de tout le territoire de Juda. L'oracle consulté 
par tous les Israélites, le mandat donné par Dieu à Juda avec un caractère 
général ont un cachet universel : ce qui suit est une entreprise privée de 
Juda ; nous croyons donc que les vv. 1 et 2 sont rédactionnels : leur vraie 
suite est au v. 4. 

3-20. Campagnes de Juda. — Elles vont naturellement du nord au sud 
extrême. Juda emmène Siméon et les Qénites qui doivent être installés à 
sa frontière méridionale; une partie des faits s’est passée du temps de 
Josué, une partie après lui. On dit ensuite ce que Juda n’a pas pu faire. 

3) Dans la rédaction actuelle on commence par Juda, ce qui était exigé 
par les vv. \ et 2. Mais il y a là un début : l’idée prend à Juda de s’installer 
chez lui ; il s’adresse à Siméon qui était plus spécialement son frère, né de 
Lia comme lui. L’auteur exprime ici que Siméon et Juda dont les territoires 
ont fini par être confondus l’un dans l'autre (cf. Jos. 19 s.) ont dû s’installer 
ensemble. Comme ils constituaient encore deux tribus distinctes, chacun 
devait avoir son lot distinct. On suppose Jéricho ou le nord de Juda comme 
point de départ, non le sud, puisque la première conquête sera pour Juda 
qui accompagnera ensuite Siméon, placé comme on sait tout au sud. 11 
semble qu’on s’est partagé le pays d’avance; à chacun de s’installer. Le 

est une possession tirée au sort. Budde, Nowack, etc., font observer que 
Siméon joue un rôle secondaire, ayant été affaibli par sa tentative malheu- 
reuse contre Sichem (Gen. 34 ), opérée de concert avec Lévi. Mais nous ne 
pouvons attribuer cette affaire au temps de la conquête ; d’après la tradition 
elle était fort antérieure. 

4) Le v. est considéré comme une glose par Budde et Moore, et en effet 
il ne contient rien qu'une sorte de résumé de 3 à 7, en y ajoutant le chiffre 



JUGES , 15 3 

dans leurs mains les Cananéens et les Phérézéens ; et ils bat- 
tirent dix mille homme» à Bézeq. [J] 5 Et ils rencontrèrent 
Adoni-* sédeq ’ à Bézeq et le combattirent et ils battirent 

5. pT3f au lieu de pî2; de même vv. 0 7. 


de 10.000 hommes. Mais ces auteurs ne remarquent pas que ce résumé a 
été justement conçu comme l'exécution de l’oracU divin, v. 2, de sorte que 
le verset est bien plutôt rédactionnel faisant suite h v. 2 ; le v. 4 a pour but 
de mieux souder la campagne particulière de Juda au thème général ajouté 
v. i b et 2; les termes de Cananéens et Phérézéens sont très vagues et 
comme stéréotypés ; cf. Gen. 13 7 ; 34 30. Pour p*Q cf. suivant. 

5) Adoni-bézeq offre une difficulté considérable. 11 est bien étrange que 
le nom du roi coïncide avec le nom du lieu de la bataille. Ou pourrait il est 
vrai supprimer p*Q2 avec trois mss. grecs et la vers. êth. y en considérant 
ce mot comme indûment répété ; mais il se trouve déjà au v. 4 et de plus 
on ne comprend pas " ils rencontrèrent» sans indication d’endrçit. Budde 
cite II Régi 10 13, passage évidemment corrompu et qui contient la trace 
de l’indication du lieu. Si ptl doit demeurer comme nom d’une ville, il 
doit donc disparaître dans le nom propre, et d’autant plus qu'U n’y a 
pénétré que pour une raison toute artificielle. En effet Adoni-Bézeq pour 
un prince battu à Bézeq doit signifier le « seigneur de Bézeq », mais préci- 
sément il semble qu’il était en réalité roi de Jérusalem, v. 7, et que dès lors 
l’idée d’en faire un seigneur de Bézeq, contraire aux lois de l’onomastique 
sémitique, n'est qu’une conception récente, éclose dans l’esprit d'un scribe. 
Le vrai nom doit être Adoni-sédeq, nom du roi de Jérusalem, Jos. 10 1.3, 
nom qui s’explique très bien, car 'JVTK dans la composition des noms 
propres est toujours suivi d’un nom divin, soit en hébreu, soit en phéni- 
cien, et p-ts est le nom d’un dieu, attesté chez les Phéniciens et chez les 
Sabéens (cf. Eu&ux dans Philon de Byblos et nom phénicien dans 

Lidzbarski, H and hue h der nords . Epigr.). 

11 est vrai que les LXX ont toujours A8om 6e£ex (qfois Aàtovi ÇeCex) soit 
ici, soit Jos. 10 1.3; mais nous avons montré que ce nom est incompara- 
blement moins probable que celui d’Adoni-sédeq. On comprend d’ailleurs 
très bien qu’Adoni-çédeq ait été changé ici pour différencier le roi de Jéru- 
salem de celui du temps de Josué, et le nom de Bézeq était suggéré par 
celui de la ville à une époque où on pouvait croire que le nom total signifiait 
seigneur de Bézeq ; dans la traduction grecque, ou peut-être dans le texte 
des traducteurs on a voulu rétablir l’unité en mettant partout Adoni-bézeq. 



4 


JUGES , 1 6-7 

les Cananéens et les Phérézéens. 6 Et Adoni-'sédeq ’ s’enfuit et 
ils le poursuivirent, et ils le prirent et ils lui coupèrent les 
pouces des mains et des pieds. 7 Et Adoni-'sédeq’ dit : 
Soixante-dix rois, les pouces des mains et des pieds coupés. 

Quant au Bézeq ici mentionné, ce ne peut être le Bézeq de I Sam. 11 8 ; 
ce dernier d’après Eusèbe (On. 231 52) à dix-sept milles de Naplouse sur la 
route de Scythopolis (Beisân) répond au kh. Ibziq , mais se trouve en 
dehors des opérations de Juda venant s’installer dans sa tribu (contre 
Nowack). Le kh. Bezqâ , près d’Amwàs, paraît aussi trop éloigné. Steuer- 
nagel ( Die Einwanderung , p. 85) propose npïÿ au lieu de Bézeq, ce qui 
coïnciderait bien, avec Jos. 10 10. On pourrait être tenté de dire que cette 
campagne correspond pour le fond à celle de Josué, n’était la fin fort 
différente d’Adoni-çédeq dans Jos. 10 23 ss. A la rigueur deux rois de 
Jérusalem ont pu porter le même nom, et la campagne a pu être reprise 
spécialement contre le roi de Jérusalem après la défaite des confédérés; 
d’ailleurs l’accord essentiel serait frappant. — 5 b ) On est surpris que les 
Cananéens et les Phérézéens se substituent ici comme battus aux troupes 
d’Adoni-bézeq. Le texte serait assez complet et plus naturel sans cette 
incise dont les termes généraux marquent le Rédacteur, d’après v. 4. 

6) Calmet après avoir cité de nombreux exemples de pouces coupés, pour 
échapper au service militaire ou pour en rendre incapable, conclut juste- 
ment que ce n’est point de cela qu’il s’agit. C’est une mutilation dégradante 
qui était appliquée par Adoni-bézeq moins dans le but d’empêcher les rois de 
se servir de leurs armes que de les considérer comme des esclaves châtiés. 
« Alexandre le Grand étant arrivé près de Persépolis, une troupe de 
huit cents Grecs vint se présenter à lui... C’étaient des captifs que les rois 
de Perse avaient pris autrefois, et à qui ils avaient coupé, aux uns les pieds 
ou les mains, aux autres le nez ou les oreilles... » ( Calm .). A côté de cette 
barbarie on peut considérer comme presque rationnel le supplice infligé 
par les Athéniens aux Eginètes, de leur couper le pouce droit, pour qu’ils 
ne puissent plus porter la lance, tout en continuant & ramer (Elien, Var. 
hist.j II 9). 

7) Le traitement infligé au roi vaincu peut très bien avoir été dans la 
pensée des vainqueurs une sorte de talion, car ils ont pu entendre parler 
des faits et gestes d’Adoni-bézeq. On ne voit pas dans les paroles du 
vaincu une bravade (contre Budde ), mais plutôt une sorte d’aveu de la 
justice divine. Il ne pouvait naturellement pas nommer Iahvé, Élohim étant 
de style dans la bouche d’un païen ; cependant c’est bien le point de vue 



JUGES, 1 8-& 5 

recueillaient les miettes soüs ma table ; Dieu m’a rendu ce que 
j’avais fait [aux autres]; et on l’emmena à Jérusalem, et il y 
mourut. [61.] 8 Or les fils de Juda combattirent contre Jérusa- 
lem et la prirent et la passèrent au fil de l’épée et mirent le feu à 
la ville [R] 9 et ensuite les fils de Juda descendirent pour com- 

israélite qui admettait un Dieu juge de tous les hommes. Le chiffre de 
soixante-dix pour un certain nombre (Hum.) ; nous savons que ces roitelets 
se faisaient souvent la guerre, plusieurs coalisés contre un seul ( el - 
Amarna). — ’jnStt? est expliqué par Moore comme venant d’une racine nbttf 
arabe salokh, « enlever la peau », parce que la table était primitivement une 
peau étendue à terre ou une planche chargée de mets. Ces tables basses 
existent encore, les convives se placent autour, accroupis sur les nattes qui 
couvrent le sol. Ici cependant il est question d’une table haute. Ce ne sont 
pas les Israélites qui ont amené le roi à Jérusalem puisqu'elle ne fut pas 
prise comme nous le dirons au v. suivant, mais les siens, quoique nous ne 
sachions pas pourquoi les Israélites l'ont laissé libre. A-t-on voulu lui 
infliger la peine de reparaître devant ses captifs dans le même état qu'eux ? 

8) Ce v. est tellement en opposition avec le reste de l’histoire biblique 
qu’il faut nécessairement le considérer comme une glose. Dans la campagne 
de Josué contre Adoni-sédeq et ses alliés il est question de la prise des 
autres villes, nullement de celle de Jérusalem (Jos. 10) ; d’ailleurs il est 
dit expressément que les Judéens n'ont pu déposséder les Jébuséens habi- 
tant Jérusalem (Jos. 15 63; cf. Jud. 1 21); c’était une ville complètement 
étrangère où un Israélite n’osait demander l’hospitalité (Jud. 19 11 s.), enfin 
le grand exploit de David fut de s’en emparer. C’est vainement que depuis 
le temps de Josèphe (Ant. V 2 2) on distingue entre la ville haute et la 
ville basse, entre une prise passagère et une occupation définitive; les 
textes cités sont trop contraires à l’une et à l’autre de ces échappatoires. 
I*a glose a pu s'introduire ici parce qu’on attribuait aux Judéens l'introduc- 
tion d’Adoni-bézeq à Jérusalem. Nous reverrons d’ailleurs que ce chapitre 
a été glosé de la même manière pour la plus grande gloire de Juda, v. 18. 
Le nom de Jérusalem se présente dans le TM avec un Qrê perpeluum qui 
lui donne l’apparence d’une forme de duel. Mais le nom d'Urusalim dès les 
lettres d'el-Amarna est contraire à cotte superfétation rabbinique. 

9) Verset de transition pour unir l’histoire précédente à celle de la prise 
d'Hébron par Caleb et pour donner le sommaire de toutes les opérations 
de Juda, y compris le v. 18 (la Chephéla). Il a donc le caractère rédac- 
tionnel. L'expression de descendre serait impropre si elle s’appliquait spé- 



6 


JUGES, 1 10 

battre les Cananéens, habitant la montagne, le Négeb et la 
Chephéla. [J] 10 Et Juda marcha contre les Cananéens qui 

cialement à Hébron; mais il s'agit d’un ensemble situé plus bas que le 
plateau des environs de Jérusalem. « Le Cananéen » est encore pris dans un 
sens vague, car ce nom ne s’appliquait pas proprement aux habitants de la 
montagne. La montagne est ici la suite des montagnes de Jérusalem à 
Hébron; le Négeb commence au sud d’Hébron et de Gaza et va jusqu'à 
Cadès. La Chephéla ou pays plat va depuis les premières ondulations des 
collines jusqu’à la mer. G. A. Smith ( Hislorical Geography of lhe Iloly 
Land , p. 201 ss.) a voulu restreindre cette appellation aux collines basses 
situées entre la montagne et la mer, mais ce pays n'a nulle part une phy- 
sionomie assez caractéristique pour recevoir un nom spécial. On disait : les 
sycomores de la Chephéla ; or ils poussaient sans doute alors comme 
aujourd’hui dans les plaines proprement dites. Le mot de Négeb a fini par 
être employé pour désigner le sud, mais par une appellation dérivée, car il 
vient de la racine (existant en araméen) 233 « desséché ». 

10) L’histoire de la conquête d’Hébron est une excellente occasion pour 
connaître la manière dont les rédacteurs bibliques usent de leurs sources. 
Nous avons le même récit en substance Jos. 15 13 ss. Dans Josué, il n’est 
pas question à Hébron de Cananéens, mais seulement des fils d’ f Anaq. Le 
pays est attribué à Caleb qui s'en empare. D’Hébron il passe à Debir, puis 
vient l'épisode d' f Aksa. Il n'est pas douteux que le texte de Josué ne soit 
primitif, librement reproduit dans Juges avec des inversions qui n’ont pas 
dissimulé complètement l’ordre plus ancien. C'est Caleb qui a chassé les 
fils d'Anaq v. 20, c’est donc lui qui a fait l'œuvre attribuée en général aux 
Judéens, v. 10, et ce qui le prouve encore c'est que Caleb continue sa cam- 
pagne au v. 11. De plus les trois fils d' f Anaq du v. 20 sont nommés au 
v. 10, et les deux mentions sont beaucoup plus naturellement jointes 
Jos. 15 14. Le rédacteur des Juges a donc donné au vieux morceau des 
teintes plus générales, en rangeant l'activité de Caleb contre une popula- 
tion spéciale dans la grande action de Juda contre les Cananéens. L’appro- 
priation à Caleb n’est pas dissimulée mais reportée plus loin, lorsqu’il est 
question de ce qui n'est pas propre à Juda ( Budde , Moore etc.). 

Hébron se nommait Qiryath Arba , « la ville des quatre », probablement 
des quatre quartiers, ou plutôt de quatre cités confédérées, de la racine "Dn ; 
cf. Gen. 10 11 s. Ce n’est pas la Bible, c’est la tradition juive de basse 
époque qui paraît faire d’Arbâ un homme, et ce n’est qu’en suite des idées 
sur les géants, croissant sans cesse dans l’esprit des Juifs ; dans Jos. 15 13; 
21 11 il faut lire « Qiryath Arbà, métropole des r Anaq » avec LXX et non 



7 


JUGES, 1 11 

habitaient Hébron, et le nom d’Hébron était auparavant Qiryath 
Arb'a, et ils battirent Chechaï, Akiman et Talmaï. 11 Et il 

pas « Arbâ père d’ f Anaq » ; de même Jos. 14 15 au lieu de : « Arbà le plus 
grand des f Anaqim ». Arbâ doit donc absolument disparaître de la généa- 
logie des f Anaqim. Leur ancêtre éponyme était 'Anaq avec les trois clans 
ici nommés. La tradition hébraïque les considérait comme des géants, ce 
qui est vrai surtout de la tradition hébraïque de basse époque. Les géants 
pour les Hébreux sont les Nephilim, et si les fils d’*Anaq sont assimilés 
aux Nephilim Num. 13 33» c'est dans une glose manifeste : « Nous avons 
vu les Nephilim (les fils d’*Anaq font partie des Nephilim). » Le mot de p 2'J 
d’après l’arabe peut signifier des gens à long cou; on comparerait l'oiseau 
'Anq/I, sorte de griffon fabuleux, mais on sait combien ces étymologies 
sont douteuses. Ce n'est qu’au temps des versions, G. Targ. que les 
’Anaqim sont devenus des géants comme tous les anciens habitants de la 
terre promise (cf. Dt. 2 10 où la leçon m n'est même pas certaine, LXX 
ix/jovre;, dans un passage d’ailleurs archéologique). Les trois noms repa- 
raissent associés Num. 13 22; Jos. 15 14; leur physionomie est arainéenne, 
d’après Moore qui cite Talmaï roi de Gessur II Sam. 3 3 ; 13 37 ; cependant 
la forme araméenne est laSn ( Lid .). iqS n est en relation avec nSn sillon , et 
on pourrait trouver quelque chose de semblable pour en supposant 

comme primitif Sah. Achimaan , G(A) Ayttxaaa ; cf. ÎTJVQ sillon , Ps. 

129 3; cf. le texte de Lag. A/tpaav pour comme nom du père d’Akich 
roi de Gath, 1 Sam 27 2 (Lag. Bildung ..., p. 32); d'autant que les 'Anaq 
s’étaient conservés à Gath (Jos. 11 22). Ces personnages sont nommés les 
trois fils des *Anaq p:yn m v. 20 et Jos. 15 14; Num. 13 22 ils sont dits 
pJVH cf.nsin Il Sam. 21 16.18, avec l’article qui semble prendre 

pJ37 plutôt comme un nom de tribu que comme un nom d’homme, à l’instar 
des gentilices. 'Anaq, 'Anaqim, est donc un nom commun devenu un nom de 
race, mais ce qui prouve bien que les auteurs bibliques ne considéraient 
pas ces peuples comme des géants, c’est qu’on les identifie ici avec les 
Cananéens. — Hum. tient absolument à ce qu’Hébron soit la ville du 
nommé Arbé, et non la tétrapole; s. Jér. l’entendait de quatre personnes : 
« Arôe, id est quattuor , eo quod ibi très patriarchæ , Abraham , Isaac et 
Jacob , sepulti sunt , et Adam magnus , ut in Jesu lihro scriptum est » (On. 
84 10) ; on voit ici la fusion de deux Midrachim , cf. Berechit rahba § 58, 
sur Gen. 23 2. 

11) On peut lire avec G(B) au lieu de "jSn; cf. Jos. 15 15. On voit au 
v. suivant que le sujet est Caleb, comme dans Jos., tandis que d’après 
v. 10 le sujet serait plutôt Juda. Debir était nommé d’abord î"P7p, 1 



8 


JUGES, 1 12-13 

marcha de là contre les habitants de Debir ; or le nom de Debir 
était auparavant Qiryath Sépher. 12 Et Calebdit: Celui qui battra 
Qiryath Sépher et la prendra, je lui donnerai ma fille *Aksa pour 
femme. 13 Or elle fut prise par 'Othoniel, fils de Qénaz, frère 

ville du livre, 1ED d’après TM mais plutôt 'de l’écrivain’ IDC, Sah. Karia - 
souphar , G(B) xaptaaac»çap,que M. Müller reconnaît dans Bai-ti-tu-pa-ïra ( Asien 
und Europa , p. 174). On peut rapprocher la ville de Sippar où Xisouthros 
avait caché les écritures antérieures au déluge, d’après Bérose [Fragm. 
hist. gr. y éd. Didot, II, p. 501). Le nom est peut-être d’origine babylonienne, 
mais on peut très bien supposer une étymologie populaire, connue d'ailleurs 
des Égyptiens puisqu’ils mettent le déterminatif de l’écriture avant tu-pa - 
ira. Le sens demandé est ville frontière, à l’extrémité du pays bâti. L’ara- 
méen 1ED donne ce sens et Moore y a songé ; il recule à cause de la 
phonétique, mais 1DD en hébreu dans le sens de « frontière » se trouve peut- 
être voilé dans pour DDN I Sam. 17 1 (Lag. Bildung ..., 

p. 76). Le sens de TXT n’est pas mieux connu. L’emplacement de la ville 
correspond bien à ed-Dâhariyeh , village qui domine la montagne avant la 
plaine de Bersabée, dernier poste habité du côté sud d’Hébron. Mais comme 
le nom moderne est différent, la certitude n’est pas complète. Le nom de 
H3D mp donné à la même ville J os. 15 49 ne doit être qu’une faute de 
copiste, ruD pour 1ED cf. LXX. 

12) Budde traduit « celui qui battra la ville la gagnera (apodose HIdSt» 
et de plus aura ma fille ». Mais *tdS se dit bien plutôt de la prise de la ville 
que de sa possession, cf. v. 13. L'apodose commence seulement avec le 
parf. conséc. ^nnJl ; si l’apodose commençait à n*TDSl, le second parf. conséc. 
ne serait guère explicable. D’ailleurs en fait Othoniel a gardé la ville. Le 
nom propre nD2V, cf. DDV bracelet , cercle que les femmes mettaient à leurs 
jambes. 

13) On controverse depuis longtemps si Othoniel était le neveu ou le 
frère cadet de Caleb. La Vg. après G(A etc.) lit Othoniel, filins Cenez , frater 
Caleb minor. Et en effet Caleb est nommé Qénizite, c’est-à-dire descendant 
de Qénaz (Num. 32 12 Jos 14 6.14), comme Hum. le remarque en faisant 
d’Othoniel un simple parent de Caleb. Et la réflexion « plus jeune que 
lui » est justement là pour expliquer comment un frère de Caleb était 
encore assez jeune pour épouser sa fille. L’histoire des Calébites d’après 
les différents textes bibliques est citée par Poels ( Histoire du sanctuaire de 
l'arche , p. 92-100) comme un exemple de la manière dont les relations des 
tribus sont traitées sous forme de généalogies. Qénaz est un clan iduméen 



9 


JUGES, 1 14-15 

cadet de Galeb, et il lui donna sa fille * Aksa pôur femme. 14 Et 
lorsqu’elle arriva * il lui suggéra ’ de demander à son père ' un 1 
champ. Et elle se jeta à bas de son âne, et Caleb lui dit : 
Qu’as-tu ? lâ Et elle lui dit : Accorde-moi une faveur : puisque tu 

14. nxvovi ; TM ïnrPDm et elle lui suggéra. — Omettre l'article devant 

rrwn. 

15. Lire au sing. nSa bis. 


(Gen. 36 15.42); Ierakhmeël frère de Caleb (I Chron. 2 42) est un clan situé 
au sud de Caleb (I Sam. 27 10; 30 29). La Chronique exprime (I Chr. 2 9. 
25.42.49) comment tous ces clans ont fini par être complètement fondus 
dans Juda ; Caleb figure même comme chef de la tribu de Juda (Num. 34 19). 

14) On amène la future, probablement dans la ville conquise qui 
deviendra le domaine de son époux. La leçon de TM iniVDJV! est inexpli- 
cable puisque c’est elle-même qui fait la demande. La Vg. ici et dans Jos. 
15 18 : il excita elle , de même LXX ici, et le S ah. dans Jos. 15 18: et il 
conseilla avec elle... On doit sacrifier ici la leçon difficile qui a pu pénétrer 
par une simple erreur de scribe ou le désir de rejeter la faute de la séduc- 
tion sur la femme, première tentatrice, d’autant que rVID l hiph.) est ordinai- 
rement pris en mauvaise part pour entraîner au mal. La leçon ,TTO Josué ad 
h. I. et LXX, Sah. etc., est préférable puisque le champ ne peut être encore 
déterminé. Keil voyait dans ce texte la preuve que le champ était déjà connu 
par le livre de Josué! — Le sens de sauter pour semble assuré par le 
contexte ici, Jos. 15 18 et Jud. 4 21 f. Le mot ne se trouve pas en hébreu, 
ni en arabe ou en syriaque ; enéth.dans le sens d’attendre (Moore). Les textes 
grecs portent la trace de plusieurs tentatives de deviner : « crier, murmu- 
rer. » Vg. soupirer; Syr et Targ. y s'incliner (pour parler à l'oreille?). Le sens 
serait aussi bon sinon meilleur en lisant H-NP* et elle soupira , car son but 
n'est pas de faire une politesse à son père (comme I Sam. 25 23 ; Gen. 24 . 64), 
mais d’attirer son attention et même d’émouvoir sa compassion, mais les 
variations des vers, ne se prêtent pas à une restitution certaine. G(A, Lag.), 
Sah. très conséquents avec leur : « elle s’écria de son âne », ajoutent : Tu 
me livres à un pays du sud! ^nrc 2X3H yiN. L’interrogation de Caleb s'ap- 
pliquerait à cette exclamation : « de quoi te plains-tu? » D'après TM en la 
voyant sauter de son âne, Caleb s’écrie : qu'as-tu à me demander? (Cf. II 
Sam. 14 5). Le texte de Gi A) est très fin; elle va demander une compensa- 
tion à l’exil auquel on la condamne, elle commence par se plaindre. 

15) nin ; dans Jos. 15 19 H2n, terme plus ordinaire. présent 
pour honorer quelqu’un; le terme est spécialement heureux quand la 



10 


JUGES, 1 16 

m’as reléguée dans le pays du Négeb, donne-moi du moins un 
cours d’eau ! Et Galeb lui donna ' Goullath ’ d’en haut et ' Goul- 
lath ’ d’en bas. 16 Or les fils 'de Hobab le Qénite allié de 

16. wpn OT; TM ijip de Qéni. — nsr vrai nnm Ma "ItfX laTOa; 
TM Tlj; M3 *KL*X H Tl *"P ina dans le désert de Juda qui est dans le Négeb 
d'Arad. — fpSavn nx; TM D^n nx avec le peuple. 


demande s’adresse à un père auquel il appartient de bénir. Il semble qu’elle 
conserve le souvenir de l’étym. du Négeb, terre aride (ce que la Vg. exa- 
gère en traduisant Négeb comme appellatif terrain arentem),ei qu’elle insiste 
sur la mauvaise situation qu’on lui a faite pour en obtenir une meilleure, un 
endroit bien arrosé, rc ne signifie pas : tu m’âs donné ce p^ys (Vg,) f mais 
tu m’as conduite dans ce pays (LXX, Syr.). yix pour yiX Sx, accusatif de 
lieu. — Le sing. J"pbÿ et rPnnn indique qu’il faut lire 2° et 3° le sing. riSa, 
Golath ou Goullath, plutôt que de mettre les adj. au pluriel ; chacun des 
endroits étant opposé l’un à l’autre, Golath d’en haut à Golath d’en bas, doit 
avoir naturellement la terminaison du sing. (LXX sur Jos. 15 19); cette ter- 
minaison féminine en ath est la plus ancienne et Moore compare justement 
ce nom h d’autres villes cananéennes, nSï, nS13f. Mais il est plus dou- 

teux qu’il faille lire DVQnSâ 4° loco au sing. avec Aq. ici et LXX sur Jos. 15 
19. T wAaOu.atji. (Eus. On. 245 34), car f Aksa a pu jouer sur le mot en visant 
d’avance les deux Golath. Le jeu de mots n’est pas clair parce que nbj ne 
s’est pas conservé en hébreu commenom commun, mais on peut rapprocher 
le syr. gelâla « lieu ravagé par l’inondation » ; cf. l’hébreu « vagues ». 
La terminaison des adj. en est considérée par Barth comme un nisbe(die 
Xorninalbildung,§ 35 c) ; Moore y voit une forme cananéenne. Les LXX ont 
rendu ici n Si Xùipro atv, d’après la racine SxH. La Vg. a suivi Syrn. àpôttav, 
« une irrigation», sens que le Syr. et le Targ. devaient naturellement trou- 
ver d’après l’usage de leur langue indiqué plus haut. — L’endroit ne peut 
être fixé avec certitude, mais comme il doit se trouver entre Debir et 
Hébron, domaine de Caleb, si Debir est à ed-Dâhariyeh 1 on peut chercher les 
deux Goullath auSeil ed-Dilheh où il y a plusieurs sources. Cet endroit, plus 
rapproché d’Hébron, aurait dû appartenir à cette riche cité; on nous explique 
comment il s’est trouvé dans la mouvance d’une ville moins importante. 

16) ijp étant un adj. gentilice ne peut être un individu beau-père de 
Moïse. Il manque donc ici le nom propre que nous trouvons dans la grande 
tradition de l’ancienne version grecque, sous les formes Lo6a6 Lag . , Syr.-hex ., 
Éth. et lojaG A, Sa/i., qui toutes deux doivent rendre lin, le kholen de 



JUGES, 1 16 11 

Moïse, montèrent de la ville des Palmiers avec les fils de Juda 
' au désert qui est dans le Négeb de Juda, à la descente^’ 'Arad \ 

Moïse (Num. 10 29; cf. Jud. 4 11). Que le G(B et N de Moore) ait IoOop, cela 
ne prouve pas qu’on a mis un nom quelconque dans les différentes éditions 
grecques à la place de celui qui manquait : on a substitué à Hobab le nom 
plus connu du beau-père de Moïse (Ex. 3 1). Il faut ensuite mettre l’art, 
devant simple adj. tou Kiivaîou. — La ville des Palmiers est Jéricho: 
Dt. 34 3; II Chron. 28 15; cf. Jud. 3 13. Steuernagel ( die Einwanderung , 
p. 76) propose Tamar (Ez. 47 19). — Dans TM « le désert de Juda qui est 
dans le Négeb d'\Arad » sont des idées contradictoires, le désert de Juda 
s’étendait à l’est de Jérusalem et d’Hébron, non au sud. 'Arad est d’ailleurs 
connu, auj. Tell 'Arad à environ 30 kil. au sud d’Hébron. Les LXX ont unani- 
mement la descente d’'Arad, soit VW TYID1 qui semble une bonne indication. 
Si Tell 'Arad est en plaine, le plateau s’abaisse non loin de là, vers l’est. 
Pour le reste, il y a surtout en présence la recension courante A, Lay., Syr.- 
hex ., Éth. : « dans le désert de Juda qui est au midi à la descente d’'Arad », 
celle de B, Sah. : « dans le désert qui est au midi de Juda, à la descente 
d’ 'Arad », le midi est pour le Négeb; la principale différence est donc la 
place du mot Juda. Or le désert de Juda a pu venir ici comme plus connu 
et il est moins en situation que le Négeb de Juda, qui est précisément voisin 
du Négeb des Qénites, I Sam. 27 10. Nous préférons donc la leçon de B et 
Sah. Moore supprime le désert de Juda, le Négeb et n’admet pas la descente 
d’ e Arad, il reste seulement *ny 12702 ; Budde « dans le désert d’'Arad qui 
est au Négeb », mais ces restitutions s’écartent trop des données diploma- 
tiques, et sans profit, car 'Arad n’était pas précisément un désert, et il était 
assez évident qu’il était dans le Négeb. Au contraire, l’auteur indique un 
désert, au midi de Juda et à l’endroit où commence la descente qui est cen- 
sée avoir son point de départ à 'Arad (cf. Jos. 10 11). — « Et il habita avec 
le peuple » de TM ne peut rien signifier. G(N de Moore) avec Sah. fieià to-j 
X xou ’AaaXTjx est une leçon excellente, parfaitement conforme à l’histoire 
(I Sam. 15 6) qui montre les Qénites habitant au milieu des Amalécites. Il 
est très difficile de supposer que cette leçon a pénétré par hypothèse, tan- 
dis qu’un copiste a pu se scandaliser ici de cette liaison voulue des Qénites 
avec 'Amaleq. On peut seulement se demander si la leçon du grec que nous 
préférons n’est pas un doublet; c’est pourquoi nous ne lisons que ^pSoyn nN 
avec Moore et Budde. Si la leçon était représentée dans les mss. ou 
les versions, elle mériterait peut-être la préférence; en effet, les Qénites 
retournaient en quelque sorte chez eux ; ceux qui avaient suivi les Israélites 
rejoignaient leurs compatriotes. Dans l’histoire de Balaam, ils sont déjà joints 



12 


JUGES, 1 17-18 

et [cette tribuj alla habiter * avec les Amalécites ’. 17 Et Juda alla 
avec Siméon son frère et ils battirent les Cananéens habitants de 
Sephath et la vouèrent à l'anathème; et Ton nomma cette ville 
Horma. [R] 18 Et Juda 1 ne déposséda pas’ Gaza et son terri- 
toire, Ascalon et son territoire, Accaron et son territoire. [J] 

18. umn nSi; TM et il prit. 


aux Amalécites (Num. 24 21 s.); Raguel, le père de Hobab (Num. 10 29) 
porte un nom qui figure près d’ 'Amaleq, dans la généalogie d’Édom 
(Gen. 36 10. 12. 13). 

17) Ce verset indique une situation que nous retrouvons plus tard : Juda 
tient sa parole à Siméon et l’aide à conquérir Horma, qui fut en effet comptée 
parmi les villes de Siméon (Jos. 19 4; 15 30; cf. I Sam. 30 30). Le nom 
ancien nS3? fut à cette occasion changé en Horma , ville soumise à « l’ana- 
thème ». On n’entre ici dans aucun détail, c’était la destruction totale, men- 
tionnée dans le même terme par Mésa, dans son inscription (ligne 16 s.). 
La principale difficulté est de rapprocher le fait ici mentionné de Num. 21 1- 
3. D'après Dillmann, les Nombres ont dit par anticipation le même événe- 
ment; il est plus juste de dire avec Budde, Moore, Nowack, que le mot de 
Horma y est interpolé. Le nom ancien de la ville était Sephat; rien n’em- 
pêche qu’il ait prévalu avec le temps sur un nom de circonstance, quoique 
ce dernier se trouve naturellement dans les documents officiels. Ce ne serait 
pas le seul exemple de cette sorte de survivance qui s’est si souvent pro- 
duite, au moins à l’époque grecque. Dès lors, on peut raisonnablement iden- 
tifier Sephat avec Sbaitt visité d’abord par Seetzen (III, p. 44; cf. RB. 1900, 

p. 282). 

18) Le TM est ici en contradiction ouverte avec l’affirmation de Jos. 13 3 
et surtout avec celle du verset suivant et de 3 3 qui, parlant du même temps 
que le nôtre, ne supportent aucune échappatoire comme de dire que les 
Judéens ont pris ces villes pour un temps ! II doit donc nécessairement être 
abandonné comme contraire à toute la tradition hébraïque. Si les villes 
philistines sont comprises dans la frontière de Juda (Jos. 15 45-47), c’est une 
frontière de droit établie pour tous les temps, sans tenir compte des moda- 
lités de l’histoire. Toute la question est de savoir si nous avons à faire à une 
pure glose ou s'il ne faut pas suivre ici les LXX xat oux exXrjpovojxrj'jev, « et il 
ne prit pas », tfjvvin nS*î. Le texte des LXX est d’ailleurs d’une unanimité 
rare, sans divergence dans les mss. soutenus par les vers. Anc.-lai., Syr- 



13 


JUGES, 1 19 

19 Et Iahvé fut avec Juda et il s’empara de la montagne ; cependant 
* il ne put chasser ’ les habitants de la plaine parce qu’ils avaient 


> 

19. U’Tinb bs’ nS ; TM ©mnb nS non chasser (J). 


hex., Éth., Sah., Eus. dans Onom. et même s. Jérôme dans sa traduction 
Onom. 126 8 etc. Lagarde (Sept. Studien , p. 20 s.) cite seulement les éditions 
Aldine et d’Alcala avec le Græcus venetus et le texte arménien de Zohrab 
comme n’ayant pas la négation. Il est d’ailleurs en parfaite harmonie avec 
le style de tout le chapitre; l’auteur ayant toujours soin de mentionner ce 
que les tribus n’ont pas fait. Moore et Budde objectent que le v. 18, lu 
d’après les LXX, serait inutile auprès du v. 19 qui ne se comprendrait même 
pas. On répond que le v. 19 se comprend dès lors comme un résumé de ce 
qui précède. Il est vrai que le style du v. 18 a cela de particulier qu’il dit : 
« son territoire » et non « ses filles » comme dans le reste du chapitre, 
mais cela ne s’explique-t-il pas par la constitution spéciale des villes phi- 
listines? Josèphe parait avoir été assez embarrassé. Dans un passage 
(Ant. V 2 4), il donne à Juda Ascalon et Azot, mais non Gaza, ni Accaron ; 
ailleurs (Ant. V 3 1) il fait enlever à Juda (qui les possédait donc) Ascalon 
et Accaron. D’ailleurs quelques mss. grecs omettent « Ascalon et son terri- 
toire »> et Sah. ne nomme que Gaza et Ascalon sous la forme Aslôn. Quoi 
qu’il en soit, l’audacieuse affirmation du TM du v. 18 prouve la vraisem- 
blance de l’interpolation du v. 8. 

19) Tel qu’il est, ce verset s’applique à la double action de Juda, couron- 
née de succès dans la montagne qui désigne surtout la région de Jérusalem 
à Hébron, infructueuse dans la plaine. Mais il faut noter que le premier >3 
ne s’explique guère; — il serait beaucoup mieux à sa place après le v. 18, 
comme explication de l’échec de Juda contre les villes philistines — , et que, 
d’autre part, 19* serait plus naturellement avant 20*. En l’absence d’une 
tradition diplomatique, nous ne faisons pas ce léger changement qui remet- 
trait tout en place. Le verbe <( prendre possession » a à Yhiph. le double 
sens de prendre possession et de chasser quelqu’un de sa possession. Dans 
ce chap., c’est toujours un sens combiné : prendre possession en chassant les 
autres. — TZPnnS nS est inexplicable grammaticalement; le plus simple est 
de lire avec LXX trvyinS ^ xS; si l'on compare d’un côté Jos. 15 63, 
17 12; I Reg. 9 21 et de l’autre Jud. 1 21.27 et II Chron. 8 8, on voit 
une tendance dans les seconds passages à ne pas mentionner l’impuissance 
des Israélites, impuissance que le Targ. reconnaît cependant, mais en l’at- 
tribuant à leurs péchés. — Les habitants de la vallée sont ceux de la grande 



14 


juges, 1 20-21 

des chars de fer. [R] 20 Et ils donnèrent Hébron à Caleb comme 
l’avait dit Moïse , et il en chassa les trois fils des *Anaq. [J] 
21 Quant aux Jébuséens habitant Jérusalem, les fils de Benjamin 
ne les chassèrent pas, et les Jébuséens habitèrent avec les fils de 
Benjamin [ ] jusqu’aujourd'hui. 

21. Omettre □bfc , TV2 dans Jérusalem. 


plaine du bord de la mer, par conséquent les mêmes quev. 48. 11 n'est pas 
concevable que les Judéens aient échoué dans la plaine s’ils en avaient pris 
les plus fortes places (contre Hum.). Les chars de fer les rendaient redou- 
tables; cf. ch. 4 . Le mot 231 a été pris par LXX pour un nom propre, Sïl 2, 
a dû être lu Sh 2H : ott Pijy*6 àiEaTsfrotTo aùrrjv; une double traduction avait 
pénétré dans l'Ane. -lat. quoniam Rechab obstitit eis , et currus eranl eis 
ferrei. 

20) Cf. sur v. 10 et Num. 14 24; Dt. 1 36; Jos. 14 12 ss. ; 15 13 ss. Il est 
clair qu’il n’y a point eu deux campagnes de Caleb contre Hébron, l’une du 
temps de Josué, l’autre après. Les faits relatifs à Hébron et à Caleb sont 
donc antérieurs à la mort de Josué et n’ont été répétés ici que pour com- 
pléter le tableau de l’installation des différents clans relevant de Juda. Les 
faits étant déjà dits dans le même chapitre, le v. a seulement pour but de 
les consacrer par l’autorité de Moïse; il a donc un caractère secondaire. Le 
TM avec G(B) a le pluriel TNTPI, mais le sing. est représenté par G(A, 
Lag ., etc.) et même Sah. C’est donc la leçon des LXX. Les mêmes LXX. ont 
et cette fois unanimement, inséré le mot * villes * après r trois *, sans doute 
pour mieux marquer que ces personnes sont des clans. 

21. Benjamin. — Dans Jos. 15 63 on trouve : « les fils de Juda » au lieu 
de : « les fils de Benjamin » et naturellement Juda au lieu de Benjamin dans 
la seconde partie du v. Moore et Budde prétendent que c’est aussi ce qu’il 
faut lire ici en plaçant le v. 21 après le v. 19, lui-même placé après le v. 7. 
Il est possible que le texte de Josué soit en partie plus ancien. « Ils nepurent 
pas »; cf. sur v. 19. Mais Benjamin au lieu de Juda n’est pas ici le fait d’un 
copiste. Peut-être le rédacteur, passant en revue les tribus, a-t-il voulu men- 
tionner aussi Benjamin. Mais comme Benjamin a été toujours en diminuant, 
c'est plutôt Jos. qui s'est conformé à l’état récent des choses contre Jos. 18 28. 
Il est à noter que la ville s’appelle bien Jérusalem et non Jébus; elle est seule- 
ment habitée par les Jébuséens. La seconde partie du texte semble dire que 
les Jébuséens y habitaient en paix avec les Benjamites avant la conquête. Cela 
n’est guère vraisemblable et c'est contraire h l'esprit de l’histoire du lévite, 



15 


juges, 1 22-23 

[R] 22 Or la maison de Joseph monta elle aussi vers Béthel et 
Iahvé était avec eux. [J] 23 Et la maison de Joseph épia Béthel, 

19 42. Le G(A) et ms. k de Lagarde ( Parisinus graecus = 54 (Holmes), un 
ms. arménien dans Lagarde, ne lisent pas ev hpouoaXr,^ 2° loco. La suppres- 
sion fortuite ne serait pas vraisemblable; il est beaucoup plus probable 
que « à Jérusalem » n’est qu’une glose destinée à tout harmoniser quand 
un premier glossateur eut ajouté le v. 8. On imagina une cohabitation des 
Israélites avec les Jébuséens dans Jérusalem, ville basse, réservant la 
citadelle aux Jébuséens , le tout sans fondements. Le texte primitif disait 
simplement que les Jébuséens habitaient côte à côte avec les Israélites. La 
même correction ou une autre analogue doit être faite Jos. 15 63 où le 
G(3 et A) a seulement : « et les Jébuséens habitèrent à Jérusalem 
jusqu’aujourd’hui », sans dire « avec les fils de Juda »! 11 faut évidemment 
regarder comme anciennes les leçons qui s’harmonisent avec l’histoire et 
les préférer à celles qui ont été introduites pour une plus grande gloire des 
Juifs. — « Jusqu’à aujourd’hui » est une note de la plus haute importance, 
surtout après la correction proposée. En toute hypothèse d’ailleurs l’auteur 
ne peut parler d'une cohabitation pacifique après la conquête par David : à 
partir de ce moment les Judéens avaient pris la ville! Il faut donc recon- 
naître que le verset, soit dans la forme qu’il a ici, soit dans la forme de Jos. 
15 63, est antérieur au temps où David prit Jérusalem. Un rédacteur a pu 
ensuite le prendre tel quel parce qu’en réalité les Jébuséens demeurèrent 
mêlés aux Israélites comme les autres Cananéens. 

22-26. Joseph et la piuse de Béthel. — 22) La leçon *|DV rP2 de TM 
est meilleure que le banni rpV ^2 des LXX; c’est l’expression plus 
rare et plus ancienne Jos. 17 17; II Sam. 19 21 ; I Beg. 11 28; Am. 5 6 
et qui revient v. 35 attestée par LXX ( Budde ). Joseph est ici comme 
une grandeur opposée à Juda, QH □*. On trouve dans G(A) et Eusèbe 
Juda rvrrv pour mrr ; Juda aurait aidé Joseph. Mais la leçon de TM 
est plus probable comme parallèle à v. 19. Budde suivi par Kittel pro- 
pose de lire SftTirP , « Josué », qui aurait été supprimé après que les faits 
qu’il veut contemporains de Josué eurent été reportés après sa mort. 
Mais la conjecture n’est pas appuyée. On ne dirait pas simplement d’un 
si grand chef qu’il était avec eux, c’est à lui qu’on eût attribué la campagne. 
Nous voyons bien que Josué a pris 'Aï, mais il n’est pas question de 
Béthel dans son histoire. Il faut reconnaître, précisément avec l’école 
critique, que la conquête s’opéra lentement, que telle et telle ville résista 
longtemps. 

23) *Vin explorer ne se trouve à hiph. qu’ici et peut-être Prov. 12 26; on 



16 


juges, 1 24-26 

et le nom de la ville était auparavant Louz. 24 Et ceux qui étaient 
en embuscade virent un homme qui sortait de la ville et ils lui 
dirent : Indique-nous le moyen d’entrer dans la ville et nous te 
ferons grâce. 25 Et il leur indiqua le moyen d’entrer dans la ville 
et ils passèrent la ville au fil de l’épée et ils laissèrent en liberté 
cet homme et tout son clan. Et cet homme s’en alla au pays 
des Hétéens et bâtit une ville qu’il nomma Louz ; c’est son nom 

peut le prendre soit dans le sens de gai , soit comme causotif, « faire explo- 
rer ». De toute manière la préposition 2 qui suit est peu naturelle et on 
serait tenté de lire « et ils campèrent », d'après xal reapsvé6aXov avec G(A, 
même B qui y ajoute la traduction de TM xai xaTgaxE^avto) , Anc.-lat . etc. 
Vg. nam cuni obsidcrent. Moore note que le sujet, omis par G(B), n’est pas 
en effet indispensable; il figure dans G(Ai etc. sous la forme otxo'; Iapar,X. 
Comme le v. 22 par sa ressemblance avec le v. 19 a le caractère rédactionnel, 
on peut se demander si 23-26 ne constituent pas une histoire antérieure 
empruntée par le Rédacteur comme celle de Caleb et du v. 21 ; elle aurait 
eu pour thème les actes de la maison d'Israël; Joseph aurait été substitué 
par le Rédacteur qui se proposait de passer en revue les tribus. — Béthel 
est l'ancienne Louz, et le changement de nom est déjà indiqué Gen. 28 19. 
Dans Jos. 16 2 les deux noms paraissent répondre à deux localités, mais 
rmSdoit être pris comme une opposition de bîTW2 plutôt que comme un lieu 
différent. Signalé par Eusèbe à 12 milles de Jérusalem (Onom. 209 55, etc.), 
aujourd'hui Beitin y endroit bien connu. 

24) Le G de B et consorts a nJîTl devant « et voici qu’un homme 

sortait... » mais A et les siens sont avec TM. Le terme pour dési- 

gner l’embuscade marque spécialement ceux qui veillaient pendant la nuit; 
cf. I Sam. 19 11 et Jud. 7 19; ils demandent à l’homme non de leur montrer 
la porte mais « l'endroit le plus faible des murailles » (Câlin.). 

25) L’homme est épargné avec tout son clan; cf. Jos. 6 23; nnStZTQ est 
certainement plus que la famille proprement dite, c’est le groupe de tous 
ceux qui se croient parents. Cette émigration ressemble assez à celle des 
Danites. 

26) Si l’on prenait le terme de ^nn avec l’extension qu’il a dans le docu- 
ment P du Pentateuque (Code sacerdotal), l’indication serait assez vague, 
puisqu'il place les Ilétéens à Hébron (Gen. 23 ); mais ce qui prouve qu'ici 
le terme est pris dans son sens spécial, c’est que le pays est en dehors de 
celui d’Israël. Il s’agit donc du pays propre des Hétéens, au nord de la 
Palestine ; cf. sur 3 3. Le site de la nouvelle Louz n’est pas connu; on peut 



JüGfeâ, i 27-28 4^ 

jusqu*aujourd*hui. [R] 27 Manassé ne déposséda pas Beth-Chean 
ni ses filles, Ta'anak ni ses filles, les habitants de Dor ni ses filles, 
les habitants de Ible'am ni ses filles, les habitants de Megiddo ni 
ses filles, et les Cananéens se maintinrent dans ee pays. 28 Cepen- 
dant lorsqu’Israël devint plus fort, il mit les Cananéens à la 


considérer comme répondant à la situation et au nom Louweiziyeh près 
d'el-Ghadjar , endroit habité aujourd’hui par une race spéciale à moins 
d’une heure de Tell el-Qiidi , vers le nord-ouest. 

Il semble bien que la prise de Béthel, attribuée 11 la maison de Joseph 
(ou d’Israël!), n’est pas du même auteur que ce qui est relatif à Manassé et à 
Éphraïm ; le reste étant dans le ton général du chapitre, notre fragment 
23-26 doit être une ancienne histoire, empruntée par le rédacteur-auteur 
comme marquant ce que fit Joseph, en parallèle avec ce que fit Juda. 

27-29. Manassé et Éphraïm. — 27) Un passage tout à fait parallèle Jos. 
17 11-13 qui semble renfermer un élément plus primitif, « et ils ne purent 
pas »; cf. sur v. 19. Mais ce n’est pas une raison pour le restaurer ici 
puisque le Rédacteur semble avoir voulu l’éviter, comme v. 21, pour laisser 
la responsabilité aux tribus. Il demeure cependant (pie le Rédacteur du cha- 
pitre se servait d'éléments anciens. Dans les deux cas il y a changement de 
tournure : telle ville et ses filles... les hubitants de telle ville et ses filles. 
Quoi que cela ait d’étrange, la seconde tournure ne peut être dite contraire 
à la grammaire et le TM est ici confirmé par LXX. La discussion topogra- 
phique appartient au livre de Josué, nous indiquerons seulement ici les 
identifications qui nous paraissent les plus probables. DD Belh-Cheân 
l’ancienne Scythopolis, auj. Bcisiin ; "pyn Ta'anak , auj. Ta'annuk ; 
Mcgiddo , auj. Tell el-Mutesellirn près Leddjun \ Dôr , auj. Tantura , au 
bord de la Méditerranée; Ible'am , auj. Bir BeTameh. Ce sont toutes les 
plaines, celle de Beisân près du Jourdain, celle du Cison allant du Thabor 
à la mer, et aussi les rives de la Méditerranée qui échappent à Manassé; 
cf. ch. 4. — Tous ceux-là ne commencèrent pas à habiter (LXX Vg. coepit) 
mais s'obstinèrent à demeurer; le verbe SîO (hiph.) dans le sens d’une, 
résolution bien prise, 1 Sam. 12 22. 

28) DD ne signifie pas le tribut, mais la corvée, l'instrument indispen- 
sable de tous les grands travaux de l’Orient. Salomon (I Reg. 9 15) fit tra- 
vailler à la corvée pour Megiddo et Gézer. C’est sous son règne que les 
Cananéens furent le plus universellement soumis à la corvée (I Reg. 9 20 ss.) 
à cause de ses entreprises considérables. 

P. Lagrange. — Les Juges. 


2 


18 


juges, 1 29-31 

corvée, mais il ne les expulsa nullement. 29 Ephraïm ne chassa 
pas les Cananéens habitant à Gézer, et les Cananéens habitèrent 
au milieu de lui à Gézer. ^Zabulon ne chassa pas les habitants de 
Qitron ni les habitants de Nahalol ; et les Cananéens habitèrent 
au milieu de lui et servirent à la corvée. 31 Acher ne chassa pas 
les habitants d’Acco, ni les habitants de Sidon, de 1 Makhalib ’ 

31. nbnOr TM abriN Ahlab ; omettre nsbn IJelba. 


29) Ce v. semble le" texte abrégé, mais par le Rédacteur lui-même, de 
Jos. 16 10. Dans cet endroit on lit : « et le Cananéen habita au milieu 
d’Éphraïm jusqu'aujourd’hui et il fut employé à la corvée », ce qui vise 
peut-être les travaux de Salomon (I Reg. 9 15). Il y eut bien sans doute 
d’autres endroits qui échappèrent à Ephraïm, mais celui-là était particuliè- 
rement célèbre par le don qu’en fit le Pharaon à Salomon comme dot de sa 
fille (I Reg. 9 16). Auj. Tell Djézer découvert par Clcrmont-Ganneau eu 
1871 (cf. RB. 1899, p. 109 ss.). 

30-35. Les autres thibus. — Issachar est omis, ce qui est difficilement 
explicable ; il est possible que l’auteur n’ait rien su de ses exploits particu- 
liers, comme il ne dit rien non plus de ceux des autres, et qu’il ne lui ait pas 
connu d’enclave cananéenne. Quant à Lévi, il ne pouvait en être question. 
Qu’on note bien que dans tout ce qui suit, comme pour Ephraïm et 
Manassé , il n’est nullement question de la conquête, mais de ce que la 
conquête antérieure eut d’incomplet. 

30) Les noms propres sont déplorablement défigurés dans les divers 
textes de G. Même dans TM, il est probable que pTCp est le même que 
rN2p de Jos. 19 15, sans qu'on puisse choisir le bon avec certitude. SSfW 
est dans Jos. 19 15; 21 35 SSn- probablement auj. Md' lui à l’ouest de 
Nazareth. 

31) Aser ne put s'emparer d’Mceo, auj. Mcca, ni de Sidon, auj. Saïda y 

presque les deux extrémités de son territoire de jure Jos. 19 28, car les 
Phéniciens ne furent jamais soumis aux Israélites, ibnx et HiSn ne 
peuvent être que la même ville et c'est encore ce qu’il faut reconnaître dans 
Jos. 19 29 au lieu de l’impossible le vrai nom de la ville paraît être 

donné dans l'inscription de Sennachérib (3° campagne, contre Ezéchias) 
sous la forme Makhalliba. Akzîb, auj. Ez-zib. Aphiq est peut-être Apheq de 
I Sam. 29 1, mais ne doit pas en tous cas être cherché à Afqa au nord de 
Beirout ; Rchob n’est pas celui de Dan Jud. 18 28; II Sam. 10 6; Num. 13 



19 


juges, 1 32-34 

d’Akzib, [ ] d’Aphiq, de Rehob ; 32 et les Achérites demeurèrent 
au milieu des Cananéens habitant le pays, car ils ne les chassèrent 
pas. 33 Nephtali ne chassa pas les habitants de Beth-Chémech ni 
les habitants de Beth-'Anath, et il demeura au milieu des Cana- 
néens habitant le pays, et les habitants de Beth-Chémech et 

de Beth-'Anath les servirent à la corvée 3 '*Et les Amor- 

rhéens resserrèrent les fils de Dan contre la montagne, car ils ne 

21, mais un Rehob près de la mer et du Cison; cf. Muller, Asien und Eur., 
p. 153. 

32) La formule est significative; non seulement Aser n'expulse pas les 
habitants anciens, mais c’est lui qui habite au milieu d’eux et sans doute 
d’une façon assez dépendante, car on ne dit pas ici qu’ils furent réduits à 
la corvée. 

33) La même tournure est employée pour Nephtali, cependant les villes 
qu’on cite comme demeurées indépendantes furent elles-mêmes assujetties 
à la corvée. L’élément étranger fut toujours considérable dans cette région, 
Gelil ha goyini (Is. 8 23), « le district des étrangers » ou simplement Gelil 
(I Reg. 9 11 ; Il Reg. 15 29) la Galilée. Beth-Chémech est cité Jos. 19 38 
mais n’a pas été identifié. Beth-'Anath renferme aussi un nom de divinité, ce 
qui a été très bien reconnu par les Égyptiens; dans leur transcription 
r Anath est déterminé par le signe d’une déesse (Miller, Asien , etc., 
p. 220). Auj. probablement 'Ainita à 6 milles au nord-ouest de l’ancienne 
Cadès de Nephtali. Le renseignement donné par Eusèbe ( Ononi . 236 45) 
sur un lieu Baxavoua à 15 milles de Césarée n’est que juxtaposé et ne pré- 
tend probablement pas être une identification. Steuernagel ( Einwanderung y 
p. 29) veut que ces deux villes désignent une première position de Nephtali 
près de Dan; mais l’identification de Beth-'Anath ruine cette hypothèse. 

34 s.) L’ensemble de la notice est bien conçu dans la manière de tout le 
chapitre , surtout le v. 35. Cependant le mot Amorrhéen au lieu de Cana- 
néen étonne, et la seule explication qu’on en peut donner c’est que l’auteur- 
rédacteur qui suit souvent d’anciennes sources dont quelques fragments 
nous sont conservés ailleurs, reproduit ici son document. Le mot Amor- 
rhéen, pour désigner les anciens habitants, est un terme de l’ÉIohiste et du 
Deutéronome. Il est à remarquer que le v. 34 s’encadrerait parfaitement 
chap. 18, v. 1, pour expliquer pourquoi Dan a cherché fortune ailleurs, au 
lieu de ce qui remplit maintenant la fin du verset 'i;n nbEJ kS cf. ad 
h. I, Ce verset a pu être emprunté à cet endroit et remplacé ensuite. Aussi 
bien le texte des LXX sur Jos. 19 47 est beaucoup plus complet Jque le TM 



20 


JUGES, 1 3o 

les laissèrent pas descendre dans la plaine, 35 et les ÀmorrhéetlS sé 
maintinrent au mont Hérès, à Aïalon et à Cha'albim; et lorsque 
la main de la maison de Joseph se fit plus lourde, ils servirent 

et contient nos deux versets. La preuve que ce qu’il y a en plus est primitif 
se trouve dans le TM lui-même, NPI doit être corrigé soit en ’lprçpi 
(Budde) soit plutôt en moindre changement : « le territoire des 

Danites fut trop étroit pour eux », ce qui suppose auparavant l’équivalent 
du v. 34. Nous lisons Ü^2T\2 plutôt que UrU soit d’après le texte des LXX 
\3ans Jos. 49 47 soit d’après Sah. ici même; quelques autorités grecques ont 
ici le verbe au sing., le pronom au pluriel : « il ne les laissa pas ». — Dans 
LXX sur Jos. 49 47 notre v. 34 parait précédé des mots : « et les fils de 
Dan ne dépossédèrent pas l’Amorrhéen », qui conviendraient bien ici 
comme début d’après le style de tout le chapitre. Actuellement le v. 34 
commence d’une façon trop abrupte. 

35) Ayyalôn est le moderne Yâlô, non loin d^Amwas, dans une situation 
très agréable, une petite plaine séparée par des collines de la grande 
plaine de Philistie (cf. Jos. 40 42). Cha'albtni nommé h côté de la précé- 
dente (Jos. 49 41 et 1 Reg. 4 9) ne peut être identifiée avec certitude, car le 
Selbil d’aujourd’hui ne correspond guère phonétiquement; la situation 
convient. D^n in,«la montagne du soleil » ne vient qu’ici. Mais puisque D1Ï1 
signifie le soleil on pense à Beth-Chémech , « la maison du soleil », et ce qui 
est plus fort c'est que les deux passages cités qui rapprochent Ayyalôn et 
Cha'albim ont aussi soit Beth-Chémech (1 Reg. 4 9) soit Tr-Chémech (Jos. 
49 41) dans le même rapport immédiat. L’endroit se nomme aujourd’hui 
* Aïn CheniSy près de la station de Deir AbbAn. Ce nom n’en est pas moins 
très étonnant, d’autant que f Aïn Chems qui représente bien Beth-Chémech 
est plutôt dans la plaine. Il se peut que nous ayons ici le nom ancien 
cananéen transformé dans la suite. Les LXX ont cependant une variante 
assez séduisante, ev tû opsi tou Mupatvûvo; (A etc.) = D7H «la montagne 
du myrte », mais il est remarquable que le mot de Din, sans doute à cause 
d’un sens idolâtrique, a inspiré de la répugnance aux Juifs; cf. sur 8 13. 
Une autre variante (B etc.) èv tw opst toi oa-paxoSBa = uin « le mont du 
tesson », est une autre échappatoire. Une fois en voie de traduire les noms 
propres, les LXX ont mis pour les deux autres villes des ours et des 
renards, ce qui, mêlé aux noms propres rétablis, engendre dans leur liste 
une confusion inextricable. — La maison de Joseph (Éphraïm dans LXX à 
Jos. 49 47) intervient. Beth-Chémech est dans la région de Juda et même 
sur sa limite, mais les deux autres villes sont plutôt en relation avec 
Éphraïm h qyi incombe aussi Gézer (Jos. 46 10). 



juges, 1 36, 2 1 21 

à la corvée. 36 Or le territoire * des Iduméens ’ [s’étend] de la 
montée cT'Aqrabbim, de Sél'a et au-dessus. 

2. — 1 Alors l’ange de Iahvé monta de Galgala [ ] à 
Béthel, auprès de la maison d’Israël ’ et il dit : Je vous * ai fait 

36. TNn; TM nonn des Amorrhéens. 

i. bmu» nu Sa binra Sk; tm cwan Sa à Bokim. — whm uun; 

TM nbw inexplicable. 


36. La frontière d’Édom. — Le TM lit « l’Armorrhéen », mais le 

G(A, Lag.y M. de Moore, l’Arm, de Lagarde, Éth., Syr.-hex ., ce dernier avec 
obèle) porte : tou ’Apoppafoo ô ’IBoutxaîo;, « la frontière de l’Amorrhéen est 
l’iduméen ». Cette leçon est assez séduisante parce qu’elle explique pour- 
quoi il est question ici d’Édom ; c’est en raison de l’Amorrhéen dont il 
vient d’être parlé; mais d’autre part la frontière de l’Amorrhéen ne peut 
être indiquée par un seul point si étroit puisqu’elle comprenait le pays 
occupé par les Israélites, et, à proprement parler, l’Amorrliéen n’avait plus 
de frontières , au moins légales. Il s’agit donc ici seulement d’Édom et 
tous les critiques sont d’accord là-dessus (contre Hum ., etc.). Mais il est 
difficile de fixer cette frontière. Nowack suppose le texte altéré et met des 
points après la montée d’Aqrabbim. Cet endroit paraît donc sûr et on le 
place à bon droit au Naqb es- Saf<i. La difficulté est pour Sél'a. Moore pro- 
pose en hésitant le moderne Tell es-Sâfiyé qu’il se représente très fausse- 
ment comme un promontoire de grès haut de mille pieds. S’il s’agit de la 
frontière orientale, on peut penser à Pétra, nommée ordinairement 
Dans ce cas, on supprimerait le Q devant ybon comme issu d’une dittogra- 
phie,SéI f a serait le terme; nbyo littéralement « au-dessus de » conviendrait 
bien pour les hauteurs qui dominent Pétra. Mais il ne peut être question 
ici que de la frontière contiguë à Israël. On indique deux points de départ, 
c’est-à-dire les deux extrémités de la frontière nord et nbÿ ü marque tout 
le reste d’une façon indéterminée; la position au-dessus serait encore justi- 
fiée à cause de la situation élevée d’Édom dans les montagnes du Maqrâ . 
Dans ce cas ybon ne pourrait être loin de Cadès, le rocher même de Cadès, 
d’après Buhl ( Gesch . der Edomiter y p. 25 s.; cf. RB. 1898, p. 585 s.), et 
cette opinion justifie seule la mention d’Édom en cet endroit. Le transfert 
de la tradition de Cadès à Pétra s'expliquerait aussi très simplement par la 
confusion des deux Sél'a. 

2 1-5. L’ange de Iahvé. — 1) L’ange de Iahvé est toujours un représentant 
spécial de Dieu, non un homme ou un prophète. Si ce titre a été ensuite 



22 juges, 2 1 

monter ’ d’Egypte et je vous ai amenés au pays que j ai juré à 
vos pères; alors j'ai déclaré : je ne romprai jamais mon alliance 

appliqué à un prophète, c’est par une assimilation du prophète à l’ange de 
Iahvé qui doit être mentionnée expressément, A gg. 1 13; Mal. 3 4. C‘est 
d’ailleurs l’opinion de s. Aug. et de Théodoret, abandonnée par Hum. Il va 
s’adresser h tout le peuple ; Budde dit : c'est impossible ; le peuple est 
dispersé chacun chez soi. Mais il est précisément dans la manière du livre 
des Juges de supposer qu’on peut s’adresser ainsi à tout le peuple comme 
s’il avait une sorte de représentation nationale. L’auditoire visé ici est 
exactement dans la meme situation que celui de 6 8 et de 10 11. D’ailleurs 
les LXX mentionnent expressément la mission de l'ange à la maison d’Israël. 
Leur texte porte ir.'i xôv KXxy0tii5va xal £7:1 BaiOrjX xat Irct xov oTxov IaparjX xat 
êTttev aùious, aussi bien B que A, avec leurs adhérents. 

Comme il est impossible que le but du voyage de l’ange soit indiqué 
trois fois, il faut d’abord choisir entre Bokim et Béthel. Budde et Moore 
choisissent avec raison Béthel comme le texte primitif, parce que le nom de 
Bokim est amené seulement au v. 5 précisément en raison de l’événement 
relaté ici. Le nom de Bokim mis dans le TM comme plus exact d’après le 
v. 5 a facilement pu passer en doublet dans le grec, tandis qu’il n’y avait 
aucune raison pour les LXX d’insérer Béthel s’ils ne l’ont pas lu dans leur 
source. Après cela l’ange peut très bien être venu à Béthel vers la maison 
d’Israël (cf. sur v. 23, la maison d’Israël dans G) et il suffit de retrancher 
xat au texte grec avant iiz\ tov olxov... à moins qu’on ne considère comme 
primitif le texte représenté par la version sahidique « ... à Béthel, 11 dit aux 
fils d’Israël, leur disant », qui n’est peut-être qu’un arrangement plus cou- 
lant. Il n’y a d’ailleurs pas de raison d’entendre ici la maison d’Israël au 
sens restreint de l’Israël du nord (contre Budde). Sur Bokim, cf. v. 5. Le 
point de départ est Gilgal, où Josué avait établi son camp Jos. 4 19 et qui 
demeura longtemps un lieu de pèlerinage et un sanctuaire (Âm. 4 4 s. ; 5 5: 
Os. 4 15 ; 9 15; 12 12). L’endroit a été reconnu entre Jéricho et le Jourdain 
par l'existence d’un birket (bassin) Djildjiliyeh. Il est assez naturel que 
l’ange monte d’un lieu qui fut longtemps comme le centre des opérations 
militaires, Jos. 9 6 ; 10 6.15. 43; 14 6. Dans le G(B), Sah. en plus ; 
« voici ce que dit le Seigneur », et dans G(A et consorts) : « le Seigneur vous 
fait monter, etc. » De sorte que de toute manière le grec suppose que l’ange 
rapporte une parole de Dieu et par conséquent n’est pas autre qu'un pro- 
phète, ce que semblait déjh indiquer l’absence de l'article dans le grec. Le 
mal'al f, l’ange de Iahvé proprement dit, parle toujours comme si Iahvé lui- 
même prenait la parole. Dans le TM nSyN est inexplicable, car il signifie le 



23 


juges, 2 2-3 

avec vous, 2 mais de votre côté vous ne devez pas conclure 
d’alliance avec les habitants de ce pays; vous détruirez leurs 
autels. Or vous n’avez pas écouté ma voix ! Qu’avez-vous osé 
faire? 3 Et bien j’ai dit : ‘je ne continuerai pas à chasser le 
peuple que je vous avais dit d’expulser devant vous ’ et ils seront 
pour vous ' des épines dans les flancs ’ et leurs dieux seront pour 

3. dd^so Dwmnb ^rmi wa ojm n» unaS kS ; tm unaa nS 

Dm# je ne les chasserai pas devant vous. — D3HÏ3 Q*M3fb ; TM 
DHïS en côtés. 


passé, ce qui ne peut être exprimé ici par l’imparfait commençant la phrase. 
Kœnig § 158 allègue un præsens historicum qui, pour impressionner davan- 
tage, suppose l’action comme présente aux yeux et inachevée, mais ce ne 
peut être le cas lorsque l’action est représentée par le contexte comme 

déjà suivie d’une autre qui en est la conséquence, exigeant que la première 
soit terminée (ce dernier point répond à l’instance de Kæn. § 366 r/, 
exemples d’impf. conséc. après le præsens historicum). Il faut donc lire 
wSyn au lieu de nbÿ#. Moore : « cette allusion au serment fait aux 

ancêtres est très commune dans le Dt. 1 8 (G) i 35 ; 6 10.18.23 ; 7 13; 8 1 ; 
11 9.21; 19 8; 26 3.15; 28 U ; 30 20; 31 20.21.23, etc. » L’alliance dont il 
s’agit ensuite n'est pas celle conclue avec les ancêtres, mais celle de Ex. 
34 10 ss. dont les recommandations vont être reproduites en partie. La 
promesse de ne pas annuler l'alliance, Lev. 26 44. 

2) Ne pas faire d’alliance avec les gens du pays, Ex. 34 12; briser leurs 
autels, cf. Ex. 34 13. Les LXX lisent en plus : OHmSnS ViniWri nSi 

Dilibips « et vous n’adorerez pas leurs dieux, mais plutôt vous 
briserez leurs idoles » qui n’est pas cependant nécessaire. 11 est difficile de 
penser que les traducteurs ont ajouté de leur crû, mais leur texte pouvait 
avoir été surchargé. La faute des Israélites n’est pas autrement exprimée; 
cf. sur 3 5 par le fait même qu’ils n’ont pas dépossédé les Cananéens ils ont 
donc contracté alliance avec eux et naturellement ils n’ont pas brisé leurs 
autels. 

3) D'après Moore, allusion à une menace antérieure, «j’ai donc dit... » par 
exemple Jos. 23 13; Num. 33 55; dans ce cas ce que Dieu se propose de 
faire actuellement serait sous-entendu. Mais rien n’empêche d’entendre 
TPON dans le sens du présent, avec l’opposition marquée D3; voici de mon 
côté ce que je vais faire... D’ailleurs le TM est incomplet comme le prouve 



24 


juges, 2 4-5 

vous un piège. 4 Et lorsque l'ange de Iahvé eut prononcé ces 
paroles devant tous les fils d’Israël, le peuple éleva la voix en 
pleurant. 5 Et ils nommèrent ce lieu Bokim et ils immolèrent là 
à Iahvé. 

déjà l’inexplicable DHxS. Les Israélites sont blâmés d’avoir interrompu leur 
œuvre : tant qu’ils ont voulu marcher, Dieu les a aidés : maintenant qu’ils 
6’arrêtent « il ne continuera pas » à chasser leurs ennemis. Le texte de G (A 
et consorts) est donc préférable. On a essayé d’expliquer DHÏ par l'ass. 
saddu « filet », (Del. Prolegomcna , p. 75 s.), mais il est peu probable qu’un 
mot inconnu à l’hébreu se trouve dans un passage qui ressemble à un centon 
d’autres endroits, et il est plus probable qu’il faut compléter soit d’après 
Jos. 23 13 □ « des épines dans les yeux » ou d’après Num. 

3355 D313D DdS 1WI « des épines dans les côtes ». On pourrait dire 

aussi que ces deux passages sont des tentatives pour expliquer un mot 
obscur, s’il était bien certain que l’assyrien doive se lire saddu et non zaddu ; 
le parallélisme avec serait parfait. Dans ce cas, il faudrait naturelle- 

ment postuler l’hébreu DHX, et ce seul mot donnerait une grande impor- 
tance à notre passage comme plus ancien que les autres d’après lesquels on 
le prétend calqué. 

4) Sur ces pleurs cf. 21 2 ; I Sam. 11 4 etc. 

5) 0^33, «les pleurants». Ona rapproché « le bois des DN32 » (Il Sam. 5 23. 

24) et « la vallée N32H » (Ps. 84 7), deux mots que les LXX ont également 
rendus KXauQjxojv comme ici. Mais le premier endroit était près de la vallée 
des Rephaïm, par conséquent de Jérusalem, l’emplacement du second est 
inconnu. Il n’est nullement nécessaire de supposer une ville de Bokim avec 
son sanctuaire; l’endroit visé dans l’ensemble étant Béthel dans le texte 
conservé par les LXX, l’auteur veut seulement y attacher le souvenir de 
son enseignement doctrinal, cf. Poels , p. 11 1-1 17, et la mémoire du repen- 
tir des tribus. Cela pouvait se rattacher dans l’opinion à rH33 le 

« chêne des pleurs » près de Béthel (Gen. 35 8), mais il a évité cette con- 
sonnance pour distinguer plus nettement les deux souvenirs. — Le sacrifice 
à Iahvé, comme 20 26 dans une circonstance où les tribus sont réunies et 
à Béthel. 

La péricope a été interprétée différemment par Moore, Budde après 
Wellhauscn, qui considèrent comme solidement établie leur distinction des 
sources. Ils donnent à un auteur très ancien l a et 5 b , et tout le reste à un 
rédacteur de date très basse. Cela suffit pour construire toute une histoire. 
L’ange de Iahvé qui accompagnait les Israélites depuis le Sinaï était demeuré 



JUGES, 1 — 2 5 . — CRITIQUE 25 

à Gilgal. Aussitôt que la maison de Joseph a conquis Béthel, 1 22 ss., il y 
monte et voilà le sanctuaire installé : « l’ange de Iahvé monta de Gilgal à 
Béthel et ils sacrifièrent là à Iahvé. » Mais si nous admettons volontiers que 
l’auteur de l b à 5 a n’est pas aussi ancien que les auteurs des histoires con- 
tenues dans le livre des Juges, il nous paraît évident que le rédacteur qui a 
écrit ces lignes est le même que l'auteur-rédacteur du chap. premier, qui a 
été tout entier rédigé dans sa forme actuelle pour en venir là, et pour ser- 
vir de thème à la morale adressée aux Israélites. Or cet auteur ne peut-il 
avoir écrit qu’on a sacrifié à Béthel? C'est précisément ce qu’il dit sans 
aucun scrupule aux chapp. 20 et 21 du même livre; la formule relative aux 
pleurs s’y trouve exactement 21 2. C'est donc un pur mirage de voir ici une 
distinction documentaire, même en admettant avec les critiques qu’il s'agisse 
de Béthel. L'ange s’adresse, il est vrai, à tout le peuple censé dispersé, 
mais c’est là une manière simpliste de parler qui suppose une certaine unité 
nationale ; le Rédacteur n’avait pas plus à se préoccuper de la dispersion des 
tribus que dans les cas analogues (6 8; 10 11). Israël par rapport à Dieu 
représente une unité. 


* 

* * 

Critique littéraire et historique. — 1. Discussion. — L’opinion des 
critiques récents sur la première introduction des Juges 1 1-2 5 est 
ainsi résumée par Moore : « 11 est évident par tout le caractère du 
morceau qu’il n’a pas été composé spécialement pour le livre, mais que 
c’est un «extrait d’une ancienne histoire de l’occupation israélite de 
Canaan. Cependant il n'a pas été conservé exactement comme il était 
dans la source originale »> (p.4). L'original serait rhistorien Iahviste 
du Pentateuque. Quelle que soit d’ailleurs son origine, Juges 1 est 
sans contestation un des plus précieux monuments de l'histoire primi- 
tive des Hébreux. Il contient un récit de l’invasion et de l’occupation 
de la Palestine occidentale entièrement différent de celui qui est 
donné dans le livre de Josué et d'une beaucoup plus grande valeur 
historique. Dans Josué, les armées unies d'Israël, sous le commande- 
ment de Josué, conquièrent en deux campagnes toute la Palestine ( 10 - 
11) du Liban au désert du sud et exterminent sans pitié la population 
entière. Le pays est partagé entre les tribus (13 ss.) qui n'ont qu’à 
entrer et à prendre possession du territoire qu'elles ont obtenu par le 
sort. Dans Jud. 1, au contraire, les tribus envahissent le pays séparé- 
ment ou comme elles sont unies par l'intérêt commun; elles combattent 



26 JUGES, 1 2 5 . CRITIQUE 

pour leur propre pays avec des succès variés, ou s'installent pacifique- 
ment parmi la population ancienne Laquelle de ces deux représen- 

tations contradictoires de l'invasion des Israélites est la plus véritable, 
ne peut être mis en question un seul moment. Tout ce que nous 
savons de l'histoire d'Israël au pays de Canaan dans les siècles sui- 
vants confirme la représentation des Juges que la conquête du pays par 
les tribus fut graduelle et partielle etc. (p. 7 s.). Cette manière de voir 
qui, au moins pour les conséquences historiques, est celle de tous les 
critiques, a pénétré dans la grande Histoire de Maspero : après avoir 
résumé le livre de Josué, il ajoute : « Tel est, dans ses grandes lignes, 
le récit des Chroniqueurs hébreux : à l’examiner de près, il semble 
bien qu'Israël n'agit pas avec autant d’ensemble et de vigueur qu’ils se 
le figurèrent. Le peuple ne conquit point son patrimoine en une fois : 
il s'y glissa, groupe à groupe, clan par clan, partie aux gués de Jéricho, 
partie plus au nord, vers le cours moyen du Jourdain, à la hauteur de 
Sichem » (II p. 680 s.). D’après Budde, voici quelle est précisément la 
situation des tribus au moment où s’ouvre le livre des Juges. Elles sont 
campées sur la rive occidentale du Jourdain, près de Jéricho (la ville 
des Palmes 1 16) ou de Gilgal (2 1). Le point de départ est donc celui 
du livre de Josué au chap. 6, après la prise de Jéricho. On suppose 
aussi que le pays à conquérir est partagé d'avance par le sort. Chaque 
tribu a donc son rôle marqué et l’oracle décide que Juda commencera 
l'attaque. Chacun marche à son but, etc. (p. 1). 

Nous ne craignons pas de dire que cette nouvelle histoire a quelque 
chose de plus artificiel et de plus contraire à la nature que ce qu'on 
reproche au livre de Josué. Voit-on les tribus assemblées à Gilgal, tirant 
au sort des lots qu’elles ne peuvent connaître, puis chaque tribu par- 
tant de Gilgal pour aller se fixer dans son territoire, les uns près, les 
autres loin, comme si chacun ne devait avoir alTaire qu'aux Cananéens 
qu'il avait pour mission de remplacer? D'ailleurs cette prétendue histoire 
de la conquête ne mentionnerait absolument que les exploits de Juda 
et la conquête de Béthel. D’autre part, on se plaît à tirer du livre de 
Josué une image d’ensemble, sans tenir compte du fait bien évident 
qu'aucun livre biblique n’a autant l’aspect, même extérieur, d’une 
compilation. Poels (Histoire du sanctuaire , p. 84 ss.) a très bien 
marqué le terrain de la conciliation historique. Le livre de Josué 
raconte deux grandes campagnes d’Israël coalisé contre les Cananéens 



JUGES, 1 2 5. — CRITIQUE 27 

0 

coalisés, une dans le sud, une dans le nord. Il ne fait pas une histoire 
suivie de l’installation des tribus, quoiqu'il ne manque pas de passages 
dans le livre de Josué qui représentent les difficultés qui restaient 
encore à vaincre sous des couleurs plus vives même que l’introduction 
des Juges. Cette histoire est remplacée par l’énumération des terri- 
toires appartenant de droit, ou à une époque quelconque, à chaque 
tribu, avec des tables de villes ; nous en retrouvons des fragments dans 
le livre des Juges. Mais cette action secondaire des clans suppose 
nécessairement qu’ils ont été introduits sur le terrain de leur action 
particulière par une action commune. Les critiques rejettent toute 
l’histoire de Josué parce qu’ils ne veulent pas l’entendre avec critique. 
Ils savent très bien que cette histoire a été généralisée dans une seule 
perspective. C’est une raison pour ne pas considérer le tableau d'en- 
semble comme exprimant suffisamment le caractère de chaque fait, ce 
n’est pas une raison pour nier les faits eux-mêmes. Poels l’a très bien 
dit : « En réalité, Josué n’a fait que commencer la conquête. A la tête 
d’une armée composée de toutes les tribus il a vaincu les rois cana- 
néens. L’occupation effective des diverses parties du territoire revient 
aux tribus séparées... Mais l’écrivain sacré, au lieu de traiter en détail 
tous ces événements distincts, généralise. Il attribue à Josué la conquête 
de tout le pays. La terre d’Israël a été conquise par le peuple d’Israël. 
Josué se trouvait à sa tête. C’est sur ce fond que l’auteur développe 
toute son histoire. Ainsi que Moïse avait été le grand législateur, ainsi 
Josué fut le grand conquérant. Iahvé avait donné à Israël la terre de 
Canaan. L’auteur fait mieux ressortir cette idée en groupant tout 
dans une seule et même série » (p. 97 s.). Le point de départ des Juges 
n’est donc pas le moment qui précède l’invasion, mais celui qui suit 
les deux grandes campagnes de Josué, après lesquelles le camp 
demeure à Gilgal où nous le trouvons encore Jos. 15 1 ; 16 l ; 17 1. 

Examinons maintenant de plus près la structure littéraire de Jud. 
1 1-2 5 ; c'est un sujet de critique littéraire d'autant plus important 
qu’ici nous ne sommes pas dans le vide, comme on le reproche souvent 
aux critiques ; nous pouvons juger de la manière dont les écrivains 
bibliques composaient par la comparaison avec d'autres morceaux 
bibliques. Notre chapitre a, en effet, de nombreux points de contact 
avec le livre de Josué. Jud. 1 10-15.20 = Jos. 15 13-19; Jud. 1 2J = 
Jos. 15 63; Jud. 1 27 s. = Jos. 17 11-13 ; Jud. 1 28 = Jos. 16 10; Jud. 



28 JUGES, 1 — 2 S. — CRITIQUE 

1 34 =3 Jos. 19 48 (LXX). C’est-à-dire que le livre des Juges et celui 
de Josué ont en commun la campagne de Caleb contre Hébron, la per- 
manence dp Jérusalem aux mains des Jébuséens, celle de plusieurs 
villes cananéennes au milieu de Manassé, celle de Gézer aux mains des 
Cananéens et la situation de Dan (ce dernier passage d’après les LXX 
qui ont conservé le texte original). Entre les deux livres il n'y a pas 
seulement contact, il y a coïncidence de textes. Si d’ailleurs on com- 
pare ces textes dans le premier épisode qui est le plus considérable, il 
paraît aussitôt que l’épisode de Caleb est mieux ordonné dans Josué, 
et que les variations du livre des Juges s’expliquent précisément par son 
but spécial. 

Ce n'est donc certainement pas Josué qui a emprunté à Juges. Mais 
ce n'est pas non plus Juges qui a emprunté purement et simplement au 
livre canonique de Josué, car pour Manassé, par exemple, le livre de 
Josué renferme un texte déjà mélangé avec d'autres éléments dont le 
livre des Juges n’a pas gardé la trace. Il semble donc qu’une seule 
hypothèse rende compte des faits : les deux livres canoniques ont 
puisé à une même source. Mais cette source commune était-elle certai- 
nement unique, était-ce une histoire de la conquête complètement dif- 
férente de celle du livre de Josué, la possédons-nous à peu près inté- 
gralement sauf certaines gloses? Sur ce dernier point, il semble que 
Budde et Moore sont d’accord pour rehausser la valeur et l’intégrité de 
cette source. Mais, non seulement ils supposent des ajoutes 1 4.8.9. 
18; 2 t b -4; ils sont encore contraints de modifier assez souvent le texte 
primitif. De tout cela il résulte bien que le rédacteur a poursuivi son 
but et que les documents qu’il pouvait posséder ont été transformés 
par lui selon les règles de la composition littéraire pour mieux concou- 
rir à ce but. N’oublions pas que c’est, avant tout, ce but du rédacteur 
que nous devons connaître. Sa pensée est précisément celle de l’auteur 
qui écrirait une introduction au livre des Juges pour le placer à son 
rang dans l’histoire du peuple de Dieu. La tradition savait que Josué 
avait fait la conquête de la terre promise, mais elle n'ignorait pas non 
plus qu’après lui tout avait été souvent compromis, et que l’installation 
incomplète avait dû maintes fois être reprise, les histoires des Juges en 
faisaient foi. Pourquoi donc Dieu n’avait-il pas extirpé les Cananéens? 
La seconde introduction 2 6-3 6 en donnait l’explication. Dieu avait 
résolu que les anciens habitants serviraient à éprouver la foi des 



JtJÜfea, i — 2 B. CKlTIQtiË 2$ 

Israélites, de sorte qu’il n’avait pas voulu les exterminer trop vile; 
Josué avait laissé son œuvre inachevée. Mais on pouvait remonter 
plus loin dans la recherche des responsabilités. Dieu avait laissé 
subsister ces peuples pour un dessein particulier. Il n'en avait pas 
moins ordonné aux Israélites d’éviter toute alliance avec eux, de briser 
leurs autels. Or c’est ce qu’ils n'avaient pas fait. Ils étaient donc 
responsables de la situation qui avait ensuite tourné à leur préjudice. 
Comme l’époque de Josué était considérée comme une époque de 
fidélité couronnée par la victoire (2 7) , on ne pouvait prendre le 
point de départ qu’après lui. Le rédacteur de notre introduction s’est 
donc proposé de dire quelle était la situation de chaque tribu par 
rapport aux Cananéens, ce qu’elles avaient fait et ce qu’elles n’avaient 
pas fait. Il fallait parler de leurs avantages pour montrer que Dieu ne 
les aurait pas abandonnées si elles eussent continué la guerre, aussi 
dit-on expressément pour les deux exploits de Juda et de Joseph que 
lahvé était avec eux (1 19.22) ; mais il fallait surtout montrer ce 
qu’elles n’avaient pas fait et comment un mélange et des alliances 
étaient devenus inévitables. Pour cela le rédacteur devait nécessaire- 
ment recourir à des documents antérieurs. Tout fait croire qu’en effet 
ces documents avaient une incontestable valeur historique, mais il est 
absolument impossible d’y voir une histoire de la conquête en opposi- 
tion avec la tradition relative à Josué. De faits de conquête il n’y a 
que la bataille contre Adoni-bézeq, la conquête d’Hébron, celle de 
Sephath et celle de Béthel. La campagne contre Adoni-bézeq, que nous 
lisons Adoni-sédeq, est considérée par plusieurs critiques comme la 
même que celle de Josué contre Adoni-sédeq. A supposer même que 
nous ayons ici Adoni-bézeq, roi de Jérusalem, ce peut être simplement 
un épisode des luttes des Judéens contre les gens de Jérusalem, 
demeurés maîtres de leur ville. La conquête d'Hébron est attribuée à 
Caleb par Josué, et c’était bien le sens du document employé par 
l’auteur des Juges (cf. sur v. 10). S’il l'attribue à Juda, c’est parce qu’il 
ne veut examiner que l’action des tribus considérées comme des entités 
spéciales; nous n'avons donc iqi qu’un épisode lié originairement à 
l’histoire de Josué, transporté dans le cadre qui suit sa mort pour 
donner une idée d’ensemble de l’activité de Juda. La prise de Sephath, 
d'accord avec Siméon, est une pointe vers l’extrême sud. Il ne reste 
donc comme fait de conquête qui puisse paraître divergent des récits 



30 JUGES, 1 — 2 S. — CRITIQUE 

de Josué que la seule prise de Béthel; le livre de Josué n'ignore pas 
l'action propre de la tribu de Joseph mécontente de son lot (Jos 17 16). 
Encore avons-nous remarqué qu'au point de vue critique on pourrait 
douter que l'exploit fût originairement propre à Joseph puisque 
certains manuscrits grecs l'attribuent à tout Israël. 

On peut dire que toute la théorie sur l'action séparée des clans, 
considérée comme le mode premier de la conquête, repose eur le mot 
batehillah (1 1). On suppose que les clans hésitant à attaquer les 
Cananéens, Juda est choisi pour marcher le premier et pour donner 
ainsi l’exemple. Mais il faudrait prouver précisément que ce passage 
appartient au document primitif plutôt qu’au rédacteur, et qu'il doit 
être détaché de son contexte actuel, après la mort de Josué. Or il se 
retrouve dans Jud. 20 18, passage qui n'est assurément pas primitif, 
mais plutôt rédactionnel. Moore et Budde prétendent que la seconde 
fois c'est une imitation et une imitation maladroite qui prend le mot à 
contresens. C'est là une ressource désespérée. Dans les deux cas la 
situation est la même. Israël est censé groupé après la mort de Josué 
comme devant Gibéa. Il s'agit de mettre quelqu'un à la tète. Assuré- 
ment ce serait trop dire que de faire de Juda un chef militaire, de lui 
donner l’hégémonie... même en prenant le mot dans son sens normal, 
« au commencement, en premier lieu », nous sommes dans le thème 
général du rédacteur. Après la mort de Josué il s’agit de continuer la 
guerre. Qui donnera l'exemple et marchera le premier? Juda ; j'ai livré 
le pays dans sa main. La phrase est générale, mais on voit aussitôt 
que Juda ne vise que son lot. C'est donc au v. 3 que commence le 
document ancien : ces critiques sont ici absolument en contradiction 
avec eux-mêmes. Ils voient bien que le v. 4 est rédactionnel : mais 
c'est la réponse directe au v. 2 qui est donc aussi rédactionnel. 
Récemment une autre théorie plus vraisemblable a été proposée. 
Steuernagel (die Einwanderung der israelitischen Slânime in Kanaan) 
ne réunit pas du moins les tribus à Gilgàl pour leur prêter l'idée 
absurde de se séparer afin de conquérir le pays de Canaan. 11 suppose 
que les tribus se sont séparées à Cadès. Celles qui sont filles de Lia, 
encore groupées dans une seule tribu, ont pénétré par le sud ; la 
maison de Jacob a marché droit sur la Mésopotamie où elle s’est ren- 
forcée de la tribu Rachel pour revenir comme maison de Joseph. Le 
seul point fixe dans la tradition qui paraisse favorable à ce système. 



JUGES, 1 — 2 5. — CRITIQUE 31 

c’est la prise de Sephat par Juda et Siméon (Jud. 1 17). Steuernagel 
en conclut que le début de la campagne de Juda et de Siméon (1 3) 
appartient au même cycle et que, par conséquent, il faut y placer la 
prise d’Hébron et en général toute l’activité de la tribu Lia. Le point 
de départ ne serait pas Jéricho , la ville des Palmiers , mais Tamar 
(le Palmier), ville du sud de la Judée. L’attrait de ce système vient du 
texte des Nombres (21 1-3) qui marque une marche du sud contre 
Horma-Sephat , et il expliquerait très bien l’isolement de Juda au 
temps des Juges. Mais d’abord il faut renoncer à l’imagination d’une 
tribu Lia : tout se bornerait à Juda et à Siméon. De plus , Juda pro- 
pose à Siméon de l’aider d'abord dans son lot, à charge de revanche : 
la direction est donc du nord au sud. Enfin les Qénites qui semblent 
un appui pour Steuernagel se tournent contre lui. Ils n’ont pas pris part 
à l’expédition contre Sephat. Ils sont demeurés vers ’Arad, c'est-à-dire 
beaucoup plus au nord. Cette marche est donc contraire à l’idée d’une 
invasion par le sud, même dans des détails secondaires. Enfin, il faut 
supposer que le document ancien qui aurait relaté ces faits ignorait la 
présence de Juda, avec les Qénites, sous le regard de Balaam (Num. 24 
17-21), en d'autres termes que le Iahviste ne savait rien de l'histoire de 
Balaam. 

Quant au texte des Nombres, il parle de l’anathème d’Israël contre 
les villes cananéennes en général, anathème réalisé beaucoup plus tard 
et Horma n’y figure que par une application particulière amenée par 
un jeu de mots. 

2. Conclusions. — Dans l’ordre littéraire, notre premier soin a été 
d’éliminer ce qui avait le caractère d’altérations postérieures à la 
rédaction et qui par conséquent ne sont pas imputables à l’auteur, mais 
à des copistes travaillant pour l’honneur de la nation. Au v. 18 on 
attribue à Juda la conquête de Gaza, d’Ascalon et d’Accaron; c’est 
contraire à toute l'histoire : il faut mettre la négation avec le grec ou 
rayer le verset, expressément contredit au v. 19. Le v. 8, contraire au 
v. 21 est dans le même cas. Dans le texte massorétique, on n'attribue 
jamais le maintien des Cananéens à l’impuissance des Israélites. Ils 
n’extirpèrent pas, on constate le fait sans dire : ils ne purent pas 
extirper (1 19.21.27.29.30.31.32.33). Cependant il est constant que la 
formule « ils ne purent pas » est la formule primitive, elle est virtuelle- 
ment contenue dans 1 19, elle se trouve dans les passages parallèles de 



3V GfeS, { — 2 8.— CRlTIQtlri 

Josué (sauf 1 Jos. 13 13; 16 10) et même au livre des Juges dan$ deHainé 
manuscrits grecs (1 19-32). Il semble donc que le rédacteur lui-même 
n’a pas craint de l’employer une fois ou deux, quoiqu'elle fût moins 
dans son thème que la simple constatation. Il en est de même de la 
formule : « et ils furent assujettis à la corvée » (1 28.30.33.35). La 
sujétion des Cananéens à la corvée diminuait évidemment le danger 
des alliances. Le rédacteur a donc montré dans les deux cas une cer- 
taine fidélité textuelle à ses sources. Son travail propre a surtout con- 
sisté à emprunter aux documents un tableau de l’activité et de la négli- 
gence plus ou moins imputables aux tribus. Il est sous-entendu qu'avec 
plus de confiance en Dieu tout aurait mieux marché. Issachar est passé 
sous silence, probablement faute de renseignements ; il est pourvu à 
Benjamin en lui attribuant de n’avoir pas pris Jérusalem, ce que le 
Rédacteur du livre de Josué attribuait à Juda (1 21 ; Jos. 15 63). La 
rédaction est assez homogène et la main du rédacteur n’apparaît avec 
certitude qu'aux vv. 1, 2, 4, 9,20,22; 2 1-5 comme versets entiers, 
quoique tout ait été remanié et rédigé par lui. Il suffit de constater que 
les documents anciens ont été en général moins bien conservés que dans 
les passages qui subsistent dans le livre de Josué, pour se convaincre 
qu’il ne faut pas chercher ici une histoire plus authentique qui serait le 
contre-pied de celle de Josué. 

Ce qui a pu contribuer à donner à notre chapitre l'aspect d’une his- 
toire de la conquête, ce sont précisément des affirmations que nous 
considérons simplement, et avec les critiques, comme des altérations 
de basse époque, par exemple la conquête de Jérusalem (v. 8), ou des 
villes philistines (v. 18). En un mot : il n'y a pas eu deux histoires de 
la conquête, l'une par petits paquets, fautre par un effort combiné. La 
simple réflexion suggère que deux traditions aussi contradictoires n’ont 
pu exister dans le même peuple. Le livre de Josué et le livre des Juges 
se sont servis des mêmes sources; l’auteur de Josué a certainement 
généralisé; de plus, il n’avait pas à mentionner, dans un récit de con- 
quête, ce qui ne s’était pas fait. L'auteur des Juges a repris dans les 
anciens documents cette partie négative qui conduisait à son but. Si on 
veut avoir une idée historique totale et juste, il ne faut pas dire que la 
conquête s’est faite si vite et si bien que les tribus n’ont plus rien eu à 
faire, mais il ne faut pas dire non plus qu’elles n'ont agi qu’isolément 
ou par petits groupes. 



Chapitre 2 6 — 3 6 . — Deuxième introduction 

[E] 6 Josué congédia donc le peuple, et les fils d’Israël allèrent 
chacun dans son domaine pour occuper le pays. [R D ] 7 Et le 
peuple servit Iahvé pendant tous les jours de Josué et pendant 
tous les jours des vieillards qui survécurent à Josué, qui ' avaient 
connu ’ toute la grande œuvre de Iahvé qu’il avait opérée en 
faveur d’Israël. 

7. VJV ; TM INI avaient vu. 


6-9. Mort et sépulture de Josué. — 6) Cf. Jos. 24 28. Dans ce dernier 
passage, il y a seulement : « Josué renvoya le peuple chacun dans son 
domaine », parce que le partage et l'occupation sont opérés depuis long- 
temps ; Josué a convoqué les tribus à une assemblée solennelle, chacun rentre 
cher soi. Dans notre verset la situation est présentée autrement : Josué 
envoie chacun occuper son lot, ce qui est plus conforme aux données du 
chapitre précédent. Nous voyons ici avec quelle sage liberté les rédacteurs 
traitent leurs sources en vue d’une composition littéraire. 

7) = Jos. 24 31. Dans Josué le TM place ce verset au milieu du récit des 
sépultures où il interrompt la suite naturelle des faits. Lag. a le meme ordre, 
mais G(AB) suivent l’ordre des Juges. On peut conclure que le verset appar- 
tient primitivement aux Juges et qu’il a été ensuite transplanté dans Josué 
par les copistes, à des places différentes. Le texte du verset 6 est attribué 
à l’auteur Elohiste. Quoi qu’il en soit, c’est ce texte qui a été emprunté par 
le rédacteur deut. qui en fait le point de départ de son histoire, et dès lors 
il a donc ajouté le v. 7 qui lui était nécessaire. Jos. 24 31 est une inter- 
polation de copiste, Jud. 2 7 est un développement de rédacteur. 
Moore et Budde insistent beaucoup sur ce que les contemporains de 
Josué ont été les témoins oculaires de toute l’œuvre du salut, y compris la 
sortie d’Égypte (qui n’est pas nommée!) comme s’il ne s’agissait que d’une 
génération : cependant le texte de Jos. 24 31 a VJ 71 ils ont connu , et non 
lîO Us ont vu et ce doit être aussi le texte ici, G lyvMOLv. Il serait moins 
P. Laghange. — Le * Juge *. a 



34 


juges, 2 8-9 

[E] 8 Et Josué, fils de Nun, serviteur de Iahvé, mourut âgé 
de cent dix ans. 9 Et on l’ensevelit dans les limites de son domaine, 
à Thimnath ' Hérès ’, dans la montagne d’Éphraïm, au nord du 

9. Din plutôt que niD, variante de TM. 


naturel de supposer ici la .même génération que dans les textes où Moïse 
prend la parole (Dt. il 2.7; 5 2 ss. ; 7 18 s.). Le passage a d’ailleurs une 
teinte deutéronomiste, la grande (brun manque dans Jos. 24 31) œuvre de 
Iahvé (Dt. il 7), la prolongation des jours (Dt. 4 40; 5 33; 11 9; 17 20; 22 7; 
30 18; 32 47). 

8) = Jos. 24 29. Dans cet endroit il y a au début : nS»n ^TIN Wï, 

très en situation pour résumer la carrière de Josué avant sa mort, mais qui 
devait disparaître ici, non pas à cause de l’insertion du v.7 (contre Budde ), 
mais parce qu’on n’a pas raconté ces choses antérieures; nous sommes au 
début d’un nouveau livre. Ceci encore atteste le goût littéraire de l’auteur. 
Le titre de serviteur de Iahvé est donné à Moïse (Dt. 34 5; Jos. 1 1); on ne 
voit pas pourquoi ce serait une addition rédactionnelle postérieure même 
au Deut. (contre Moore , Nowack , etc.). Josué meurt à 110 ans comme Joseph 
(Gen. 50 26 (E)). 

9) = Jos. 24 30. Nous préférons la leçon DTI; ailleurs (Jos. 24 30; 19 50) 
il y a IT1D nSDn, et c’est encore ici la leçon de Vg. et Syr. ; ÎT1D peut très 
bien signifier précipul. Cependant la Massore affirme ici DTI et c’est la 
leçon préférée par Moore et Budde, parce que « portion du soleil » a pu 
être altéré comme sentant l’idolâtrie, ainsi qu’il est arrivé pour Is. 19 18. 
On dirait qu’on a cherché ici aussi de différentes manières à éviter DTI. 
Les LXX ont bien lu rHD sur Jos. 19 50, mais Jos. 24 30 ils ont 0ajxva0aa- 
yap : ils ont des leçons variées Jos. 21 42 b et d . Il y a également une 
double tradition, Tibnch et Ihîris. La première peut certainement se récla- 
mer d’Eusèbe; la seconde est plus récente comme tradition écrite, mais le 
nom moderne lui prête son appui si l’on admet comme vraie leçon DTI. 
Le mont Ga'ach ne peut servir à trancher la question, car sa position est 
inconnue. Il faut cependant tenir compte des torrents de Gaach, qui semblent 
indiquer des sources abondantes (II Sam. 23 30; I Chron. 11 32) telles qu’on en 
trouve plutôt au nord qu’au sud du mont Ghussaneh (Cf.RB. 1893, p. 608 ss. J 
Couder S WP. Memoirs II, p. 284 s. PEF. Quart. Stat. y 1878, p. 22 s.). Le 
tombeau proposé par Guérin (Samarie II, p. 89 ss.) est probablement celui 
qu’Eusèbe avait en vue, mais le site de Hâris et de Fakhâkhir offre plus 
de probabilité comme demeure et tombe de Josué. M. Millier ( Asien ... 
p. 165) rapproche l’égyptien Ilï-ra-tà, dans la liste de Ramsès II. 



35 


juges, 2 10-13 

mont Ga'ach. [R D ] 10 Et toute cette génération se réunit aussi 
à ses pères, et après eux surgit une autre génération qui ne con- 
naissait pas Iahvé ni l’œuvre qu’il avait opérée en faveur d’Israël. 

11 Et les tils d’Israël firent le mal en présence de Iahvé (et ils ser- 
virent les Baals). 12 Et ils abandonnèrent Iahvé, le dieu de leurs 
pères qui les avait fait sortir du pays d’Egypte, et ils suivirent 
des dieux étrangers parmi les dieux des peuples placés autour 
d’eux, et ils les adorèrent, et ils irritèrent Iahvé. [E] i3 Ils aban- 

10-19. Corruption d’Israël et institution des Juges. — 10) C’est la suite 
du v. 7 et dans le meme style. La génération est celle des anciens cheikhs, 
contemporains de Josué. Le terme « se réunir à ses pères » se retrouve seu- 
lement II Reg. 22 20; il implique d’autant plus ici l'idée d’une autre vie que 
l’auteur n’a pu perdre de vue l’installation nouvelle qui empêchait cette 
génération d’être ensevelie dans le tombeau de ses ancêtres. Les suivants 
ne connaissaient plus Iahvé; Moore : « Cela ne veut pas dire : ils refusaient 
de reconnaître Iahvé (Ex. 5 2; I Sam. 2 12), mais ils ne le connaissaient 
pas d’un© expérience personnelle, comme sauveur, chef, conquérant (cf. 
Dt. 11 28 ; 13 2 etc.) ». L’ensemble de la phrase est une réminiscence, non 
un emprunt, de Ex. 1 8. 

11) Faire ce qui est mal aux yeux de Iahvé est la formule consacrée du 
cadre de l’histoire des Juges : 3 7.12; 4 1; 6 1; 10 0; 131 et se trouve 
souvent dans Dt. : 4 25; 9 18; 17 2; 31 29 (Moore). Le verset suit très bien 
à v. 10; on est seulement étonné de trouver déjà le service des Baals qui 
anticipe sur ce qui suit : l’ordre de 3 7 est préférable. Budde conjecture 
que U b se trouvait après v. 12 dans D, mais qu’il a été avancé pour éviter 
le contact trop immédiat avec v. 13. Dans ce cas, ne l’aurait-on pas simple- 
ment supprimé? On peut considérer v. 11 comme le thème développé au 
v. 12, ou plutôt ll b comme une glose explicative de lt a qui aurait passé 
dans le texte. 

12; Chaque terme est deutéronom. (Bud de, Moore, etc.) : abandonner Iahvé 
10 6.10.13; Dt. 28 20; le dieu de leurs pères Dt. 6 3 ; 12 1 ; 26 7 etc. ; suivre 
d f autres dieux 2 19; Dt. 8 19; 11 28; 132 ; 28 14; les nations qui les entou- 
raient (et non point les Cananéens demeurés au milieu d’eux) Dt. 6 14 ; 
13 7 s. ; exaspérer Iahvé Dt. 4 25; 9 18 etc., fréquent dans Jérémie. 

13) Fait double emploi avec ce qui précède et se comprendrait très bien 
comme intermédiaire entre v. 9 et v. 20. Abandonner Iahvé , dans E. Jos.24 
20; Dt. 31 16 s. 7X? servir avec S en parlant de personnes, encore I Sam. 
4 9; II Sam. 16 19 (Kœn., § 327 c.) dans le sens de se faire le serviteur de 



36 


juges, 2 14-16 

donnèrent Iahvé et ils servirent Baal * et Astarté [R D ] 14 El 
la colère de Iahvé s'enflamma contre Israël et il les livra à des 
pillards qui les pillèrent, et il les vendit k leurs ennemis des fron- 
tières et ils ne purent plus résister k leurs ennemis. 15 Dans 
toutes leurs expéditions, la main de Iahvé leur était funeste 
comme Iahvé leur avait dit et comme Iahvé leur avait juré; et 
ils se trouvaient dans l'angoisse. 16 Et Iahvé leur suscita des 

i3. mruryb au sing. ; TM le pluriel. 


quelqu’un, ce qui enlève cependant à Moore le droit de remplacer VT35P1 
par ; l'accus. plus fréquent avec le sens de rendre un culte se trouve 

v. 11 et 3 7 (R°). Après Ba'al au sing., il convient de lire 'Achtoreth, au 
lieu du plur. f Achtarotlï, comme I Sam. 31 10 où il ne peut être question 
que d’une déesse : c’est une nuance avec R f> qui emploie le plur. v. 11 et 
3 7. Lagarde (Septuaginta Studien) cite pour le singulier Astarlen Cyprien, 
Origène et l'ancienne latine d’après s. Aug. Sur Astarté, cf. RB. 1901, 
p. 550 ss). 

14) Fait suite au v. 12; les ennemis sont autour du peuple. Budde refuse 
avec raison contre Moore de couper ce verset en deux. En dernier lieu 
(Bible polychrome) Moore attribue les pillards à un auteur post-exilien 
ainsi que le v. 16, rompant ainsi l’explication morale de R°. Le rédact. 
deut. a probablement voulu grouper les principaux adversaires dont riiis- 
toire suit, les pillards comme les Madianites, les oppresseurs comme les 
Philistins. Noter l’emploi de deux mots HDtT et DDt£ appartenant au même 
thème, d’où est venu légyptien chasou pour désigner les pillards du désert 
ou les Bédouins (Müllew, Asien ..., p. 131). La Vg . a mal à propos fait de 
ces pillards le sujet de il les livra : et vendiderunt . 

15) N3P se mettre en campagne, que la guerre soit offensive ou défensive et 
pour toutes sortes d’entreprises. « Comme Iahvé l’a dit », cf. Dt. 1 1 1 .21 ; 6 3. 
19; en mauvaise part comme Dt. 2 14 ( Nowack ). — Gen. 32 8; 
II Sam. 13 2; il ne faut pas supposer un sens causatif à cause de G et 
de Dt. 28 52 (contre Doorninck et Budde qui suppriment ainsi une idée 
intermédiaire nécessaire, l’angoisse éprouvée par les Israélites qui supplée 
jusqu’à un certain point l’absence de : ils crièrent vers Iahvé (3 9.15; 6 6; 
10 10) que Nowack restitue dans le texte). 

16) Toujours de R D ; c’est l’intervention de Iahvé qui vient à son heure, 
suscitant un juge. Le juge est suscité (cf. Dt. 18 15.18) pour sauver, comme 
3 9 s. le sauveur devient le juge. Il est évident que le juge n’est pas ici 



37 


juges, 2 17-18 

Juges, ‘ et il les sauva * des mains de ceux qui les pillaient. [61] 
( 17 Et ils n’écoutaient pas meme leurs Juges, car ils forniquaient 
avec des dieux étrangers et ils les adoraient ; ils se sont bien vite 
détournés du chemin que suivaient leurs pères, qui écoutaient 
les ordres de Iahvé : ils n’ont point agi ainsi.) [R D ] 18 Lors 
donc que Iahvé leur suscita des Juges, Iahvé était avec le juge et 
il les sauvait des mains de leurs ennemis pendant tous les jours 
du juge, car Iahvé avait compassion de leurs cris de détresse h 

46. D3WP1; TM D13WP1 et ils les sauvèrent. 


seulement celui qui rend la justice, mais un homme suscité de Dieu pour 
tenir en quelque sorte la place du pouvoir central théocratique avant la 
monarchie. — DrPDU cf. v. 44. — Les LXX(B et les consorts de A, sans A) 
ont répété mrP devenu le sujet du verbe sauver , mis au sing. même par A. 
Leçon plus probable que celle de TM; cf. v. 18 où c’est encore Dieu qui 
sauve. 

17) La suite du v. 16 est au v. 18. Dans ce thème, les Israélites sont 
fidèles pendant la vie du juge et c’est après sa mort qu’ils retournent à leurs 
fautes, v. 19. 11 pouvait y avoir des exceptions, des cas d’infidélité du vivant 
du juge, et on pouvait noter l’exception à coté du thème général. C’est ce que 
fait le v. 17*, ayant peut-être en vue la fin de Gédéon ou l’histoire d’Abimé- 
lek. Mais la restriction telle qu'elle est présentée ne peut être du même 
auteur que les vv. 16 et 18 qu’elle interrompt. — Le G(A et consorts) ajoute 
avant 17 b : * et ils irritèrent le Seigneur \ — La fornication comme pour 
Gédéon 8 27, métaphore habituelle pour désigner le culte des dieux étran- 
gers. — Le v. 17 b est ajouté sans copule, comme 6 2 b en manière d'explica- 
tion, d'ailleurs assez mal liée, car ceux qui refusent d’écouter le juge 
suivent plutôt les traces de leurs pères infidèles. On comprendrait beau- 
coup mieux 17 b après v. 13 ; aussitôt après la mort de Josué les Israélites 
s’écartent de la voie de leurs pères. Il s’agit vaguement des pères de l’âge 
d’or. Tout le verset parait être l'exclamation d’un lecteur plutôt qu'une 
réflexion d’un rédacteur. 

18) C’est le développement de ce qui est dit en un mot v. 16. >31 dans le 
sens du temps, « lors donc ». La suite des temps verbaux est difficile à appré- 
cier. Le parfait D>pn marque la situation comme passée; viennent ensuite 
deux parfaits consécutifs, qui montrent la suite de cette première mesure 
toujours dans le domaine du passé; ensuite un imparf. orc> pour l'action 
qui met en œuvre tout le reste jl’impf. parce que le fait se produisait chaque 



38 


juges, 2 19-20 

cause de leurs oppresseurs (et de leurs persécuteurs). 19 Et lorsque 
le juge était mort, ils retombaient et faisaient plus mal que leurs 
pères, allant après des dieux étrangers, les servant et les ado- 
rant; ils n’omettaient rien de leurs pratiques et de leur conduite 
endurcie. [E] 20 Et la colère de Iahvé s'enflamma contre Israël, 

fois à la suite de l’oppression. Le changement des dispositions de Dieu 
vient des cris de son peuple ; cf. pour la pensée dans d’autres termes 10 16 b . 
Le verbe pm ne se retrouve que Joël 2 8; il est très usité en araméen 
dans le sens d’opprimer. Ce peut être une glose, absente de G(A et 
Chisianus , h de Lagarde). 

19) C’est le thème de la rechute après la mort du juge, 4 1 ; 8 33 et impli- 
citement dans les autres cas. Cela n’exclut pas le cas exceptionnel prévu 
v. 17, mais ce n’est pas la même conception littéraire; le v. 17 apparaît 
mieux encore ici comme une protestation qui ne veut laisser passer aucune 
infidélité sans la signaler. Le S devant l’inf. (bis) n’indique pas le but, mais 
forme simplement un gérondif, comme 17 b . Ce sont ici les pères qui 
donnent le mauvais exemple. Non dimiserunt de Vg. d’après LXX ne rend 
pas la force de kS; tout ce que Dieu avait promis il l’avait tenu sans 

en rien omettre, Jos. 23 14; mais eux ne laissent rien tomber des mauvais 
exemples de leurs pères; tous ont porté leurs fruits. La voie et les pra- 
tiques, même alliance de mots Jer. 4 18; 7 3.5; 18 11 (Moore) ; la voie est 
qualifiée de dure d’après Budde par allusion à la tête dure des Israélites 
(Dt. 9 6); on peut aussi penser qu’une voie durcie est celle où l’on passe 
souvent. 

2 20 — 3 6. L’ancienne population demeuhée. — On ne peut dissimuler 
que ce morceau offre de la difficulté et en apparence des vues divergentes. 
Moore le divise en douze fragments attribués à cinq auteurs. D’après Budde, 
il y a quatre réponses différentes à la question pourquoi Dieu a épargné les 
Cananéens. Le premier auteur (J) ne supposait entre Dieu et son peuple 
aucune cause de mécontentement; s’il n’a pas exterminé des anciens occu- 
pants, c’est uniquement dans l’intérêt des siens, pour les exercer à la 
guerre (3 2). Un autre auteur (E) aurait laissé les Cananéens pour éprouver 
les Israélites (2 22). Un troisième (D*) considérait la permanence des 
Cananéens comme un châtiment (2 20 s.). Un quatrième n’envisageait que 
les nations environnantes (2 11 - 19 ). Ce dernier est donc hors de cause 
ici, c’est le rédacteur deutéronomistc. Nowack au contraire rattache 3 2 à 
2 23 comme de E et attribue 2 22 à R D . La vraie solution ne peut être trou- 
vée qu’en établissant le texte à l’aide des LXX. 



39 


juges, 2 21-22 

et il dit : Puisque cette race a transgressé mon alliance, que 
j’avais ordonnée à leurs pères et qu’ils n’ont pas écouté ma voix, 
21 moi non plus je n’expulserai désormais personne devant eux 
parmi les nations que Josué a laissé subsister * en repos \ 

[Gl] afin d'éprouver Israël par leur moyen, s’ils garderont * les 
voies * de Iahvé en y marchant comme les ont gardées leurs pères, 

21. ; TM non et il mourut . 

22. >311 ; TM yn le singulier. 


20) Le v. ne se lie évidemment pas à ce qui précède. Dans v. 19 il s'agit 
des rechutes dans toute la période des Juges; ici nous sommes reportés au 
temps qui suit la mort de Josué, après v. 13 ou v. 17 b . Écouter ma voix est une 
expression élohiste, Ex. 15 26; 18 24. La transgression du pacte, Jos. 7 11 . 
Le tout est ici une allusion possible à Jos. 24 25 (le pacte); 24 24 (écouter 
la voix). 

21) Suite nécessaire de ce qui précède. Dieu ne continuera pas de 

chasser les indigènes; c’est un châtiment pour punir la prévarication des 
Israélites. Le dernier mot n£>1 a paru avec raison inexplicable aux cri- 
tiques, Moore, Nowack. Budde propose de lire 1IY1G2 « à sa mort ». Mais alors 
on dirait d’un héritage laissé par Josué! Il faut sans hésiter préférer la 
leçon de G, dont les mss. et les versions attestent unanimement riï>l et 
[çru’]*/ laissa en repos. La seule objection serait que dans 3 1,1e même verbe 
a pour sujet nVP, mais il faut lire avec G(A et consorts, s. Aug. : Et 

hae gentes quas reliquit Jésus ut tentaret in eis Israël ; Lag. Sepluaq. Sfudien). 
La suite de la pensée est donc 3 1. Josué le grand homme de guerre avait 
laissé ces nations pour qu’Israël, même après lui, s'exerçât aux combats, 
sûr qu’il était de l'appui de Iahvé ; dans l’intervalle les Israélites ont été 
coupables, Dieu ne les aidera plus et ne chassera plus ces peuples. Il y a 
bien deux motifs différents, mais ils sont successifs et viennent de deux 
personnes : de Dieu et de Josué ; ils peuvent donc très bien se trouver sous 
la même plume. L’un explique pourquoi toutes les nations n’avaient pas 
été soumises du temps de Josué , l’autre pourquoi Dieu n’a pas achevé 
l’œuvre après sa mort. 

22 s.) Au contraire ce verset et le suivant expliquent d'une façon diffé- 
rente pourquoi Dieu n’a pas expulsé les indigènes du temps de Josué. 
Tandis que Josué avait en vue l'épreuve militaire (3 1), Dieu se proposait 
d’éprouver leur fidélité. Ce point de vue ne coïncide pas non plus avec celui 



40 


juges, 2 23, 3 1 

ou non. Iahvé laissa donc respirer ces nations, de façon à ne 
pas les expulser trop vite, et ne les livra pas aux mains de Josué). 

3. — [E] 1 Voici les nations que ‘Josué ’ laissa respirer pour 
éprouver par leur moyen Israël, tous ceux qui n’avaient pas connu 

3 i. jrcnrp; tm mrp iahvé . 


de 2 21, où le séjour des Cananéens était un châtiment. Toutes ces idées 
peuvent se concilier, mais il n’v a pas harmonie littéraire ; le v. 22 et le 
suivant ont tout l’aspect d’une glose qui vient au-devant de l’objection : 
pourquoi Dieu n'avait-il pas chassé les Cananéens au temps de Josué 
puisqu’alors on était fidèle? C’est un petit commentaire. Le mot 1HD 
rappelle 2 17; c’est le même genre de réflexion; les pères suivent la bonne 
voie, DjSS gérondif, comme Au v. 22 lire au lieu de T n * le iod 

a dû souvent manquer à la fin des mots. Au v. 23 le glossateur devait 
changer le sujet de nj^l, car la tentation telle qu’il l’entendait était une 
épreuve spirituelle qui devait avoir Dieu pour cause. « Il ne les livra pas 
dans la main de Josué », que Budde déclare impossible dans une source 
quelconque, est la preuve que nous avons ici une glose qui emploie pour le 
temps de Josué le terme ttjvyin qui se lit v. 21 du temps suivant. 

23) Ce verset n’est pas du tout comme le prétend Budde une introduction 
parallèle en doublet avec 3 l tt , c’est simplement la conclusion logique de ce 
qui précède. Le mot en est la clef. Dieu n’a pas voulu détruire les 
anciens peuples rapidement , c'est-à-dire du temps de Josué, parce qu’il 
voulait voir si les générations suivantes seraient fidèles. « Dans la main de 
Josué »,que Budde et Moore trouvent si choquant, est absolument exigé par 
la situation. Il suffit de traduire : « Il laissa donc », le waw marquant un 
résumé plutôt qu’une suite historique, ce qui est très naturel; c'est le waw 
conséc. de l’ordre logique, Ges.K. 20 111 i. Rien n’empêche que cette con- 
clusion ait été tirée par l’auteur du verset 22 quoiqu’elle ne soit pas abso- 
lument nécessaire à la pensée. Livrer dans la main de Josué marque 
l’action foudroyante du héros plus que 2 21. 

3 . — 1) Les cinq premiers mots sont peut-être nécessités par l’insertion 
de la glose 2 22-23; le texte pouvait continuer du v. 21, terminé par à 
niDjS. Mais ils peuvent aussi être primitifs. Lire Josué au lieu de Iahvé , 
avec G(A et consorts, /lrm. de Lag., Syr-hex ., Ane. lat.); on comprend bien 
l’insertion de îYlîV après la glose, mais Josué rejoint admirablement le v. 21 
où il est sujet de rOT pour tous les témoins grecs. L'épreuve peut très bien 
se dire d’un homme (I Reg. 10 1 ; Ex 15 25); l’épreuve du combat convient 



41 


juges, 3 2-3 

toutes les guerres de Canaan ( 2 seulement , dans l’intérêt de l’en- 
seignement des générations des fils d’Israël) — pour leur ensei- 
gner le combat — (seulement ceux qui auparavant ne les con- 
naissaient pas). 3 Les cinq satrapes des Philistins, et tous les 

bien au grand guerrier. Moore, Budde, Nowack font de i b une glose; c’est 
sous la préoccüpation de leurs prétendus documents, car la phrase coule de 
source. L’expression originale « les combats de Canaan », au lieu des 
« combats de Iahvé », a une saveur d’antiquité. Le motif ne s’explique bien 
que pour le temps de Josué, mais c’est aussi de lui qu’il s’agit. 

2) Ce verset est la croix des critiques. Il est impossible de lui donner un 
sens en respectant tous les mots, TOI ne peut avoir Dieu pour sujet sans 
exclure ütcSS, car il s’entendrait comme v. 4 d’une connaissance expéri- 
mentale que Dieu prendrait des Israélites, non des enseignements qu’il 
leur donnerait; si les Israélites sont sujets, les memes mots sont exclus, 
puisqu’ils y seraient régime. D’ailïeurs le G n’a pas TO"T. De plus ÜVJV avec 
le suffixe masc. plur. peut bien se rapporter à la rigueur au fém. plur. 
IVOiSg, niais pas à travers le sing. HOnbn. Enfin les deux pl ont quelque 
chose d’étrange. On sent de la glose, mais on n’est pas d’accord pour 
déterminer ce qui est adventice. Nous remarquons qu’une seule idée est 
exigée par ce qui précède, c’est : « pour leur apprendre la guerre ». Le 
reste se compose de deux phrases commençant toutes deux par pl : ce sont 
deux gloses marginales restrictives destinées à éviter des interprétations 
fâcheuses. Le texte dit : pour éprouver les Israélites qui ne connaissaient 
pas les guerres; mais l’expérience peut être cruelle; on explique : « seule- 
ment en faveur de l’enseignement (TOI peut rester (cf. Jos. 4 24) une fois 
la glose isolée) des générations (nWT, terme de P) d’Israël. » Et comme on 
pourrait s'étonner qu’aucun Israélite ne connût la guerre, une seconde glose 
ajoute : « seulement ceux qui auparavant ne les connaissaient pas. » Au 
lieu de D^JsS le grec a DHJsS, avant eux ; « ceux-là seulement qui furent 
avant eux ne les connurent pas », c’est-à-dire peut-être, qu’entre les 
guerriers des guerres de Canaan et ceux qui furent instruits par la suite il 
y eut un temps où on ne connut pas la guerre. Le suffixe de ÜTOT demeure 
étonnant : le grec a le pluriel neutre; l’ancienne latine : verum qui ante 
illos , nescierunt illas (les générations?) Aug. La Vg. a traduit très largement. 

3) C’est évidemment une autre énumération des peuples que celle du 
ch. 1 er ; elle est plus technique et suit plutôt les contours des pays solide- 
ment occupés par Israël. Après le tableau détaillé de ce qui est resté aux 
anciens Cananéens, le même auteur ne pouvait faire une énumération 



42 juges, 3 4 

Cananéens, et les Sidoniens, et * les Hétéens ’ habitant le mont 
Liban, depuis le mont Hermon jusqu'à l’entrée de Hamâth. 

[Gl] (* Et ils servirent à éprouver Israël, pour savoir s’ils gar- 

3. ^nnn ; TM vinn les Ilévéens. — Omettre Svi. 


sommaire qui n’a pas le cachet d’un résumé de la première. En revanche 
cela suit très bien à v. 1. Les sont une expression absolument 

réservée aux chefs des Philistins; cf. dissert, spéciale. C’est en harmonie 
avec 1 9 et avec 1 40 d’après les LXX. Ensuite tous les Cananéens. Le mot 
n’est pas pris ici dans le même sens qu’au chap. l or où il s’applique à tous 
les habitants de* la terre promise, même en montagne; il s’agit d’une 
région spéciale qui doit être tout d’abord la plaine d’Esdrclon (ch. 4 ) et 
probablement en général les plaines qui n’étaient pas sous la domination 
des Philistins; cf. Jos. 13 3 s.; Num. 13 29. Les Sidoniens représentent tous 
les Phéniciens (Budde, Bibl. Urgesck. 348 ss.). Le texte cite ensuite les 
Ilévéens, qu’il place dans le Liban. Il semble qu’il y a ici une répugnance 
dans les termes, car les Ilévéens sont plutôt dans le centre (Gen. 34 2; 
Jos. 9 7; II Sam. 24 7); dans le Liban sont les Hétéens pnn). Un chan- 
gement d’Hévéens en Hétéens ne peut s’appuyer sur les LXX ici, mais 
bien dans deux cas analogues (Jos. 11 3; II Sam. 24 7); le même change- 
ment doit donc être introduit ici par pure conjecture critique pour mettre 
les textes bibliques en harmonie entre eux et avec l’histoire. Les Hétéens 
ou Khatfi des Assyriens, Khétas des Egyptiens, sont aujourd’hui plus 
célèbres que bien connus. Leur domaine s'étendait beaucoup plus au nord 
que l’entrée de Hamâth, mais l’auteur ne tient compte de ce peuple que 
pour la partie de la terre promise qu’il occupe. L’expression ’pOin "M 
est invraisemblable. On peut dire Baal Hermon, le Baal de la montagne 
Hermon, mais non la montagne de Baal Hermon. Budde et Nowack lisent ; 
pQin nnn "U « de Baal Gad sous le mont Hermon » comme 

Jos. 13 5 (cf. Jos. 11 17). Cette restitution rentre tout à fait dans la tradi- 
tion, mais elle n’est pas appuyée ici. Il semble plus simple de lire in 

le mont Hermon avec G(B et Ane. lat. dans s. Aug.). Hamâth a conservé 
son ancien nom déjà connu des Assyriens et des Egyptiens. Quoique 
l’expression PDF! NllS soit devenue proverbiale pour indiquer l'entrée de la 
Célesyrie, conduisant à Hamâth, il semble qu’ici on marque Hamâth même 
puisqu'il s’agit de fixer, non les limites des Israélites, mais celles du 
Liban. 

4) C'est la répétition après les faits de l’idée annoncée 2 22 s. dans 
d’autres termes. C’est du même style un peu diffus, et donc du même 



JUGES, 2 6 — 3 6. — CRITIQUE 


43 


deraient les commandements que Iahvé avait ordonnés à leurs 
pères par Moïse). [R] 5 Et les fils d'Israël habitèrent au milieu 
des Cananéens, des Hétéens, des Amorrhéens, des Phérézéens, des 
Hévéens et des Jébuséens, 6 et ils prirent leurs filles pour femmes 
et donnèrent leurs filles à leurs fils, et ils servirent leurs dieux. 

auteur. L'allusion aux commaudements donnés par Moïse serait importante 
si le verset était de l’Elohiste comme le veut Moore. 

5) Ceci est la conclusion du chap. 1 er . Le v. 3 nous disait les nations que 
Josué avait laissé subsister, mais non pas que les Israélites habitaient au 
milieu d’elles, d’autant qu’elles l’entouraient plutôt. Ici on insiste sur la 
cohabitation, si fortement mise en relief dans le ch. 1 er . L’énumération des 
peuples est celle qui est courante en pareil cas pour désigner les anciens 
habitants intérieurs de la terre promise , non les voisins. Les nombreux 
passages qui la contiennent ont en général un caractère secondaire. Dans le 
chap. i or on a nommé les Cananéens, les Jébuséens, les Amorrhéens; c’est 
une base suffisante à tout résumer par la liste des six peuples les plus 
connus (d'autres fois sept avec les Gergéséens); ici les Hétéens, dans le 
sens général de P qui les place même à Hébron ; cf. Gen. 23 et RB. 1901, 
p. 35 s. 

6) De cette cohabitation suit le connubium et ensuite le culte des dieux 
du pays. Nous étions depuis longtemps à ce point (2 11) sans avoir passé 
par les alliances. La faute des Israélites constatée ici est précisément celle 
qui leur est reprochée 2 1-3, sans qu’elle ait été mentionnée avant ces 
reproches. Il est donc très probable que nos deux vv. 5 et 6 formaient la 
conclusion du chap. 1 er . S’ils ont été transportés ici dans une rédaction 
définitive ou par un copiste, c'est sans doute pour rapprocher les deux énu- 
mérations des peuples destinés h tenter ou à éprouver Israël. 

* 

* * 

Critique littéraire. — Nous avons cru reconnaître le caractère de 
gloses aux vv. 2 17.22.23; 3 2 (sauf noibo DTcSS) 4. Nous n’entendons 
pas d’ailleurs affirmer que ces gloses sont le fait de purs copistes et 
notablement postérieures à la rédaction. On reconnaît seulement qu'elles 
ont le cachet d'explications suggérées par la lecture du texte lui-même 
et après tout elles peuvent émaner du dernier rédacteur. — Cet élé- 
ment reconnu, un autre se dégage assez facilement : c’est le thème 



44 JUGES, 2 6 — 3 6 . — CRITIQUE 

moral du livre : le peuple, fidèle au temps de Josué (v. 7) prévarique 
après sa mort (v. 10.11.12). Iahvé irrité le livre à ses ennemis (v. 14. 
15) et cependant lui suscite des sauveurs (v. 16) qui le ramènent à la 
pénitence (v. 18) bientôt suivie d'une rechute (v. 19). Après cela il ne 
reste plus qu'à raconter ces tristes histoires en particulier, ce qui com- 
mence 3 7. Aucun critique n'élève de doute sérieux sur cet ensemble 
qui forme le thème inspiré, par le Deutéronome, comme le prouve la 
ressemblance des expressions avec cet ouvrage, signalée en divers 
endroits, RP . — Dans ce bloc très cohérent, on aurait très bien pu 
raconter le dernier acte de Josué (v. 6), sa mort (v. 8) et sa sépulture 
(v.9). Mais ces textes se retrouvant à la fin du livre de Josué, il est clair 
du moins que R D ne les a pas écrits de lui-même. Il aurait pu les emprun- 
ter et les insérer dans son récit, mais cela est difficile à dire du v. 20 s. 
qui mentionnent la colère de Iahvé contre la défection des Israélites 
après que R D a déjà exposé tout le plan de Iahvé pour la punir. On ne 
peut pas dire que cette colère vient des défections renouvelées, puis- 
qu’elle a pour résultat que Dieu ne chassera pas les nations, fait déjà 
prévu auparavant lorsque les Israélites leur étaient livrés. Les vv. 20 et 
21 ne sont donc pas de RD; en revanche, ils se soudent bien à v. 13, qui 
est lui-même une répétition dans le contexte de R D et aux premiers 
versets sur Josué, puisqu’il revient à son époque. Sur ce point aussi, 
les critiques sont d'accord : on désigne cet auteur par E comme se sou- 
dant à l’ftlohiste qui a écrit le fond de l’histoire de Josué. Dès lors, 
nous n’hésitons pas à lui attribuer encore l’énumération des peuples 
laissés par Josué (3 1.3) assez semblable à Jos. 13 1 ss., indissoluble- 
ment liée au motif attribué à Josué que les Israélites y gagneraient de 
s’exercer à la guerre. Nous avons ainsi la solution des difficultés inex- 
tricables soulevées par les critiques; Nowack n’admet pas moins de 
neuf changements de mains pour les versets 3 1-3 î II n’y a aucune 
contradiction dans les motifs allégués pour expliquer que les Israélites 
n’ont pas triomphé du premier coup de tous leurs ennemis. D’après E, 
Josué les a laissés comme exercice pour les Israélites. Ce motif bien- 
veillant a pu être aussi dans la pensée du lahviste, mais nous n'en 
voyons pas trace ici. Les Israélites étant devenus infidèles, Dieu ne 
veut plus continuer l’expulsion. Plus tard, un glossateur ou un rédac- 
teur en a conclu que Dieu avait précisément laissé les Cananéens pour 
éprouver la fidélité des Israélites. — Les peuples laissés par Josué 



JUGES, 2 6 — 3 6 . — CRITIQUE 45 

étaient aux frontières; le v. 3 5 nous ramène au point du chap. 1® r ; il 
s'agit des peuples parmi lesquels les Israélites s’étaient installés, c'est- 
à-dire de ceux qu'ils n'avaient pas chassés de leurs lots mais tout au 
plus soumis à la corvée, et même à une époque tardive : d’où le danger 
des mariages qui avaient conduit à la défection. Le passage 3 5.6 est 
le fondement des reproches de l'ange 2 1-5; il devrait les précéder et 
en tous cas il appartient donc au même auteur. S'il a été déplacé, c’est 
pour rejoindre l’autre énumération des peuples; il peut d’ailleurs ser- 
vir utilement de point de départ aux histoires particulières qui vont 


commencer. 



Chapitke 3 7-U a . — Othoniel 


[R D ] 7 Or les fils d’Israël firent le mal aux yeux de Iahvé, et ils 
oublièrent Iahvé leur dieu, et ils servirent les Baals et les Aché- 
ras. 8 Et la colère de Iahvé s’enflamma contre Israël et il les 
abandonna à Couchan Rich‘athaïm,roi 'd’Édom ’ et les fils d’Israël 

8. D7N; TM D^*VT3 D7N Arani de Naharaïm. 


7) C’est l’application à un cas particulier du fait énoncé en général 
2 11 s.; la formule est deutér. (Dt. 6 12; 8 11.14.19) ; dans Os. 4 0 oublier 
la loi. On associe ici aux Baals les IYHUN. Ce mot ne se trouve que trois 
fois au pluriel fém., ici et II Chr. 19 3; 33 3. mtt/N plur. DWX est un arbre 
sacré ou un pieu placé près d’un autel. Moore et Budde (avec moins de 
force) soutiennent encore que l’ Achéra prise comme déesse ne vient que 
très tard et par suite du malentendu qui a fait considérer le pieu comme 
un fétiche et finalement comme une divinité. Il faut cependant reconnaître 
(avec Budde lui-même) que dans les lettres d’el- Amarna on rencontre le 
nom d’ r Abd-Asirtu, c’est-à-dire serviteur d’Achéra, et qu’une fois le nom divin 
est remplacé par l’idéogramme d’Astarté ; c’est-à-dire que la même déesse 
était connue sous ces deux prononciations ; l’une peut-être plus cana- 
néenne. Dès lors s’il y a eu malentendu, il a plutôt consisté à nommer 
Achéra le pieu qui était consacré à la déesse et peu à peu considéré comme 
son symbole et une idole qui la représentait (cf. I Beg. 15 13; 18 19; 
II Reg. 21 7; 23 4.7, passages dont Moore cherche trop systématiquement 
à éluder l’autorité). Achéra, déesse du bonheur, était peut-être à Gad ce 
qu’Astarté était à Baal dans d’autres milieux; cette racine est plus probable 
que celle qu’on tenterait de trouver à HH27N pour lui faire signifier bois 
sacré (cf. Gen. 30 11-13). Il faut convenir d’ailleurs qu’ici le pluriel est assez 
vague : les dieux et les déesses par opposition à Iahvé (cf. RB. 1901, 
p. 567 ss.). 

8) Pour le style, cf. 2 14; pour la critique textuelle, cf. infra. Il est 
certain que l’auteur deutér. conformément à sa manière présente les choses 



47 


JUGES, 3 9-11 

servirent Couchan Rich'athaïm pendant huit ans. 9 Et les fils 
d’Israël crièrent vers Iahvé et Iahvé suscita un sauveur aux fils 
d’Israël et il les sauva, à savoir Othoniel fils de Qénaz, le frère 
cadet de Caleb. 10 L'esprit de Iahvé fut donc sur lui et il fut juge 
d’Israël, et il marcha au combat et Iahvé lui livra Couchan 
Rich'athaïm roi d’ * Edom * et il prévalut contre Couchan 
Rich'athaïm. 11 Et la terre jouit du repos pendant quarante ans. 

10. DTN; TM D1N Aram. 


en bloc ; cependant il n'insiste pas autant que Budde le lui fait dire sur la 
totalité d'Israël. 

9 s.) Application exacte de la généralisation 2 16; on insiste un peu plus 
sur les circonstances de l’exécution, prière des Israélites, esprit donné par 
Dieu. Le don de l’Esprit est exprimé comme il 29; il y a des expressions plus 
pittoresques qui marquent mieux la soudaineté, l’énergie et le don gratuit 
en dehors des forces naturelles, Jud. 6 34; 13 25 ; 14 6.19; 15 14 (cf. Num. 
11 16 s. qui contient comme une théorie de cette communication quant h 
l’intelligence). — DSttt signifie primitivement «juger »; ici il paraît pris dans 
le sens de « délivrer», comme I Sam. 24 16 b ; II Sam. 18 19.31; mais dans ces 
textes ce sens est plus marqué par l’adjonction de ’D TC, et cette manière 
absolue de notre passage, comparée à 2 16 où les sauveurs sont nommés 
des juges, indique que pour l’auteur c’est une sorte de fonction sociale 
intermittente, celle qui précède la royauté, avec mission spéciale de Dieu; le 
roi demandé devra avoir exactement le rôle ici marqué, être le magistrat 
qui marche à la tête de la nation et qui se bat (I Sam. 8 20). Le mot a donc 
une sorte de sens officiel dans le rédact. deutér.; cf. 2 16 ss.; 4 4; 16 31 ; 
I Sam. 4 18 etc. (ap. Sg.-St. qui ont mieux compris ce style spécial que 
Budde, Moore, etc.). On sait qu’a Carthage ce titre était devenu normal et 
absolument officiel. Le texte des LXX omettait probablement I0 b (d’après A, 
Lag.) qui fait double emploi avec ce qui précède ; Klost. a conjecturé (Gesch . .., 
p. 122) que le texte primitif se trouvait 1 36 où la mention d’Édom est 
isolée et peu justifiée. Il faudrait lire : [et il le frappa] de la montée d ,f Aqrab- 
bim jusqu’à Séla. Cependant le TM peut ici s’appuyer sur 6 2; il semblerait 
qu’on a voulu accentuer la victoire d'Othoniel, la première formule signi- 
fiant simplement qu’Othoniel a été victorieux. Sur Othoniel, cf. 1 13. 

11) « Rester en paix », TSpttf, est la formule du cadre pour le temps des 
Juges, conformément k 2 18 qui suppose la fidélité, au moins relative, 



48 


JUGES, 3 7 - 11 . CRITIQUE 

pendant la vie du Juge (2 17 a pu être ajouté par réflexion sur le temps 
d’Éli), on la retrouve v. 30; 5 31; 8 28; cf. Jos. 11 23; 14 15 du même 
rédac. deutér. Enjoignant ll b au v. suivant on aurait une phrase parallèle 
à 4 1 et à 2 19; c’est le même thème. Sur la chronologie, cf. Introduction. 

* 

* * 

Critique littéraire, textuelle et historique. — Ces trois critiques sont 
ici étroitement mêlées. On est d'accord sur un fait littéraire. La compa- 
raison de la première histoire d’un juge avec le thème général montre 
clairement que tout ce récit est de la main du rédacteur deutérono- 
miste. Hum. lui-même dit comme les critiques : Narralionis auctor — 
est ipse qui judicum narrationes in ununi redegit librum (p. 75). Il est 
en effet impossible de découvrir ici la moindre trace d’un document 
primitif mis en œuvre. Les noms propres seuls sont ajoutés à la morale 
qui met en relief la leçon qui doit ressortir des histoires. Quelques 
critiques en concluent que le fond historique fait absolument défaut et 
que le tout est une libre invention de R D qui a voulu honorer Juda, 
absent de la collection, en lui donnant le premier Juge. Refusant 
absolument de mettre en œuvre la critique textuelle, ils allèguent les 
invraisemblances du TM (encore Nowack plus nettement que jamais). 
« Couchan de la double méchanceté » est un nom inventé à plaisir. 
Othoniel est un nom de clan, non de personne; Juda, cantonné dans le 
sud et séparé des Israélites, — à supposer qu'il ait eu des rapports 
antérieurs avec eux — par la barrière des villes Gabaonites ne pouvait 
délivrer Israël des mains de son adversaire mésopotamien, etc. Toutes 
ces objections tombent devant la correction d’Aram en Edom proposée 
par Grœtz et par Klostermann ( Geschichle des Volkes Israël ) et pleine- 
ment mise en lumière par Cheyne [Encycl. bibl. sub verbo Cushan), 
Edom pour Aram n'est pour ainsi dire pas un changement graphique, le 
1 et le 1 n’étant guère distincts dans l’ancienne écriture ; il se trouve 
sûrement II Reg. 16 6. qui fixe le sens d’Aram dans Gen. 24 10. 

Dt. 23 5, etc. forme une expression rare D’inj OIN que cependant nous 
ne songeons pas à contester; mais il est absent au v. 10 dans le TM et 
dans plusieurs autres mss . grecs, A entre autres, et au v. 8 sa place est 
incertaine, dans A Dusfocç Me<ro7roTau.(aç TroTaaojv, dans B 7roTat xûv Euptocç. 
Rien de plus naturel que de le supposer ajouté après la confusion de 



JUGES, 3 7 - 11 . — CRITIQUE 49 

Edom en Aram. L'incursion d’Édom irait très bien, cela va sans dire, 
au sud de Juda, et expliquerait l'action d' 'Olhoniel. Mais ce n’est pas 
seulement une solution heureuse, elle est suggérée par la forme du 
nom de les noms en àn sont des formes arabes qui nous con- 

duisent au pays d'Kdom ; Moore a noté Couchân comme le nom d’une 
tribu jointe à Madian (Hab.3 7) et la Couchite (ou Madianite) de Moïse 
(Num. 12 1) ; cf. le nom sabéen par rapport à ^p, par rapport 
à T2lS. Couchân est rapproché par Klost. du roi édomite Houchâm 
(Gen. 36 34). Quant au second nom du roi, nous n’ajoutons pas grande 
confiance aux restitutions tri (Klost.) ou yiNQ ( Cheyne ). 

11 se peut que le nom ait été créé de toutes pièces; « la double 
impiété » rappelle « la double révolte » nom symbolique de Babylone 
(cf. Kœn. 257 e et Eccle . 10 18), mais un sobriquet n'empêche pas plus 
la réalité de Couchân que celle de Babylone. Peut-être aussi cette 
malice est-elle propre aux massorètes qui l’auraient obtenue par un 
léger changement; les variantes ne nous permettent pas de conclusion 
solide : Xou<iap<ja6Qtt{A G (AB) XoixjavpedaawO (Lag.) Chusarsaton (Ane. 
lat .), XousctpcxaOoç (Josèphe, Ant. V 3 3). 

Le texte véritable étant rétabli, les faits sont très naturels. Qu’ f Otho- 
niel ait été pris tantôt pour un clan, tantôt pour une personne, rien de 
plus fréquent en pareil cas. Il ne suffit pas de dire que R D a voulu 
faire plaisir à Juda pour conclure qu’il a inventé une histoire qui se 
présente avec tous les traits de la vraisemblance. On peut dire cepen- 
dant que les faits sont très sommaires et que c'est en effet pour que 
Juda ait sa place dans la galerie des Juges qu’il a rappelé un vieux 
souvenir, d’ailleurs authentique, mais qui n'avait pas été raconte en 
détail par les anciens auteurs. 


P, Laghange. — Le» Juges. 


\ 



Chapitre 3 ll b -30. — Éhoud (Aod) 

[R D ] t1b Or lorsqu’ 'Othoniel fils de Qénaz fut mort, 12 les fils 
d’Israël recommencèrent à faire le mal aux yeux de Iahvé, et 
Iahvé donna pouvoir à ’Églon, roi de Moab, contre Israël, parce 
qu’ils avaient fait le mal aux yeux de Iahvé. 13 Et il rassembla les 
Ammonites et 'Amaleq et il partit, battit Israël et * il occupa ’ la 
ville des Palmiers. r *Or les fils d’Israël servirent 'Eglon, roi de 

13. TM et ils occupèrent. 


12) Application spéciale de 2 19 (cf. 4 1 ; 10 6; 13 1), avec insistance 
spéciale à la fin du verset, ^3 SjT parce que. C’est Iahvé qui fortifie 'Églon ; 
cf. Ez. 30 24. 

13) Le sujet de tpNVj ne peut être qu’ f Églon ; d’après la Vg. et G(A) c’est 

encore Iahvé. La coalition avec les fils d’Ammon ne serait pas très éton- 
nante; 'Amaleq est moins vraisemblable à cause de sa situation au sud de la 
Judée; ce dernier semble avoir aussi été ajouté 6 3.33, et ni les uns ni les 
autres ne jouent aucun rôle dans la suite de l’histoire. Budde veut que ces 
deux peuples aient été ajoutés par le rédac. deutér. au récit primitif selon 
son habitude de généraliser. Mais il se peut aussi que la première attaque 
ait été le résultat d’une coalition, après quoi les Moabites demeurèrent seuls 
en possession de la conquête. La ville des Palmiers est une des Jéricho 
qui se sont succédé ou une de scs dépendances; c’est le nom qui a figuré 
1 16. La Jéricho détruite Jos. 6 21 ss. ne fut relevée que plus tard, I Beg. 
16 34 (cf. cependant II Sam. 10 5). Budde, Moore, Nowack lisent (le 

sing. au lieu du plur.) avec LXX, Vg. comme l’exigent les verbes qui pré- 
cèdent au singulier. La leçon du TM, moins obvie, a peut-être pour but de 
suggérer qu’'Églon n’est pas venu à Jéricho en personne; dans la leçon du 
sing. on est porté à placer les événements qui suivent à Jéricho, ce qui 
n’est pas possible. 

14) Date par le rédac. deutér. ; cf. 3 8, avec une généralisation qui groupe 
les Israélites. D’après ce qui suit, ce sont les Benjaminites qui ont à souf- 



51 


juges, 3 15-16 

Moab pendant dix-huit ans, 15 et les fils d’Israël crièrent vers 
Iahvé et Iahvé leur suscita un sauveur, [J] Ehoud, fils de 
Géra, Benjaminite, qui était gaucher, et les fils d’Israël le char- 
gèrent de porter le tribut à ‘Églon, roi de Moab. 16 Or Éhoud se 

frir, exposés aux progrès ultérieurs des Moabites et privés des avantages 
de la plaine. Il n’est pas question des tribus établies au nord de l’Arnon 
parce que l’auteur primitif se plaçait seulement au point de vue de Benja- 
min. D’ailleurs ces tribus ne se sont guère maintenues que sur les flancs 
de la mer Morte (cf. Gad à r A((aroth dans l’inscription de Mésa), puisque la 
rive gauche du Jourdain se nommait plaine de Moab. 

15) Pénitence des Israélites (3 9), Dieu leur suscite un sauveur. C’est la 
formule du R D qui va laisser parler l’ancien récit. Rien n'indique que Dieu 
ait inspiré spécialement à Éhoud le meurtre du roi de Moab; nous avons 
ici le cadre de la délivrance dont Éhoud fut le principal agent, mais qui 
s’opère surtout v. 28 s. D’ailleurs, la causalité divine spéciale n’est pas 
plus engagée ici que quand Iahvé fortifie 'Églon. L’ancien récit commence 
avec la présentation d’Éhoud, fils de Géra, noms qui se retrouvent parmi 
les Benjaminitcs, Gen. 46 21 ; I Chron. 8 3; 7 10; 8 6; celui d’Éhoud est 
peut-être emprunté à notre histoire par l’auteur des Chroniques ou plutôt 
porté par un clan dont le héros faisait partie. Éhoud était empêché de la main 
droite. La forme même de 1T2N indique un défaut, mais il ne s’ensuit pas 
qu’Éhoud fût plus maladroit pour cela; le contraire est prouvé par l’éloge 
des guerriers Benjaminitcs 20 16. Ce n’est qu’une question d’étymologie; 
en général on ne s’exerce de la main gauche que pour une infirmité de la 
main droite, mais il peut résulter de cela un avantage recherché, d’après le 
proverbe cité par Calm. : « On ne peut se garder d’un gaucher ». Il faut donc 
reconnaître l’adresse d’Éhoud tout en laissant à 1T3N son sens propre 
(contre Hum.); les versions G et Vg . ont bien rendu pour le sens, ambi- 
dextre. — « Le présent » (G. plur.) est l’euphémisme consacré pour « le tri- 
but » ; il peut être question soit des Benjaminites de la plaine devenus sujets 
d’ c Églon, soit même de ceux de la montagne qui payaient pour éviter des 
razzias. 

16) L’épée coupait des deux côtés, par opposition à un sabre; c’était 
même plutôt un poignard , court pour être plus facilement caché. Moore 
veut une épée longue puisque le roi était gras : mais elle est entrée jus- 
qu’à la poignée. D’ailleurs IDA est un hapax dont le sens n’est pas précis. 
Le G l’entend d’un empan, douze doigts, ce qui convient bien ; la tradition 
juive l’entend d'une petite coudée. Saint Jérôme a construit une arme sin- 



52 


juges, 3 17-19 

fit un glaive à double tranchant, d # un empan de longueur, et il 
le ceignit dessous son vêtement sur le flanc droit. 17 Et il offrit le 
tribut à 'Eglon, roi de Moab ; or 'Eglon avait un embonpoint 
énorme ; lg puis lorsqu’il eut achevé d’offrir le tribut, il accompagna 
les gens qui avaient porté le tribut, 19 et arrivé aux Idoles près de 

gulière, deux poignards réunis au milieu par une poignée d’une paume de 
main. L’épée est placée à droite pour détourner les soupçons, sa place 
naturelle étant à gauche. 

17) Le roi était très gras; excellente manière de le présenter, en opposi- 
tion avec la dextérité d’Éhoud, trait qui prépare bien ce qui suit. Moore en 
fait une glose qu’il retranche du texte ! d'où vient le grec àsTEto; et l’ancien 
latin exilis? ce dernier pour civilis? 

18) Les LXX ont omis Dyn, comme s’il leur paraissait impossible qu’un 
peuple entier apportât les présents. Josèphe (1. c.) réduit à deux les compa- 
gnons d’Ehoud. Mais un grand nombre de gens était nécessaire pour por- 
ter le tribut en matière et ajoutait à ta pompe et à l’honneur rendu. Les 
bas-reliefs assyriens et égyptiens illustrent cette scène. — nSltf au pi'el peut 
signifier «accompagner)» : Gen. 12 20; 18 16; 31 27 ( ftudde ), comme l’a très 
bien compris la Vg . prosecutus est , laissant d’ailleurs aussi dans l’ombre les 
gens porteurs du tribut : socios gui cum eo vénérant . 

19) La tactique d’Éhoud est facile à saisir ; il part comme si tout était fini, 
et qu’il n’ait aucune intention particulière de parler au roi. Son idée est 
moins de mettre ses compagnons en sûreté (contre Dudde ), — il n’avait qu'à 
attendre — que de trouver un prétexte soudain de parler au roi ; on ne pou- 
vait soupçonner un dessein prémédité de la part de quelqu’un qui avait con- 
sidéré sa tache comme terminée. Ce prétexte, c’est un oracle v. 20 reçu au 
lieu sacré de Gilgal et voilà pourquoi on mentionne les idoles. Naturelle- 
ment cela a choqué la tradition juive postérieure. Le Targ. a traduit 
D^DD par carrières, G(A) a introduit 'Églon comme sujet, contre toute 
vraisemblance (renouvelé par Winckler ap. Budde l). Gilgal est demeuré 
longtemps un lieu sacré pour les Israélites (Os. 4 15; 9 15; 12 12 ; Am. 4 4. 
o), sévèrement blâmé par les prophètes. D’ailleurs pour Éhoud, ce n’est 
qu'un prétexte. — La position de Gilgal, fixée par Eusèbe à l’orient de 
Jéricho (On. 243 94; comme un lieu encore sacré a été retrouvée sous le 
nom de Djildjilieh; elle prouve invinciblement que le tribut avait été 
porté à 'Eglon dans son pays, au delà du Jourdain, car il n’y a pas place 
pour une résidence royale entre Gilgal et le Jourdain; mais elle pouvait 
être peu éloignée, dans la plaine de la rive gauche. D’après Hum. Pesili/n 



53 


JUGES, 3 19 

Gilgal , il retourna et dit : J’ai un secret à te communiquer, ô 
roi ! Celui-ci dit : Chut ! et tous ceux qui se trouvaient auprès 

est un nom propre. Pour Budde, ce sont les pierres qui marquaient le gué 
du Jourdain à une heure de Gilgal, et sur la rive gauche. Éhoud conduit 
ses gens jusqu'au gué, les fait passer et revient. Mais les douze pierres de 
Josué qui doivent être dans une relation quelconque avec ces idoles étaient 
bien à Galgala (Jos. 4 20), c’est encore la tradition de la mosaïque de 
Madaba (RB. 1897, p. 170). En tous cas, il faudrait préférer la rive droite 
du Jourdain; on ne peut concéder que DN auprès de indique moins de 
proximité que s’il y avait ü. — On fait ici une difficulté : dans notre verset, 
Éhoud revient publiquement près du roi, qui fait sortir tout le monde pour 
lui parler en secret ; au verset suivant, Éhoud pénètre auprès du roi qu'il 
trouve seul y et on décrit le lieu où il se trouve pour expliquer qu’il est 
seul , ce qui a déjà été expliqué. Il est très peu probable qu’un même auteur 
ait ainsi arrangé les choses. Budde, Moore, etc. supposent donc ici une 
seconde source primitive; mais ce serait la seule trace dans tout le mor- 
ceau. Dès lors, une retouche serait du moins plus probable. On verra sur 
v. 23 que les événements sont difficiles à expliquer si Éhoud a été vu des 
serviteurs du roi : s’il est sorti publiquement, comment a-t-il fermé derrière 
lui? si on ne l’a pas vu sortir, l’ayant vu entrer, comment supposer que le 
roi est occupé à une action secrète? On serait donc autorisé à considérer 
comme une glose le verset 19 depuis icxvj; on pourrait très bien l'expli- 
quer par le désir de dissimuler le rapprochement trop étroit entre les 
idoles et la parole divine, peut-être aussi par l’étonnement du lecteur civi- 
lisé à voir qu'on pénètre ainsi sans façon chez un roi, et qui se trouve seul 
(cf. les explications entortillées de Josèphe, Le.), 

Cependant nous répondons qu’on peut respecter le texte et harmoniser 
les deux versets sans aucune violence. A supposer que Kü v. 20 ne puisse 
signifier « il s’approcha » (contre Rosen .), il est du moins très simple de 
prendre l’incise comme explicative commençant par *1 ( Kœn . 322 te); « lors 
donc qu’Éhoud entra auprès de lui, il se tenait »... la description des lieux 
vient même mieux à ce moment non pas pour expliquer comment Ehoud a 
pu trouver le roi seul, mais comment il a pu demeurer seul avec lui et par- 
tir sans être vu ; c’est l’isolement du lieu après celui de la personne. f Églon 
pouvait y recevoir du monde, mais ce n’était pas du moins le sèlamlik y la 
salle où l’on entre à volonté. On verra dans la suite qu'Éhoud est sorti 
secrètement de cette chambre afin de pouvoir fermer la porte en dedans, 
mais il a pu se laisser voir en bas. Cette solution vaut, même si l'on entend 
1ÜN comme tenant uniquement la place du suffice empêché par l’état 



54 jugeS; 3 20-21 

de lui sortirent. 20 Éhoud entra donc auprès de lui; or il se tenait 
assis dans la salle haute où Y on prend le frais, qui lui servait 
d'appartement privé et Ehoud dit : C'est une parole de Dieu que 
j’ai à te dire, *ô roi! * et il se leva de son siège, 'tout proche de 
lui \ 21 Alors Éhoud se servant de la main gauche prit le glaive 

20. -jban; tm om. — vbn anp mm; tm om. 


construit de se souder à ivSy et VTlS comme signifiant que le roi était seul ; 
ce serait seulement une légère redite ; d'ailleurs sur le sens de TtlS v. infr. 
• — Le roi dit Chul \ à Ehoud pour l’inviter à attendre et les autres à sortir. 
Cf. Am. 6 10 ; Hab. 2 20; Soph. 1 7 ; Zacli. 2 17. — Ce ne sont pas les LXX, 
mais B, recension spéciale, qui a « il les fit sortir » (contre Budde ); A et 
Lag. xal IÇfjXôov, comme TM, doivent avoir le texte le plus ancien. Leur ex 
fiéaou pour DH est difficile à justifier, sinon comme un à peu près; il s’adresse 
naturellement aux assistants, ce que préfère Moore tout en rendant Silencel 

20) Ehoud pénètre donc auprès du roi dans la salle haute qui est quali- 
fiée spécialement de fraîche, HlpQ (rac. Tlp) parce que située au-dessus 
de la maison elle est percée de fenêtres sur tous les points de l'horizon. 
VTab est traduit par les versions anciennes et les modernes conformément 
à la ponctuation du TM (accent distinclif Pachta) dans ce sens que le roi 
était seul. Cela est sous-entendu en effet, ou plutôt contenu dans celle idée 
que cette chambre, par opposition à la grande salle de réception, ne ser- 
vait qu’à lui, était pour lui seul ; cet usage de VTuS peut se justifier par Ps. 
71 16, ta justice à toi , la justice qui t'est propre , et par Gen. 47 26 à l'excep- 
tion de la terre propre aux prêtres (autrement D"qS ferait double emploi 
avec pi). Cela explique comment on put croire dans la suite qu’ f Eglon y 
vaquait à un besoin naturel, c’est un appartement privé. Si signifie que 
le roi était seul, pourquoi dire que l'appartement était bien à lui ib 1TTN ! 
— Éhoud allègue un oracle, une parole divine en général; le nom de 
Iahvé n’avait pas à être prononcé, puisqu’Ehoud n'entendait pas discuter, 
mais faire lever le roi et piquer assez sa curiosité pour qu’il ne songeât pas 
à appeler. Le roi se lève par respect (Num. 23 18). Schnurrer (ap. Hosen.) a 
pensé que le but d’Éhoud était aussi de s’approcher du roi sans exciter sa 
défiance en supposant que chez les anciens les oracles devaient être com- 
muniqués à voix basse; les LXX ont en efTet iyy'j; aùiou qui correspond bien 
à cette situation et qu'il est difficile de croire ajouté par eux , de même que 
l’interpellation 6aaiX£t>. 

21) Ce que les LXX ont en plus WI « et comme il se levait » est 



55 


juges, 3 22 

sur le flanc droit, et l’enfonça dans son ventre. 22 La poignée 
même pénétra avec la lame et la graisse se referma sur la lame, 
car il ne retira pas l’épée de son ventre ; puis il sortit par la fenêtre, 

accepté par Budde comme dépeignant bien la situation. Tout se passe très 
vite. Éhoud profite du mouvement du roi pour le frapper. La suite montre 
qu’il s'agit bien du ventre; Josèphe a ennobli en mettant le cœur. 

22 s.) En lisant Ni**! avec LXX on obtient plus d’unité dans le mouve- 
ment de la phrase, mais « il fit entrer la poignée » est moins naturel que 
« la poignée entra » ; la poignée pénètre parce que la graisse n’oppose pas 
de résistance, Éhoud ne la retire pas pour ne pas perdre un instant. Les 
mots : runtriSn NjP*I et namoon T! H N N3P1 créent une sérieuse difficulté. 
Dans le texte actuel, ils sont trop parallèles, étant des expressions rares et 
difficiles, pour ne pas être le résultat d’une conformation voulue ou l’expli- 
cation d’un terme par l’autre. Deux solutions sont probables. On peut lire 
«ns au lieu deîlJ"niPEn, et ses ordures sortirent , pareil fait pouvant se pro- 
duire spontanément à la suite d’une blessure de ce genre. Cette solution 
résulte de la traduction du Targ. de la Vg. et est proposée par Nœldeke, 
Budde, Moore etc. Ce trait réaliste ne paraît pas en dehors de l’esprit du 
morceau. C’est d’ailleurs la seule manière de conserver cette incise car pTOlE 
est un mot inconnu; Ges. (Thés.) le rapproche de l’arabe farachad , écar- 
ter les pieds , et propose : et exiit gladius per interstitium pedum , mais il est 
impossible que le glaive (fém.)soit ici le sujet. On peut cependant objecter 
à cette solution que le texte du Targ. et de la Vg. était bien celui que nous 
avons, et que leur traduction vient, non de ce qu’ils lisaient ttHE, mais de 
ce qu’ils supposaient è 'JVTttHS une fausse étymologie tZHD excréments et 
HIC (aram.) répandre. La réduction à tfH3 seul est donc une pure conjec- 
ture. La deuxième solution consiste à supprimer cette incise qui ne figure 
pas dans leG(A) et qui n’est probablement pas dans la version primitive car 
le texte de B, Lag. y etc., xoù gÇfjXOev ’A<ô6 t f 4 v 7cpo<JT«8a, xai ÈÇrjXGsv tou; Biarri- 
Tarfjiivou; es t une double traduction de l’incise suivante, pllDD étant rendu 
successivement comme une rangée (llD) de colonnes ou une rangée de 
gardes. Dès lors, il devient assez vraisemblable que la première incise est 
dans le texte hébreu lui-même un doublet de la seconde, un essai d’explica- 
tion ou une fausse leçon qui a pu passer dans le texte; c’est l’opinion de 
Calm. Hum. etc. — Nous proposons une troisième solution. Comme le dit 
Bonfrère « Tota enim narratio videtur egressum secretum et posticum requi- 
rere » (cité par Hum. qui prend mal à propos l’opinion contraire) et il eût 
été inutile de dire par où Éhoud est sorti, si c’était la sortie naturelle. Éhoud 



36 ji.'ges, 3 23-2i 

23 * et Ehoud sortit par le portique ’ et il ferma les portes de la 
salle haute derrière lui en poussant le verrou. 24 Lui sorti, ses 
serviteurs vinrent et regardèrent et voici que les portes de la 
salle haute étaient fermées au verrou ; ils se dirent : sans doute 
il satisfait un besoin naturel dans la partie retirée de l'apparte- 

23. Omettre ftilTTDGn Tin* 


ne pouvait sortir publiquement même s'il était entré publiquement, car 
dans cette hypothèse les courtisans auraient attendu à la porte avec curio- 
sité la fin de l’entretien, et il n’aurait pu fermer par dehors sans en être 
empêché. Il a donc dû fermer par dedans et par conséquent sortir par une 
voie secrète. A plus forte raison, si Éhoud était entré sans être vu, devait- 
il sortir en cachette. 

Cette voie secrète ne peut être qu’une fenêtre donnant sur la terrasse que 
desservait un escalier extérieur. Beaucoup de maisons anciennes du Hau- 
ran étaient bâties sur ce plan. L'arabe a rendu par fenêtre. La traduction 
vestibule des versions anciennes est inspirée soit par l’étym. YTD rangée de 
colonnes, soit par l’idée d'une sortie publique. — est incorrect; après 
un impf. consêc. il en faudrait un autre, SyjDV, Kœn. 370 o se demande s’il 
ne faudrait pas supposer un infin. absolu. En tout cas, le sens doit être 
maintenu et marque bien une sortie secrète; on ne verrouille pas une porte 
par dehors pour empêcher les gens du dehors d’entrer trop tôt ; on verrouille 
par dedans pour leur laisser croire que le roi s’est fermé lui-même. 

Il nous semble donc en définitive qu’Éhoud s’est enfui par la fenêtre, le 
sens dettWlE étant suffisamment éclairé par l’ass. parasdinnu, qui semble 
signifier une ouverture (AHW. p. 546 : KIBRUD. DA = pa-ra-as-din-nu et 
KIRRUD “ hurru , trou). Ce mot n’étant plus compris a été remplacé par 
’pYTDD, vestibule, qui marquait mieux une sortie publique, en conformité 
avec v. 20. Les deux mots ayant pénétré dans le texte, on a cherché un 
sens au premier par une forme étym. ; le réalisme qui en résulte est plutôt 
celui des docteurs juifs qu’imputable à l’auteur qui emploie un euphémisme 
v. 24. 

24) Après qu’il fut sorti, les serviteurs vinrent, non pas : le voyant sorti, 
les serviteurs se présentèrent (contre Rosen.) , ce qui ajouterait au texte. 

est restrictif et par conséquent affirmatif: « ce n’est rien autre sinon », 
« sans doute... »; ce qui marque plus d’assurance que le forsitan de Vg . — 
Calm. : u les Anciens ne portaient point de culottes, et dans leurs besoins 



57 


juges, 3 25-26 

ment d’été. 25 Et ils attendirent à perdre patience et toujours il 
n’ouvrait pas les portes de la salle haute ; alors ils prirent une 
clé et ouvrirent et voici que leur maître gisait à terre, mort. 
26 Pendant qu’ils allaient et venaient, Éhoud prenait la fuite, et 

naturels ils se couvraient de leurs habits, et les abaissaient jusqu'à terre » ; 
cf. I Sam. 24 4. Josèphe nous dit jusqu'où les Esséniens poussaient les 
précautions, xoù «ÊpixaXu^avxs; Oottiorriov (de Bello 11 8 9). Les Orientaux ont 
conservé cet usage dans les deux cas; mais ici il faut dire avec la Vg . 
purgat alvum. *yrn au lieu de ïvby n’est nullement l’indice d’un document 
différent, mais marque le coin le plus intime de l’appartement; cf. phén. 
lin, « chambre sépulcrale ». G(A) ne semble pas avoir lu nipQ. 

25) iSwi se présente comme le gai de S^n (Moore hiph*il?) forme secon- 
daire supposée de SfP, mais il serait plus simple d’écrire iSîWi, pi. deblT. 
tFQ, traduit littér. par Vg. LXX signifie ici « perdre l’espoir »>, « se trouver 
frustré ( litt . confondu) dans son attente » (II Reg. 2 17; 8 1 1) ; cf. le sens de la 
forme pi. « tarder », Ex. 32 1 et Jud. 5 28. La clef est ici un loquet qui soulève 
la barre de bois placée à l’intérieur en guise de verrou. L’art, n’indique pas 
qu’il n’y en avait qu’une; une clé est l’instrument approprié et nécessaire 
(article d’espèce). Le pluriel intensif nrpJIN avec le sing Ss3 ; la phrase est 
pittoresque. 

26) T2Sl2J à côté de ; ces deux verbes qui semblent à Budde l'in- 

dice de deux documents sont seulement l’expression d’une nuance marquée 
par le mouvement de la phrase : Ehoud se sauve et à la fin il se trouve en 
sûreté; le niph f al peut avoir les deux sens : Gen. 19 17; Ps. 22 6. — 
HCnonn semble être une expression de J : Gen. 19 16; 43 10; Ex. 12 39 ; 
elle se trouve encore Jud. 19 8 ; II Sam. 15 28; Is. 29 9; Hab. 2 3; Ps. 119 60 
(Budde). Iiy d'après Bud. « il passa [le Jourdain] aux Pesilîm », mais *117 ne 
peut signifier « passer un fleuve » si le contexte ne mentionne aucun fleuve; 
il faut le prendre dans le sens de dépasser; cf. Gen. 32 22; cette étape est 
toute désignée comme point de repère ayant déjà figuré dans le récit. — 
nnTWn l’art, n’indique pas que le nom est commun, mais qu’il l’a été 
quoiqu’il soit devenu un nom propre, comme le Havre , etc. L’endroit est 
inconnu. A prendre un point d’appui dans la Bible, on le rapprocherait 
plutôt du mont Sé'ir à la limite de Juda et de Benjamin (Jos. 15 10) que 
d’un autre nom analogue. Éhoud qui était benjaminite a pu prendre pour 
arriver au mont d’Éphraïm la route naturelle qui passe au nord de Jérusa- 
lem plutôt que celle d’ f Ain Douk, Tayebeh, etc., et nous ne savons pas au 
juste où commence pour l’auteur la montagne d’Éphraïm ni même si Éhoud, 



58 


juges, 3 27-29 

il passa aux Idoles et se mit en sûreté à Sé'ira. 27 Et lorsqu’il 
fut arrivé * au pays d’Israël ’, il sonna de la trompette dans la 
montagne cTÉphraïm, et les fils d’Israël descendirent avec lui de 
la montagne, lui étant à leur tête. 28 Et il leur dit : Jetez-vous 
à ma suite, car Iahvé a livré vos ennemis, Moab, dans nos 
mains, * et ils se jetèrent à sa suite * et ils coupèrent à Moab 
les gués du Jourdain et ils ne laissèrent passer personne. 29 Et 
ils battirent Moab dans ce temps-là, environ dix mille hommes, 

27. SlOttP yua; TM om. 

28. 1STV1; TM TTV3 et ils descendirent . 


en sûreté à Sé'ir, était déjà tout à fait arrivé à la montagne d'Éphraïm. Le 
P. van Kasteren, s'appuyant sur l'onomastique moderne, a proposé 
(Mit. DPV. 1895, p. 26 ss.) Vou, Cha'yr à l’ouest de Naplouse,et par consé- 
quent beaucoup trop loin du théâtre de l'action. 

28) Dans G(B) et d'autres, mais non A ni Lag. y on ajoute après ctç 

Y7)v ’laparJX; une indication de lieu était en tous cas nécessaire. Budde avec 
Winckler, Moore, Holzinger, pensent qu’on peut voir dans les vv. 26-28 la 
trace de deux documents; mais on comprend très bien qu’Éhoud, après 
avoir entraîné ses compagnons à descendre de la montagne, les harangue 
au moment d’arriver dans la plaine; ils descendent de nouveau, ou plutôt 
commencent avec lui la poursuite. En effet 12V) (au lieu de /oit«67jts LXX 
VH ?) est garanti par II Reg. 5 21 et dès lors ‘IS'T’V est à restituer au lieu de 
YTT*1 v. 28 b à cause de WIN qui le suit tandis que VTV1 v. 24 est suivi de 
*102 ; toute apparence de dualité dans les documents disparaît ainsi. — Il va 
de soi qu’il s'agit des gués qui conduisent à Moab (VT/.)» le texte dit avec 
plus de précision qu’on les prit à Moab, on les occupa pour s’opposer à son 
passage. Il s'agit des Moabites qui se trouvaient dans la ville des Palmiers 
v. 13. Il y a dans la région de Jéricho trois gués principaux, l'un au nord 
près du pont actuel, l’autre au lieu où se portent les pèlerins en souvenir du 
baptême de Jésus d'après la tradition récente, le troisième plus au sud. 

29) Ce verset est attribué par Budde au rédac. deutér. à cause du chiffre 
de dix mille (cf. 1 4) ; mais 1 4 n’est pas de cet auteur et les expressions 
sont trop pittoresques pour son style généralisateur. yQffl signifie des gens 
bien nourris, de solides gaillards et non point de ces meurt de faim qui se 
louent pour se battre ; c’est l'élite de la nation. Le chiffre a pu être grossi. 



59 


JUGES, 3 11-30. — CRITIQUE 

tous robustes et tous vaillants et personne n’échappa. [R D ] :K) Et 
Moab fut abaissé ce jour-là sous la main d’Israël, et le pays 
jouit du repos pendant quatre-vingts ans. 

30) La formule est nettement du rédac. deutér. 8 28 ; il 33 ; cf. 4 23 et 

I Sam. 7 i3. ne signifie pas que Moab fut subjugué (contre Moore) ce 
qui dépasserait la portée des faits racontés par Tancienne histoire ; la 
formule est générale comme le repos qui suivit. — La phrase des LXX xai 
exptvfv auToù; ’Atîià Iw; ou àrc^Oxvev doit être l’indice d’une recension qui ne 
contenait pas à cet endroit l’histoire de Chamgar. D’ailleurs la formule est 
différente des autres... « Il jugea Israël et il mourut », par exemple 12 7 ss. 

II est vraisemblable que ce n’est qu’une recension particulière destinée à 
mettre en relief le caractère de Juge d’Éhoud. 

♦ 

* * 

Critique littéraire et historique. — L’histoire d’Khoud, Benjaminite 
qui délivre ses compatriotes du joug d’*Eglon roi de Moab, est enca- 
drée dans la rédaction deutéronomique et devient ainsi un épisode de 
l’histoire générale d'Israël. Cette différence de documents est reconnue 
par tous les critiques, même par le R. P. de Hum. La main du rédact. 
est évidente 1 l b . 12. 14. 15*. 30; elle est douteuse v. 13 où du moins la 
prise de possession par Moab de la ville des Palmiers doit être emprun- 
tée au récit primitif comme le nom du héros v. 15; elle est moins 
reconnaissable encore v. *21. Tout le reste est un récit parfaitement 
homogène. Budde, Moore, etc., sont portés à voir des traces de dou- 
blets aux vv. 19 et 20, 22 et 23, 27 et 28; on croit voir deux entrées 
d’fthoud chez le roi, deux manières de sortir, deux contacts d’Ehoud 
avec les Israélites; nous avons montré que la critique textuelle ou de 
simples explications de bonne foi dissipent ces apparences. 

Le récit est très simple et trouve son meilleur commentaire dans les 
habitudes de l’Orient 1 . La maison d’T’glon n’était pas un palais, mais 
elle contenait cependant, comme toute maison orientale, une salle de 
réception et une salle haute, plus commode pour jouir de la fraî- 
cheur. Ce n’est pas que la salle haute soit fermée au public, mais on 
n’y pénètre pas cependant avec la même familiarité que dans le sélam- 

I. Cf. Vioouroux, BDA/., t. III, p. 294 gs. 



60 


JUGES, 3 11 - 30 . — CRITIQUE 

lik où les gens entrent sans aucune cérémonie et d’où ils sortent 
de même. La salle haute est quelquefois située sur une terrasse, et en 
tous cas de telle sorte qu’on puisse y arriver soit par le dedans, soit 
par un escalier allant directement du dehors à la terrasse ou à cette 
chambre elle-même si elle n’est pas située sur la terrasse. Après avoir 
reçu le tribut, ‘Eglon s’était sans doute retiré avec quelques familiers 
dans cet appartement plus intime. La maison elle-même devait être au 
pays de Moab, résidence habituelle du roi ; le paiement du tribut 
indique que la campagne étant terminée, rien n’obligeait ’Églon à 
demeurer à Jéricho ; cette ville figure sous le nom de ville des 
Palmiers pour expliquer la sujétion des Benjaminites. Cependant la 
mention des allées et venues autour de Gilgal indiquerait une rési- 
dence voisine du Jourdain, peut-être même dans ce qu’on nommait les 
'Araboth Moab, la plaine de la rive gauche du Jourdain. En effet 
Éhoud, le tribut payé, accompagne les siens jusqu'à Gilgal, ou du 
moins jusqu'aux idoles voisines de Gilgal. Ces idoles, « Pesîlîm », étaient 
peut-être déjà un nom propre, peut-être aussi le sens primitif était-il 
assez conservé pour qu’une visite aux idoles pût servir de prétexte à 
une communication divine. Lorsqu’on annonça qu’Ehoud revenait de ce 
lieu célèbre, on ne pouvait concevoir aucun soupçon contre un homme 
qui s’était d’abord retiré si tranquillement et on pouvait se demander 
s’il ne venait pas chargé d’une mission de la part des dieux. La scène 
avec le roi est très claire : la seule difficulté est dans la sortie d’Éhoud. 
11 faut qu’on fait vu sortir puisqu’on suppose le roi seul; il ne faut pas 
qu’on l’ait vu sortir tout d’abord puisqu’il a fermé en dedans. La 
solution c’est qu’Éhoud a sauté par la fenêtre d’où il a gagné l’escalier 
extérieur sans être vu, mais il ne pouvait s’éloigner sans être vu. On 
le voit en bas de la maison, et dès lors les serviteurs remontent auprès 
de leur maître. Ehoud est bientôt en sûreté dans la montagne d’Éphraïm 
où était situé en partie le territoire de Benjamin; il profite de la 
panique causée par la mort du roi pour délivrer la rive droite du Jour- 
dain de la présence des Moabites. 

Notre récit a tout l’aspect d’une histoire véritable. Nœldeke (Unterss. 
zur Krit. d. A. T., 179 s. ap. Budde) et Stade ( Gesch . Isr . II, 
p. 68) ont objecté que Géra (Gen. 46 21 ; I Chr. 8 3) et Ehoud même 
(I Chr. 7 10) étaient des noms de clans, non de personnes. Mais il fau- 
drait d’tbord déterminer exactement les rapports qui existent en Orient 



61 


JUGES, 3 11 - 30 . — CRITIQUE 

entre noms de clans et noms de personnes. Il est certain par exemple 
que Mohammed ibn-Djad est une personnalité (cf. RB. 1897, p. 209) 
et cependant son nom désigne toute sa tribu et lui sert même de cri de 
guerre. Il n’y a donc aucune raison de révoquer en doute la réalité de 
faits très vraisemblables. En tirant de cet épisode une moralité pour 
toute l’histoire d’Israël le rédacteur deutéronomique n’en a pas altéré 
les traits. Il est intéressant de constater les variations successives de 
l’exégèse quant à l’appréciation morale des actions d’Khoud. Pour la 
plupart des anciens, Éhoud n’agit que sous l’inspiration divine, il a le 
droit de tuer *Églon en traître parce qu’il a reçu un ordre spécial de 
Dieu; il ne ment pas lorsqu'il allègue une communication divine : « il 
peut dire dans la vérité : j’ai une affaire avec vous de la part de Dieu; 
j’ai à vous mettre à mort par son ordre ». (Calm. résumant S. Aug . 
qwest . inJudic.). Ce sous-entendu serait peut-être dans l’intention d’un 
auteur plus préoccupé de justifier son héros; l’auteur inspiré ne semble 
nullement avoir eu ce scrupule. Pour Calmet lui-même : « on n'est 
point obligé de justifier toutes les actions des saints ». Le P. de Hum. 
dit beaucoup plus justement : Aod durus, crudus , ferreus vereque 
« lupus rapax » (Gen. 49 27), et Vigouroux remarque avec soin qu'il 
n'est point question dans cette histoire d’un don spécial de l’Esprit 
saint (/. c., p. 301). Il suffit de sc souvenir que tous les héros d’un 
livre inspiré ne sont point inspirés de Dieu dans toutes leurs actions et 
que Dieu qui n’avait point encore répandu la grâce réservée au temps 
de son Fils a pu se servir d’Éhoud comme sauveur ainsi que d’ f Kglon 
comme fléau, quelle que fût d’ailleurs la valeur morale de leurs actes : 
au point de vue de l’auteur, l’action d'Éhoud ne semble pas avoir été 
répréhensible. 



Chapitre 3 31. — Samgar 


[R D ] 31 Après lui il y eut Chamgar, fils (T'Anath ; il tua six cents 
Philistins avec un aiguillon à bœufs, et lui aussi sauva Israël. 

31) Le sens de « après lui » dépend naturellement du contexte. Dans la 
rédaction actuelle, il s'agit d’Éhoud. Mais cela est d'autant plus étonnant 
que la mort d’Éhoud n’est mentionnée dans le texte actuel que 4 i. Diverses 
subtilités dans Hum. Il conclut que pendant qu'Éhoud jugeait Benjamin, 
Chamgar a pu faire fonction de Juge dans Juda ou Siméon ou Dan. Mais 
il n'est pas question de judicature, pas plus pour Chamgar que pour 
Ehoud, s’il s'agit d’une magistrature proprement dite. Nous attribuons ce 
verset à RH quoique dans RH ce soit Iahvé qui sauve par le moyen du 
juge 2 18 et 2 16 (LXXj. — toSq est un aiguillon ; de la racine T2b 
« instruire », parce qu’il sert à dresser les bœufs. G(A) a probablement lu 
« sans compter » êxto;, et les deux leçons réunies se trouvent dans A. 
On sait combien s. Aug. a été embarrassé de cette divergence et on peut 
constater ici en toute modestie combien est facile à expliquer une confusion 
dont les anciens ne pouvaient pas sortir. Vg. vomere , « avec une charrue». 
Il faut se souvenir des mesures édictées par les Philistins (I Sam. 13 19) ; les 
Hébreux, privés d'armes, étaient obligés de se servir, pour se défendre, de 
leurs instruments de travail. Un aiguillon valait presque une lance. D’ail- 
leurs les Philistins sont nommés en toutes lettres. 

♦ 

i * 

Critique littéraire et historique. — Le verset relatif à Chamgar a été 
jugé diversement. On s'accorde à regarder le nom même de Chamgar 
comme n’étant pas israélite. C'est le nom d’un oppresseur (5 6) et de 
fait il se retrouve comme roi de Gargamich au temps d'Achournasirpal 
et de Salmanassar II (cf. K B. I, p. 138 Sa-an-ga-ra et le pays de 
Sanhar, el-Amarna, 25 49); c’est aussi le nom d'un officier du roi de 
Babylone Jer. 39 3 Samgar-Nebo (avec D). ‘Anath, censé le nom de 



63 


JUGES, 3 31. — CRITIQUE 

son père, est celui d'une divinité phénicienne, sinon hétéenne. Budde 
conclut que cette petite histoire a été ajoutée la dernière, après que 
le livre était terminé, pour remplacer comme juge le méchant 
Abimélek. Moore a montré, sans cependant conclure très fermement, 
que ces objections n'ont guère de valeur que contre le TM ; la critique 
textuelle doit avoir raison de ce petit problème. Voici les faits. Après 
16 31 on trouve dans G(N), Tédition aldine, la Syro-hexaplaire et la 
version slave : xa't avéar/i uerà tov Sajx^wv Zepeyap (ou EjAeyap) ulo; 
Evav* xa't exo^ev ex t*ov àXXocpûXtov l^axoatou; (ce mot omis dans l’édi- 
tion aldine) àvSpot; Ix rèç twv xttjvojv xa't Ixptve (d’autres eawae) xal aurb; 
tov IapaTjX (variantes de détail dans Field ). Dans l’étrange histoire 
latine éditée par Lagarde (Septuaginta Studien , II, p. 3 ss.) et qui 
contient tant de précieux vestiges de l'Ancienne latine, on trouve 
après Éhoud : « deinde servierunt régi Semegar annis XX. Hic occidit 
ex alienigenis in aratro boum octingentos viros, et défendit filios 
Israël. Deinde labis servierunt... » (ligne 565 s.); et après Samson : 
« Deinde Samera iudicavit eos anno uno. Hic percussit ex Allophilis 
eescentos viros praeter iumenta, et salvum fecit et ipse Israël » (ligne 
598 s.). Ce texte grec, confirmé par l’Ancienne latine, n’est exposé à 
aucune des instances de Budde. Il commence comme "jSaUK nriN Dp^l 
10 1; cf. 10 3; de plus NIH DU, lui aussi, s’entend bien mieux après 
Samson, la situation étant presque la même. Il est en outre évident que 
l’exploit de Chamgar serait beaucoup mieux placé à l'époque philistine. 
Avant Débora c’est beaucoup trop tôt, comme le dit Budde. Enfin 
nous avons remarqué qu'au v. 30 toutes les éditions des LXX avaient 
une terminaison de l’histoire d’fthoud contraire à l'introduction de 
Chamgar au v. 31. Personne n'hésiterait donc à mettre Chamgar seu- 
lement à 16 31 si on pouvait indiquer le motif de la translation faite au 
TM et dans les mss. grecs (même ceux qui ont l’incise après 16 31), 
avant l’histoire de Débora. Ce motif est facile à alléguer, c’est la 
présence de Chamgar dans le poème 5 6. La place de Chamgar après 
Samson étant dûment reconnue, Moore n’a pas eu de peine à lui 
rendre sa physionomie hébraïque. C'est le même que Chamma fils 
d’Agé (II Sam. 23 11 s.), héros du temps de David, surpris par les 
Philistins dans un champ et qui les met en fuite. C’est précisément 
la situation exigée par l’action de Chamgar. On notera que les textes 
après 16 31 varient sur les noms, Samera, Semagar, et fils d’Enan 



64 


JUGES, 3 31. — CRITIQUE 

ou Ainan ; py est un nom propre connu (Num. 1 15 etc.), assez 
semblable à T\2V. D’ailleurs on ne peut avoir la prétention de retrou- 
ver exactement les noms propres, il suffît de toucher du doigt la 
confusion. Il en résulte bien que notre histoire a le cachet d’une des 
plus anciennes traditions du temps de David et ne doit nullement être 
dédaignée. Ceci nous éclaire sur le procédé du R D qui est allé 
prendre un héros très authentique pour en faire un juge, comme il a 
fait pour 'Othoniel. Nous avons aussi un exemple des altérations qu'a 
pu subir le texte. N’est-il pas étrange que l’ancien ms. latin semble 
avoir conservé le souvenir de Chamgar comme oppresseur en le présen- 
tant d'abord avec la formule : deinde servierunt régi Semegar annis XX, 
comme pour le roi de Mésopotamie Chusarsaton et le roi de Canaan 
Iabin? 

Nous n’avons pas voulu changer un ordre devenu traditionnel ; 
nous donnons ici le texte hébreu qui nous paraît résulter des textes 
cités tout en tenant compte de l’hébreu tcSg « aiguillon ». Dp^l 

npin ToSca, imN pikd xw D^nirSsa, -pi py p ynraw nna 

SniuP nN NIH DJ I 3 SUP 1 . Nous n’ajoutons pas anno uno avec Ane. lal . 
car ce peut n’être qu'une conjecture. 



Chapitre 4. — Débora et Bàraq 


[R D ] 1 Or les fils d’Israël recommencèrent à faire le mal aux 
veux de Iahvé, Éhoud étant mort, 2 et Iahvé les livra aux mains 
de (Iabin) roi de Canaan [ ] ; le chef de son armée était Sisara, et 

2. Supprimer TUmi "|Sa 1ÜK qui régnait dans Ha, or. 


1) Du rédac. deutér. ; c’est la propre formule de 3 12 s. d’après le thème 
général 2 18 s. Le v. se soude à 3 30 sans tenir compte de Chamgar. 

2) Il y a trace du rédac. deutér. dans DIDD’I, c’est la formule de 3 8 
d’après le thème 2 14. Le terme « roi de Canaan » correspond à une unité 
géographique qui ne se trouve nulle part dans la Bible. Les auteurs deutér., 
par exemple dans Josué, ne connaissent que des rois séparés dans le pays 
de Canaan, quoiqu'on trouve la mention de Ilasor comme d’une sorte de 
capitale, Jos. 11 10. Il faut donc entendre « roi en Canaan », dans le même 
sens que les rois de Canaan 5 19. Iabin est roi de Hasor, v. 17 et Jos. 11 1. 
Iabin, roi de Canaan, qui régnait dans Ilaçor est donc une formule double- 
ment anormale et qui sent l’arrangement. Nous dirons pourquoi on doit 
supposer ici un primitif Chamgar (cf. critique littéraire et historique). 

Le nom de Hasor s’est conservé nu Merdj Hadira , à une heure au sud-ouest 
de Cadès et les ruines de tell Khurêbe pourraient représenter l’ancienne 
cité, connue aussi par les documents égyptiens (M. Mî'llkr, Asien, p. 173) 
et les lettres d’el-Amarna (154 41). Sisara est représenté dans le texte actuel 
comme général du roi oppresseur; on objecte que dans le cantique il est 
chef des confédérés, et on conclut que son titre est un artifice pour unir 
deux récits. Ce procédé littéraire serait très improbable en lui-même. Il faut 
tenir compte de l’exagération poétique; il est, en somme, le seul chef qui 
paraisse soit dans la prose, soit dans la poésie, et rien n’empêche qu’un 
petit roi soit considéré comme le général d’un grand roi éloigné. 

Le nom de Sisara est étranger à l’hébreu; il se retrouve parmi les servi- 
teurs du temple Esd. 2 53 Neh. 7 55; il est comparé par Moore aux noms 
hétéens dont quelques-uns se terminent en sira : Khtasira , Mawrasira , 
P. La change. — Le s Juges . ï 



66 juges, 4 3-4 

il habitait Harochet des Goïm. 3 Et les fils d'Israël crièrent vers 
Iahvé , car il avait neuf cents chars de fer, et il opprima les fils 
d’Israël avec violence durant vingt ans. [E] 4 Or Débora , 
prophétesse, femme de Lapidoth, jugeait Israël en ce temps-là, 


l’analogie est très séduisante. Harochet des Goïm doit être cherché dans 
une plaine à cause des chars de fer, et non loin du Cison, v. 13. Ces condi- 
tions conviennent très bien à el Haritiyeh, entre Caïffa et Nazareth, sur les 
bords du Nahr Muqa(('a( Cison); l’homophonie est parfaite. Les LXX et la 
Vg. entendent Nim non pas de Sisara mais du roi de Canaan. Dans le texte 
de Lagarde ( Septuag . Studien , II, ligne 566 ss.) : « deinde Iabis servierunt 
régi alienigenarum annis XX. hic rex Chanaan fuit qui regnabat in Astaroth » 
pour Aroseth comme note Lagarde; sur la tournure, cf. Gen. 14 12. 

3) Le cri des fils d’Israël (cf. 3 9) et la durée de l’oppression (cf. 
Chronol.) sont encore du rédac. deutér. Les chars sont au roi oppresseur, 
quoique au v. 13 ils soient censés être à Sisara. Sur ces chars, cf. Jos. 17 
16. Le chiffre de neuf cents est considérable sans être invraisemblable. 
Josèphe, selon les habitudes du temps de grossir tous les chiffres anciens 
le porte à 3.000; il y ajoute une armée. Thoutmès III compte 724 chars 
parmi les dépouilles à Megiddo (Maspero, Histoire... II, p. 259). 

4) Débora, « l’abeille », Lapidoth, « les lampes », Baraq, « l’éclair » ; ces 
étym. ont pu prêter à des sens accommodatices, elles n’empêchent pas la 
réalité des noms propres ni des personnages. C. Niebuhr (ap. Budde) voit 
dans Débora la ville de mx? Jos. 19 12 ; 21 28; 1 Chr. 6 57, auj. Dabûriych , 
au pied du Thabor; c’est fantaisie pure. Débora est dite prophétesse. Budde 
remarque que la qualité propre et spéciale de NU2 ne se développa dans 
Israël qu’au temps de l’oppression philistine I Sam. 9 9; 10 5 ss.; — c’est-à- 
dire que nos documents en parlent à ce moment; l’institution se perd dans 
l’antiquité. Les autres prophétesses les plus célèbres sont Marie (Ex. 15 20) 
et lloulda (II Reg. 22 14). Elle était juge non pas dans le sens de la rédac. 
deutér. comme ayant sauvé et administré Israël, ce titre convient plutôt à 
Baraq (I Sam. 12 11 ), mais dans le sens normal de rendre la justice. Les 
questions litigieuses étant portées devant l’autorité divine (Ex. 22 8), une 
personne douée d’une inspiration spéciale convenait éminemment à ce rôle; 
c’est certainement l’interprétation du v. 5 qu’on ne peut nullement soup- 
çonner d’être une retouche. Moore le prétend parce qu’il faut que Ï22ï27 ait 
ici le sens ordinaire du livre des Juges! — C’est apprécier le sens de la 
narration primitive d’après l’usage deutér. Budde refuse aussi le sens de 
« rendre la justice » à cause du participe : cependant cf. Gen. 18 25 etc. On 



67 


JUGES, 4 5 

5 et elle siégeait sous le pilier (?) de Débora, entre Rama et 
Béthel, au mont d Ephraïm ; et les fils d’Israël montaient vers 

pourrait plutôt croire que Débora, juge devenue le sauveur du peuple, a 
fourni le terme de juge-sauveur au rédac. deutér. Le nabi et le chophct 
sont encore rapprochés, 1s. 3 2 et surtout dans le récit élohiste de l’institu- 
tion des soixante-dix, destinés à aider Moïse, et qui commencent par pro- 
phétiser Num. 13 29. 

5) Moore et Budde proposent ici d’identifier le palmier de Débora avec 
le chêne de la lamentation pStf où était enterrée Débora, nourrice de 
Bachel (Gen. 35 8), et qui a pu facilement se nommer l’arbre de Débora, 
d’autant qu’a//<5n ne signifierait pas une essence spéciale. Dès lors ces 
auteurs supposent que Débora n’a été rattachée à Éphraïm que par une 
confusion, à cause du nom bois de Débora , venant d’une autre tradition; sa 
place est avec Issachar (5 15) et on ne comprendrait pas qu’elle fit venir 
Baraq si loin. — Il faut répondre : ion a été ponctué 1QFI et non IQn, 
palmier de, très intentionnellement; les verss. ont pu facilement verser 
dans le mot connu ; le terme massor. doit être conservé comme difficile. 
Dans Jer. 10 5 il signifie plutôt un pilier, sens qui conviendrait assez ici. 
Même dans le sens de palmier, il ne peut être assimilé à IVD2 *pbN (Gen. 
35 8), car lorsqu’il s’agit d’un très petit pays et que les données sont préci- 
sées, il faut s’y tenir. Le lieu où Débora siégeait (et non demeurait; cf. 6 
11 ; I Sam. 14 2; 22 6) est entre Rama, auj. er- Râm et Béthel, auj. Deitin, 
qui sont séparés par environ deux heures de marche; l’arbre de la 
lamentation est sous Béthel , c’est-à-dire à l’orient de Béthel ; ces deux 
désignations sont notablement différentes. D’ailleurs que Débora ait été 
d’Éphraïm-Benjamin,cela résulte de la participation de ces tribus au combat, 
qui parait précisément dans le cantique 5 14. Dans la coalition Baraq 
amène les contingents du nord, Débora représente le sud. L’identité de 
1T2D avec Tian (I Sam. 10 3) est encore plus problématique : nous 
devrions savoir gré aux anciens auteurs de nous avoir conservé ces noms 
intéressants plutôt que de chercher à les confondre en un seul. Rien n’est 
plus naturel que de prendre les bouquets d’arbres comme point de repère 
dans un pays où ils ne sont pas nombreux. Ne serait-il pas aussi tout à fait 
dans la nature des choses que le nom de Débora ait été donné aux filles très 
souvent dans la région où se conservait le souvenir d’une Débora célèbre, 
nourrice de Rachel? Enfin si Débora avait pour patrie Daberat au Thabor, 
Baraq invité à s’y rendre aurait-il répondu qu’il fallait qu’elle y vînt elle- 
inème? Budde sera encore obligé de suspecter v. 8 et 9, tout cela pour une 
hypothèse sans fondement. A l’objection tirée de la distance il est facile de 



68 


juges, 4 6-7 

elle pour les jugements. 6 Et elle envoya chercher et appela 
Baraq, fils d’Abino'am, de Cadès de Nephtali et lui dit : Iahvé, 
Dieu d lsraël, a donné cet ordre : va et dirige-toi vers le mont 
Thabor et tu prendras avec toi dix mille hommes des fils de 
Nephtali et des fils de Zabulon. 7 Et j’attirerai vers toi sur les 
bords du Gison Sisara, (général de (Iabin) et ses chars et son armée, 

répondre que quatre ou cinq jours de marche au lieu de deux ne sont pas 
une question en pareil cas, d'autant que Baraq ne fait qu'un voyage! 

6) Baraq, cf. le nom carthaginois si célèbre des Barcas . Le pays de 

Baraq est Cadès de Nephtali, auj. Q^deis, une des ruines les plus impor- 
tantes de la haute Galilée (cf. Jos. 19 37 ; II Reg. 15 29 j. Moore et Budde 
objectent que c'était un point bien choisi contre Iabin, nullement contre 
Sisara et qu’il doit y avoir là une confusion; ils préféreraient après Reuss, 
Wellhausen, un Cadès d’Issachar (I Chr. 6 57) qui répondrait à tell Abou 
Qdeis d’aujourd’hui, entre Ledjoun et Ta'anouk. — Nous admettons l’exis- 
tence d’un Cadès d’Issachar (c’est une autre ville que Jos. 19 20 et 21 28 
nomme et l’identification proposée, mais non l'argument. Il eût été 

au contraire absurde de se concentrer à Cadès sous les yeux du roi de 
Ilasor, tandis qu’il est très naturel de faire appel aux tribus du nord contre 
Sisara, précisément parce qu’elles sont plus libres de se recruter dans la 
montagne, et de les inviter à venir au-devant de Sisara tout en se gardant 
sur la montagne du Thabor. Baraq qui fait appel à Nephtali et à Zabulon 
doit être d’une des deux tribus ; comme on ne cite pas de Cadès de Zabulon, 
il s’agit donc bien de Cadès de Nephtali, beaucoup plus vraisemblable dans 
la guerre contre Sisara qu’un Cadès placé dans son voisinage. Débora, qui 
primitivement n’avait pas l’intention de prendre part à la lutte, fait venir 
Baraq pour s’entendre avec lui secrètement : nSh interrogation qui affirme, 
et spécialement de la part de Dieu, v. 14; 6 14; I Sam. 10 1; Jos. 1 9 
(Budde); cela n’indique nullement un ordre antérieur de Dieu à Baraq. 
Débora marque d’abord le but, le Thabor, mais c’est avant d’y aller qu’il 
fallait prendre les 10.000 hommes. Le dj. e(-Tôr actuel est bien connu 
pour sa forme ronde et son isolement qui lui permet de dominer la plaine. 
Il y a un léger jeu de mots entre "ptfO « se diriger vers, tirer vers » et 

« tirer, amener », du v. suivant. 

7) Ici les mots y'Z' N33? ’TC? ne sont qu’une glose d’après v. 2. — Une 
marche contre Iabin à partir de Cadès, qui est tout près au nord de Haçor, 
pour venir combattre son général au Thabor, à plus d’un jour au sud de 
Ilasor, ce sont des impossibilités qu’on a le devoir de faire disparaître en 



69 


juges, 4 8-10 

et je les livrerai entre tes mains. 8 Et Baraq lui dit : Si tu viens 
avec moi, j’irai, mais si tu ne viens pas avec moi, je n’irai pas, 
'car je ne sais pas en quel jour l’ange de Iahvé me donnera le 
succès '. 9 Et elle dit : J’irai donc avec toi, dans la voie où tu 
marches, mais ce ne sera pas pour ton honneur car c’est dans la 
main d’une femme que Iahvé livrera Sisara. Et Débora se leva et 
alla avec Baraq à Cadès. 10 Et Baraq convoqua Zabulon et 

8. *nn mrn -jnSc mSsn dv wp kS k ; tm om. 

exerçant modérément la critique textuelle. Dans une guerre contre Sisara, 
maître de la plaine, et en supposant que Nephtali dans sa montagne de 
Cadès était à peu près libre de ses mouvements, c’est-à-dire qu’on n’avait 
rien à craindre du roi de Hasor, le Thabor était la place marquée. 

8) Baraq demande à Débora de venir avec lui ; le texte hébreu ne donne 
aucune raison ; la plus naturelle serait qu’elle amenât du monde. Les LXX 
donnent une autre raison que le traducteur grec avait sûrement sous les 
yeux en hébreu , puisqu’il ne l’a pas comprise : ort oux oî&ot t^v f^ipav ev tj 
cjoooi tÔv ayY^ov Kupio; (xet’ejxou , ce qui suppose une transcription littérale 
mais une traduction fausse de HVP "|nSo rpbïH DV « le jour où l’ange 
de Iahvé me donnera le succès » ; cela correspond au rôle indicateur de 
Débora v. 14. Il est étonnant que Débora vienne deux fois avec Baraq ; 
v. 10 cela est très naturel, elle vient le rejoindre au Thabor pour être avec 
lui au moment de la bataille; mais pourquoi l’accompagner d'abord à 
Cadès? Cependant nous n'osons conclure avec Budde et Nowack que les 
vv. 8 et 9 ont été ajoutés. Les commentateurs moralistes ont discuté le 
plus ou moins de foi de Baraq dans cette circonstance; les uns admirent sa 
modestie, d’autres blâment sa défiance. 

9) Le texte fait clairement allusion à la gloire de Ia f ël, non de Débora, 

puisque c’est bien à elle que Iahvé a livré Sisara ne rappelle qu’indi- 

rectement le style du rédac. deutér. ; dans v. 2; 2 14; 3 8 on est livré pour 
longtemps en servitude). — Tu veux une femme et bien c’est une femme, 
mais une autre, qui aura l’honneur. L’ambiguïté est incontestable, mais elle 
est bien de style dans une prophétie; en pareil cas l’accomplissement 
est d’autant plus frappant que ce n’est pas celui qu’on aurait pu prévoir. 

10) à Yhiph'il dans le sens de « convoquer » s’emploie avec Sn pour 
désigner le lieu de rendez-vous, v. 13. Httnp n’est donc probable ni gram- 
maticalement ni comme lieu propice au rendez-vous ; Budde le supprime. 
Il serait mieux de lire XIHpO comme G(B) : au départ de Cadès. Dix mille 



70 


JUGES, 4 H 

Nephtali [ ] et dix mille hommes montèrent avec lui, et Débora 
monta avec lui. 11 Or Héber le Qénite avait essaimé [de la tribu] 
de Qaïn, de la branche des fils de Hobab, allié de Moïse, et 
avait tendu sa tente jusqu au chêne de Besa'anannim, près de 

10. Supprimer nUHp à Cadès . 


hommes montent à sa suite f non pas à Cadès où il était revenu pour lancer 
son appel, mais au Thabor où il se dirigeait. On lirait volontiers : Sn tTlpQ 
Tan Le Thabor devait être nommé ici ; cf. v. 12; il a pu être supprimé 
parce que le v. 11 fait l’impression dans sa rédaction actuelle qu'on est 
encore à Cadès. Les dix milles peuvent être le sujet du sing. surtout 
le verbe précédant le sujet, et vbvu signifie naturellement « sur ses 
traces », non pas cum pedilibus (contre Hum.). 

11) Héber le Qénite fait partie de cette tribu venue avec Moïse; cf. 116. 
Le mol indique l’essaim d'un clan; cf. Gen. 10 5. 32; il ne pourrait pas 
se dire de quelqu’un qui quitte la ville pour aller vivre sous la tente. Les 
Qénites étant nomades au sud de Juda, on nous explique ici comment il se 
peut en rencontrer dans le nord. Ce verbe est très fort contre M. Müller 
(Asien..., p. 174, 193) qui lit ^pn et pense à une ville de Qina connue des 
Égyptiens et située au nord, d’après Spiegelberg (dans Budde) 1 au sud de 
Megiddo. D’ailleurs Héber est caractérisé comme nomade 4 17 et Ia'ël très 
spécialement, 5 24. Il faut donc s’en tenir à un essaim de Qénites nomades. 
Héber est à pbtf, le Ü faisant plus probablement partie du nom 

puisque ’pStf n’est pas précédé de l’article. On ne peut donc insister sur 
l’étym. tirée de ’jÿÿ, « charger ses bêtes pour partir », allusion à la vie 
nomade. Cet endroit ne se retrouve que Jos. 19 33 sous la forme pStf 
□^27512 qui est ici celle du Qré. On entend donc ici Cadès du Cadès de 
Nephtali, non loin de Ilasor qui ne peut absolument pas cadrer avec 
l’histoire de Sisara. Dans l’histoire de Sisara, le Cadès serait admirable- 
ment placé à Tell Ahou Qdeis , entre Megiddo et Ta'anak: c’est le propre 
point où Sisara a dû prendre la fuite poursuivi par Baraq dans la direction 
de Ilarochet. 

Or il y avait précisément un Cadès dans Issachar (1 Chr. 6 57), très juste- 
ment assimilé dans la carte de Gutheà Tell-Abou-Qdeis. Ceux qui divisent 
l’histoire de Iabin de celle de Sisara croient avoir ici un point ferme; mais 
il ne faut pas oublier que Ia'ël a dû se trouver sur la route de Sisara, qui 
ne peut absolument avoir rien de commun avec Cadès de Nephtali et que 
cependant Ia'ël ne peut être séparée de Héber. D'ailleurs le rapprochement 



71 


juges, 4 12-15 

Cadès. » 12 Alors on annonça à Sisara que Baraq, fils d’Abino'am, 
était monté sur le mont Thabor. 13 Sisara convoqua donc tous 
ses chars, neuf cents chars bardés de fer, et tous ses gens de 
Harochet des Goïm vers les bords du torrent de Cison. 14 Et 
Débora dit à Baraq : Debout, voici le jour où Iahvé ta livré 
Sisara ; oui, Iahvé marche devant toi. Et Baraq descendit du 
mont Thabor, suivi de dix mille hommes. 15 Or Iahvé terro- 
risa Sisara et tous ses chars et tout son corps d’armée [ J en 
présence de Baraq, et Sisara descendit de son char et s’enfuit à 

15. Supprimer nn ^2S au fil de l'épée. 


avec Cadès de Nephtali n’est qu’une apparence trompeuse. Besa'anannim 
est sur la frontière de Nephtali, près de Dâmieh = Adami (Jos. 19 33) et par 
conséquent au sud du lac de Tibériade, peut-être au Kh. Bossu ni où l’a placé 
Conder (ap. Moore v. 23); Cadès, au contraire, est au coeur de Nephtali, de 
sorte que le bois ou l’arbre de Besa'anannim ne peut en aucun cas être près 
de Cadès de Nephtali. La leçon n’est même pas tellement certaine ; le G(B) a 
nXeovtxtoévTojv , qui se rapporte bien à la racine yyi, mais il n’est pas clair 
que G(A) avec àv«7:«uojjL£vwv fasse allusion à nÿï (contre Field). Le Targum 
a vu des piscines , peut-être mX3. Le nom primitif a pu être altéré pour se 
confondre graduellement, complètement seulement dans le Qré, avec un 
nom connu, celui de Jos. 19 33. Cheyne (Encycl. biblic. s. v. Bezaanim) 
propose de restituer D^WTp pStf, qui est purement hypothétique, mais 
avec un sentiment juste de la situation. Quoi qu’il en soit, nous plaçons le 
bois au nom douteux près de Cadès d’Issachar, où les événements 
l’exigent. 

12 s.) Sisara averti se dirige de sa ville vers le Cison. Haritiyeh est pré- 
cisément sur les bords du Cison. Sn peut signifier le long du Cison, comme 
on dit s’asseoira (Stt) table. Une branche du Cison, Nahr Muqatt'a vient du 
Thabor sous le nom de ou.Mouellé , dans la direction de Megiddo. 

14) Baraq encouragé par Débora (même tournure kSh que v. 6), n’attend 
pas l’ennemi et se précipite à sa rencontre. 

15) L’action divine est exprimée comme Ex. 1424 où il y a plus de détails 
sur le trouble des chars ; « mettre en désordre » parait le sens premier, 
puis, en parlant de Dieu, « inspirer une terreur panique ». Ce verbe ne peut 
gouverner un qui est à effacer, probablement comme dittographie de 
pü (Budde) ou comme reproduit du v. 16 où il est à sa place. Sisara 



72 


juges, 4 1 6-48 

pied. 16 Alors Baraq poursuivit les chars et le corps d'armée 
jusqu’à Harochet des Goïm, et tout le corps d’armée de Sisara 
fut passé au fil de l’épée; il ne resta pas un seul homme. 17 Or 
Sisara s’enfuit à pied vers la tente de Ia'ël, femme de Héber le 
Qénite (car il y avait alliance entre Iabin, roi de Hasor et la 
maison de Héber le Qénite). 18 Et Ia'ël sortit au devant de Sisara 
et lui dit : Viens, mon seigneur, viens chez moi, ne crains pas, 
et il entra chez elle dans la tente et elle le couvrit d’un tapis. 


descend pour éviter d’être pris dans un char embarrassé. Budde proteste 
avec raison contre l’exagération de Wellhausen qui donnait à l’action 
divine un aspect trop mécanique. 

16) Baraq poursuit l’ennemi jusque sous les murs de Harochet; pas un 
n’échappe, selon la formule accoutumée pour marquer une défaite coin* 
plète. Mais dans tout cela il n’a pas trouvé Sisara, qu’il poursuit ensuite en 
le cherchant v. 22. On va nous expliquer maintenant pourquoi Baraq n’avait 
pas découvert son ennemi. 

17 s.) D’après le v. 17, il semble que Sisara se dirige vers la tente de 
Ia'ël de parti pris, parce qu’il sait qu’il y trouvera un asile amical, à 
cause de l’alliance entre Héber et Iabin; mais d’après v. 18 c'est Ia'ël qui 
l’invite à entrer, comme s’il n’en avait pas l’intention ; même dans les cas où 
y\0 signifie « se diriger vers un endroit » ou « entrer chez quelqu’un », il 
y a toujours une nuance que ce n’est pas l’intention primitive Jud. 9 12; 
Gen. 19 2.3; I Reg. 22 32. Cette difficulté disparaît si l’on retranche la 
mention de Iabin, soit le v. 17 b . Au texte primitif il conviendrait alors 
d’ajouter un avec Budde avant SnN Sn* Cela se trouve être la tente 

de Ia'ël; les femmes ont comme appartement réservé une partie de la 
tente chez les Bédouins pauvres d’aujourd’hui, mais la femme d’un chef 
pouvait avoir sa tente. signifie Vibex, en arabe beden , vulgairement 
nommé gazelle. est inconnu : le grec primitif G(A), Lag. Ane, -lai. 

Syro-hex. t « dans sa peau », iv Tfj Beppsi auTij;, qui indique un vêtement de 
peau à son usage; G(B), Targ, Vg. Syr ., « un manteau » ou « une couver- 
ture », ce qui est plus vague. Moore refuse le rapprochement avec ïOQD 
déjà dans l’inscription de Pétra (RB. 1897, p. 232), avec le sens de tricli- 
nium i, coussin, qui vient de l’usage de s’appuyer ; mais l’hébreu peut 
fort bien venir de la même racine, la lecture ro^GD se trouvant dans 
plusieurs mss. D’après l’usage actuel il s’agirait de lourds tapis servant de 
couche et roulés pendant le jour dans un coin; c’est une cachette naturelle. 



73 


juges, 4 19-21 

19 Et il lui dit : Donne-moi un peu d eau, car j’ai soif. Et elle 
ouvrit l’outre au lait caillé et le fit boire et le couvrit. 20 Et il lui 
dit : * Tiens-toi ’ à la porte de la tente , et s’il vient quelqu’un 
qui t'interroge et demande : y a-t-il ici quelqu’un? tu diras : non ! 
21 Or Ia'ël, femme de Héber, saisit un piquet de tente et prit un 
marteau dans sa main, et s’approcha de lui doucement, et elle 
enfonça le piquet dans sa tempe, 'et il sursauta sur ses genoux, 

20. Lire imp. fém.; TM 1MCM imper, masc. 

21. non *pn nw n»ro d’après lxx; tm non dvu mm et 

lui s'était endormi , et il défaillit et il mourut. 


19) Le plus pressé était de se cacher; une fois à l’abri il éprouve la soif, 
boit, puis Ia’ël le couvre de nouveau. Holzinger (d’après Budde) a vu là la 
trace de deux documents! Demander de l’eau, c’est simplement demander à 
boire; Ia’ël offre du lait légèrement aigre, le lében des gens de Palestine; au 
printemps on le trouve partout, jamais le reste de l’année. Cette circonstance 
coïncide assez bien avec le débordement du Cison, causé par un orage 
(cf. 5 21). Ia’ël l’abreuve à même l’outre, pour ne pas perdre de temps, 
circonstance très naturelle que le poète a embellie (5 25). D’après G(A), elle 
couvrit son visage , probablement pour indiquer qu’elle ne l’avait découvert 
que dans la mesure nécessaire. 

21) Ia’ël prend un des piquets qui servent à fixer les tentes, et dont il y 
a toujours un certain nombre de rechange, le marteau qui sert à les enfon- 
cer en terre, et plante le clou dans la tempe de Sisara. Moore observe qu’il 
eut été plus simple de l’assommer; l’idée qui vient à Ia’ël lui est peut-être 
suggérée par l’occupation à laquelle elle se livrait à l’arrivée de Sisara ; en 
tous cas elle avait l’habitude de manier le marteau pour enfoncer les 
piquets ; c’est assez l’office des femmes. 

Le TM de 21 b est soutenu par Kœn. 142 b ; les deux verbes à un temps 
défini : « car il s’était endormi, ensuite de quoi il s’était trouvé sans force 
et il mourut ». Il faut en effet, pour expliquer l'impf. consécutif (de *jnr), 
supposer que cette action est une conséquence de la première. Mais comme 
se trouver sans force précède normalement aussi la mort, l’enchaînement 
de trois verbes produirait cet effet qu’il est mort de sommeil ! Il serait du 
moins plus simple de ponctuer le partie. DT13 et de prendre comme 
adjectif, « lui étant endormi et épuisé, et il mourut ». Mais l’ordre naturel : 
« épuisé et endormi » serait interverti ; de plus la parenthèse aurait dû être 



74 JUGES, 4. — CRITIQUE 

retomba sans force et mourut \ 22 Or Baraq parut, poursuivant 
Sisara, et Ia'ël sortit au devant de lui et lui dit : viens, je te ferai 
voir l’homme que tu cherches. Et il pénétra chez elle et voici 
que Sisara était étendu mort, le piquet dans la tempe. [R D ] 
23 Dieu donc humilia dans ce jour (Iabin), roi de Canaan, en face 
d’Israël, 24 et la main des fils d'Israël s’appesantit de plus en plus 
sur (Iabin), roi de Canaan, jusqu’à ce qu’ils eussent complètement 
vaincu (Iabin), roi de Canaan. 

placée plus tôt, et rtëï dans le seul autre endroit où il se trouve signifie 
sauter (Jud. 1 14 et Jos. 15 18 parallèle). Il est aussi un peu raide que le clou 
ait pénétré en terre, ayant pour sujet irP dans le sens supposé de 

pénétrer. On serait tenté de préférer la leçon de G(A) dont les principaux 
éléments se retrouvent dans toutes les recensions grecques : TUIPI 

DCH « et il s’agita convulsivement entre ses genoux , retomba 

inerte et mourut ». Rien de plus naturel et de plus pittoresque, avec l’atti- 
tude requise. « La terre » a pu pénétrer ensuite (même dans le grec par 
réaction) pour corser la situation ; le sommeil pour l’expliquer. 

22) Ia'ël va à la rencontre de Baraq quoiqu'elle ne l’attendît pas comme 
v. 18. L’auteur ne se demande pas comment elle sait qu’il cherche Sisara; 
ce sont des situations qui s’expliquent d’elles-mêmes dans un récit tout en 
actions. 

23) La conclusion est du rédac. deut. ( 733 ); elle se termine 5 31 b (iDptT et 
la date), coupée en deux par le cantique. Budde soupçonne le rédac. d’avoir 
éliminé la poésie, — sans raison, car la réflexion sur les quarante ans de 
repos ne pouvait précéder un cantique de circonstance. Le nom de Iabin 
est ici encore hors de propos, surtout comme roi unique de Canaan, au lieu 
qu’il est nommé roi de Ilasor v. 47. Il est aussi répété à satiété. Nous resti- 
tuerions volontiers les rois , seule expression qui convienne à Canaan, en 
supprimant Iabin ; la situation serait celle de 1 27 ss. 

* 

* * 

Critique littéraire et historique. — Le texte actuel du ch. 4 présente 
des difficultés insurmontables. Si l’on s’en tient à Sisara, tout est clair. 
Un prince puissant, habitant Harochet, très probablement ffaritiyeh 
d’aujourd’hui, dominant la plaine d’Esdrelon du côté de la mer, 
opprime les Israélites grâce à ses neuf cents chars de fer. Ces engins 



Jl'GES, 4. CRITIOUE 75 

sont, nous le savons, utiles seulement en terrain plat (1 19) et c’est 
à cause d’eux que les Israélites n’ont pu s’emparer des vallées larges ; 
toute la plaine d'Esdrelon leur ayant ainsi échappé (1 27 s.), les tribus 
du Nord demeuraient isolées, privées de communications avec la puis- 
sante maison de Joseph. La tribu d’Ephraïm en souffrait, elle aussi, 
puisque c’est d'elle que part l’idée libératrice, mais n'étant pas-maîtresse 
des villes qui la séparaient de la plaine, Megiddo, Taanak, elle ne 
pouvait rien tenter. Débora invite Baraq de Nephtali à grouper les 
tribus du Nord, Zabulon et Nephtali, au Thabor. Inquiet de cette 
démonstration militaire, Sisara ne manquera pas de venir les assaillir; 
mais, des hauteurs de cette montagne isolée, ils pourront braver ses 
efforts. Cependant lahvé intervient; sur son ordre les Israélites 
descendent d’eux-mêmes au-devant des agresseurs. Le camp de Sisara 
est frappé par lahvé d’une terreur panique : tout fuit et Sisara trouve 
la mort par la main d’une femme. Tout cela, disons-nous, est parfai- 
tement clair, facile à suivre sur le terrain, tout cela est en parfaite 
harmonie avec le cantique. Tout devient difficile lorqu’entre en scène 
Iabin, roi de Canaan, habitant à Hasor, roi de Hasor. On remarque 
d’abord qu’il n’y a jamais eu de roi de Canaan, puisque le pays de 
Canaan n’a jamais eu d’unité politique : nous pouvons maintenant le 
constater pour une époque antérieure à la conquête par les lettres 
d’el-Amarna ; les récits bibliques offrent d’ailleurs exactement le 
même tableau : des petits rois qui peuvent s'unir, se placer pour un 
moment sous la direction de l’un d’entre eux, pas de roi de tout le 
pays de Canaan. De plus la situation géographique devient inextri- 
cable. Baraq est de Cadès de Nephtali, à une heure à peine au nord de 
Hasor. Le roi de Hasor si puissant, puisqu'il est roi de Canaan, se 
trouve avoir toutes ses forces dans la plaine d’Esdrelon, sous la direc- 
tion d’un général qui habite (selon toute vraisemblance), à l'extrémité 
occidentale de cette plaine. Invincible dans la plaine, le roi de 
Hasor est impuissant chez lui, car Baraq peut librement concentrer ses 
troupes sous ses yeux, (le TM dit : à Cadès,) et de là, passant devant 
Hasor tranquillement, aller se retrancher au Thabor. Si le roi de Hasor 
avait chez lui des troupes, pourquoi reste-t-il immobile? s'il ne peut 
rien que par ses chars de fer situés en plaine, pourquoi ne pas se 
débarrasser du tyran chez lui? Comment commande-t-il à de plus 
puissants que lui? « A l’époque de la conquête sous Josué, la terre de 



76 JUGES, 4 . — CRITIQUE 

Canaan était aussi morcelée qu'elle le fut du temps des Juges, dit 
M. Vigouroux (BDM. III, p. 307). Chaque tribu indigène ou même 
chaque village avait son roi ; mais, dans un danger pressant, ils se 
confédéraient ensemble pour combattre l’ennemi commun... Sisara 
était une sorte de roi vassal ». Mais puisque Sisara pouvait librement 
convoquer neuf cents chars de fer, comment obéissait-il au roi de 
Hasor qui ne disposait chez lui d'aucune ressource ? D'autant que 
Iabin, roi de Hasor, avait été vaincu par Josué (Jos. 11 1 et 7) et la ville 
complètement détruite (Jos. 11 10). Mais la principale difficulté géogra- 
phique est celle qui place la tente de Héber le Qénite à proximité du 
roi de Hasor. Ils étaient alliés, donc voisins, et dès lors le Cadès près 
duquel se tenait Héber serait le Cadès de Nephtali (cf. v. 11 et v. 17); 
la fuite de Sisara aurait duré deux grandes journées, tandis que le 
texte le représente fuyant à pied et cherchant un abri le plus tôt 
possible. 

On a beaucoup insisté aussi sur le rôle secondaire que joue 
Sisara dans le chap. 4, comme général de labin, tandis qu’il semble, 
dans le même chapitre, conduire toute la campagne, et que dans 
le chap. 5 il semble être à la tête des rois confédérés, sa mère étant 
entourée de princesses (cf. 5 19 et 5 28). Telles sont les antinomies 
graves qui, dans le texte actuel, font d’un récit très simple une énigme 
insoluble que cependant aucun commentateur catholique n’a ni réso- 
lue ni même abordée. 

Plusieurs solutions ont été proposées par les critiques. Celle qui 
semble avoir prévalu est que la difficulté vient du mélange de deux 
histoires. Une histoire concernant Iabin a été mêlée à une histoire 
concernant Sisara. De là l’embarras. Dans le premier état, Iabin était 
roi de Hasor. Le rédac. deut. a peut-être trouvé déjà les deux récits 
fondus. Il a rendu la fusion plus parfaite en subordonnant Sisara à 
Iabin, par l’adjonction du terme de « son général » et, selon sa tendance 
à universaliser, il a fait du roi de Hasor un roi de tout le pays de 
Canaan. La campagne contre Sisara avait sa valeur historique; peut- 
être aussi celle contre Iabin , vaguement connexe avec celle racontée 
par Josué; la royauté sur tout le pays de Canaan est une erreur 
d’histoire et de géographie. Partant de ce point de vue, on a essayé la 
distinction des deux histoires (Bruston, les deux Jéhovisles , Revue 
de thèol. et de philos . , 1886, p. 35 s.). Cette direction aboutit inévita- 



77 


JUGES, 4. — CRITIQUE 

blement au divorce entre Héber et Ia'ël, car Ia'ël appartient incontes- 
tablement à Thistoire de Sisara, et Héber touche à Iabin, ou plutôt le 
mariage serait un artifice pour mieux unir les deux récits. Cette 
conclusion ruine tout et fait reculer Moore et encore plus Budde. En 
réalité, il n’y a pas d’histoire de Iabin, puisque la plus forte objection 
contre sa présence, c’est précisément son inaction. 

On pourrait donc recourir, non plus à l’hypothèse des documents 
soudés, mais à celle des compléments. Iabin, roi de Hasor, aurait été 
ajouté par un rédacteur. Pourquoi? dans quel but? seulement pour 
embrouiller l’histoire? mais alors ce serait l’œuvre, non d’un rédacteur 
mais d’un glossateur maladroit, nous n’aurions plus affaire à un écrivain 
inspiré. Nous concédons pleinement que le titre de roi de Canaan dans 
le sens de roi de tout le pays de Dan à Bersabée est une grossière 
erreur historique, mais c'est pour cela que nous ne pouvons l’attribuer 
au rédac. deut. N’est-ce pas un rédac. deut. qui raconte la campagne 
de Josué contre Iabin? le document est peut-être encore plus récent: 
et cependant Hasor est seulement qualifiée de tête ou de capitale de 
plusieurs royaumes (Jos. il 10); encore ces royaumes ne constituent 
qu’une très petite partie de ce qu’on a appelé le pays de Canaan. Aucun 
autre auteur biblique n’a jamais perdu de vue le fait si connu de la 
division du pays en petits royaumes indépendants; il est très injuste 
d’attribuer cette conception au rédac. deut. dans un récit où il ne met 
en scène que deux tribus, contre un prétendu roi de tout le pays de 
Canaan. 

On pourrait donc supposer que le rédac. deut. a écrit « les rois de 
Canaan », comme 5 19, et que Iabin, roi de Hasor, a été ajouté depuis. 
Mais on se demande toujours pourquoi, en particulier au v. 17? 

Une autre hypothèse nous paraît plus simple, et plus respectueuse 
du texte et de la tradition qu’il représente, formellement exprimée par 
v. 23 s. qui montrent qu’on en avait à un autre que Sisara. 

Si l’on examine attentivement les antinomies proposées, on sc 
convainc facilement que les plus graves de beaucoup se rattachent 
simplement à la situation géographique du roi qui opprime les Israé- 
lites. C’est de la position de Hasor que naissent toutes les difficultés 
propres au chap. 4. La sujétion de Sisara, roi vassal ou simple général, 
n’a rien d’anormal en soi : s’il appelle ses chars de fer (v. 13), on vient 
de nous dire qu'il est général de Iabin, v. 7, il n’est pas nécessaire de 



78 JUGES, 4 . — CRITIQUE 

le répéter. Les rois ne faisaient pas toujours la guerre en personne, 
témoin David, et Ioab pouvait parler de son armée. 

Le seul mot gênant est donc Hasor; ce mot enlevé, tout devient 
clair. N’est-il pas d'une critique sage de rendre ainsi la clarté à un récit, 
surtout lorsque l'introduction d’un mot par un glossateur est pour 
ainsi dire appelée nécessairement par l'habitude de grouper deux mots 
ensemble? Iabin étant nommé devenait nécessairement le roi de Hasor, 
comme aussi Hasor introduit dans le récit traînait labin à sa suite. 
Aussi Iabin lui-même pourrait bien être le résultat d’une altération 
orthographique, quoique nous n’insistions nullement sur la forme 
Iamin qui se trouve deux fois dans un ms. grec (A). Retenons donc 
simplement un roi de Canaan, comme le texte le nomme cinq fois, non 
pas dans le sens d’une domination universelle, mais comme roi suzerain 
de la plaine d’Esdrelon. Si le document iahviste nomme Cananéens 
les habitants de tout le pays, dans l’école de l’élohiste, d’où est pro- 
bablement sortie cette histoire, on nommait de préférence Cananéens 
les habitants des plaines (Jos. 5 1; il 3 ; Num. 13 29); ce sont les 
Cananéens qui avaient des chars de fer (Jos. 17 18). L’expression serait 
anormale, mais non pas invraisemblable pour une haute antiquité : elle 
est plutôt confirmée qu’infirmée par l’expression « les rois de Canaan » 
(5 19) qui emploie Canaan dans ce sens restreint. Iabin, ou quel que soit 
son nom, roi de Canaan, habitait Harochet des Goïm. C’est le sentiment 
de l’ancienne version grecque qui exclut par là même la royauté de 
Hasor; chaque roi habitant sa capitale. Il semble bien qu’au v. 16, 
Harochet n’est pas prise, ce qui explique la continuation de la guerre 
contre le roi. Nous n’avons pas besoin de résoudre en détail toutes les 
difficultés que nous avions indiquées ; elles s’évanouissent par la simple 
suppression de Hasor. Quant au rôle subordonné de Sisara c’est une 
difficulté qui ne naît que de la comparaison avec le poème et que nous 
devons renvoyer. 

Mais ne serait-il pas possible de nommer l’oppresseur principal 
d’Israël? Tous les critiques sont d’accord pour donner ce titre à 
Chamgar (5 6). Pourquoi ne pas tirer la seule conclusion logique 
possible? Si Chamgar est l’auteur de la désolation à laquelle Débora 
seule mit un terme, c’est lui qui est désigné au ch. 4 comme le prin- 
cipal ennemi d’Israël. Marquart a tiré cette conséquence, mais il a fait 
de Chamgar le propre roi des Hétéens, Sangara vaincu par Asurnasirpal 



JUGES, 4. — CRITIQUE 79 

et Salmanassar II au ix e siècle ( Fandamenle isr . u. jüd. Geschichle). 
C’est trop précis et c’est descendre trop bas dans le temps. Mais ne 
peut-on supposer que les Hétéens avaient une certaine suzeraineté sur 
le pays de Canaan peu après l’arrivée des Hébreux? Le nom du roi est 
hétéen, Sisara a la terminaison des noms hétéens. Cependant si les 
chefs étaient étrangers, le gros de la population était cananéenne. 
C'était en fait une lutte contre les Cananéens. Lorsque Chamgar, par 
une confusion que nous avons expliquée, devint juge d’Israël, il 
fallut remplacer le nom du roi. Le roi des Hétéens était roi de Cadès. 
Le Cadès de l’Oronte ou celui d’Issachar (v. 11) pouvait facilement 
être confondu avec le Cadès de Nephtali. A côté de ce dernier la puis- 
sante ville de Hasor rappelait le groupement de tous les rois du nord 
contre Josué. C’est ainsi, croyons-nous, que Iabin et Hasor pénétrèrent 
dans le texte, mais après sa rédaction normale qui eût dû être défi- 
nitive. Est-ce par une simple coïncidence de hasard que le manuscrit 
latin de Lucques donne vingt ans de domination à Semegar comme à 
labis ? « Deinde servierunt régi Semegar annis XX. ...deinde Iabis 
servierunt régi alienigenarum annis XX » (Lagarde, Septuag. Studien , 
11, lignes 265 et s.). 



Chapitre 5. — Le Cantique 


1 Or Débora et Baraq fils cTAbino'am chantèrent en ce jour, 

[disant : 

*2 Lorsque dans Israël on voua sa chevelure, 

Lorsque le peuple[ ] de Iahvé se consacra au combat, 

2. Omettre bénissez. 


1) Le cantique est attribué à Débora et à Baraq. Cette double attribution 
marque à elle seule qu’en le plaçant dans leur bouche on entend surtout 
indiquer la circonstance. Il semble clair d’après le v. 12 que l’auteur s'adresse 
à Débora ; ce n’est donc pas elle qui chante. Quant au v. 7 où elle parle à 
la première personne, cf. ad h. I. Peu importe d’ailleurs le nom de l’auteur 
puisqu’on reconnaît la haute antiquité et la valeur exceptionnelle du can- 
tique. 

2-5. Première strophe. — Iahvé et son peuple. — 2) Les mots difficiles 
rVtënS 5HS1 ont donné lieu à bien des interprétations, même dans les 
anciennes versions grecques; G(A) et Théod. ev apÇa<j0at àp/jrjyouç. G(B) 
àîiExaXuîpOT) ànox«Xu|x;Aa. Syni. iv tû àvaxatXu^aaÛat xeçocXa;. La traduction 
àp/T)vou; est la même en grec sur Dt. 32 42 et paraît donner un sens très 
satisfaisant : l’opposition des chefs et du peuple. C’est ce qu’avait bien noté 
Procope : ArjXoî fj pfjat; ev toj àpyovra; ev tw ’lapafjX àva^atvsaOai, xal tov Xaôv 
ocÙtoîç (jiziUi iv èxdvTa (ap. Field). C’est la même raison qui décide encore 
Budde, à cause de la convenance avec v. 9 ss. où se trouve la même oppo- 
sition. On pourrait ajouter que c’est le mot de la situation : toute la ques- 
tion pour Israël était de trouver des chefs (vv. 7 et 13) et le mérite de 
Débora a été d’en susciter un. Mais il nous semble que que Budde tient 
tant à ménager doit précisément être rayé. Il rompt le rythme, faisant la 
phrase trop longue (quatre accents au lieu de trois dans la strophe); il est de 
basse époque et surtout il semble n’avoir été placé que pour empêcher la 
belle tournure mm Qÿ, le peuple de Iahvé, en parallélisme avec Israël. 



81 


juges, 5 3-4 

3 (Ecoutez, rois, prêtez l’oreille, grands de la terre, 

C’est moi, c’est moi qui chante Iahvé, 

Je dis un psaume à Iahvé, Dieu d’Israël), 

4 Iahvé, lorsque tu sortis de Séir, 

Lorsque tu t’avanças du champ d’Edom, 

précisément comme au v. 13 le peuple de Iahvé, qui est donc du style du 
cantique, a été soigneusement dissimulé par l’accentuation massorétique. Le 
mot malencontreux ayant disparu, rien n’empêche de prendre les mots dans 
leur sens ordinaire, 2HS « laisser pousser sa chevelure » (Num. 5 18 etc), en 
prenant IVOTS pour le pluriel de 2HS « longue chevelure » (Num. 6 5; Ez. 
44 20) ; ce pluriel n’est pas plus étrange que DVWitf à côté de Ps. 40 13 ; 
69 5. C’est, comme W. R. Smith l'a très bien compris, une allusion au 
vœu des guerriersde laisser pousser leur chevelure jusqu’au jour de la vic- 
toire. Ceux qui le faisaient s’engageaient par là même à combattre jusqu'à 
la mort; tel le Sarrasin crinitus dont parle Ammien Marcellin (31 16), dans 
Wellii. Reste des arabischen Ileident. 2 p. 125. Ce sens étant excellent, il est 
inutile de discuter les autres opinions. Moore avec M. Lambert (REJ 24140) 
« sacrifices of firstlings ». La Vg. a omis les mots difficiles; s. Jér. n'a pu 
lire le texte autrement que nous (contre Hum.) ; le Targ. et le Syr. ont pris 
ÎHS dans le sens araméen de venger. 

Pour nanna, le sens d’offrandes volontaires (Moore) est récent, mais 
non celui de s’offrir librement (au combat) ; Neh. 11 2 est une imitation 
visible de notre passage; II Cliron. 17 16 ne prouve rien à lui seul, d’autant 
qu’ici le sens de l’hithp. est conforme à celui de la vin® forme arabe du 
même verbe. — On ne peut donc considérer le v. comme une addition pos- 
térieure adressée aux Israélites qui venaient entendre le cantique qu’en le 
traduisant avec Moore : « bénissez Iahvé avec des sacrifices de prémices, 
avec des offrandes volontaires »... Ce qui n’est sûrement pas le sens primitif. 

3) Ce v. considéré comme adventice par Budde est beaucoup plus difficile 
à considérer comme original que le v. 2. Les termes sont peu expressifs, 
conçus dans un parallélisme courant, Hab. 1 10; Ps. 2 2; Prov. 8 15; 31 4, 
D^So parallèle à DW7 ; ce dernier mot est récent ; 1Q7 est le terme propre 
pour chanter un psaume. On peut donc penser qu’il a été ajouté après coup. 
Cependant il serait très bien placé à l’entrée même du poème et nous 
n’osons nous prononcer sur sa date. 

4 s.) On a interprété ce passage comme un souvenir de la législation du 
Sinal; il s’agit plutôt du secours que Dieu, habitant le Sinaï, apporte à son 
peuple; au v. 2 nous sommes déjà dans les préliminaires de la bataille; cf. 
P. Lagrange. — Le» Juges. G 



82 


JUGES, 5 i 


La terre trembla, [ ] 

Les nuées se fondirent en eau, 

4. Omettre 12T22 D2 et le second DJ. 

Ps. 68 8 et Dt. 33 2. Iahvé vient de Séir ou d’Édom : c’est la frontière sud 
d’Israël : c’est donc par là qu’il fait son entrée dans la terre du peuple, ce 
qui n’indique pas nécessairement qu’Édom soit le point de départ. Du Sinaï 
Iahvé passait par Édom, venant en droite ligne du sud au nord. Le poète a 
dû en effet supposer une ligne droite : d’après Budde il amène avec lui un 
orage vraiment historique; peut-être s’agit-il plutôt du tremblement de lâ 
nature devant Dieu; ce sont de grandes et fortes images. On pourrait objec- 
ter aussi à Budde que les orages violents viennent en Palestine du sud- 
ouest et non du sud-est. — Le premier 12122 est dans A eÜErriÔr, qui repré- 
sente 1J1122; mais il faut s’en tenir à TM, B etc.; l’opposition est entre la 
terre qui tremble et les cieux qui répandent de l’eau; c'est plus naturel et 
ce sont les métaphores accoutumées. Dans ce sens le v. 4 b est une pure 
répétition de plus; les deux du sont peu poétiques. Il est vraisemblable que 
1212- D'i'CW D2 est emprunté au Ps. 68 9. On doit traduire lVf2 dans le sens 
de È 7 aXcj 0 r)aav (de SSî) et non pas de « couler » (de Stj) ; d’ailleurs il serait 
plus simple de ponctuer 1*^2 que lbT2, expliqué cependant par Ges. 67 e, etc. 
Le sens est que Iahvé vient au secours de son peuple non pas sous la forme 
d’un orage, mais amenant un orage qui sera funeste à Sisara v. 20. 11 n’est 
donc nullement question du Sinaï comme lieu de la législation; et ce n’est 
pas ce souvenir que rappelle H7. Cette idée exclue, Moore et d’autres 
considèrent ni comme une pure glose, « à savoir le Sinaï » les mon- 
tagnes dont il s'agit sont le Sinaï : Sym. -ouzhzi z6 S'.va; mais cette glose 
aurait-elle inspiré le Ps. 68 9 comme le suppose Budde? non, car dans le Ps. 
le Sinaï est bien en situation. D’autres, Pareau, Grimme, Clermont-Ganneau 
( Recueil III, 271) prennent n 7 dans le sens de l’arabe Dot/, « le Seigneur du 
Sinaï » serait le nom d’honneur de Iahvé, comme Douchara , « le seigneur du 
mont Chara est le nom d’honneur du dieu des Nabaléens que nous ne con- 
naissons pas d’ailleurs sous un autre titre. On supprimerait naturellement le 
premier Iahvé avec Clerm.-G anneau. Mais cet usage de HT peut-il être supposé 
gratuitement en hébreu ? Cette vue parait donc plus séduisante que solide. Il 
est certain qu’on a lu H7 du moins dans le Ps. dès une haute antiquité 
sans en être choqué ; on peut, en efîet, expliquer leTM en prenant H7 adverb. , 
sens qu’il a souvent ( Kœn . 23) « c’est à savoir le Sinaï lui-même ». Le Sinaï 
serait ici comme le point de départ de tout le tremblement : lui-même, ce 
mont de Dieu, a tremblé quand Iahvé s’est mis en marche. 



83 


juges, 5 3-6 

5 Les montagnes branlèrent à l’aspect de Iahvé, [ ] 

A l’aspect de Iahvé le dieu d’Israël. 

6 Aux jours de Chamgar, fils d’\Anath, 

Aux jours de (Ia'ël?) il n’y avait plus de caravanes, 

Et ceux qui suivaient les sentiers prenaient [ ] des détours, 

5. Omettre WO m î. 

6. Omettre mmN. 


Mais en définitive, si l’on compare attentivement les deux textes, Ps. 689 
et le nôtre, on s’aperçoit que le nôtre a l’aspect d’un texte combiné. Le Ps. 
parlant de la marche de Dieu dans le désert a pu emprunter sa description 
à Jud. 5 4, mais il a remplacé les montagnes indéterminées , et qui dans le 
contexte sont en somme les montagnes d’Edoin, par le Sinaï qui est très en 
situation dans son poème. C’est ce Sinaï remplaçant dans le Ps. les mon- 
tagnes de notre texte qui est venu ici les expliquer par le fait d’un glossa- 
teur; le texte est a conflate reading . 11 est fort possible que le cantique ayant 
inspiré le Ps., un des termes du Ps. ait néanmoins réagi sur le cantique 
étant transporté à l’endroit parallèle. — La strophe se termine élégamment 
par le parallélisme significatif de Iahvé et du dieu d’Israël qui ne font qu’un, 
comme au début Israël était le peuple de Iahvé. C’est Vinclusio de D. H. 
Müller. 

6-8. Deuxième strophe . — L’opphession. — 6) Chamgar, fils d’ f Anath, est 
le nom du héros qui figure actuellement 3 31. Ia'ël ne peut être une autre 
que l’héroïne du cantique v. 24 ss. Si on objectait qu’il est impossible de 
déterminer de cette façon le temps qui a précédé Débora, on pourrait 
répondre qu'il ne s’agit pas d’un temps éloigné, mais de la meme période 
dans sa première partie, l’oppression. On pourrait dire que Chamgar, tuant 
les Philistins avec un simple aiguillon, convient bien au temps où on man- 
quait de lances et de boucliers (v. 8.) ; Ia'ël a exécuté son action d’éclat avec 
des armes aussi peu ordinaires, un marteau et un piquet. Et c’est sans doute 
pour ces raisons de convenances que la strophe peut à la rigueur s’interpré- 
ter avec le texte actuel. Mais il est très étonnant qu’on date un temps infor- 
tuné de deux Israélites illustres par leu rs exploits. Le temps de l’oppression 
ne peut être dénommé de Chamgar, auteur d’un exploit extraordinaire, mais 
spécialisé dans la lutte contre les Philistins; encore moins de la'ël, com- 
plètement inconnue avant son haut fait. iQia se dit du temps de l’op- 
pression 15 20. Si on ajoute avec Moore, Budde, Nowack que le nom de 



84 juges, 5 7 

7 Plus de direction en Israël, (plus aucune) : 

Jusqu’à ce que tu te sois levée, Débora, 

Jusqu’à ce que tu te sois levée comme une mère dans Israël. 

Chamgar est étranger aux Israélites, on y verra sans trop hésiter le nom 
d’un oppresseur. Il nous semble cependant que ces critiques et d’autres 
ont trop insisté sur f Anath comme nom de déesse. On trouve Anati dans 
el-Amarna (125 43) comme nom d’un personnage qui se trouve à la cour du 
roi d’Égypte, parmi d’autres à noms sémitiques; c’est donc simplement le 
nom du père de Chamgar. Une fois ce personnage identifié dans la pensée 
des exégètes juifs avec le héros israélite, on a pu ajouter « les jours de 
Ia'ël » pour mieux déterminer l’époque. Dans G (A et consorts) on lisait 
ir)X avec le signe d’abréviation, donc pour Israël. Serait-ce trop hardi de 
supposer que de meme que Chamgar devenait Israélite, Sisara était rem- 
placé ici par son ennemie Ia'ël? Ce serait dans l’esprit de ceux qui ont 
changé Baal en Bochet. 

La situation est caractérisée d'abord par l’insécurité des chemins. Deux 
explications sont presque également probables. La meilleure est celle de 
Moore qui ponctue niniN, caravanes, plur. de nniN, et oppose en parallé- 
lisme nwna ’obn, ceux qui vont dans les sentiers, les piétons isolés. On 
pourrait cependant laisser la ponet. mass, et opposer IV.rPN les routes à 
nwna fe* sentiers. Il y a une légère nuance; non seulement les caravanes 
chôment, mais les piétons eux-mêmes sont obligés de se détourner, est une 
opposition plus élégante que : les routes n’existaient plus, on prenait des 
chemins détournés. Dans les deux cas, le second miïlK doit être supprimé 
comme une glose explicative de mSpbpV qui est bien un adj. mais qui peut 
être pris subs. (Ps. 125 5); cf. sur la pensée Is. 33 8. est expliqué par 
Ges. 107 e comme l'imparf. d’habitude modus rei repclitæ . Kœn. 368 h le 
place sous la mouvance de T (devant *>sbn) malgré la séparation et en fait 
une forme consécutive. 

7) Il semble qu’il faut conserver parce qu’il se retrouve v. 11, et a 
été transcrit ici tel quel par G(A). Le sens de « puissants » donné par G(B) 
convient bien pour préparer l’arrivée de Débora : point de chefs jusqu’à elle 
(pour Bu(Jde } cela peut signifier l’agriculture). D’autre part, la tradition 
juive depuis le Targ. entend ce mot dans le sens de 3H1T72, villes ouvertes, 
avec Pagnini , Caj. y d’autres cités par Ilum. et Moore , et Ez. 38 11 est très 
suggestif pour ce sens. Le pluriel ibin suggère aussi la correction rilTIS* 
Mais comme G(A et consorts) a le sing., le mieux parait être de s’en tenir 
à pîlS dans le sens conjectural de direction. 

Le second ibin paraît suspect parce qu’on ne dit pas quel en est le sujet; 



juges, 5 8 85 

8 [ ] Alors on ne voyait pas un bouclier pour cinq villes \ 


8. Omettre CWTn QmSn IITT et couper : tlTEnb IN. 


on ne peut guère le considérer comme une répétition pour donner plus de 
force à la pensée; c'est peut-être une correction marginale pour mettre au 
pluriel le premier Vui, qui était probablement d’abord au singulier. 

7 b ) Les LXX et même la Vg. ont lu HDp au lieu de qui doit être la 
forme ancienne de la 2 e p.du féminin (Ges. 44 h) ; cf. v. 12 où on lui adresse 
la parole. Plus tard, on prit ^HDp pour la l r * p., ce qui allait à placer le can- 
tique dans la bouche de Débora. Budde considère ces deux lignes comme 
une glose, mais elles sont nécessaires à la pensée comme transition à la 
strophe suivante. D’ailleurs XJ pour ne peut vraiment plus être traité 
de moderne puisqu’on le trouve en assyr. sans parler de phénic. ( D . H. 
Müller). Mère dans Israël est suspect à Budde parce que ces mots ne se 
trouvent que II Sam. 20 19 en parlant d’une ville, d’une métropole ; mais il 
s'agit ici d’un cas exceptionnel où une femme joue le rôle des hommes 
(cf. Is. 22 21; Job. 29 16). 

8) Pour la première phrase, la tradition ancienne ofTre deux sens : le 
Targ. avec les LXX prend Dieu comme objet : ils ont choisi des dieux 
nouveaux ✓; si la forme est grammaticalement impossible, il est facile 
de supprimer l.e \ encore ira* est-il soutenu par Kœn. 153 : en effet on avait 
choisi... C’est bien le sens du TM, d’autant qu’il a son analogue : Dt. 32 17 ; 
seulement on peut se demander s’il n’a pas été précisément retouché d’après 
ce dernier passage. 

La Vg. avec le Syr. prend Dieu pour sujet; ce que s. Jér. a complété par 
hella : bella nova elegit Dorninus. C’est encore ce que préfère Grimme, Abriss 
der biblisch-hebr. Metrik , p. 373. Dieu fait du nouveau, il livre l’ennemi 
dans les mains d’une femme. Klostermann (ap. Budde) lit D^Sn, Dieu pré- 
fère les faibles. L’une et l’autre conceptions ne sont complètes qu’avec la 
phrase suivante : alors, en conséquence (Kœn. 373 l), on combat aux portes 
(supposer du moins avec Kœn. 330 m que le 1 est tombé devant et 

comme DnS serait un hapax dans le sens de combat, ajouter t avec 
D. H. Müller devant onS). S. Jérôme, assez logiquement, a encore fait de 
Dieu le sujet de cette seconde phrase, mais il n’est nullement question dans 
le secours qu’il a donné d’un combat aux portes des ennemis, de sorte que 
la seule intelligence possible du TM est : ils ont choisi des dieux nouveaux, 
dès lors les ennemis combattent contre leurs portes. Il demeure cependant 
que l’idée qu’il exprime est tout h fait hors de sa place, comme l’ont com- 
pris tous ceux qui ont pris Dieu pour sujet. Le cantique ne parle nullement 



86 juges, 5 8 

Ni une lance pour quarante mille hommes dans Israël. 


de la faute ni du repentir des Israélites. Si le poète voulait attribuer leur 
situation malheureuse à leurs fautes, il fallait le dire dès le début et men- 
tionner leur repentir. Cette idée ne pouvait venir seulement après l’inter- 
vention de Débora. 

La solution doit dépendre de la seconde ligne. Elle est lue par Budde après 
Graetz onVÎT DnS Stk, le pain d'orge a manqué, ce qui convient à 
son agriculture pour et s’appuie en partie sur G (A, Lag.) w; aptov xpi- 
Oivov. Cet hémistiche ainsi reconstruit, Budde, suivi par Nowack, lirait le pré- 
cédent : iSin Q\iSn >ru7 ; les sacrifices sont interrompus faute de culture 
et enfin le pain même disparaît. Ce sens est ingénieux, mais il suppose la 
suppression de l’intervention de Débora, et, pour exprimer le manque de 
pain (cf. I Sam. 9 7), la qualification de pain d'orge est presque comique. 
B a lu le second hémist. 'VJ IDPlSj 7N, qui a tout l’air d’une pure con- 

jecture. 

Dans la Rev. des études juives (XXX, p. 115), M. Lambert a proposé de 
lire le second hémistiche ÎN alors pour cinq villes ; sans changer 

une seule consonne, en coupant autrement les mots. Cette lecture a été 
admise par Perles ( Analecten , p. 92) ; Budde ne lui trouve pas de sens : elle 
donne cependant un bon pendant aux quarante mille, à condition de mettre 
d’un côté le bouclier pour cinq villes, et la lance pour quarante mille 
hommes. La dernière ligne (8*6) étant ainsi rattachée à ce qui suit par un 
excellent parallélisme, 8 a0t demeure isolé. La correction de Budde est trop 
arbitraire. De plus, elle exige la suppression de tout ce qui concerne Débora 
comme une glose. Or Débora est précisément la transition nécessaire 
entre les malheurs passés et le triomphe de la strophe suivante ; de plus, la 
répétition est tout à fait dans le style du cantique v. 12.21.28, for- 

mant un parallélisme qu’on ne trouve dans aucun autre arrangement. Ce 
verset 8 a0t lu comme Klostermann : « Dieu choisit les faibles », ou comme 
Grimme : « Dieu se plaît au nouveau », donnerait une philosophie de l’his- 
toire qui ne parait pas dans l’esprit du morceau; de plus, dans le poème, 
Dieu se nomme Iahvé et non Elohim. Ilne peut donc être rendu que comme 
l'ont fait les LXX et la tradition juive : « il a choisi des dieux nouveaux ». 
Cette idée, avons-nous dit, n’est pas possible à cette place; en revanche, 
elle constitue le motto de tout le livre des Juges, et il eût été étonnant que 
personne ne la mit en marge de son exemplaire pour donner la clé de la 
déplorable situation décrite au verset. C’est une glose dans l’esprit de 
Dt. 32 17 qui doit être eflacéc comme aussi contraire au rythme qu’à la 
suite des idées. 



87 


juges, 5 9-10 

9 . Mon esprit va aux nobles d’Israël, 

A ceux qui se sont dévoués parmi le peuple [ ] de Iahvé, 
10 Montant des ânesses tachetées, 

Assis sur des tapis, 

Et avançant sur un chemin 1 de verdure ’ 

9. Omettre W3. 

10. rpitf ; TM *irW méditez; peut-être faut-il rayer yn un chemin. 


Le chiffre de 40.000 est un chiffre vague qui ne peut déterminer le 
nombre des Israélites à cette époque; il est opposé à cinq villes comme 
une emphase pour peindre la situation encore plus en noir. Ce n’est pas 
que les awnes manquassent complètement, mais on n’osait pas se montrer 
(II Sam. 17 17 Budde). 

9-il a . Troisième strophe . — Le triomphe. — Cette strophe est considérée 
comme désespérée par Moore; Budde y voit avec raison le beau côté de la 
médaille : aujourd’hui tout va mieux ; il faut ajouter que c’est la description 
de la marche triomphale, non d’une situation postérieure prolongée. En 
supposant qu’on a eu le temps de goûter la situation nouvelle, Budde 
enlève au cantique l’accent inspiré par le contact du triomphe. 

9) Mon cœur se tourne vers les princes, non pas précisément dans un 

sentiment d’affection ( Vg. diligit ), mais plutôt ma pensée, mon attention est 
maintenant saisie par le brillant cortège des princes, je les suis en esprit 
(cf. II Reg. 5 26). — ppriO est plus usité, ppn peut être considéré cependant 
comme part. qal. (Is. 10 1). n’est pas à effacer comme glose; ce 

sont les princes qui ont montré le plus d’élan parmi les peuples, et non 
pas les braves du peuple opposés aux princes. On peut aussi lire avec G(A 
et consorts) : D^TTjn oî Suvocarau. En tous cas, HW interrompt le fil 
delà phrase en séparant les épithètes du sujet; c’est manifestement une 
surcharge. Nous conservons HlîT D7 comme au v. 2. 

10) D’après Budde, l’idée générale est : « N’importe où vous soyez, ren- 
dez grâce »; pensée édifiante, mais qui suppose que tout le monde rentré 
chez soi vaque à ses affaires; alors le cantique n'est plus de circonstance, 
et tout devient banal. Chevaucher, être assis, ou marcher seraient pris 
comme une énumération des actes ordinaires; mais alors pourquoi des 
ânesses de choix? C’est un traité de morale très bien placé dans Dt. 6 7, mais 
non dans ce cantique. Il s’agit de la pompe triomphale. JVnrtX négligé par 
G A, Lag.) a été compris par G(B) comme D^inX, le midi. La comparaison 
avec l’ar. sahar donne le sens d’un rouge léger, d’un mélange de blanc et 



88 jüges, 5 11 

Il Aux acclamations de ceux qui se rangent entre les norias. 
C’est là qu'ils chantent la justice de Iahvé, 

de roux : on voit encore de semblables ânesses, elles sont rares et esti- 
mées. — G(A) a bien compris qu’il s’agissait d’une marche triomphale en 
traduisant ensuite : assis sur des chars luxueux . Cette traduction a été sou- 
tenue par Michaelis qui lit des litières, de l’ar. mâd, être agité, en par- 
lant d’un mode de locomotion, conjecture fort ingénieuse mais trop hardie 
puisque ce mot n’est pas constaté en hébreu. La forme plur. de ne 
peut être dite précisément araméenne puisque ce plur. est celui de Mésa ; 
le mot doit venir de T2, habit, comme 3 16. On lui donne généralement le 
sens de tapis. Il semble qu’ici ce sont bien des vêtements, les riches vête- 
ments des vaincus qu’on a mis sur les ânes comme couvertures. Le G(B) 
et la Vg. ont lu dans le sens de cour de justice qu’il ne peut guère 

avoir. — état construit suivi d’une préposition; les trois partie, 

sont pris substantivement. — Grimme a pensé qu’il doit être question 
ici d’une route pavée avec luxe, il cherche ce sens dans pTO. Le G(B) four- 
nirait peut-être mieux. Après avoir rendu y\112 par xpmrjptou il ajoute xad 
rcopeudjAEvoi inl ô8où; avvéôptuv èç’ ôôû; or, auveSpwv peut très bien être pour 
D^Ss, juges, fausse lecture de 0^32 perles, ou corail , pierres précieuses ; 
après la victoire le sol est jonché des dépouilles les plus précieuses. Mais 
on ne peut s’arrêter à cette idée car il est plus probable que auviSpcov est un 
doublet de xpiTTjpiov. Nous lisons simplement rPTT, brouissaille , verdure 
(Gen. 2 5), sur un chemin jonché de verdure, quoiqu’on ne trouve aucun 
emploi de “|TT qui soit analogue. Le irPlP du TM peut difficilement signifier 
chanter, il n’est pas prouvé que le verbe ait ce sens (Dudde); le G. l’a pris 
dans le sens de raconter, qu’il a, mais seulement à une époque assez basse, 
A çÔsYÇaafle B StTjyetaOe, et qui ne donne pas de sens satisfaisant, parce 
qu’il n’y pas de régime; le sens de méditer en entendant la voix des autres 
est trop subtil pour le ton du cantique. *yVT SîT pour des piétons SgSt. 
n’est pas justifié. Ceux qui ne voudraient pas renoncer aux chars mention- 
nés par G(A et Syr.-hexap .), pourraient lire au lieu de "TT et □’HÊ? au 
lieu de irPtT en prenant D au v. suivant. 

11) crxxra G. àvatxpouo{x4vo)v, « de ceux qui entonnent », sens excellent 
mais sans appui dans la langue, et qui exige le sacrifice de car pour- 

quoi les chanteurs seraient-ils spécialement dans cette position? Grimme: 
« de ceux qui partagent la nourriture aux bestiaux »; d’autres : « les 
archers » etc. Comme correction : Budde, D^pn5H2, de ceux qui se livrent à 
des jeux (cf. Ex. 32 6), d’autres nnSfïTO, « de ceux qui jouent de la trom- 
pette ». Cela doit être simplement « de ceux qui se rangent sur le passage 



89 


. JUGES, 5 11 

La justice de Iahvé qui a conduit Israël. [ ] 

1 1. Omettre alors ils sont descendus aux portes , le peuple de Iahvé, variante 
marginale du v. 13. 


du cortège en l'acclamant ». yyn (Prov. 30 27) sùiatxTto; en bon ordre, des sau- 
terelles rangées sans avoir de roi ; le pi'el peut signifier ceux qui font ranger 
ou même ceux qui se rangent. est rendu en général abreuvoir , 

mais signifiant puiser, j’y vois plutôt les norias, instrument très 

simple qui doit remonter à la plus haute antiquité. 11 y faut des puits très 
riches, ce sont des endroits plantés d’arbres qui servent de lieux de réu- 
nion. qui est très pittoresque et de plus l’indication d’un lieu exigée 

par DU qui suit, doit être préféré au banal D^rOPDG(A, Lag.). On pourrait 
supprimer Q devant bip avec Budde, cf. Is. 40 3... c'est la voix... ou bien : 
écoulez..., mais il vaut mieux pour le parallélisme joindre ce vers au pré- 
cédent : parallélisme complet si on laisse ‘îrpttf ou de simple achèvement si 
on le lit rPtT. — 13JV lu ils donnent (LXX) est froid et banal. larP ne 
peut être une forme aram. de ÎT31P raconter; nous trouvons IVOT dans le 
sens de pleurer solennellement, presque liturgiquement (11 40) ; il est pro- 
bable que c’est le même verbe avec le sens laudatif; l’idée principale serait 
le cri sacré, quel qu’en soit le motif, cf. ar. thana célébrer ou diffamer 
(cf. Ftosen.). rVipiï dans le premier cas signifie les actions 'de Iahvé pour 
sauver Israël; ce doit être aussi le sens la deuxième fois, et il est naturel 
que le mot suivant en soit l’explication. ptlD peut signifier l’action de con- 
duire avec force d’après Ilab. 3 14 T1S = SuvaTrûv , ce qui va très bien 
[Budde comme v. 7 : envers les gens des campagnes). Les LXX ont dû avoir 
le même texte; Aq. et certains mss. (Field) ayant çpaÇwv. La leçon a-jÇirjaov 
(B) se rattache à y*lE î celle d’A et Lag . èvér/u^av voit aussi le sens de force, 
comme Vg. — Dans la Vg. le début du v. 11 s’éloigne beaucoup du TM et 
des LXX : ubi collisi surit currus, et hostium suffocatus est excrcilus ; S. Jér. 
a le sentiment juste qu’il s’agit de l’action de grâces non pas longtemps 
après, mais aussitôt après la victoire, et il la place au lieu même du combat. 
I-a traduction est trop par à peu près pour qu’on en retrouve le texte : currus 
a pu être emprunté au G. XauL;ir ( v<ov... collisi — D^jTïnü, ubi, sc. Dipc pour 
VipŒ ; su/focare, peut-être dans le sens de s'asphyxier, se noyer, à cause des 
abreuvoirs??? — ll b ) parait être une variante du v. 13 dont il diffère à 
peine, variante notée en marge qui aura passé dans le texte et aura été 
éloignée du v. 13 pour ne pas faire absolument double emploi; il faut donc 
l’éliminer. 



90 juges, 5 12 

12 Lève-toi, lève-toi, Débora, [] 'avec ta sirvente \ 

* Fais lever le peuple par milliers \ 

Debout, Baraq, * dans ta force * 

Mets dans les fers ceux qui t’ont fait captif, fils d’Abino'am. 

12. Omettre nXT niST. — lire "Wa; TM TW le cantique . — rpyn 
QV2 mini î TM om . — "Î72 ; TM om . — T?» d ' après Syr.; TM "pHE? tes 
captifs. 


12 . Demi-strophe intermédiaire. — On est assez d’accord aujourd'hui pour 
voir dans cette brusque apostrophe — également adressée à Débora et à 
Baraq, — non pas une excitation de la poétesse à elle-même, mais un 
retour aux préliminaires du combat (Schnurer). Le poète après avoir décrit 
la triste situation, si brillamment changée en triomphe, revient sur les évé- 
nements qui ont amené la victoire; il invite Débora à chanter son cantique, 
léchant libérateur comme ceux de Tyrtée pour exciter au combat, et Baraq 
à se lever et à se venger de ses ennemis. 

12) Le TM ne contient que trois lignes, ce qui est assez étrange; encore 
la dernière est-elle trop courte pour deux verset trop longue pour un seul, 
ce qui détermine certains auteurs à retrancher très arbitrairement 
D73UK p. 

Le G(B) n’est qu’une traduction du TM, mais la tradition représentée par 
G(A) offre un texte plus complet et meilleur. Nous l’avions déjà mis à pro- 
fit dans un travail antérieur (RB. 1900, p. 223), mais d’une façon trop arbi- 
traire. La méthode exige qu’on prenne pour base le texte grec primitif tel 
qu’il est en éliminant les éléments massorétiques. Le texte grec dans A 
porte : ÈÇe-fsCpou, eÇêyetpou, As66oSpa, èje^sipou (mais d’autres mss. dans Field et 
Lagarde mieux efcy stpov) jxupiàôa; pista XaoJ (quelques-uns ajoutent <jou), 
sîsyapo-j, sÇsyeipoj, XàXei (manque à plusieurs) ast’ < 067 ); ’sv'.t/jwv ( Pari- 
sinus græcus ;> ev is/éï, Aide , Alcala , Venetus , rien) s;avaataao (pour IÇavîa- 
ta-io), Bapay, xai èviV/uaov, AeSStôpa, tôv Bapay... le reste comme TM. Le 
premier demi-stique est comme TM; vient ensuite un demi-stique spécial 
à G et une traduction du second demi-stique du TM avec TWÜ au lieu de 
TW- Entre ces deux il semble qu’il faut choisir, car la tradition du TM a 
toutes chances d’avoir pénétré dans l’ancien texte grec par les Ilexaples. 
Moore (éd. pohjchr. y notes p. 35) se prononce pour le grec qu’il traduit 
□7 rVQTl le TM serait une corruption de cette ligne. C’est ce qu’on ne 

peut pas s’expliquer graphiquement. La confusion vient plutôt de la répétition 



91 


JUGES, 5 13 

13 Alors de pauvres échappés ont marché vers les illustres, 

Le peuple de Iahvé a marché ‘ pour sa cause * en héros ; 

13. iS ; TM >S. 

H1121 >117 >117 et >121 >117 >117 qui sont presque absolument semblables. Le 
mieux est donc de supprimer le second, d’autant que l>t7 >121 est embar- 
rassant et que Lag. n’a pas XotXet! et de restituer l>t72 avec le G au bout de 
la première ligne. Vient ensuite le demi-stique D72 111221 >!>7H, D71 au 
lieu de 07 (Moore) à cause de pstà Xaou. Moore lit ensuite le grec 
p!2 Olp pin, prends courage, lève-toi Baraq, qui ne rend pas assez compte 
des fluctuations du grec. S’il a si formellement dit : t< et fortifie, loi Débora, 
Baraq »», ce ne peut être qu’à la suite d’une confusion avec ev i<r/ut <jou lu 
Evtx/uaov qui faisait un verbe actif. Nous restaurons donc "(772 dans ta force, 
ce qui donne un parallélisme élégant et fait un vers moins court. Débora 
par ses chants excite les guerriers, Baraq triomphe par sa bravoure. 

Nous avons donc : l>t72 ,11121 >117 1117 

DTl ni 221 > 1 > 7 H 
p!2 Dip “171 
□7J>2N ]2 -(>217 ,1217 

Cette restitution s’appuie entièrement sur des éléments traditionnels, 
même dans la suppression de>121. Moore, Budde, Nowack après Calmet 
entendent 7]>2Î7 comme le Sgr. dans le sens actif ; « fais prisonniers ceux 
qui t’avaient fait captif » ; on se place par la pensée au moment d’engager 
l'action, soit lorsqu'on excite Débora à soulever le peuple par ses chants, 
soit lorsqu'on s’adresse à Baraq. D’après TM, LXX, Vg. : « amène tes pri- 
sonniers »», sens beaucoup plus banal, qui suppose l’action terminée et par 
conséquent ne prépare pas le récit qui suit. 

13-15. Première strophe de la seconde série. — Les braves. — Les 
tribus se réunissent, prélude du combat. Il ne peut y avoir de doute sur le 
sens général de cette strophe, quoique les difficultés de détail soient 
considérables. 

13) D'après la ponct. mass. H> ne peut guère être que l'impf. apoc. du 
pi'el de H 11 , dominer , et c’est probablement ce qu’avait aussi en vue le 
G(A) : 7*076 ijjLsyâXjvev f) iayj; auTOo. Mais le parallélisme avec I3 b e#igele sens 
de descendre. On pourrait à la rigueur ponctuer l’impf. T», dans le sens 
du passé après mais le plus simple est de lire !1> comme G(B). — l>li7 
est embarrassant; il ne figure pas dans G(A, Lag.), et ne peut signifier que 
« les échappés ». Moore et Budde le remplacent par Sn 117\ ce qui est trop 



92 juges, 5 44 

14 D’Ephraïm 'des capitaines’ sont 'dans la vallée*, 

* Ton frère ’ Benjamin est parmi les tiens. 

De Makir ont marché des nobles 

Et de Zabulon ceux qui manient le bâton du tribun. 

44. ; TM E31FW leur racine. — pOTi; TM pbüyi dans * Amaleq . 

— "prm ; TM derrière toi. 


bon marché ; d’ailleurs DEVINS ne peut guère signifier « comme des 
nobles »,et lire « aux portes » avec Budde d'après 11 b , remplace un 

mot intéressant par un mot plus banal, d’ailleurs peu en situation, puisqu’on 
s’est réuni au Thabor. Peut-être faut-il considérer TliL* comme l’expression 
pittoresque de cette circonstance : tous ceux qui sont venus rejoindre 
Baraq étaient des gens échappés sinon au massacre, du moins à la surveil- 
lance. La ponctuation mass, sépare à tort D7 du mot suivant 13 b ; il en 
résulte que TV est entendu ici comme un impérat. : Kûpic, Tanetvw'iov uoi 
toùç layuporspou; pou (A). Le désir d’insérer une prière a peut-être causé cette 
prononciation qui a pu de là passer à 13 a . D’où aussi la leçon (TM, A» 
Lag.); B représente une meilleure tradition : Xao; Kupfou x<xté6t) aùicS... Le 
peuple de Iahvé marche pour sa cause, ib, comme v. 23. Dans D^TDJS, le 
2 peut être un 1 dit essentiæ, « en qualité de héros », « comme des héros ». 
Le parallélisme avec v. 13 a et l’esprit général du cantique indiquerait une 
distinction entre les héros et le simple peuple qui prend place parmi eux, 
mais le peuple de Iahvé est le peuple entier, non sa moins noble part. La 
Vg. : Salvatæ sunt religu'iæ populi , Dominus in fortibus dimicavil est un essai 
de traduction du TM actuel tel qu’il est ponctué et divisé en négligeant les 
éléments gênants, TN, 

14) ^20, forme poét. pour a causé un certain désordre dans le G qui 
a voulu rendre la préposition avec le suffixe de la l rc personne. D1HT 
pSoyi « dont la racine est dans 'Amaleq » est impossible pour Éphraïm 
(quoi qu’il en soit de 12 15, la montagne des Amalécites), car ce ne peut être 
pour Ephraïm un prédicat d’honneur. Les LXX ne paraissent pas avoir lu 
autrement : £Ti{xo>prjaxTo otjtquç peut venir de nSstT mais aussi de DtPltT 
comme B êfept^.mv œutoû;. Budde demande avec eux un verbe; mais le 
verbe ne se trouve après v. 14 b que suivi d’un sujet; le plus simple est 
de voir un nom d’hommes utiles et illustres comme pour les autres tribus 
et de lire DtZfSlT des capitaines; quand même l’étym. serait (contre DHL) 
le troisième combattant d’un char, le mot pouvait être devenu déjà d’un 
usage commun au sens de capitaine dans une haute antiquité. est à 



93 


JUGES, 5 15 

15 * 'Les princes ’ d’Issachar sont avec Débora, [ ] 

' Et ’ Baraq ' a lancé T [ ] ses piétons dans la vallée. 

15\vyii; ; TM mes princes . — Omettre p 13127127^ et Issachar aussi. — 
1; TM om. — nStttî TM le passif. — Omettre 2 avant T>Sw 


lire pQ37 d’après LXX (A, Lag. Theod. Anc.-lat. Syr.-hex. etc.). Cela est 
d'autant moins une correction pour enlever le difficile ’Amaleqquç le Targ . 
ne s’en embarrasse pas du tout et l’explique des victoires de Josuésur 'Amaleq 
(Ex. 17 13). — -jnnN après toi est beaucoup moins bon que "priN, ton frère 
(mêmes autorités grecques, Moore), parceques’il vientaprds il ne vientdonc 
pas avec, "pQG2T2, et que l’idée de fraternité rappelle que Benjamin comme 
Éphraïm descend de Rachel ; plus tard Benjamin se trouve lié à Juda 
politiquement. Il est trop petit pour fournir un détachement complet ni des 
chefs illustres. La forme "^0057 ne peut être absolument rejetée comme 
araméenne (Neh. 9 22); cependant le sing. "pDÎT serait plus naturel (Budde); 
a-t-on voulu grossir Éphraïm? — La présence de Makir étonne depuis 
longtemps les commentateurs; il habitait Galaad (Num. 32 39 ss.) qui n’a pas 
bougé, v. 17. C’est pour résoudre cette difficulté que Caimet a supposé 
contre toute vraisemblance qu’on rappelle ici des exploits bien antérieurs. 
Budde voit là un appui à son opinion que Makir n’avait pas encore passé le 
Jourdain pour aller s’établir en Galaad. Mais lui-même fournit une meilleure 
solution : Makir, fils ainé de Manassé (Jos. 17 1) est ici pour Manassé lui- 
même (cf. sur v. 17). 

Pour Zabulon peut être traduit de deux manières : « tenant le 

sceptre », ou « maniant » ; cf. 1 Reg, 22 34. Ce dernier sens qui est le plus 
appuyé dans la langue établit un lien entre le cantique et le récit en prose, 
4 8 s. Le mot ISO est suspect à Budde parce que cela paraît être le nom d’une 
sorte de ministre de la guerre II Reg. 25 19; Jer. 52 25 ; mais anciennement 
ce mot pouvait signifier un titre moins élevé, une sorte de sergent recru- 
teur ; cf. I Macc. 5 42 où est dans le sens de sergents, tribuns, capi- 

taines. Rien n’autorise en tous cas à le lire 1120 « comptez si vous 
pouvez... » en le renvoyant à la ligne suivante (contre Budde); mieux vau- 
drait le supprimer comme une glose du difficile 021273 

15) Vïô doit être lu ilir, état construit avant une prépos. ; la ponctuation 
a peut-être été changée parce que le cas est moins normal. Le G(B) si fidèle 
au texte hébreu a et Baraq après Débora, ce qui convient parfaitement. Le 
second Issachar est absent de G A, B, Lag.) et peut-être du texte suivi par 
Vg.\ p est invraisemblable et les traductions par l’étym. base, protection, 



94 juges ? 5 45 

15 b * Sur ’ les rives de Ruben, 

Grandes sont * les anxiétés ’ de l’esprit. 

15 b . S d'après v. 16; TM l dans. — vipn d'après v. 16 et Verss.; TM ^ppn 
les déterminations. 


sont de pures subtilités, p signifie : et Issachar aussi ; c’est une glose 

marginale qui veut quTssachar n’ait pas fait moins bien qu’un autre. Quel 
est cet autre? Nephtali d’après Moore, Budde, etc., qui le restituent ici où 
il ne pouvait guère manquer, d'autant que dans Gen. 49 21 il est associé au 
verbe nSttf. Ce verbe est ponctué ici au passif dans TM, mais les LXX ont 
l’actif. Comme il est imprudent de restituer Nephtali sans aucune autorité 
diplomatique, il semble que Baraq suffit è le représenter : il serait en 
parallèle avec Débora. D’ailleurs vS-ll sans 2 (A et Lag.) peut signifier 
piétons, les piétons de Baraq sont naturellement les gens de Nephtali. Ces 
piétons n’ont pas à être opposés dans Israël même à un autre genre de 
combattants, ils sont opposés aux chars des ennemis. — Si on ne veut pas 
admettre ce sens de piétons, il faudra insérer Nephtali comme sujet : les 
princes d’Issachar sont avec Débora et Baraq, Nephtali est lancé sur ses 
traces dans la vallée. Le rapprochement d’Issachar et de Débora n’indique 
en tous cas nullement que la prophétesse fût d’Issachar; elle est appelée 
ici par le parallélisme avec Baraq; les princes d’Issachar étant chez eux au 
Tliabor se tenaient près de Débora. 

15M8. Deuxième strophe de la seconde série. — Les indifférents en con- 
traste avec les braves. — Cette strophe relativement claire mentionne 
avec une nuance de reproche l'isolement de certaines tribus. On blâme 
leur inaction pendant la campagne; il en résulte que la strophe précédente 
ne doit pas décrire la procession des tribus après la victoire, mais leur par- 
ticipation au combat. 

15 b ) Ce demi-verset est répété 16 b avec S au lieu de 1 et vipn au lieu de 
’ppn; il est certain que ce dernier mot est en tous cas préférable, ce ne 
sont pas des décisions qu’on trouve dans Ruben, mais une recherche 
anxieuse : B a lu les deux fois i*ipn, tandis que A, Lag. vont ici avec TM. 
La similitude presque absolue ainsi établie entre ces deux lignes en même 
temps que des variations très anciennes, il semble qu’une des deux est la 
correction marginale de l’autre et a pénétré dans le texte comme doublet. 
11 faut préférer le second texte, mais le placer à 15 b , avec Moore, etc. 
contre Budde qui le raye la première fois parce qu’il répond à l’interroga- 
tion de nob v. 16. De pareilles interrogations n’ont pas besoin de réponse, 



95 


juges, 5 16-17 

16 Pourquoi es-tu demeuré entre les parcs 

Pour entendre jouer de la flûte parmi les troupeaux? [ ] 

17 Galaad est installé au delà du Jourdain, 

(Et Dan, pourquoi s’est-il attaché à des navires? 

Acher est demeuré au bord de la mer,) 

Et il habite tranquillement sur ses rives découpées. 

16. Omettre 16 b qui n'est que la bonne leçon de 15 b . 


d'autant qu'il faudrait ajouter « Ruben » avant HdS ce qui rendrait le vers 
trop long. 11 y a un doute sur le sens de IVuSs *, à la vérité ruSs signifie 
une classe, II Chron. 35 5, ce qui conviendrait bien pour les districts de 
Ruben; mais H3lSs signifie ruisseaux, Job 20 17, ce qui conviendrait peu à 
Ruben, dont le territoire propre était très sec, mais plutôt à Gad dont le 
territoire était bien arrosé, la'zer, Nimra, Beth haran (Num. 32 35 s.), et qui 
n’étant pas nommé peut passer avec Ruben (Num. 32 2 s.). Il n’est pas 
étonnant que les anciennes versions aient rendu divisions , classes , sens plus 
moderne tournant à l’ararn. (Esd. 6 18). 

16) ne se retrouve (pie Gen. 49 14 et (sansQ) Ps. 68 14. Le sens 

ne peut être dérivé avec certitude ni de l’étym. ni des versions dont il est 
inutile de rapporter les variations : abreuvoirs, double bât, lèvres (par 
confusion avec nsitf), le mot hébreu transcrit. Cependant on trouve un 
groupe pour le sens de lot, terme assigné ; Vg. inter duos terminos , Aq. 
xXrJptov, Sym . psiai/jii'cuv ou peiEyopévcov. Le sens est clairement dans les 
trois passages un endroit où on se tient en repos, non sans paresse. La 
tribu a un enclos pour son bétail; l'animal qui n'en sort jamais pour aller 
au combat ou pour travailler et le propriétaire qui se tient au milieu de ses 
troupeaux encourent le reproche de lâcheté: il s’agit donc des clôtures où 
l’on renferme les bêtes : si l’on tient compte du duel on pourra noter 
qu’elles se composent assez souvent de deux grandes cordes parallèles, 
mais le duel a pu être formé par analogie d’après G^nsiT dans la ponct. 
massor. Le sens de fumier [Moore), tas de cendres ( Budde ), ne tient pas 
compte des troupeaux. les sons de la flûte usités parmi les trou- 
peaux G^’n7» que les LXX ont lu les anges, les Egrégorcs du livre 

d’IIénoch. 

17) est remplacé par Gad dans Budde; c’est arbitraire. Il représente 
la demi-tribu de Manassé établie au delà du Jourdain (Jos. 17 1.3 etc.); 
c’est gênant pour la théorie de Budde, mais ce n’est pas une raison pour 



96 juges, 5 18 

18 Zabulon est un peuple qui brave la mort, 

Avec Nephtaii, sur les hauteurs qui dominent la plaine. 


changer le texte. Il faudrait plutôt conclure que Makir n’a occupé l’est du 
Jourdain que par sa branche de Galaad et que Makir même représente pour 
le poêle une partie de la tribu de Manassé, située à l’ouest du Jourdain. — 
"1W au passé sous la mouvance de T conséc. (Kœn. 368 h.) et dans son sens 
primitif de vivre comme client, comme dépendant, avec l’acc. de la per- 
sonne auPs. 120 3 et ici de la chose. On pense que Dan, c’est-à-dire le clan 
qui a émigré au nord (c. 17 ), s’est plus ou moins prêté au service des 
vaisseaux phéniciens ; dès lors il ne pouvait songer à une action énergique 
(Moore, Budde , etc.) ; cependant il y a loin de Tell el-Qadi à la mer; seule 
une main récente pouvait songer à la position de Dan du sud qui officiel- 
lement s'étendait jusqu’à la mer; et ce vers et le suivant sont sans doute le 
meilleur appui pour conclure à la modernité du poème. Car il ne paraît pas 
douteux que le Dan ici visé ne soit le Dan qui avait droit au pays en face de 
Jaffa (Jos. 19 46) ; il est aussi assez étrange qu’Acher habite en face de ses 
propres ports. Les critiques trop prévenus en faveur du cantique de Débora 
dans son texte actuel prétendent qq’ici il a été imité dans les bénédictions 
de Jacob. Nous croyons plutôt qu’il a été glosé d’après ce dernier morceau. 
Là on voit (Gen. 49 13) la situation maritime attribuée à Zabulon, allusion 
naturelle au lac de Tibériade. Cette phrase a été coupée en deux pour être 
attribuée dans le cantique de Débora à deux tribus qui, à l'époque, étaient 
certainement fort éloignées de la mer. Qu’on enlève ces deux hémistiches, 
*P3nSQ s’expliquera très bien des échancrures profondes des vallées qui 
descendent vers le Jourdain. Le contexte oblige à traduire « port » et on 
a trouvé une analogie dans l’arabe fourdat , mais l’étymologie indique plu- 
tôt un endroit crevassé. Il est vrai que les ports de la côte phénicienne sont 
bien des échancrures dans les rochers, mais il est difficile d'habiter contre 
ses propres ports. Il ne me paraît plus légitime de changer nVJN en 
u ses prairies » que Budde avait d’abord proposé à cause du rapprochement 
avec Gen. 49 13. Les bénédictions sont un morceau trop original pour avoir 
fait un emprunt qu’on ne peut non plus attribuer au cantique : tout conclut 
à une glose. 

18) On soude le v. 18 à ce qui précède dans une même strophe parce que 
Zabulon et Nephtaii font contraste avec les tribus paresseuses. — Mépriser 
sa vie; cf. 9 17; Is. 53 12 et plusieurs expressions arabes analogues. Le9 
hauteurs du champ ne sont pas des montagnes, mais les derniers mamelons 
qui précèdent la plaine, c’est là que le combat a du commencer (4 14), 



97 


juges, 5 19-20 

19 (Les rois sont venus, 'ils ont campé’,) 

Alors les rois de Canaan ont engagé le combat, 

A Ta'anak sur les eaux de Megiddo ; 

(Ils n ont pas ramassé un gain d’argent.) 

20 Du haut du ciel ont combattu les étoiles, 

De leurs orbites elles ont combattu contre Sisara. 

19. TJHVi; TM lanSj ils ont combattu . 


La Vg. en traduisant in regione Merome nous ramène encore indûment aux 
environs de Qedech de Nephtali ; s. Jérôme a peut-être supposé une sorte 
de serment libérateur où les deux tribus se seraient conjurées aux environs 
du lac Mérom. 

19-22. Troisième strophe de la deuxième série. — Le combat. — 19) Lire avec 
les LXX et spécialement A Ijrpi au lieu du premier IDnSj, ce qui évite la 
répétition qui n’est pas soutenable avec ÎN qui marque toujours dans l’ode 
une action nouvelle ou du moins un progrès de l’action. D’ailleurs 19 aflt est 
peut-être une glose. Le lieu du combat est à Ta'anak, sur les bords du 
Cison. Le parallélisme exigerait ensuite un nom de lieu. Au lieu de cela 
nous avons, d’après l’opinion commune, « ils n’ont pas fait de butin », « ils 
n’ont pas rapporté d’argent », « cela ne leur a pas profité », pensée très 
banale et qui devance le cours des événements. D. H. Muller (/oc. cit.) 
remarque que ne signifie pas proie , mais gain. Ils ne combattaient 
pas pour le gain comme des mercenaires, mais de tout cœur. C’est peut- 
être la pensée des LXX , rcXEoveÇtav (A) « le désir du gain » , Bwpov àpyvptou 
(B), « un don en argent ». L’idée est meilleure, mais on ne peut pas 
faire la supposition d’une solde en parlant de rois. Tel qu’il est le texte 
ne peut être qu’une glose ironique qui interrompt la splendide opposition 
entre les rois et les étoiles. 

20) Le sujet de IDnSj ce sont les étoiles qui sont à tort séparées du verbe 
dans la coupure massor. Elles ne sont pas pour cela descendues du haut 
du ciel ; tout en poursuivant leur route, elles ont combattu contre (DV) 
Sisara. Le G(A) a remplacé Sisara par Israël pour avoir rendu trop maté- 
riellement DV par « avec » (cf. I Sam. 13 5; 17 33 etc.). L’action des étoiles 
n’est pas une influence astrologique, mais ce n’est pas non plus leur partici- 


P. Lagrange. — Le s Juge». 


7 



98 juges, 5 21 

21 Le torrent de Gison les a balayés, 

Le torrent 'de Qadès a foulé les cadavres des forts’. 

21. nnv w s: yr tznp ; tm : vj ’wsa ’snn ]wp bra o’nnp des 

rencontres (?) le torrent de Cison : foule , mon âme , fortement . 


pation au combat par un orage extraordinaire. Claudien, cité par Rosen ., 
s’exprime tout autrement : 

0 nimium dilecte Deo, cui militai æther , 

Et conjurati vemunt ad classica venti. 

Par une figure hardie le poète associe la nature à la lutte ; les étoiles et le 
torrent ici, comme les cieux, la terre, les montagnes au v. 4 s. 

21) Le torrent de Cison les balaie, c’est-à-dire les entraîne, ce qui sup- 
pose une crue, mais pas nécessairement un orage . DiQVTp SiU a été rendu 
de différentes manières; le G(B) a suivi l’étym. dans le sens d’antérieur, 
antique; le torrent serait ancien, comme les montagnes antiques (Dt. 33 15). 
R. Jonas (ap. Rosen.) a pensé au sens de Qqp se porter à la rencontre en 
ennemi, d’où le torrent des rencontres, pluriel intensif (Kœn. 261 et le 
Targ. semble avoir réuni les deux sens en parlant d’anciennes actions 
d’éclat. Moore rapproche l’arabe qadoum , brave, le torrent des braves, mais 
non sans hésitation, le mot n’étant pas hébreu. Une autre tradition G(A )Sym. 
Theod. lisait D^ttHp, que Sym. ponctuait D^unp des saints , mais que les 
autres transcrivaient xaÔrjasqi. Comme sens, cela vaut encore moins , mais 
on pourrait lire EHp et penser à un Qadès situé entre Megiddo et Ta'anak, 
auj. tell Abou Q°deis; le Cison pourrait aussi bien se nommer le torrent de 
Qadès que les eaux de Megiddo; le mot a pu disparaître pour éviter la con- 
fusion avec Qadès de Nephtali, qui paraît dans cette histoire. — 21 b est 
inintelligible : que mon âme foule une force, ou fortement. Budde voit là 
avec raison non une glose, mais un essai de déchiffrement, qui, dans sa 
forme actuelle, a pour but de mettre en scène Débora, comme ^rnp v. 7. 
D’autre part, le torrent de Cison après le torrent de Qadoumim est une 
explication inutile et froide. Nous envisageons deux solutions comme pro- 
bables. Avec la tradition QiDVTp, il faut cependant ne tenir compte que 
des consonnes fortes dans l’orthographe ancienne : on lirait DQ^p, s’est 
porté devant eux en ennemi sur la route. DD7p ^IttPp Sro « Le 

torrent de Cison est allé à leur rencontre sur le chemin en torrent violent. >» 
Cf. des eaux débordées, Is. 43 16; le G. en effet semble avoir lu VJ plutôt 
que VJ; ou plutôt encore 7V2 DDTT ttHp SnJ le torrent de Qadès, parallèle 



99 


juges, 5 22-23 

22 Alors les sabots des chevaux battaient le sol, 

Au galop, au galop de ses coursiers ! 

23 Maudissez Méroz, a dit (l'ange de) Iahvé, 

Chargez de malédictions ses habitants, 

Car ils ne sont pas venus défendre la cause de Iahvé, 

La cause de Iahvé parmi les héros. 

avec le torrent de Cison (ensuite expliqué par la glose SîTJ), les a 

foulés , Is. 63 3, le suff. plur. avec G(Lag.) y ou si Ton tient à conserver 
attesté par G comme par TM, lire avec Houbigant en prenant 
dans le sens de cadavre, comme Lev. 19 28 etc. et en ajoutant DW « des 
forts ». Le que nous ajoutons à fy, nous le prenons à DUZHp, peut-être 
est-ce bien l’inverse de ce qui s’est produit dans le texte actuel ; n’avait 
plus de raison d’être quand on lisait WSJ « mon âme », et pouvait passer 
pour une correction marginale qu’on a cru mettre à sa vraie place dans le 
texte. Notre correction est donc la moindre possible. 

22) loSn est pris par les versions anciennes dans le sens passif, préféré 

par Moore, mais il faut alors ajouter quelque chose au sens du verbe, m- 
noBîoOrjaxv, ceciderunt ; en effet « les sabots étaient battus » serait l’image 
renversée, car nnS signifie battre l’enclume, tandis que le sens actif, « battre 
fortement le sol » suffit à la situation; le poète se contente d’esquisser leur 
fuite rapide (ce que Budde n’a pas considéré en plaçant le v. 22 avant le 
v. 21 a , pour mettre, dit-il, l’attaque avant la déroute). — 22 b exprime cette 
fuite par une harmonie imitative, im est l’action du cheval (Nah. 3 2), avec 
la signification probable de galoper. S’il s’agissait de cavaliers, on pourrait 
dire que l’action de galoper se dit de l’homme comme du cheval, mais il 
est question de chars, il faut donc entendre VTUN des chevaux (Jer. 8 i6; 
47 3; 50 11). Le suffixe se rapporte à Sisara, éloigné dans le contexte, mais 
toujours présent à la pensée, comme v. 25. Le sens de pD, par la suite de, 
considéré comme une difficulté insurmontable par Moore et Budde est suf- 
fisamment appuyé (Ges. 13 1). 

23) Demi-strophe intermédiaire. — Méroz. — Méroz est inconnu. Le G 
(Lag.) a Mapwp qui fournirait une paronomasie d’ailleurs peu conforme à la 
manière du morceau ; le G(A) a MocÇtop dont on pourrait rapprocher el-Mazar 
au sud-est de Zer'in, à l’est de Ta'anuk (environ deux heures). Mais il vaut 
mieux lire pHD, abrégé pour le nom complet de pin plïW (Jos. 12 20), 
nom qu’on prétendait issu d’une dittographie, mais qui se trouve dans l’ex- 
pédition de Sennachérib contre Ezéchias (KAT * 163) sous la forme Chamsi 



100 juges, 5 24-26 

24 Bénie soit Ia'el entre les femmes, 

(La femme de Héber le Qénite) 

Entre les femmes des nomades qu elle soit bénie ! 

25 II a demandé de l’eau, elle a donné du lait ; 

Dans la coupe des illustres elle a offert la crème. 

26 De la main gauche elle a saisi le piquet, 

De la main droite le marteau des charpentiers, 

muruna. Cette ville était dans le territoire de Zabulon, Jos. 19 15; elle est 
spécialement blâmable, faisant partie de cette brave tribu v. 18. Il semble 
d’après la position de cette malédiction que la ville est maudite parce 
qu’elle n’a pas arrêté les fuyards, en opposition à ce qu'a fait Ia f el. — Le 
mot allonge le vers, et il est si fréquent que Iahvé parle lui-même! 

Cependant la suppression ne s’impose pas. — Venir au secours de Iahvé, 
c’est travailler pour sa cause et sous son commandement, idée parfaitement 
juste, pourvu qu’on ne suppose pas que Iahvé en a besoin pour lui-même, 
ce que le poète n’indique nullement; le secours opéré par Iahvé avec les 
hommes comme instruments (Hum.) est plus philosophique mais moins 
naturel; c’est un scrupule semblable qui a suggéré le grec (A et Lag.) : le 
Seigneur est notre secours. 

24-27 Première strophe de la troisième série. — Ia'el et Sisara. — 24) 
« Femme de Héber leQénite » rompt la mesure et le parallélisme; c’est donc 
probablement une glose empruntée à 4 17. D’ailleurs la f el est caractérisée 
comme faisant partie des gens qui vivent sous la tente des nomades comme 
étaient les Qénites. La bénédiction de Ia'el contraste avec la malédiction 
de Méroz, c’est dans la manière du poète de commencer ses strophes par 
une opposition; on ne peut méconnaître que dans l’ensemble cette strophe 
est opposée à la suivante, l’attente de la mère de Sisara. 

25) 25 R est en parfaite conformité avec 419; 25 b embellit les faits : dira- 
t-on que 25 b suit une tradition /différente parce qu’il parle de Ja coupe d’hon- 
neur au lieu de l’outre et de beurre au lieu de lait et n’cst-ce pas ici la 
prose qui serre de plus près la réalité? SsD 6 38 f. — iSn est le leben , lait 
légèrement aigri qui fait les délices des habitants de la Palestine au prin- 
temps, nNDn, ordinairement le beurre, est ici un équivalent poétique pour 
le parallélisme. 

26) Ponctuer njnblTF! avec le sufT. fém. pour éviter la forme fém. plur. 
qu’ofTre ici le TM ( Ges . 47/c); le suff. fém. se rapporte à T. Le G(A et B) 
et la Vg. mettent la main gauche et pas de sufGxe, ce qui donnerait 
nblOT irpb nbNOIPT; le na embarrassant a pu être ajouté pour que le 



101 


juges, 5 27 

Et elle a frappé Sisara, elle a brisé sa tête 
Et elle a fracassé et transpercé sa tempe. 

27 A ses pieds il s’est accroupi, il s’est étendu, il s’est couché, [ ] 
Là où il s’est accroupi il est tombé mort. 

27. Omettre SsJ JTQ mSn ^2. 


vers ne fût pas trop court après la suppression de SnDUL En tous cas, la 
main gauche est une traduction nécessaire par opposition à la main droite. 
Si on prend un clou ou un piquet de tente à la main gauche, la droite ne 
peut tenir qu’un marteau , c’est l’usage de tous les jours, et ce qu’ont com- 
pris les LXX; le Targ. Vg . Aq. Syr. dç xataxtfotov, est traduit par 

Moore « pour la décapitation des gens fatigués »», mais ici dduotojjLaç est pour 
ànoTO{xa6a(St/r.-/iejr.) un instrument de bois comme un petit javelot ( Field ); 
Aq. eiç açupav xoritüvtajv, Vg. et Syr. de même; le sens est excellent, il 
faut seulement savoir si les mots hébreux le comportent. Or la racine 
□Sn signifiant battre au marteau, il est tout naturel qu’on en ait tiré un mot 
signifiant marteau : si la forme en JVT réservée ordinairement aux noms 
abstraits ne convient pas, il faudrait simplement supposer une altération, 
mais peut-on être certain que la forme est exclusive? cf. Gramm. de Stade 
304*. D’autre part, on ne peut prouver que Soÿ signifie un ouvrier; 
Prov. 16 26 n’est pas décisif. Une ancienne leçon grecque isolée aujourd’hui 
mais suivie par Anc.-lat. porte tou si; téXo; àypeuTjoai, lisant D^oS'iy pour 
D^dSv; ne serait-ce pas le pluriel (inusité) de nSy jeune homme, le mar- 
teau des jeunes gens auxquels convient d’ordinaire l’office de planter les 
piquets de tente? Cependant on peut juger DïSot dans le sens d’artisan 
suffisamment appuyé ici par Vg. et Syr. Le sens de pnD n’est qu’approxi- 
matif ; dans l’hébreu michnique le verbe signifie une complète destruction 
(Moore); dans le sens de percer, cf. Ges.* 3 . Moore supprime Sisara, 
qui paraît cependant nécessaire avant UPN1. 

27) 2DE? signifie se coucher pour dormir Gen. 19 4; 28 11 ; I Sam. 3 5.6. 
9. etc.; Ses peut signifier aussi se coucher, se placer dans la position 
horizontale, sans aucune violence, Esth. 7 8; JH3 signifie s’accroupir, ordi- 
nairement sans violence. Le premier stique s’explique donc le plus natu- 
rellement du monde de Sisara se couchant pour dormir aux pieds de Ia'el. 
Le second stique est une simple répétition à supprimer ( Budde) y d’autant 
que G( A) n’en a que les deux premiers mots, et le troisième stique exprime 
que là où il s’est accroupi il est tombé frappé; cette fois bS2 est déterminé 
par à un sens différent de celui qu’il avait, joint à SDUL Tous les cri- 



102 juges, 5 28-29 

28 A la fenêtre elle se penche ‘ et regarde , 

La mère de Sisara au grillage du balcon : 
Pourquoi son char tarde-t-il à venir, 
Pourquoi vont-ils si lentement ses chariots? 

29 * La plus sage’ de ses princesses lui répond, 
Elle-même se renvoie ses propres paroles : 

28. yhTïïYl; TM MW et elle hurle . 

29. nQ3n, le sing. ; TM le pluriel. 


tiques protestants veulent que, dans le cantique, Sisara ait été frappé dès le 
premier moment sans qu’il soit question de sommeil; c’est prêter au poète 
une scène absurde : Ia'el aurait pu à la rigueur assommer Sisara, mais lui 
enfoncer un piquet dans la tempe sans qu’il soit couché, et par conséquent 
sans point d’appui, c’est ridicule. D.H. Millier (1. c.) a proposé une autre 
solution qui supprime seulement Ss3 1° loco : « il s’est accroupi et il a 
dormi, il s’est accroupi et il est tombé, là où il s’est accroupi il est tombé 
brisé ». Mais le parallélisme est moins exact, il y a un membre de trop. — 
Si Sisara est mort là où il s’est endormi, il y a quelque intérêt à le dire, 
mais c’est un pléonasme que de dire qu’il est tombé à l’endroit même où il 
s’est affaissé. 

28-30. Deuxième strophe de la troisième série. — La cour de Sisara. — 
28) Le verbe M' existe en araméen : pousser des cris, Vg. ululavit. C’est 
le seul sens possible de TM. Mais le verbe M^ étant araméen, non hébreu, 
on peut se demander si ce n’est point une glose ou le remplaçant d’un autre 
verbe; ’JMIW « elle Gt attention » Klostermann (ap. Budde) y rendrait bien 
xaT£{xav0avev de G(A et consorts) ; le Targ. a aussi le sens de « regarder ». 
Ce qu’ajoute A, Lag. foi6Xfoouoa foi touç uETaorpEçovTocç (fjiETa Lag.) Eiaapa est 
une glose ou une seconde traduction en doublet. a été traduit par 

G(A, Lag.) fenêtre grillée ; il n’y a aucune raison de douter de ce sens; c’est 
le machrabié actuel, balcon avec des grilles en bois qui permet de regarder 
de loin. Sur UIM dans le sens de tarder, cf. 3 25 ; *nnN pi'el , à ponctuer 
normalement, ViriN. 

29) La mère de Sisara est ici représentée comme une reine entourée de 
princesses : il ne peut guère être question ici des femmes de Sisara (Vg. 
suivie par Hum.) mais de personnes d’un rang distingué, non pas des dames 
d'honneur au sens moderne, mais les femmes des principaux chefs. Le plur. 
JYTMn ne va guère avec le sing. HJjyn, le grec a mis le pluriel, rWWD, le 



103 


juges, 5 30 

30 Certes * on le trouverait partageant ’ le butin : 

Une esclave, deux esclaves par tête, 

Pour Sisara * un habit, deux habits de couleur, 

Une étole brodée, deux étoles brodées à son cou ’ 

30. pbm imMrcr ; TM Ipbrp Us trouvent , ils partagent . — 

Om. trois fois SStt? et lire : VWIxS D^napi nnpi tOD>oS DTOUT 3D3T ; 

tm bbrc nKixb crnopn nar nopi D*rar nid^dS oto» bbw 

un Z)ii/m Je Jeux habits de couleur pour Sisara; un butin de deux habits 
de couleur , étole brodée , un ZiaèJ Je couleur de deux étoles brodées pour 
le cou du butin. 


suffixe étant d’ailleurs inutile. Mais la V g. insiste avec raison sur le sing., 
una sapientior ceteris, la plus sage, le superlatif convient mieux au sîhg. ; il 
faut donc lire nODn avec Marti (ap. Budde) et laisser le verbe tel qu’il est. 
— Elle-même se répond à elle-même et non pas comme certains anciens : 
« elle répète toujours sa parole inquiète ». La Vg. omet ce membre que les 
différentes recensions grecques ont bien compris. C’est peut-être moins 
profond que si la mère avait persisté dans son angoisse, mais le poète veut 
que l’illusion couvre jusqu’au bout les yeux de ses ennemis. 

30) Ne faut-il pas lui laisser le temps de distribuer les dépouilles? Les 
LXX (A et B) et même la Vg ., avec un sentiment beaucoup plus juste que 
celui des modernes, ne songent qu’à Sisara, pensée unique de sa mère 
« est-ce qu’on ne le trouvera pas partageant les dépouilles »? lire 
VÏÏNXQL — Dm litt. un sein, métaphore employée pour désigner une 
esclave, un peu comme on compte les hommes par tête ; ce sens a échappé 
aux LXX qui rendent par étym., mais il a été saisi de Vg . L’inscription de 
Mésa (ligne 17) l’emploie dans le compte des captifs. Une femme, deux 
femmes pour chaque homme (cf. l’inscription égyptienne d’Ahmès). Ce qui 
suit est fort différemment compris : le TM (les LXX n’en lisaient point un 
autre) peut aussi être rendu : « butin d’habits pour Sisara, butin d’habits, 
étole brodée en couleur, habit de double étole brodée en couleur pour le cou 
du butin ». Au temps de la superstition mass, on n’hésitait même pas devant 
la dernière incongruité : Rosen. parle d’habits passés'au cou des troupeaux 
ennemis comme proie! Budde propose très ingénieusement : « proie d’un 
habit, deux habits pour Sisara, une étoffe brodée, deux étoffes brodées pour 
mon cou ». Mais outre que l’aspect schématique est très froid, trois fois la 
même tournure exactement, on est tout porté par le parallélisme à lire 



104 juges, 5 31 

31 Ainsi périssent tous tes ennemis, ô lahvé ! 

Et que ceux qui Taiment... soient comme le soleil quand il 

[se lève en héros. 

[R D ] Et le pays fut en repos pendant quarante ans. 

un habit de couleur, deux habits de couleur, une étole brodée, deux étoles 
brodées, à l'instar de : une esclave, deux esclaves, c'est-à-dire à mettre dans 
un ordre différent des mots qui se trouvent en réalité dans le texte. Pour 
cela, il faut aussi supprimer les deux SSttf au début des stiques ; d’ailleurs 
ils font difficulté, car ordinairement SSttf à l'état construit signifie la proie 
faite par quelqu’un ou sur quelqu’un, ce en quoi consiste le butin (contre 
Budde). Ces conjectures sont confirmées de la façon la plus satisfaisante 
par un étrange texte grec qui n’est qu’un contre-sens perpétuel , mais qui 
semble avoir voulu serrer le texte hébreu de très près. Il est contenu dans 
plusieurs mss. après le texte ordinaire; dans Field Codd. 44, 54, 59 alii : 
ETtTpoxjxov BotxrJXoïç lv :w Siiapac. ÈaTrjXoSOT) (dans Lag. eariXonOT)) aitypiaTa Ij to> 
TpayrjXüj <xÙtou, xat ÈaxuXguôr). Le procédé du traducteur a consisté à chercher 
un sens en traduisant par un verbe le premier des deux mots répétés : il 
lisait donc : WD, WD pour yn, confusion très facile; quant 

à £<rriX<«$07], il est probablement pour èoti£coOt], avec l'idée de piquer, broder, 
D^nOpl HDpl, de sorte que son texte est précisément celui que postule le 
parallélisme, sans les deux SSttf, et W2en tête au lieu de séparer si malheu- 
reusement nnpl et D^napl. — Lire rïNlïb avec LXX et cette traduction, 
il s’agit de Sisara. Dès lors, le dernier SSttf pourrait rester dans le sens de 
« comme butin ». Ewald avait conjecturé « la reine », mais c’est une 
pure fantaisie ; un retour de vanité féminine est un sentiment trop complexe 
pour figurer ici. 

31) Le changement de personnes t es ennemis et ceux qui l'aiment est une 
élégance du parallélisme; Budde ramène à l’unité. Le même retranche du 
cantique ce verset, comme étant en style de Psaumes, mais sans fournir 
d’exemples concluants. Il faut bien que le style des Psaumes ait commencé ; 
cette grande image est digne du reste du poème. Il n'est pas prouvé qu’on 
ne pouvait parler au temps de Débora de l’amour de lahvé, il fallait l’aimer 
pour se dévouer à sa cause. Il est vrai que le verset ne rentre pas dans le 
rythme des strophes, c’est un envoi final, d’ailleurs nécessaire à la pensée. 
Ce cri de triomphe est la réponse à la cupidité des femmes de la cour ; le 
voile est levé, la vérité parait dans sa lumière. — 31 b est du rédacteur deu- 
téronomiste. 



105 


JUGES, 5 — CRITIQUE 

Critique littéraire. — 1. Caractère du cantique ; son état actuel. — 
Pour juger le cantique de Débora, il faut d'abord en considérer l’en- 
semble. Son caractère général a été bien caractérisé par Budde. Ce 
n’est pas un poème épique, ce n’est pas non plus un simple cantique 
d’actions de grâces ; ces deux genres peuvent naître longtemps après 
l’événement. C’est la louange et le blâme , la bénédiction et la malé- 
diction distribués aux braves et aux lâches. Ce besoin de dire à chacun 
son fait est caractéristique, il respire les passions excitées par la lutte, 
la sympathie accrue par le péril commun, la colère longtemps contenue 
contre ceux qui se sont dérobés au darçger. C’est un genre littéraire 
tout spontané, tout à fait dans l’esprit des Sémites. Quand les Soukhour 
furent repoussés de Mâdabâ par les 'Azezât, il y a quelques années, la 
bataille était à peine terminée que les femmes avaient composé des 
odes en l’honneur des braves et pour rendre infâmes les perfides et les 
traîtres. Il faut donc considérer le cantique comme contemporain des 
faits. Cette conclusion est toujours celle de la critique moderne dans 
l’immense majorité. Des objections ont été faites. Maurice Vernes en 
particulier s’est acharné contre le cantique : « il faut, en vérité, ne 
l’avoir jamais lu dans l’original pour y voir le plus ancien monument 
de la littérature hébraïque, tandis qu’il est visiblement l’une de ses 
productions les plus récentes. Tout y fait voir les marques d’une 
époque de décadence littéraire, la langue où les formes araméennes 
sont indiscutables, la forme prétentieuse, affectée, tour à tour plate et 
volontairement obscure, une série d’expressions toutes modernes et 
propres aux livres récents de la Bible, enfin de grossiers anachro- 
nismes 1 . » Ce jugement n’est que le résumé d’une étude de détail parue 
dans la Revue des études juives (XXIV, 1892, p. 52-57; 225-255). Il 
suffit de lire le cantique en français pour faire justice d’une apprécia- 
tion si sévère, quant à la poésie du morceau ; d’ailleurs, il ne manque 
pas de critiques qui ont lu le poème en hébreu et qui n’ont été nulle- 
ment impressionnés des difficultés de Vernes. On peut en voir la réfu- 
tation dans Moore. Ce qu’il faut surtout condamner, c’est la méthode 
qui prétend dater l’origine d’un morceau en s’appuyant uniquement 
sur sa recension la plus basse. L’antiquité du morceau doit être jugée 

i. De U place faite aux légendes locales par les livres historiques de la Bible , 
Paris, 1897, p. 12. 



106 


JUGES, 5 — CRITIQUE 

d’après l’ensemble. Si on en conclut à une haute antiquité, il sera 
d’autant plus vraisemblable qu’il a été retouché, soit par des scribes 
qui s’y sont crus autorisés, soit par des copistes. A tout le moins faut-il 
faire ici grand cas de la recension grecque primitive, en d’autres 
termes procéder à la critique textuelle avant de prononcer un jugement 
littéraire. Un autre excès est cependant à éviter, celui de mettre le 
cantique en pièces pour procéder ensuite à une reconstellation (C. 
Niebuhr, Versuch einer Reconstellation des Deborahliedes y 1894) qui 
serait nécessairement une pure fantaisie. Il ne serait pas loyal non plus 
de considérer comme glose simplement tout ce qui paraît récent et 
pour cela seul. Nous récapitulons ici les passages qui nous paraissent 
adventices, sans que nous prétendions les éliminer du texte canonique. 
Nous avons suspecté 1312 deux fois v. 2 et v. 9 comme rompant la 
construction et le parallélisme en séparant DV de mrh. Le v. 3 inter- 
rompt la période commencée v. 2 et si on le croit original il faudrait le 
mettre en tête, en quatrain parallèle à v. 12 et à v. 23. Au v. 4 DJ 
D*QW, est suspect par ses deux DJ de n’être qu’une reproduction 
du Ps. 68 9 et de même «TT. Au v. 6 SlP est bien un anachronisme, 
mais comment l’imputer à l’auteur du poème qui introduit SjP au v. 24? 
Le v. 11 fi nous a paru une simple variante de v. 13, et de même 16 b par 
rapport à 15 b . Au v. 17 nous ne croyons primitif ni Dan ni Aser. Leur 
présence est une des objections les plus sérieuses de Vernes. Cependant 
nous avons pour raison que ces deux lignes sont empruntées aux bénédic- 
tions de Jacob où elles sont mieux en situation et absolument indispen- 
sables (Gen. 49 13). La suppression de 19* a est peu importante; elle 
est justifiée en son lieu. Nous voudrions garder 19*» en lisant un nom 
de lieu dans rapproché de DW3T3 (4 11); le texte actuel est aussi 
plat que peut l’exiger Vernes, mais il rompt absolument un superbe 
parallélisme. 21 b peut passer pour prétentieux dans le TM; il est 
même insoutenable sous cette forme. 27 ba est une pure répétition. 
Nous avons trouvé aussi un peu de désordre au v. 30 qu’une ancienne 
tradition grecque permet de réparer. 

Quant aux légers changements de texte, nous les avons autant que 
possible appuyés sur la version grecque. C’est sur son autorité que 
nous avons fait disparaître cette idée étrange, reprochée à l’auteur 
comme une erreur grossière, qu’un contemporain n’eût pas commise, 
que la racine (!) d’Éphraïm était dans \Amaleq, v. 14. Le travail préli- 



107 


JUGES, 5 — CRITIQUE 

minaire de la critique textuelle accompli avec modération , il ne reste 
vraiment rien qui puisse atteindre l'antiquité de l’ode. Pour les ara- 
maïsmes allégués et l’histoire de la langue, on n’est point assez au 
courant pour prononcer avec tant d’assurance. 

2. Rythme . — Les légers changements que nous avons introduits, 
sans nous guider exclusivement par des considérations rythmiques, 
nous aident aussi à retrouver la mesure du poème. Hummelauer divise 
ainsi : 2-9»; 9M1; 12-18; 19-21; 22-30. Moore semble bloquer (ed. 
polychr.) 2-5; 6-1 1 ; 12-22 ; 23-30. Budde groupe 4-11 ; 12-22 ; 23-30. 
La partition strophique a été étudiée par D. H. Müller au congrès des 
orientalistes de Paris (1897). 11 divise ainsi : 2-5; 6-8; 9-11; 1 2-1 5 a ; 
1 5 b - 1 8 ; 19 ; 20-22; 23 ; 24-27 ; 28-30. C’est-à-dire comme vers : 1 1 + 1 0 + 
9 ; 12 + 1 1 ; 4 + 7 + 4 ; 12 + 11. Mais outre que cette analyse respecte 
trop, selon nous, le texte massorétique conservé presque intact, ces 
divisions sont défectueuses pour le nombre des vers, ne tenant pas assez 
compte du parallélisme, ni du groupement des idées. Grimme ( Abriss 
der biblisch-hebraïschen Metrik, 1896) a surtout étudié la métrique. 
Il semble que pour lui chaque verset forme une strophe, sauf 9 et 10 
qui sont réunis en une, et v. 15 qui est divisé en deux. Chaque strophe 
est divisée en lignes qui comptent trois ou quatre élévations (arsis). Çà 
et là un mot est retranché à cause du mètre, mais le texte masso- 
rétique est la seule base. Dans l’intérieur de la strophe les combi- 
naisons de trois ou de quatre accents sont libres: 3 + 4 (v. 2) 4 + 4 + 4 
(v. 3) 3+ 3 + 4 + 3 (v. 4), etc. 

Nous nous sommes inspiré des principes suivants. Nous considérons 
la métrique comme trop incertaine pour justifier à elle seule une sup- 
pression ou un changement. Au contraire, nous croyons qu’on peut 
reconnaître les strophes avec certitude et même le nombre de vers 
qu’elles contiennent, vers qui sont en nombre égal, non pas toujours 
d’une strophe à l’autre, mais entre strophes du même groupement. 
Chaque strophe doit être caractérisée par une certaine unité de la 
pensée. Quant aux vers, ils vont deux par deux, ou plutôt les deux 
hémistiches d’un grand vers ont un certain parallélisme. Un troisième 
vers se trouve assurément dans la poésie hébraïque, mais il ne paraît 
pas dans notre ode. Nous avons parlé de strophes d’un même groupe- 
ment. En effet, le poème se divise nettement en trois parties : le point 
de départ du v. 12 est reconnu par tout le monde; de même que celui 



108 


JUGES, 5 — CRITIQUE 

du v. 23. Ces deux morceaux commencent par un quatrain et sont 
suivies de strophes égales entre elles; il y aurait donc toute vraisem- 
blance à retrouver le même ordre dans la première partie. On obtien- 
drait ce résultat en faisant passer le v. 3 avant le v. 2. Quoi qu’il en 
soit, les strophes se distinguent facilement entre elles par un contraste 
assez heurté. Si leur unité n’est pas toujours absolue, elle est cepen- 
dant reconnaissable. On voit d’abord paraître le grand acteur, Iahvé, 
dieu d’Israël, auquel s’était voué le peuple (2-5); il vient dans sa gloire 
en faisant trembler le sol; aussitôt le tableau le plus sombre de la 
situation avant l’initiative de Débora (6-8), suivi de tout l’éclat du 
triomphe (9-11). Le poète s’était jeté in médias res, il revient au fait 
de guerre. Un quatrain (v. 12 complété d’après LXX) pour l’interven- 
tion des deux héros; puis la description des braves (13-15*), suivie des 
reproches adressés aux négligents ( 1 5 b - 18). Cette strophe n’est pas 
parfaitement une puisque Zabulon et Nephtali (v. 18) ne peuvent être 
comptés parmi les coupables, mais elle se distingue cependant de la 
suivante par le contraste des rois de Canaan opposés aux tribus 
d’Israël. Puis le combat et la déroute (19-22). Un quatrain s’adresse 
aux auditeurs (v. 23) en parfait parallélisme avec celui qui s’adressait à 
Débora et à Baraq (v. 12). Viennent ensuite deux strophes en admi- 
rable contraste, on pourrait les intituler : Ia'el et la mère de Sisara. 
Si on compte les strophes et les vers des strophes, on trouve dans les 
deux premières parties un quatrain et trois strophes de huit vers, dans 
la dernière partie un quatrain et deux strophes de dix vers, plus un 
envoi (v. 31). 

Nous donnons ici cette division : 

1 Écoutez rois, 

2 Prêtez l’oreille grands de la terre, 

3 C’est moi, moi, qui chante Iahvé, 

4 Je célèbre Iahvé, Dieu d’Israël. 

1 Lorsque dans Israël on voua sa chevelure, 

2 Lorsque le peuple de Iahvé se consacra au combat, 

3 Iahvé lorsque tu sortis de Séir, 

4 Lorsque tu t’avanças du champ d’Édom : 

5 La terre trembla, 

6 Les nuées se fondirent en eau, 



i JUGES, 5 — CRITIQUE 

7 Les montagnes branlèrent à l’aspect de Iahvé, 

8 A l’aspect de Iahvé le dieu d’Israël. 

1 Aux jours de Chamgar fils d’Anath, 

2 Aux jours de... il n’y avait plus de caravanes, 

3 Et ceux qui suivaient les sentiers prenaient des détours. 

4 Plus de direction en Israël, 

5 Jusqu’à ce que tu te sois levée Débora, 

6 Jusqu’à ce que tu te sois levée comme une mère dans Israël! 

7 Alors on ne voyait pas un bouclier pour cinq villes 

8 Ni une lance pour quarante mille hommes dans Israël. 

1 Mon esprit va aux nobles d’Israël, 

2 A ceux qui se sont dévoués parmi le peuple de Iahvé, 

3 Montant des ânesses tachetées, 

4 Assis sur des tapis, 

5 Et avançant sur un chemin de verdure, 

6 Aux acclamations de ceux qui se rangent entre les norias. 

7 C’est là qu’ils chantent la justice de Iahvé, 

8 La justice de Iahvé qui a conduit Israël. 

1 Lève-toi, lève-toi Débora, avec ta sirvente, 

2 Lève-toi, fais lever le peuple par milliers! 

3 Debout Baraq, dans ta force, 

4 Mets dans les fers ceux qui t’ont fait captif, fils d’Abino'am. 

1 Alors de pauvres échappés ont marché vers les illustres, 

2 Le peuple de Iahvé a marché pour sa cause en héros; 

3 D’Éphraïm les capitaines sont dans la vallée, 

4 Ton frère Benjamin est parmi les tiens. 

5 De Makir ont marché des nobles, 

6 Et de Zabulon ceux qui portent le bâton du tribun. 

7 Les priuces d'Issachar sont avec Débora, 

8 Et Baraq a lancé ses piétons dans la vallée. 

1 Sur les rives de Ruben, 

2 Grandes sont les anxiétés de l'esprit. 

3 Pourquoi es-tu demeuré entre les parcs 

4 Pour entendre jouer de la flûte parmi les troupeaux ? 

5 Galaad est installé au delà du Jourdain, 

6 Et il habite tranquillement sur ses rives découpées. 


109 



no 


I 


JUGES, 5 CRITIQUE 

7 Zabulon est un peuple qui brave la mort 

8 Avec Nephtali sur les hauteurs qui dominent la plaine. 

1 Alors les rois de Canaan ont engagé le combat, 

2 A Ta'anak sur les eaux de Megiddo. 

3 Du haut du ciel ont combattu les étoiles, 

4 De leurs orbites elles ont combattu contre Sisara. 

5 Le torrent de Cison les a balayés, 

6 Le torrent de Qadès a foulé les cadavres des forts. 

7 Alors les sabots des chevaux battaient le sol, 

8 Au galop, au galop de ses coursiers ! 

1 Maudissez Méroz, a dit l’ange de Iahvé, 

2 Chargez de malédictions ses habitants, 

3 Car ils ne sont pas venus défendre la cause de Iahvé 

4 La cause de Iahvé parmi les héros. 

1 Bénie soit Ia'el entre les femmes, 

2 Entre les femmes des nomades qu’elle soit bénie ! 

3 II a demandé de l’eau, elle a donné du lait; 

4 Dans la coupe des illustres elle a offert la crème. 

5 De la main gauche elle a saisi le piquet, 

6 De la main droite le marteau des charpentiers, 

7 Et elle a frappé Sisara, elle a brisé sa tête 

8 Et elle a fracassé et transpercé sa tempe. 

9 A ses pieds il s’est acccroupi il s’est étendu, il s’est couché, 

10 Là où il s’est accroupi il est tombé mort. 

1 A la fenêtre elle se penche et regarde, 

2 La mère de Sisara au grillage du balcon : 

3 Pourquoi son char tarde-t-il à venir, 

4 Pourquoi vont-ils si lentement ses chariots? 

5 La plus sage de ses princesses lui répond, 

6 Elle-même se renvoie ses propres paroles : 

7 Certes on le trouverait partageant le butin, 

8 Une esclave, deux esclaves par tête ! 

9 Pour Sisara un habit, deux habits de couleur, 

10 Une étole, deux étoles brodées à son cou. 

Ainsi périssent tous tes ennemis, 6 Iahvé! 

Et que ceux qui l’aiment soient comme le soleil quand il se lève en héros. 



111 


JUGES, 5 — CRITIQUE 

3. L'ode et le récit en prose . — Le temps est déjà passé où Wellhausen 
pouvait affirmer sans être contredit par les critiques de mêmes ten- 
dances que le récit en prose n’est qu’une reproduction de l’ode « qui 
en atténue les traits spéciaux et les falsifie 4 ». 

Ce jugement n’est admis ni de Budde ni de Moore qui reconnaissent 
au récit en prose une valeur indépendante, venant de sources spéciales : 
c’est par lui que nous connaissons la capitale du chef des ennemis , 
Harochet des Goïm, le nom du mari de Débora, Lapidoth; sa demeure, 
entre Rama et Béthel ; le lieu d’origine de Baraq, Gadès de Nephtali , 
la position des Israélites au Thabor, le nombre des chars de Sisara , 
l’endroit où Iaël avait sa tente, peut-être aussi le nom de son mari, qui 
aurait cependant passé dans l’ode. Tout cela n’est certes pas tiré du 
cantique. Mais ce que Wellhausen voulait surtout mettre en relief, ce 
sont des différences plus profondes entre les deux morceaux. Il admet 
que le cantique de Débora est contemporain des faits, un document 
inappréciable pour l’histoire d’Israël, reflétant ses plus anciennes opi- 
nions religieuses, autant du moins que nous pouvons les retrouver dans 
un écrit contemporain, et il exprime encore ces pensées dans une page 
qui décrit avec force l’enthousiasme qui inspirait alors Israël , groupé 
autour de son dieu, dans l’enthousiasme d’une jeunesse spontanée 2 . 
Le récit en prose au contraire réduit tout à des conceptions froides. 
Iahvé est le seul acteur véritable, les Israélites ne sont que des figu- 
rants ; tout se règle par l’action mécanique de la divinité. Baraq, si 
vaillant dans l’ode, n’est plus qu'intimidé dans la main de Débora et 
l’ardente patriote qui savait animer par ses chants un peuple entraîné à 
sa suite est réduite au rôle de diseuse d’oracles, etc. Le grand renom 
de Wellhausen explique pourquoi nous avons insisté. Sa comparaison 
pèche tout d’abord par une analyse insuffisante du texte en prose et 
par une intelligence trop bornée des lois du style poétique. Avant de 
condamner le récit en prose comme dépourvu de valeur propre à cause 
de ses antinomies avec le cantique, il fallait d’abord distinguer dans le 
récit en prose le fond du récit et les altérations qu’il avait pu subir : 
par exemple le rôle de Iabin, comme roi de Hasor est en effet complè 
tement absent du cantique, mais il n’est pas moins un obstacle au récit 
en prose. 

1 . Proleg. 3, p. 249. 

2. Getchichte p. 38 s. 



112 


JUGES, 5 — CRITIQUE 

Beaucoup plus approfondie est la critique de Budde qui a bien l’in- 
tention de ne tenir compte que des éléments essentiels que tous doivent 
considérer comme primitifs. Il réduit l’opposition entre l’ode et le récit 
à trois points. 1) Le récit ne fait entrer en ligne que Zabulon et 
Nephtali ; l’ode y ajoute, certainement à juste titre, Issachar, Ephraïm, 
Makir et Benjamin. — On peut répondre que dans l’ode elle-même, 
lorsqu’il s’agit du combat, Zabulon et Nephtali sont seuls nommés 
v. 18. Les autres paraissent parmi ceux qui se sont rendus à l’appel de 
Débora, moins comme des troupes, sauf pour Éphraïm, que comme 
des chefs, (5 13). Le récit a pu négliger ce contingent : d’ailleurs en 
faisant venir Débora du pays de Benjamin-ftphraïm et en plaçant la 
scène du combat dans Issachar, il suggère très facilement la pensée 
d’un groupe placé autour de Débora. Encore le silence sur les tribus 
centrales ne serait-il pas dû dans le récit à l’intrusion de Hasor qui 
mettait surtout en cause celles du nord? 2) La deuxième opposition a 
trait à la mort de Sisara, mort debout dans l’ode, endormi dans le 
récit. Budde reconnaît d’ailleurs de bonne grâce que la seconde manière 
serait la plus naturelle : dès lors où est la supériorité historique? et ne 
pourrait-on prêter à I ode un raccourci dans le tableau? mais nous 
avons vu dans les notes exégétiques que la présence d’un piquet dans 
la main de Iaël (5 26) excluait absolument qu’elle eût assommé Sisara 
pendant qu’il buvait. 3) Opposition que Budde lui-même cherche à 
résoudre : dans l’ode, les Cananéens se battent à Ta'anak, dans le 
récit, au pied du Thabor. Budde remarque très bien que les Cananéens 
pouvaient être sur la rive droite du Cison, au pied du Carmel, à la 
hauteur de Ta'anak. On peut ajouter que le vers qui suit la mention de 
Ta 'anak est fort obscur, et qu’il indiquait peut-être ce que faisaient 
les ennemis dans ces parages. Peut-être étaient-ils campés là avant de 
s’avancer dans la direction du Thabor. Il n’y a donc aucune opposi- 
tion sérieuse entre les deux morceaux, relativement à l’histoire de 
Sisara : le roi de Hasor n’est pas moins en conflit avec le récit en prose 
qu’avec l’ode, il est exclu de la comparaison. Cependant nous avons 
admis une solution admettant un roi étranger, avec Sisara comme 
général : cette solution est-elle en contradiction avec le cantique qui 
représenterait Sisara comme le chef des confédérés? Nous avons 
besoin pour le savoir de suivre attentivement la manière de l’ode. Avec 
des détails historiques très précieux elle comporte une emphase poétique 



H3 


JUGES, 5 CRITIQUE 

qui doit être examinée de près. Les circonstances de l'oppression sont 
en effet très vaguement indiquées dans le récit. Dans l’ode il semble 
que c’est très exactement l'interruption de toutes les relations com- 
merciales (v. 6), l’insécurité qui s'en suivait, l'impossibilité pour les 
Israélites de se défendre. Cela convient admirablement à une domina- 
tion sévère exercée par les Cananéens de la plaine d’Esdrelon : l’Israël 
du nord était comme coupé en deux, son unité menacée : ce détail est 
très précieux, mais cette vérité n’est pas sans une certaine exagération 
quand le poète ajoute qu'on ne voyait pas une lance ni un glaive : ils 
se montrent dans la prose (4 16), ce qui assurément est un détail 
humain où les Israélites ne sont pas de simples figurants. 

A la strophe suivante, l’ode décrit le triomphe sous les plus brillantes 
couleurs ; le récit en prose (v. 24) est plus modeste : il fallut encore 
bien des efforts après la mort de Sisara pour réduire les Cananéens. 
Où est la couleur historique? Dans la demi-strophe (v. 12), Débora 
excite les Israélites par son cantique, ou invite Baraq à prendre d’ores 
et déjà ceux qui le tenaient captif! Admirable, mais les hésitations de 
Baraq ont leur valeur psychologique. Au v. 18, dans l'ode, Nephtali et 
Zabulon sont aux prises avec les rois de Canaan. Qu’il y ait eu là des 
rois, tout le monde le concède, toute la question est de savoir si Sisara 
était à leur tête comme chef des confédérés par son titre propre, ou au 
nom d'un autre. D’ailleurs ici les ennemis des Cananéens sont les 
étoiles et le Cison ; dans le style poétique qui atteint alors son paroxysme 
d’élévation, les rois ne seraient-ils pas les moindres qu’on pût opposer 
aux étoiles? 

Dans le couplet sur Ia'el, mêmes caractères distinctifs de la poésie 
qui tait souvent le fait précis pour s’étendre sur des détails. L’outre 
au leben que possède chaque nomade devient la coupe des illustres; 
quatre verbes expriment comment la tête de Sisara fut fracassée, sept 
autres (du moins dans TM), comment il est tombé; mais on ne nous 
dit pas le procédé technique, le clou enfoncé dans la tempe, qui est 
cependant nécessairement supposé par la mention du piquet (v. 26). Et 
lorsqu’on a constaté que le poète a tout grandi par une riche imagina- 
tion, faut-il s’étonner que la mère de l’ennemi vaincu, ne fût-il qu’un 
simple généralissime, soit représentée sur son balcon, entourée de ses 
princesses? L’importance donnée à l’action de Ia'el, en prose comme 
en poésie, atteste l’importance de Sisara ; mais un roi est souvent plus 

P. Lagrangb. — Le» Juge». * 



H4 JUGES, 5 — CRITIQUE 

facile à remplacer qu'un habile général, et ne pouvait-on considérer tm 
roi de Canaan comme le général d’un roi étranger plus puissant? Suf- 
fît-il pour faire de Sisara un chef de confédérés de l’acharnement d’un 
poète contre un ennemi, vaincu dans des circonstances dramatiques? 
On pourrait comparer ici la haine des juifs contre Nicanor, la fête ins- 
tituée en souvenir de sa mort et de sa défaite , sa tête et sa main cou- 
pées, sans que le nom du roi de Syrie régnant ait laissé les mêmes sou- 
venirs dans la tradition juive (I Macch. 7 47 ss. Megillat ta'anith 30) 

La poésie et la prose font donc allusion au même événement histo- 
rique, chacun dans la tonalité de son genre littéraire. Cependant la 
manière d’envisager les faits est assez différente pour qu’on ne voie de 
dépendance littéraire d’aucun côté. L'ode n’a pas été écrite d’après le 
récit, mais sous l’impression des faits; le récit n’est pas composé d’après 
le cantique pour lui servir de préface dans un recueil de poésie comme 
serait celui du Iacharou des guerres de Iahvé; c’est un morceau d’his- 
toire qui paraît puisé à de bonnes sources, sinon absolument contem- 
porain. 

Critique historique. — Les critiques qui font du cantique de Débora 
une production toute artificielle ne lui attribuent naturellement aucune 
valeur historique. Mais ils sont fort peu nombreux. Quelques-uns 
reconnaissent l’antiquité du fond mais supposent des altérations si 
graves qu’on ne saurait rien en tirer de sûr. Ainsi Winckler. Sa thèse 
fondamentale que Iahvé, Dieu spécial de Juda, n’a été adopté par 
l’Israël du nord qu’après le règne de David, se heurte à tout le poème. 
Il en est réduit à dire qu’on a mis là le nom de Iahvé comme les Arabes 
celui d’Allah dans leurs poèmes antéislamiques aux lieu et place des 
divinités anciennes 4 . Ici la supposition est absolument gratuite puisque 
rien ne prouve qu’Israel ait jamais eu un autre dieu que Juda. 
D’autres ont travesti l’histoire. C. Niebuhr a imaginé ( op . laud.). 
que Sisara est le pharaon égyptien Sesu-Rê de la XVIII e dynastie, 
un descendant, légitime par sa mère, du fameux Khounaton ou Amé- 
nophis IV, le roi hérétique « qui a cherché de nouveaux dieux » v. 8. 
Les Cananéens soulevés contre lui furent d’abord vaincus, mais le 
Pharaon fut à son tour défait par les Israélites. Nowacka pris la peine 
de réfuter cette reconstellation. Marquart [op. laud.) a songé de 


1. Geschichte Israëls, p. 34. 



115 


JUGES, 5 — CRITIQUE 

Sangarà, roi hétéen du ix e siècle; Sisara serait son fils Pisiri. Cette 
opinion a souri à Paul Ruben (Jewish Quarterly Review avril 1898) 
qui a donné les Cananéens comme alliés auxlsraélites. 11 croit pouvoir 
soupçonner d'après le cantique que Nephtali inclinait vers la 
monarchie, Benjamin et Issachar vers l'aristocratie, mais que des ten- 
dances démocratiques perçaient dans Éphraïm, Makir et Zabulon. 
Nous avons déjà dit que Wellhausen, Moore, Budde, Nowack et en 
général les critiques allemands et anglais qui font partie de ce groupe, 
le plus considérable de beaucoup, tiennent au contraire pour le carac- 
tère historique du cantique et le regardent comme le plus précieux docu- 
ment de l'ancienne histoire d'Israël, pour ne pas dire le seul digne de 
foi. Le P. de Hummelauer croit pouvoir affirmer, à l'encontre de cette 
dernière assertion, que l'auteur du cantique connaissait les faits et le 
texte du Pentateuque. 

Nous avons essayé de montrer par la critique littéraire que le can- 
tique et le récit en prose étaient assez d'accord pour que nous puissions 
tirer de tous deux des conséquences historiques d'égale valeur, à la 
condition toutefois de ne point prendre à la lettre toutes les figures du 
cantique. Il demeure une difficulté considérable. Le roi oppresseur ne 
peut être labin, roi de Hasor. Si son nom véritable était Sisara, 
pourquoi le cantique nomme-t-il Chamgar? Nous avons donc pensé que 
le prosateur n’avait nullement dissimulé les faits, mais au contraire 
conservé un souvenir historique en ne faisant de Sisara qu’un général 
d'armée. Si on pouvait affirmer que l'oppresseur se nommait bien 
Chamgar, on serait en effet tenté de chercher du côté des Hétéens, où 
conduirait aussi la forme du nom de Sisara. Mais cela ne changerait 
rien au fait essentiel. Le roi étranger ne paraît nulle part dans l'action : 
Sisara est à la tête des Cananéens. Ce sont les Cananéens qui sont les 
ennemis d'Israël. Il importerait seulement à l'histoire de ces Cananéens 
de savoir s’ils n'ont pas à ce moment subi une suzeraineté étrangère 
qui permît même à un roi hétéen de placer à leur tête un homme de sa 
race. On sait assez que ces suzerainetés, fruits de conquêtes rapides, 
disparaissaient avec la même facilité et faisaient peu de changements 
dans les populations. En tout cas il ne serait pas permis de descendre 
jusqu'au ix® siècle qui marqua la déchéance des Hétéens. Nous ne 
saurions d'ailleurs nous appesantir sur des hypothèses. Il reste le fait 
historique, capital pour Israël, sa lutte contre les Cananéens. 



1 1 6 JUGES, 5 CRITIQUE 

On voit les Israélites refoulés ou contenus dans les districts mon- 
tagneux. Ils n’ont pu s’emparer de la plaine d’Esdrelon à cause des 
chars de fer et ceci est conforme aux données du premier chapitre. La 
distribution des tribus est celle que nous connaissons par l’histoire 
officielle. Ruben placé à côté de Galaad était donc déjà au delà du 
Jourdain; si Benjamin est né en Canaan, comme le veulent plusieurs 
critiques, il était donc né de bien bonne heure puisqu’il se tenait déjà 
derrière son frère Éphraïm. Seul Makir fait difficulté. On ne saurait 
pourtant affirmer d’après ce seul texte (5 14) qu’il n’était pas encore 
installé au delà du Jourdain. La présence d’un nomade Qénite dans la 
plaine d’Esdrelon est d’un haut intérêt et bien d’accord avec les récits 
qui marquent l’exode des Qénites avec celui des Israélites. Les cri- 
tiques qui admettent les faits historiques du cantique et s’inscrivent 
en faux contre l’histoire de la conquête, qu’ils veulent avoir été l’œuvre 
de clans isolés, n’ont pas assez remarqué que les reproches adressés 
aux tribus absentes supposent l’habitude d’agir en commun. Et 
combien cette union était plus naturelle dans une première attaque 
que pour participer à une insurrection sans y avoir un intérêt parti- 
culier, alors que chacun était installé ! 

Il est vrai qu’il n’est pas question de Juda. Cette omission ou cette 
prétèrition a fait grand bruit. Ce silence est censé équivalent à cette 
affirmation : Juda était alors complètement en dehors de l’horizon 
d’Israël, il n’était pas encore reconnu pour être de la famille. Mais 
Siméon et Lévi ne sont pas nommés non plus, et les mêmes critiques 
admettent volontiers qu’après la conquête ils avaient essayé un éta- 
blissement près de Sichem. — C’est qu’ils avaient échoué et disparu. — 
Soit, mais Juda pouvait être aussi impuissant qu'eux, à cause de son 
isolement. Cet isolement est expliqué dans le livre de Josué (ch. 9 ) 
par l’incident des Gabaonites. Une ceinture de villes confédérées 
séparait Juda de ses frères du nord. Jérusalem était une autre barrière, 
puis les Cananéens de la plaine, le désert et la mer morte. Nous ne 
prétendons pas nier que Juda ait beaucoup alors vécu de sa vie propre. 
La fusion commença sous Saül par la destruction des forces gabao- 
nites, elle se continua sous David par l’amoindrissement des Philistins 
et la conquête de Jérusalem. L’absence du nom de Juda prouve qu’en 
effet l’épisode doit se placer aux premiers temps de la conquête. Si on 
n’avait pas eu avec Juda des rapports antérieurs, la fusion ne se serait 



JUGES, 5 — CRITIQUE 117 

jamais faite. Elle s’est faite sur le nom de Iahvé. Iahvé est le lien 
moral qui unit les tribus du nord : elles sont le peuple de Iahvé. 
Dira-t-on que Juda et son héros David n’étaient pas le peuple de Iahvé ? 
Toutes les tribus ne faisaient donc qu’un peuple et cela confirme 
l'histoire d’une fraternité antérieure, soit au désert, soit au moment de 
la conquête. Ici Winckler est logique. Si Juda qui avait pour dieu 
Iahvé n’était pas, avant la conquête de David, le frère reconnu de 
l’Israël du nord, c’est que ce dernier n’avait pas le même dieu que 
lui, il n’adorait pas Iahvé et le cantique de Débora n’a pas de valeur 
historique. 

Faut-il ajouter avec le P. de Hummelauer que le cantique de Débora 
qui prouve l’unité religieuse d’Israël suppose aussi la connaissance du 
texte du Pentateuque? Nous pensons que le savant critique ne sou- 
tiendrait plus aujourd’hui cette thèse sans atténuation. Il suffit de lire 
ses arguments d’antan pour reconnaître qu’ils prouvent seulement le 
même fond d’idées religieuses. Les rapports littéraires avec le can- 
tique du Deutéronome (ch. 33), les bénédictions de Jacob (Gen.49 13), 
le cantique de Moïse (Ex. 15) peuvent s’expliquer autrement. Les can- 
tiques ou poèmes du Pentateuque ne sont pas partie intégrante et 
indivisible du texte en prose. Le cantique de Moïse nous paraît une 
œuvre artificielle, quoique très belle, beaucoup moins ancienne que le 
cantique de Débora. Un passage des bénédictions de Jacob a été, 
croyons-nous, inséré dans l’ode de Débora. Deut. 33 peut lui être 
postérieur. Cependant nous sommes loin de conclure que le cantique 
de Débora est donc le plus ancien morceau de la littérature hébraïque. 
Sans doute l’ode est spontanée, vigoureuse comme la poésie dans sa 
sève printanière. Mais si elle n’est pas d’un art raffiné, elle est d’un 
art sûr de lui, en pleine possession de ses moyens. Un pareil morceau 
doit avoir devant lui de nombreuses écritures et rien n’empêche 
qu’elles ne nous aient été conservées. 

La lutte se poursuivit entre Cananéens et Israélites, mais, privés de 
leurs chars de fer, les Cananéens devaient s’affaiblir peu à peu. Le 
livre des Juges ne nous mettra plus en présence que d’ennemis plus ou 
moins venus du dehors. La bataille du Thabor marque donc une ère 
dans l’histoire de l’Israël du nord. 



Chapitres 6-8. — Histoire de Gédéon 


[R D ] 6. 1 Or les fils d'Israël firent le mal aux yeux de Iahvé, 
et Iahvé les livra à Madian durant sept années, 2 et la domina- 
tion de Madian s’affermit sur Israël. [J] C’est pour [échapper] 
à Madian que les fils d’Israël se firent les silos qui sont dans les 
montagnes et les cavernes et les lieux fortifiés. 3 Or chaque fois 
qu’Israël avait semé, Madian montait contre lui et ’Amaleq et 
les Orientaux montaient aussi, 4 et ils campaient en face d’eux 

6. 1-6. L’invasion des nomades. — i) Les formules du rédac. deutér., 
2 11 ; 37. 12 ; 41, avec le temps de l’oppression. 

2) 2* du même rédac., c’est l’achèvement de la pensée. 12 b commence 
d’une façon abrupte : il est probable que le vrai commencement a été rem- 
placé par les formules de R D . — rmnjD est considéré par Budde comme 
glosé par rVHVQ « cavernes » ; le sens doit être un peu différent. Le verbe 
nahara ou nahira peut signifier en arabe creuser jusqu'à ce qu'on trouve de 
l'eau. 11 doit être question ici non pas des grottes qui sont creusées dans 
le flanc des montagnes, mais de vastes silos ou magasins fouillés au-dessous 
des surfaces unies, à la manière des citernes ou réservoirs d’eau. La phrase 
marque qu’on attribuait à cette époque d’oppression les cavernes aména- 
gées et les fortifications rustiques qu’on voyait dans les montagnes. 

3) Le parf. nSjn s’explique très bien comme une conséquence d’un état 
habituel ; au contraire le second verbe iSîD fait double emploi ; il y a done 
lieu de croire qu’ 'Amaleq et les Orientaux ont été ajoutés ici dans le texte 
de J d’après E v. 33 pour compléter l’introduction. 

4 s.) Le v. 4 est effacé comme une glose par Budde et du v. 5 depuis 
jusqu’à ; la principale raison philologique est la répétition de 
qui donne de plus une position boiteuse à DrpbriN ; il suffit de restaurer le 
vrai texte d’après G ( A , Lag., rcap^ipov, suivi d’une double traduction, 

d’après TM). Quant à l’exagération résultant de l’éloignement de Gaza, il 
peut y avoir une hyperbole pour marquer les courses rapides des Madia- 
nites dans la plaine, à moins qu’on n’admette une invasion par le sud. 
L’ensemble des expressions, très pittoresque (*^02 de J, Gen. 10 19. 30; 



juges, 6 5-10 119 

et dévastaient le produit du pays jusqu'à Gaza, et ils ne laissaient 
aucune subsistance dans Israël, ni brebis, ni bœuf, ni âne; 

[E ] 5 car ils montaient eux et leurs troupeaux, et ils ‘amenaient * 
leurs tentes, nombreuses comme des sauterelles, et quant à eux 
et à leurs chameaux, ils étaient innombrables, et ils venaient 
dans le pays pour le dévaster [R D ] 6 de sorte qu'Israël se trouva 
fort appauvri à cause de Madian et les fils d’Israël crièrent vers 
Iahvé. 

[E] 7 Et lorsque les fils d'Israël eurent crié vers Iahvé à l'occa- 
sion de Madian, [R D ] 8 Iahvé envoya un prophète vers les fils 
d’Israël et il leur dit : Voici ce qu’a dit Iahvé, dieu d’Israël : c’est 
moi qui vous ai fait monter d'Égypte, et je vous ai fait sortir de 
la maison des esclaves, ®et je vous ai sauvés de la main des 
Égyptiens et de la main de tous ceux qui vous attaquaient, et je 
les ai chassés loin de vous et je vous ai donné leur pays. 10 Et je 

5. TM 1*0^ ils venaient , Khetib ou Qré . 


13 10 ; 25 18), marque un milieu entre les razzias rapides qui se font chez un 
ennemi qui pourrait se défendre et une occupation complète à laquelle ces 
nomades ne paraissent pas songer. Ils viennent sans se gêner, et ne s’en 
vont que quand ils ont tout pris. C’est la contre-partie du passage d’Israël 
(Num. 22 4). Dans le v. 4, impf. conséc, peut-être parce qu’il s’agit du cas 
où Israël avait semé, c’est-à-dire d’une circonstance particulière; dans 
v. 5, impf. d’habitude. 

6) 6 b est la formule de RU ; 6a doit être aussi de lui comme un équivalent 
de 2 15 b , c’est le préliminaire des cris de supplication. 

7-10. Un prophète vient reprocher aux Israélites d’avoir oublié Dieu. 
— Ce petit morceau n’est pas suivi au v. 11, il interrompt le fil entre v. 5 
et v. 11. On le rapproche aisément de 2 2 s., de Ex. 34 ll b ss., ce qui laisse 
ouverte la question de savoir si l’auteur est E ou D. Dans notre passage, 
Budde incline vers E, mais un E*, une école élohiste récente parce qu’un 
prophète innommé et une morale ne sont jamais d’une première main. Ce 
dernier canon est une supposition gratuite. Il est remarquable que nVTR Sy 
est une des expressions les plus caractéristiques de E : Gen. 21 11.25; 26 
32 ; Ex. 18 8 ; Num. 12 13.24; Jos. 14 6 ; en revanche DH2y IV2 sent bien son 
Deutér. ainsi que « Iahvé votre Dieu » ; nDNil pour les habitants de toute la 



120 


JUGES, 6 U 

vous ai* dit : Je suis Iahvé votre Dieu, vous ne craindrêz pas les 
dieux des Amorrhéens dont vous occupez le pays ; et vous n’avez 
pas entendu ma voix. 

[J] 11 Or l’ange de Iahvé vint et s’assit sous le térébinthe 
d’ * Ophra qui était à Ioas d’Abiézer, et Gédéon son fils dépiquait 

terre promise est plutôt de Dt. ; comme de plus il y a un léger doublet dans 
la double supplication, nous attribuons v. 7 à E, 8,9 et 10 à RU. Dans E, la 
suite du v. 7 devait être une apparition à Gédéon : elle est reprise v. 25. Le 
prophète envoyé aux fils d’Israël ne doit pas être de la même main que 
l’ange qui parle à tous les fils d’Israël 2 4, mais il est de la même école; 
il n’y a point de ces généralisations dans les récits primitifs des Juges, et 
un E a semble une création arbitraire. 

11-24. Apparition d’un ange a Gédéon. — Dans ce passage, nous pour- 
rons relever de légères retouches, il n’y a pas deux récits mélangés. C’est 
la suite de l’oppression madianite, le substratum de la rédaction deutér. 
On ne voit chez Gédéon aucune trace de sentiments de pénitence ni la 
conscience de torts à réparer envers Iahvé : ce n’est pas le même point de 
vue que vv. 25-40 où l’on voit cette réparation avec la demande d’un signe. 
Quelques particularités de style conduisent à attribuer notre passage à J : 
*ic Moore, Budde, Cornill ; cependant Budde y voit des traces d’un second 
document parallèle (E) et Moore augmente sans raison la part des éléments 
secondaires. 

il) La question du “(nSo de Iahvé se pose ici comme partout au point 
de vue purement textuel. Comme Iahvé paraît seul v. 23, on peut se 
demander s’il ne figurait pas seul aussi dès le début comme Gen. 18 1, 
Yange ayant été ajouté plus tard comme un intermédiaire. — Le térébinthe 
appartient à Ioas, du clao d’Abiézer et se trouve h 'Ophra. Comme le clan 
d’Abiézer dépend de Manassé (Num. 26 30; Jos. 17 2 ; I Chron. 7 18), il est 
probable que cet 'Ophra n’est pas celui de Benjamin (Jos. 18 23 ; I Sam. 13 
17) ; cependant la Bible ne mentionne aucun 'Ophra dans Manassé, si celui 
de Gédéon n’en est pas un, et une tradition grecque fort ancienne place la 
patrie de Gédéon à Tayebeh, qui a des titres à être 'Ophra, lequel serait 
ainsi entre Manassé et Benjamin. Il faut supposer qu’un autre Tayebeh entre 
le Thabor et Beisan représente 1’ 'Ophra d’Abiézer. Far* ata au sud-ouest 
de Naplouse est plutôt l’ou. Far'a (Budde) ne s’appuie sur aucune 

tradition et ne reproduit pas la consonnance. — Ce verset se soude très 
bien au v. 5, Gédéon est obligé de se cacher pour préserver son blé, D^nS 
moins comme Ex. 9 20, où il y a un régime, que comme Jud. 7 21, dans un 



121 


juges', 6 12 - 14 . 

le blé dans le pressoir pour le dérober à Madian. 12 Et l'ange de 
Iahvé lui apparut et lui dit : Iahvé avec toi ! brave des braves ! 
13 Et Gédéon lui dit : Vrai, Seigneur, si Iahvé est avec nous, 
comment donc en sommes-nous là? [R D ] et où sont toutes ses 
merveilles que nous ont contées nos pères, disant : Iahvé ne nous 
a-t-il pas fait monter d’Égypte, et maintenant Iahvé nous a 
abandonnés et nous a livrés à Madian. [J] 14 Et l ange de 
Iahvé se tourna vers lui et dit : Va, avec la force que tu possèdes, 
et tu sauveras Israël de la main de Madian. [E] N'est-ce pas 


sens intransitif. Dépiquer le grain avec un bâton, c’est l’œuvre de gens 
misérables ; ordinairement on le foule avec des animaux sur des aires spa- 
cieuses à l’air libre (Is. 28 27 ; Ruth 2 17). 

13 t s.) Il ne s’agit pas d’une apparition d’apparence mystérieuse ; Iahvé 
ou son ange se montre sous une forme humaine, Gen. 18 1 . Le salut sup- 
pose un souhait plutôt qu’une constatation ; si la réponse de Gédéon se 
porte sur le second sens, c’est qu’il profite du double sens possible des 
termes pour exprimer aussitôt une pensée qu’il paraît avoir eue à cœur. 
Dans le G ( A et Lag.) Gédéon répète avec étonnement la salutation, ce qui 
est d’un heureux effet et pourrait être primitif. « Iahvé, avec toi ! — 
Iahvé est avec moi ? mais si Iahvé... » etc. — 13 b est plutôt du rédac- 
deutér, dans la manière des vv. 8-10. La réponse demeure, brève et sèche, 
mais suffisamment claire d’après les circonstances pour que l’ange dans sa 
réponse fasse une allusion à Madian. 

14) G : « l’ange » de Iahvé, ce qui prouve avec quelle facilité on l’intro- 
duisait dans le texte. Dans la rédaction actuelle, il y a comme une prépa- 
ration au signe final. Iahvé se fait reconnaître peu à peu, et Gédéon se 
doute bien vite de sa présence. C’est une manière de présenter les choses 
très acceptable, mais il ne semble pas que ce soit la primitive, à en juger 
par l’importance qu’attache Gédéon â bien traiter son hôte au point de vue 
matériel sans paraître se douter de sa personnalité. Les éléments qui pré- 
parent et supposent même la reconnaissance peuvent-ils avoir été ajoutés 
par un rédac.? on n’en voit guère la raison. Tout s’expliquerait très bien 
s’ils appartenaient à E, faisant partie d’une vision que Gédéon a dû avoir 
dans son texte, probablement la nuit (v, 25), en particulier la demande 
d’un signe 17 b , qui précéderait très exactement v. 36 (E). 

■ynnStP abn, suppose que Iahvé est connu, l’envoi par le premier 
venu n’aurait pas d’importance. nSh comme 4 6.14, dans le sens affirmatif. 



122 


juges, 6 15-18 

moi qui t’envoie? [J] 15 Et il dit : Vrai, Seigneur, comment 
sauverais-je Israël? ma famille est une des plus modestes de 
Manassé, et je suis sans importance dans la maison de mon 
père. [EJ 16 Et ‘l’ange* de Iahvé lui dit : C’est que je suis 
avec toi, et tu battras Madian comme un seul homme. [J] 17 Et 
il lui dit : Si j’ai trouvé grâce devant tes yeux, [E] tu me don- 
neras un signe que c’est toi ‘ qui me parles *, [J] 18 ne t’éloigne 

17. won ; TM -niQ. 


15) Gédéon ne répond pas à la mission, mais à la force qu'on lui attribue ; 
c’est une réponse analogue à celle de Saiil (1 Sam. 9 21). mais très en 
situation. Lire la ponctuation sainte qui s’adresse à Dieu a été ajoutée 
ayant que la situation ne le demande, comme Gen. 18 3. f|Sn est ici une 
subdivision de la tribu équivalent à nri2U7Q comme dans I Sam. 23 23. 

16) «Le v. est dans la situation où Dieu se révèle comme l'interlocuteur, 
sans se manifester entièrement, i) est de plus conforme dans les termes au 
célèbre passage élohiste, Ex. 3 12-14. Sur LXX, cf. infra. 

17) 17 b répond très bien à v. 16, Gédéon demande un signe pour savoir si 
c’est bien Dieu qui lui parle et qui l’envoie. Dans 17a, il emploie seulement 
une formule d’invitation qui n'a rien d’exagéré pour prier un hôte d’accep- 
ter l'hospitalité (Gen. 18 3) et qui d’ailleurs est très ordinaire dans J. Budde 
considère sans raison 17b comme une pure glose et peut ainsi considérer 
W relatif comme moderne : mais ce procédé ici, au moins dans son système 
documentaire, n’est pas moins violent que 5 7. — Mettre l’article tombé 
par haplographie devant IXTD ; cf. Gen. 45 12 (Moore). 

Nous devons examiner maintenant les variantes grecques desvv. 16 et 17. 

Au v. 16, A et B ont : « l’ange du Seigneur lui dit : le Seigneur sera avec 
toi » ce qui élimine toute dissonance, et au v. 17 mais seulement dans B : 
« Si j’ai trouvé grâce à tes yeux, et si tu me fais aujourd’hui tout ce que tu 
m’as dit ». Au v. 17 le texte de B doit être une altération intérieure au texte 
grec <Tri{xepov pour <jt)|xsIov, car « aujourd’hui » ne peut être en situation. Le TM 
étant maintenu pour v. 17, la constatation faite sur ce verset, d’une tenta- 
tive du grec d’éliminer ce qui amène la reconnaissance rejaillit aussi sur le 
v. 16; c’est-à-dire qu’au v. 16, nous préférons comme antérieur le texte 
qui harmonise moins les deux documents J et E, d’autant que le TM est 
soutenu par Lag., 1* éd. Aldine , le Syr.-hex. et VAnc.-lat. 

18) Comme nnJD ne signifie nulle part un repas offert, on soupçonne 
encore ce mot d'être une retouche pour mettre dans la bouche de Gédéon 



juges, 6 19-21 


123 

pas d'ici, jusqu’à ce que je vienne vers toi et je présenterai 
mon offrande et je la placerai devant toi. Et il dit : Je resterai 
jusqu’à ton retour. 19 Et Gédéon s’en alla et prépara un chevreau 
et un épha de farine en pains cuits sous la cendre et il plaça la 
viande sur un plat et il mit le bouillon dans une marmite et il lui 
présenta sous le térébinthe et il s’approcha. 20 Et l’ange * de Iahvé ’ 
lui dit : Prends la viande et les pains et dépose [les] sur cette 
pierre et répands le bouillon. Et il fit ainsi. 21 Et l’ange de Iahvé 

20. mrp ; TM D\iSn Dieu. 


quelque chose qui convienne à la nature divine de son interlocuteur ; le 
grec a Ooaîa, un sacrifice. Il se peut que le mot ait été choisi à double sens 
par l’auteur, mais le sens de présent est bien attesté, et il y a un jeu de 
mots avec TTIJ hiph'il , qui n’est pas l’expression technique pour l’offrande 
de la nnJC, non plus que H. Ce sera de fait un sacrifice, sans que Gédéon 
le comprenne encore. 

19) La valeur de l’épha est trop peu connue pour qu’on puisse dire que 
les préparatifs sont exagérés : d’ailleurs le terme peut être pris vaguement 
pour une bonne mesure. Gédéon apporte le chevreau bouilli, la chair dans 
une corbeille, le bouillon dans la marmite où a cuit le chevreau ; ce point 
rendra la combustion beaucoup plus extraordinaire. Tout cela est très 
naturel en soi, très en harmonie avec le miracle final : Budde croit savoir 
que dans le récit primitif le chevreau était rôti ! Mais ce dernier mode 
exige en somme plus de temps parce qu’on fait rôtir la bête en entier, et 
est moins fréquent lorsqu’il s’agit des chevreaux, du moins de nos jours. 

Le dernier mot est lu par G(B) au qui , « et il s’approcha » ; par TM 
t et il l’offrit », qui peut s’entendre d’un sacrifice ( hiph'il ) ; le G (A et Lag.) 
et il se prosterna. Dans l’ordre où nous avons placé ces variantes, on 
trouve de plus en plus chez Gédéon la connaissance de la personne qui lui 
parle; le texte de G(B) est donc le meilleur, d’autant qu’il est le plus natu- 
rel sans objet exprimé; Gen. 27 25 a du moins un complément. 

20) Lire mrp au lieu d’Élohim avec LXX, Vg. Le verset est absolument 
en situation, contre Budde , Moore : il est vrai qu’il prépare le miracle, et 
que Gédéon doit être étonné de ce qu’on lui fait faire : mais si le signe est 
ainsi mieux préparé, c’est par l’auteur qui savait où il menait le lecteur, 
l’obéissance de Gédéon envers l’inconnu est seulement mise à l’épreuve. 

21) Le feu sort du rocher où le chevreau a été mis. Est-il nécessaire de 



124 


juges, 6 22-24 

étendit l’extrémité du bâton qu’il avait à la main et il toucha la 
viande et les pains ; et le feu monta du rocher et consuma la 
viande et les pains, et l’ange de Iahvé disparut. 22 Et Gédéon 
vit que c’était l’ange de Iahvé, et Gédéon dit : Hélas, mon Sei- 
gneur Iahvé, est-ce donc pour cela que j’ai vu l’ange de Iahvé 
face à face! 24 Or Gédéon bâtit là un autel à Iahvé, et il le 

dire que l’auteur avait bien le droit de varier ses ternies et de mettre TIX au 
lieu de vSd du v. précédent ? — Il est très étonnant que l’ange disparaisse 
ici puisque Iahvé parle encore v. 23. Moore et Budde supposent que 21 b p 
a été ajouté d’après 13 20, mais on n’ajoute pas sans raison des mots qui 
gênent, d’autant que l’occasion était bonne de dire comme 13 20 que l'ange 
monta dans la flamme. Il faut, ou bien dire avec Calmet que ces mots 
appartiennent à la vision nocturne, nous dirions aujourd’hui au document 
E, ou bien insister sur la différence entre l’ange de Iahvé et Iahvé, de sorte 
que peut-être pour l’auteur Iahvé du v. 24 indiquait un autre mode de révé- 
lation. 

22) Budde note avec raison qu’on devait primitivement ponctuer ^"TN, 
mon seigneur au sing., la ponctuation ijtn étant en partie artificielle; 
réservée pour Dieu par les massorètes, elle a dû être étendue au cas où il 
s’agissait de Dieu, p Sy '3 de J, Gen. 33 10 ; 38 26 ; Nura. 10 31, mais de E, 
Gen. 18 5; Num. 14 43. Ces mots ne peuvent signifier quia qu’indirecte- 
ment ; « je suis perdu, car ce ne peut être que parce que je dois mourir que 
j’ai vu.... » la mort est sous-entendue en pareil cas, cf. surtout Gen. 32 31. 

23) La parole de Iahvé peut ici avoir été une parole intérieure, cf. Gen. 
31 3 etc. 

24) Hum. croit que le v. est du rédacteur : sans aucune raison. On voit 
ici avec quelle simplicité l’auteur suppose que Gédéon a suivi les coutumes 
des patriarches, sans aucune préoccupation de la loi sur l’unité d'autel. 
Gen. 8 20 ; 12 7 ; 13 18; 26 25 ; 33 20; Ex. 17 15. Hum. comprend très bien 
que cet autel ne peut être le même que celui qui va être construit à la 
place de l’autel de Baal qu’à la condition de supposer que le même fait a 
été raconté par deux auteurs de deux manières différentes. Il suppose donc 
très gratuitement que notre autel a été construit après la victoire en même 
temps que l’éphod, 8 27! La réflexion de l’auteur, que l’autel existe encore, 
remonte au temps où ces autels de Iahvé n’excitaient pas de reproches, 
même à proximité de Jérusalem. Pour Hum. Gédéon a imité les actes des 
patriarches mais non leur esprit : comment le sait-il ? La Vg . a lié à tort la 
fin du v. au v. suivant. 



juges, 6 25 125 

nomma : Iahvé-Chalom [Paix] ; il est encore jusqu'aujourd'hui 
à 'Ophra d'Abiézer. 

[E] 25 Or pendant cette nuit Iahvé lui dit : Prends le veau * gras * 

25. TM *iwn du taureau . — Omettre DW nw WH 12V — 

Omettre 2° loco "p2Nb ItPN. 


25-32. Lutte de Gédéon contre Baal, il reçoit le nom de Ieroubbaal. — 
Il est évident et la Vg . l’ajoute en toutes lettres au v. 26, que Gédéon n’a pas 
bâti deux autels à Ophra, c’est le sentiment de la majorité des exégètes 
catholiques. Mais peut-on dire que ce qui suit n’est que l'explication de ce 
qui précède, par le même auteur? Comment se fait-il que les récits soient 
si différents ? Dans le premier cas, Gédéon ne paraît se soucier nullement 
de la présence du culte de Baal : il ne paraît pas croire que le peuple soit 
dans l’infidélité, v. 13 ; la vision a lieu le jour, elle est suivie d’un miracle, 
Gédéon bâtit l’autel pour perpétuer ce souvenir. Dans le second récit, dit 
explication du premier, il y a en réalité une autre narration du même 
fait ; c’est le même fait avec des circonstances différentes, donc l’œuvre 
d’un auteur différent. Ce récit commence d’une façon abrupte, c’est une 
révélation nocturne, qui fait immédiatement penser à E ; Gédéon sait par- 
faitement à qui il parle. Le morceau se soude donc à v. 7 par l’intermédiaire 
d’un début dont nous avons les traces v. 14b, 16 et 17b. fl n’est pas si bien 
lié à 8-10 que le veut Moore qui l’attribue à E 2 de Budde ; 8-10 est univer- 
saliste, les dieux des Amorrhéens; ici il s’agit très déterminément de Baal. 

25) Il n’y a rien à tirer du TM : « le taureau du second, sept ans », qui 
devient ensuite le << second taureau » vv. 26 et 28. Impossible d’expliquer 
un second taureau ni ce que font les sept ans, qui dans TM ne peuvent 
être l’âge du taureau. La restauration de Kittel (dans la traduction de 
Kautzsch) : a prends dix de tes esclaves et un taureau de sept ans » est 
très osée, il faut ensuite supprimer le second taureau. Le G (A et Lag) 
donne 12 « un taureau gras », au lieu de YftTn 12 qui est aussi assez 
étrange, et reproduit la même leçon v. 28. Elle est très bonne, c’est le veau 
gras qui est censé être dans l’étable. Peu importe d’où vient la confusion 
massor. Il se peut que ayant été transcrit par mégarde on ait 
voulu ensuite expliquer ce taureau second comme un taureau âgé, du mot 
natT année, en lui attribuant sept ans, le temps de l’oppression madianite 
v. 1. 1UN 2° loco doit être effacé comme une dittographie ; l’autel de 

Baal n’était pas la propriété privée du père de Gédéon; c’était l’autel du 
village. Sur l’achéra cf. RB. 1901, p. 547 sa. 



126 juges, 6 26-30 

qui est à ton père, [ ], et tu renverseras l’autel de Baal [ J 
et tu couperas l’achéra qui est dessus. 26 Et tu bâtiras un autel 
à Iahvé ton Dieu au sommet de ce lieu fortifié, en appareil, et 
tu prendras le veau * gras * et tu l’offriras en holocauste avec le 
bois de l’achéra que tu auras coupée. 27 Et Gédéon prit dix hommes 
parmi ses serviteurs et il fit comme lui avait dit Iahvé, et comme 
il craignait [trop] sa famille et les gens de la ville pour le 
faire de jour, il le fit la nuit. 28 Or les gens de la ville se levèrent 
le matin, et voici que l’autel de Baal était rompu, et l’achéra qui 
était sur lui coupée et on avait offert en holocauste le veau * gras * 
sur l’autel qu’on avait bâti. 29 Et chacun dit à son compagnon : 
Qui a fait ce coup? et ils firent une enquête et cherchèrent et 
dirent : c’est Gédéon fils de loas qui a fait le coup. 30 Et les gens 

26. yGW; TM wn le second. 

28. TM wn le second. 


26) Le mot TWO ne peut signifier ici « forteresse, lieu de refuge », car son 
sommet serait le toit. Le G l’a entendu du nom propre d’une montagne (A, 
Lag). Mais le sens d’endroit naturellement escarpé n’est pas impossible. — 
riDlVG ne signifie pas une « rangée de bois », puisque le bois sera mentionné 
ensuite, ni la rangée des soldats, son sens ordinaire, sans application ici. 
Le plus simple est de le rapporter directement à la construction de l’autel : 
tu bâtiras en rangée, naturellement de pierres; l’autel ne doit pas être fait 
trop au hasard, mais en appareil régulier vraiment bâti (v. 28), comme 
devant durer. La Vg. a remplacé le mot difficile par une glose harmonisante 
avec v. 20 : super quam ante sacrificium posuisti. 

28) IpHÜ D^D12?n est selon nous une bonne marque de E. Le passif nSvN 
est précédé de son régime avec r\N Kœn. 108 ss., le verbe ayant alors un 
sens impersonnel. Ce sens est d’ailleurs au passé, on s’aperçoit que le 
taureau a été sacrifié, il manque à l’étable et on peut constater qu’il y a»eu 
un holocauste. La Vg. a rendu par à peu près, viderunt.... taurum .... irnpo- 
situm. Mais alors il y aurait eu flagrant délit, non pas enquête. G(B) a 
compris (comme Rosen.) ron avec la force de ils virent , gouvernant PN, et 
sous-entendu devant nSîTri. 

30) C’était à loas à punir son fils ; il pouvait lui répugner de le faire ; les 
gens de la ville lui demandent pacifiquement de le leur abandonner. Il y a 



127 


juges, 6 31-32 

de la ville dirent à Ioas : Amène ton fils et qu’il meure ! car il 
a rompu l’autel de Baal et il a coupé l’achéra qui était dessus. 
31 Et Ioas dit à tous ceux qui se tenaient devant lui : Est-ce vous 
qui défendez Baal ? est-ce vous qui le sauverez ? (que celui qui le 
défend soit mis à mort jusqu’au matin). S’il est dieu, qu’il se 
défende, puisqu’il a rompu son autel. 32 Et on le nomma ce jour-là 

des exemples semblables dans l'antiquité classique aussi bien que (Moore) 
dans la légende de Mahomet. L’abandon du coupable a pour but d’éviter la 
naissance du droit de vengeance en même temps que l’odieux d’une punition 
domestique. C’est très faussement qu’Hum. le représente comme le sou- 
verain magistrat siégeant à son tribunal. 

31) Ioas refuse de livrer son fils; c’est à Baal de venger ses injures, s’il 
est dieu qu’il combatte pour lui-même. Il se peut que le bonhomme ait été 
déjà frappé de l’inaction de Baal et que des doutes sérieux se soient élevés 
dans son esprit sur Baal lui-même. La phrase "KPN et ss., jusqu’à *lpin 31® à 
ne peut signifier qu’une chose : celui qui prendra fait et cause pour Baal 
sera mis à mort jusqu’au matin et probablement avant demain matin. Or 
Ioas ne peut vraiment passer à cet excès de zèle contre' Baal; ces mots 
jurent avec sa défense habile et modérée. C’est la glose d’un scribe zélé quj 
introduit ici la peine de mort légale pour de pareils excès ( Budde ). Les 
quatre derniers mots sont peut-être une simple répétition de copiste 
d’après v. 32. 

32) Il importe fort peu que l’étym. soit fausse; elle est donnée comme 
populaire. On pouvait songer, en prenant pour point de départ 1>1, « soute- 
nir la cause », à trois combinaisons : Baal soutient sa propre cause (îb), selon 
v. 31 ou : Baal soutient une cause contre lui (il), cela parait être ici le sens, 
ou : il combat contre Baal, et cela paraît être le sens du récit. Mais ces 
divergences ne prouvent pas que le v. 32 soit secondaire (contre Budde) ; 
si l’auteur a choisi la seconde combinaison, c’est qu’elle constitue le dernier 
mot de la petite histoire : il a attaqué Baal, que Baal se défende, que Baal 
se défende donc contre lui. On voit que l’auteur ne cherchait pas une 
étymologie proprement dite, mais en tous cas lb 1T était moins favorable 
par la présence de lb, tandis que 11 entrait dans la duplication du l. Quant 
à l’étym. elle-même, Budde rejette la racine 1V1 qui ne donnerait pas un 
futur en ou et pense avec Wellhausen à SyiVV, « fondation de Baal »», comme 
Snm Mais la duplication du l ne s’expliquerait pas. Il vaut mieux dire 
avec Ges. !ï que la racine 111, inusitée, est exigée par ce nom et par la 
forme nxtflT qu’il a II Sam. 11 21, le futur l’T contracté en SviT • « Baal 



128 juges, 6 33 

Ieroubbaal, disant : Que Baal plaide contre lui, car il a rompu 
son autel. 

33 Or tout Madian et 'Amaleq et les Orientaux se réunirent 
ensemble, et ils passèrent [le fleuve] et ils campèrent dans la 

combat, » ou « celui qui combat pour Baal », ou « contre Baal ». On peut 
supposer que TH se comportait comme 2^1 qui gouverne parfois l’accus. 
soit de la personne qu’on défend, soit de celle contre laquelle on plaide. 
Philologiquement, ce qui nous paraît le plus probable c’est que Baal était 
le sujet, comme dans les autres noms théophores. Il n’y a aucun inconvé- 
nient à ce que le nom ait pu être porté par des serviteurs de Baal. Il faut 
seulement retenir que ce n’est point le nom de naissance de Gédéon, car 
l’auteur qui raconte le culte de la maison de Ioas pour Baal n’avait aucune 
raison de céler cette circonstance. Le nom est donc occasionnel, et le 
peuple a dû l’interpréter bien souvent d’un homme qui combat contre 
Baal ; l’auteur a montré un sens de la langue plus vrai en prenant pour 
sujet Baal. 

33-35 Appel aux ahmes contre les Mamans es. — Le premier verset est 
l’introduction du chap. suivant que nous attribuerons pour le récit à E, il 
doit donc être de E. Dans J les Madianites étaient déjà actuellement pré- 
sents puisque Gédéon se cachait d’eux v. 12 ss. Le verset suivant (v. 34) 
suppose Gédéon parfaitement résolu et déjà en action, ce qui concorde 
moins bien avec le signe de la toison (de E). Il sera donc de J, venant très 
bien après v. 24; de plus Abiézer deux fois nommé dans J v. 11 et v. 24 
confirme cette origine. Le v. 35 a paru une sorte de reproduction avant le 
temps de ce qui a dû se passer après la bataille, 7 23 s., lorsque les autres 
Israélites doivent se porter au-devant de l’ennemi. C’est alors seulement 
que Gédéon fait appel aux tribus. Budde a conjecturé que cet appel a été 
placé ici pour expliquer le grand nombre de gens qui sont avec Gédéon 
7 2-8. Cependant il est assez rationnel que Manassé très voisin ou plutôt 
de la tribu même réponde immédiatement, tandis que la réponse d’Acher, 
et de Nephtaii ne se trouve mentionnée que plus tard 7 23. Dans la pensée 
de l’auteur ils se mettent en marche mais n’arrivent qu'après l’événement. 

33) Il n’y a ici aucune raison grammaticale de considérer comme une 
glose ’Amaleq et les Orientaux. 'Amaleq a pu faire une campagne avec les 
Madianites en tournant le sud de Juda. Son expansion a pu être plus grande 
alors qu’au temps deSaül; rien d’étonnant dans ce monde oriental nomade. 
E, qui avait probablement parlé en général des invasions de Madian, en cite 
une qui se présente à point nommé. Ils ont passé le Jourdain et sont 



juges, 6 34-37 


129 


plaine de Iezréël. [J] 34 Et l’esprit de Iahvé revêtit Gédéon, et 
il sonna de la trompette, et Abiézer se groupa derrière lui, 35 et il 
envoya des messagers dans tout Manassé, et il se groupa aussi 
derrière lui et il envoya des messagers dans Acher et dans 
Zabulon et dans Nephtali et ils montèrent 'au devant de lui \ 
[E] 36 Et Gédéon dit à Dieu : Si tu dois sauver Israël par mes 
mains comme tu l’as dit, 37 voici que j’étends dans l’aire une toi- 

34. iriNipb ; TM nniopb au-devant d'eux. 


campés dans la plaine de Iezréël; le nom de celte ville, auj. Zer'Cn, indi- 
querait plutôt la partie orientale de la grande plaine (auj. Merdj ibn 'Amir) 
qui commence h ses pieds pour aller à l’ouest jusqu’à l’embouchure du 
Cison (Jos. 17 16; Os. I 5). 

34) L’esprit de Iahvé revêt Gédéon, cette forme du don de l’Esprit seu- 
lement encore I Chr. 12 18 ; II Chron. 24 20, où il s'agit aussi d’actes qui 
demandent une force particulière. Sonner de la trompette, comme 3 27 ; 
Abiézer est convoqué, c’est-à-dire répond à l’appel; c’est la forme passive, 
niph'al servant de passif à hiph'il, relativement à 4 10.13; tournure assez 
bizarre : leG(A, Lag) Abiézer cria derrière lui, pyîVj. 

35) Il y a encore Zabulon en plus de ce que donne 7 23 après la victoire. 
Aller à leur rencontre n’est vraiment en situation que 7 24, quand il s’agit 
de couper la retraite; G(A et Lag ) IPNIpS au-devant de Gédéon. Tout 
Manassé est ici opposé au clan d’Abiézer, il ne peut être question du 
Manassé oriental. 

36-40) L’épreuve de la toison. — On ne voit d’autre nom divin qu’Élobim 
qui se présente trois fois v. 36.39.40, également dans le G. Le morceau est 
donc de E. Gédéon demande à Dieu un signe avant de se mettre à l’œuvre. 
Dans notre analyse, c’est une suite des vv. 16, 17 b ; Gédéon sollicité (en 
songe probablement, comme v. 25) de frapper Madiau a d'abord demandé 
un signe pour savoir si c’était bien Dieu qui parlait; il en demande un 
autre pour savoir si Dieu est décidé à tenir sa promesse. Les deux signes 
sont donnés de nuit. □StPI v. 38 est pour nous une excellente marque 
de E. 

36) Allusion à v. 16. 

37) Il s’agit d’une toison, la peau avec la laine. Les Orientaux aiment à 
s’en servir comme d'habit, la composant même de la laine de plusieurs 
brebis ajustée à une seule peau. La rosée devait naturellement imbiber 

P. Lagrange. — Le» Juge». î» 



130 


juges, 6 38-7 1 

son : s’il y a de la rosée sur la seule toison et que toute la terre 
soit sèche, je saurai que tu sauveras Israël par ma main comme 
tu l as dit. 38 Et il en fut ainsi. Et il se leva de bon matin et il 
pressa la toison et il exprima la rosée de la toison plein une 
coupe d’eau. 39 Et Gédéon dit à Dieu : Ne t’irrite pas contre moi, 
et je parlerai encore une fois : que je fasse seulement une fois 
encore l’épreuve de la toison. Qu’il n’y ait de sécheresse que sur 
la toison seule, et qu’il y ait de la rosée sur toute la terre. 40 Et 
Dieu fit ainsi pendant cette nuit-là ; et il y eut de la sécheresse 
* sur ’ la toison seulement et il y eut de la rosée sur toute la terre. 

7. — [E] 1 Or Ieroubbaal, qui est Gédéon, se leva le matin et 

40. Sy ; TM Sn vers. 


davantage la toison que le sol, aussi Gédéon demandera un signe encore 
plus extraordinaire. Les rosées les plus abondantes en Palestine sont sou- 
vent en juillet; les Madianites ont dû venir en effet au moment de la 
récolte. A ce moment on couche volontiers dehors, sur les aires à ciel 
découvert et les chaudes couvertures ne sont plus nécessaires. L’ensemble 
est très pittoresque et très naturel. 

38) HXQ, ordinairement sucer , ici exprimer de. SsD comme 5 25 f; *77^7 
de 117. 

39) Gédéon après avoir obtenu un signe si éclatant en demande un autre. 
C’était bien le moins qu’il s’excusât; on peut cependant reconnaître avec 
Budde que son excuse doit porter sur ce qu’il tente encore une fois, non sur 
ce qu’il parle encore une fois ; D^SH rnXTNI peut donc être emprunté à 
Gen. 18 32 où il est mieux en situation puisque c’est un entretien qui se 
prolonge. 

40) Lire Sv et non Sn, comme v. 37. 

Gédéon a peut-être demandé un signe aussi visible pour donner du cou- 
rage à ceux de son clan. Origène ou un novatien (hom. publiées par Mgr Batif- 
fol) rapporte comme ancienne l’explication spirituelle qui comparait la rosée 
à la grâce divine; la toison était le peuple juif, d’abord seul objet spécial 
des faveurs de Dieu, qui depuis s’en était rendu indigne quand cette rosée 
inondait toute la terre. Voir dans Hum. diverses appréciations morales sur 
la conduite de Gédéon et d’autres significations typiques. 

i-8. Le choix des combattants. — Budde remarque que l’épreuve des 
braves se place 2-G a entre deux indications de la situation militaire, c’est- 



131 


JUGES, 7 1 

tout le peuple qui était avec lui et ils campèrent à ' Aïn Harod, 
ayant au nord le camp de Madian, dans la plaine, à partir de la 

à-dire que le morceau manque d’unité littéraire. De plus ces 32.000 hommes 
seraient pris dans les tribus convoquées 6 35 et renvoyés pour être convo- 
qués de nouveau 7 23. Le plus grave est que la victoire principale est 
l’œuvre du clan d’Abiézer 8 2; comment se fait-il que les 300 soient juste- 
ment ceux de ce clan? Le plus simple est qu’ils ont seuls suivi Gédéon 
tout d’abord, 6 35 étant une glose. Toute la valeur Historique de notre 
passage se réduirait donc à cette explication morale que c’est bien Dieu qui 
seul a sauvé Israël par cette poignée d’hommes. — Il est cependant difficile 
d’admettre qu’une histoire si pittoresque soit un simple midrach d’époque 
récente. Toute l’argumentation de Budde ne porte en réalité que sur le 
v. 3 qui contient le chiffre énorme et invraisemblable de 32.000 hommes, 
et qui de plus renferme une allusion à la loi de Dt. 20 8. Le caractère de 
surchage de ce verset vient encore de la double épreuve. A prendre le 
reste du texte, sauf v. 3, il pouvait y avoir avec Gédéon à ce moment un 
millier de personnes, ce qui ne suppose pas l'arrivée des tribus sauf 
Manassé. Le v. 3 est une glose du temps où les prescriptions du Deut. 
étaient appliquées strictement, cf. I Macch. 3 56 = Dt. 206 . Il est d’ailleurs 
dans l’esprit de E pour toute cette histoire de faire ressortir fortement le 
secours divin, cf. l’épisode de la toison et les événements du ch. 7. Nous lui 
attribuons donc ce morceau. Les expressions peuvent être de lui : DDtyn 
v. I ; ^3fTI v. 5 comme VYQ 6 37. 

1) Le mot poy la vallée ne peut s’expliquer que dans le sens de vallée de 
Iezreôl 6 33. Les Madianites qui viennent de passer le Jourdain, de 
remonter la vallée de BeisAn viennent à peine de déboucher dans cette 
plaine ; leur campement Va de la colline de Moré à la plaine, ou plutôt est 
dans la plaine à partir de la colline de Moré. fTVIQ n3TU ne se trouve pas 
ailleurs. Le térébinthe de Moré près de Sichem (Gen. 12 6; Dt. 11 30) n’a 
rien à faire ici. Il n’est pas étonnant que le nom de Moré se soit trouvé 
dans deux endroits si on le rattache comme Sayce et Hommel ( Die altisr. 
Ueberliefer . p. 172 note) à la population primitive des Amorrhéens, 
Amurru, Marlu , Moreh. Mais si Moré signifie « le devin », le voisinage 
d’Endor avec sa pythonisse serait assez indiqué. Le Ps. 83 H introduit for- 
mellement Endor dans l’affaire des Madianites; ce n’est pas une raison 
pour changer avec Grœtz lin yy en INI ’py, mais il y a là une indication 
topographique. La colline de Moré pourrait être le Nébi Dabi , nommé par 
les chrétiens petit Hermon, et le nom pourrait s’être conservé au Kh. 
Temrah , près d’Endor. Dès lors Gédéon situé au sud des Madianites devait 



132 


JUGES, 7 2-4 

colline de Moré. 2 Et Iahvé dit à Gédéon : le peuple qui est 
avec toi est trop nombreux pour que je livre Madian entre leurs 
mains, de peur qu’Israël ne se glorifie plutôt que moi disant : C'est 
ma main qui m’a sauvé. [R] 3 Et maintenant proclame aux 
oreilles du peuple disant : que ceux qui ont peur et qui tremblent 
s’en retournent. * Et Gédéon les éprouva *, et il s'en retourna 
vingt-deux mille du peuple et dix mille restèrent. 4 Et Iahvé 
dit à Gédéon : Le peuple est encore trop nombreux. 

[E] Fais-les descendre vers l'eau, et je les éprouverai là, et celui 
dont je te dirai : celui-ci ira avec toi, celui-là ira avec toi et tous 
ceux dont je te dirai : celui-ci n’ira pas avec toi, celui-là n'ira 

3. pru DSW ; TM lySan ma isxn et il sauta du mont de Galaad. 


occuper 'Aïn Djdloud , comme on l’entend depuis longtemps. Cette source 
donne naissance au Nahr Djdloud qui se jette dans le Jourdain près de 
Beisân. Budde objecte que la source f Aïn Djàloud est au-dessous du niveau 
de la plaine d’Esdrelon, ce qui est contraire à la donnée du v. 8 h . Mais on 
peut supposer que le v. 8 comprend un changement de camp et au v. 5 on 
descend à la source, le petit ruisseau n’avait sa raison d’être que pour 
l’épreuve; ou encore que 'Aïn Harod est plutôt 'Aïn el-Meiyitè à 180 pieds 
au-dessus de 'Aïn Djàloud; ou encore que la vallée de Iezréëi désigne ici 
la vallée au n.-o. de Zer'în, qui commence la grande dépression qui est vers 
le Ghôr. De toutes manières les données générales sont certaines, et c’est 
une erreur que de se porter avec Moore aux environs de Sichem. 

2) INSnn comme Is. 10 13-15, mais combien le ton du prophète est plus 
élevé et sa théologie plus transcendante ! 

3) Allusion à Dt. 20 8. Le mont Galaad est impossible, Calmet après Le 
Clerc le change en Gelboé, ce que Hum. rejette faute du témoignage des 
versions ; il préfère supposer que le nom de Galaad encore incertain 
s’appliquerait tantôt à l’une, tantôt à l’autre rive! La meilleure correction 
est celle de Moore D213P*. Il on part 22.000, il en reste dix mille, 
chiffres impossibles dans la circonstance. 

4) Budde veut que dans le sens d 'éprouver soit d'une langue tardive, 
premier usage Jer. 9 6. Mais le sens ici est moins éprouver que dégager les 
éléments purs. La même racine fournit en assyrien le nom de l’argent, 
métal pur. Ce n’est pas eux qui sont mis en demeure de choisir, comme au 
v. précédent. 



133 


juges, 7 5-8 

pas avec toi. 5 Et il fit descendre le peuple vers l’eau, et Iahvé dit 
à Gédéon : tous ceux qui laperont l’eau avec leur langue comme 
lapent les chiens, tu les mettras à part et tous ceux qui plieront 
les genoux pour boire * tu les mettras à part \ 6 Or le nombre de 
tous ceux qui lapèrent * avec la langue ’ fut de trois cents hommes 
et tout le reste du peuple plia les genoux pour boire de l'eau. 
7 Et Iahvé dit à Gédéon : Je vous sauverai avec ces trois cents 
hommes qui ont lapé, et je livrerai Madian dans tes mains, et que 
tous les autres s’en aillent chacun chez soi. 8 Et il prit ‘ les pots * 

5. nb mx r»n ; TM om. 

6. ; TM oms by cnn la main à la bouche . 

8. np*V, TM inpV| et ils prirent . — HD; TM mï les provisions. — DVT2 ; 
TM DT2 dans leurs mains . 


5) Boire comme un chien c’est boire à même, mais comme si on avait 
quatre pattes; on s’appuie des deux mains et sur un pied, l’autre pied en 
l’air (Stade ZATW. 1896, 183 ss.). Compléter le v. d’après G(A, Lag). 

6) Doit être rétabli d’après G(A, Lag ) ; ce n’est pas en portant la main à 
la bouche qu’on lèche comme font les chiens, D^uSl doit donc remplacer 
DiVS Sn Dm qui peut être très bien placé à la fin du verset. Le TM 
supposerait que ceux qui se couchent boivent à même comme des gloutons, 
les autres se tiennent sur les pieds et s’appuient d’une inain, en quoi ils 
ressemblent h des chiens, et portent l’eau à leur bouche avec l’autre main. 

7) Les trois cents sont liés à l’histoire de l’épreuve ; SPETIN comme 6 36 ; 
tout le peuple, en nombre indéterminé comme v. 1. 

8) mï à l’état abs. devant oyn est absolument impossible, sans parler 
de la nourriture de tout ce monde pour trois cents personnes. Moore a bien 
vu qu’il fallait lire HD, les pots y qui joueront un rôle avec les trompettes et 
accepte cette correction textuelle quoiqu’elle compromette son analyse litté- 
raire qui attribue les pots à J, les trompettes à E. Buddc lit « et il prit les 
pots du peuple de leurs mains » et se voit obligé d’attribuer v. 8 à un 
rédacteur. La correction est excellente, mais c’est un argument de l’unité 
du récit suivant. On peut cependant supposer avec Kœn. 285 d que le 
texte avait "TJf defective pour T3? et que le n ayant été redoublé par dilto- 
graphie de copiste, les massor. en sont venus à considérer üyn comme le 
sujet. Dès lors, ils ont dû mettre le verbe au pluriel et lire DTD. au lieu de 

ruma le camp, sans être propre h E,est beaucoup plus fréquent chez 



134 


juges, 7 9-12 

que les gens avaient * de’ leurs mains, et leurs trompettes, 
et il renvoya tous ceux d’Israël chacun à sa tente, et il ramassa 
les trois cents hommes. Or le camp de Madian était par rapport 
à lui en bas dans la vallée, 9 et il arriva pendant cette nuit que 
Iahvé lui dit : Lève-toi, marche contre le camp, car je te le livre. 

Et si tu crains de marcher, descends au camp toi et Poura, 
ton serviteur, 11 et tu écouteras ce qu’ils disent, et après tes 
mains seront réconfortées et tu marcheras contre le camp. Et il 
descendit lui et Poura son serviteur à l’extrémité des guerriers 
qui étaient dans le camp. 12 Or Madian et 'Amaleq et tous les 

lui qu’ailleurs. Israël rentre dans ses tentes, souvenir de la vie nomade. 
La position des Madianites n’est pas indiquée à nouveau comme par un 
doublet de v. 1 (contre Budde ); on dit seulement qu’ils étaient en contre- 
bas, ce qui cadre avec les mots adressés à Gédéon de descendre et avec 
l’image du pain qui roule dans le camp. 

9-15. Gédéon au camp de Madian. — Ce passage se soude étroitement à la 
donnée topographique 8 b ; il semble bien être de E, débutant comme 6 25 ; 
de plus le songe et son interprétation sont tout à fait dans la manière de E. 
La journée commencée v. 1 s’est passée dans les événements racontés de 
2-8. Faute de les attribuer à E, Budde est embarrassé pour joindre 1 à 9. 

9) D’après la Vg. qui ajoute solus au v. 10, Dieu dirait à Gédéon d’aller 
explorer seul, et que, s’il craint d’aller seul, il prenne son servant d’armes, 
Mais ici TV> est pris deux fois avec des nuances différentes ; la première 
fois, avec 2, il s’agit d’aller combattre contre le camp que Dieu lui livrera ; 
la seconde fois, avecS#, d’une exploration vers le camp. Gédéon croit pou- 
voir accepter cette précaution puisque Dieu la lui offre. Le son ou n’est 
guère garanti pour le nom de l’écuyer ; les LXX et même la Vg. ont Phara , 
non Phoura. On a plus de cœur à deux; c’est ce que dit Diomède en pareil 
cas (Iliade X 220 ss.). 

11) O'tZnDn seulement Ex. 13 18 (E) et Num. 32 17 où il faut lire ainsi, 
non o^n ; et encore Jos. 1 14; 4 12 qui était d’après Num. 32 17. 

12) Ce v. est bien en situation : Gédéon eût dû se sentir épouvanté en 
prenant le contact avec cette multitude (contre Budde qui en fait une 
glose) ; c’est un rappel de 6 33, approprié à la circonstance. SsJ dans le 
sens de « s’abattre » convient aux sauterelles et est très pittoresque (contre 
Moore qui le joint au sable : le sable ne s’abat pas). La confusion d'une 
pareille multitude explique aussi l’aisance avec laquelle Gédéon peut se 
mouvoir parmi eux. 



juges, 7 13-14 135 

Orientaux s’étaient abattus dans la vallée, nombreux comme 
des sauterelles, et leurs chameaux étaient innombrables, en aussi 
grande quantité que le sable qui est sur le bord de la mer. 
13 Gédéon pénétra donc, et voici qu’un homme racontait un songe 
à son compagnon, et il disait : Voici que j’ai songé un songe, et 
voici un rond de pain d’orge qui dévalait dans le camp de 
Madian, et il vint jusqu’à la tente et il la frappa [ ] et il la 
retourna sens dessus dessous et la tente demeura par terre. 14 Et 

13. Omettre Ss'H. 


13) J’ai songé un songe... et voici... raconter le songe...; sur ces formules 
cf. Gen. 37 6 s. ; Gen. 40 9; 41 2-3 dans E. SlSï Qrê S^Sï, sens et étym. 
inconnus. Ges. ls d’après Dillmann compare l’éth. masa/af, « pain sans 
levain ». Peut-être alors parce qu’il ne lève pas, demeure couché, sens de 
l’ass. sa là lu. Il devait du moins, s’il était mince, avoir une forme ronde 
pour rouler comme un disque. La fin du v. est surchargée a été ajouté 
dans les LXX d’après l’hébreu ( Field ), le changement de sujet serait éton- 
nant, enfin la tente n’est pas tombée avant d’être renversée, car une fois 
abattue, elle ne pouvait plus être mise sens dessus dessous. Il faut donc 
supprimer avec les LXX (il ne figure pas dans Lagr.).SsJ1 est considéré 
par Moore et Budde comme impossible étant trop contraire à la consecutio 
lemporum ; s’il en était ainsi, il faudrait donc restituer Ss^l; mais Aœn. 367 
« le défend comme exprimant que la tente demeura abattue par terre; et 
dès lors on comprend très bien que quelqu’un ne saisissant pas cette 
nuance et aÿant mis en marge Ss^l, ce dernier mot a été placé auparavant 
dans TM pour pénétrer ensuite dans la plupart des textes grecs (même A). 

14) DN Gen. 47 18 (E). Il y a deux raisons de considérer comme 
glose « Gédéon fils de Joas »; c’est que le Madianite ne doit vraisembla- 
blement pas le connaître et surtout c’est que SkW' IT'N ne signifie ordinaire- 
ment que les gens d’Israël en groupe, vv. 8.23 ; 8 22 ; 9 55 ; 20 20 ; quel- 
qu’un d’Israël se trouve, Num. 25 8.14 (P) mais il se présente d’abord 
comme un quelconque, dont le nom n’est donné qu’après. Il est facile de 
supposer que ces mots ne se sont glissés dans le texte que pour le rendre 
plus saisissant. Mais il n’y a pas de raisons de rejeter on peut même 
dire que quoique neutre se raccorde plus facilement à lin qu’aux 
Israélites (avec Budde et Moore pour le premier point, contre eux pour le 
second). 



136 


JUGES, 7 15-16 

son compagnon répondit et dit : Ce ne peut être que le glaive 
[ ] des gens d’Israël : Dieu leur a livré Madian et tout le camp. 

15 Et quand Gédéon eut entendu le récit du songe et son 
explication, il adora, et il revint au camp d’Israël et il dit : Debout, 
car lahvé vous a livré le camp de Madian. 18 Et il partagea ses 

44. Omettre ttfNV p yiSTU. 


Le mot d’Éhohim dans la bouche d’un étranger ne prouve rien de certain 
quant h l’origine du document. de la racine briser , comme solutio de 
8olvere> « détacher les parties, distinguer, expliquer ». Le Madianite n*avait 
pas besoin pour son interprétation de rapprocher le pain DnS de la racine 
□nSj combattre ( Calmet ) ; le pain d’orge représentait la pauvre agriculture 
des Hébreux réduits à l’orge; la tente est le symbole des nomades. Gédéon 
se prosterne pour adorer Dieu qui l’a conduit à point nommé pour entendre 
cet heureux présage. 11 n’est pas dit d’ailleurs que le songe vienne spécia- 
lement de Dieu, non plus que dans les songes de l’histoire de Joseph. 

16-22. Dépaite des Madianites. — Budde expose très clairement les 
raisons de voir ici deux documents : il est impossible de tenir une trom- 
pette d’une main et de l’autre un flambeau dans un pot vide, ce dernier 
point exigeant les deux mains. De plus on ne peut en même temps sonner 
de la trompette et crier. Il faut donc donner à E les trompettes, à J les 
flambeaux. La dualité continue : J fait précipiter les assaillants sur le 
camp, dans E ils attendent tout autour. De même la fuite a lieu dans deux 
directions. — Ces raisons ne paraissent pas suffisantes, le récit étant par- 
faitement lié. Puisqu’il faut discuter les possibilités pratiques dont peut- 
être l’ancien auteur n’avait pas grand souci, on peut supposer le pot troué, 
le flambeau passant dans le trou et tenu à la main au-dessous du pot : 
d’ailleurs il va de soi qu’on pouvait porter à deux mains le flambeau dans 
le pot, ayant alors la trompette suspendue en bandoulière ; lorsque le pot 
est cassé, il suffit sûrementd’une main pour tenir le flambeau, et c’est alors 
qu’on sonne. Il va sans dire aussi qu’on peut s’interrompre de sonner 
pour crier. Quant à l’assaut du camp que suppose Budde dans J, il est si 
peu visible que Moore attribue à J, avec les torches et le cri de guerre, le 
fait de rester tranquillement autour du camp. Nous reviendrons sur les 
directions suivies au v. 22. Il semble que ce n’était pas trop des trompettes, 
des flambeaux et des cris pour effrayer les Madianites. Le récit étant du 
même auteur, nous ne voyons aucune raison de l’enlever à E avec lequel il 
est noué par le v. 8 ; le v. 46 suit aussi très bien à v. 45. 

46) Le partage en trois corps, d’ailleurs habituel 9 43 ; I Sam 11 44 ; 13 



137 


juges, 7 17-20 

trois cents hommes en trois corps, et il remit à tous des trom- 
pettes et des vases vides avec des torches au milieu des vases. 
17 Et il leur dit : Prenez exemple de moi [ ] ; et lorsque je serai 
arrivé à l'extrémité du camp, vous ferez ce que je ferai moi- 
même, 18 et lorsque je sonnerai de la trompette, moi et tous ceux 
qui seront avec moi, vous sonnerez vous aussi de la trompette 
autour de tout le camp, et vous direz : pour Iahvé et Gédéon. 
19 Gédéon alla donc, et ' les * cent hommes qui étaient avec lui, à 
l'extrémité du camp au commencement de la garde du milieu de 
la nuit, précisément comme on plaçait les gardes, et ils sonnèrent 
de la trompette et brisèrent les vases qu’ils avaient à la main. 50 Et 

17. Omettre TOn pi. 

19. TPNJT, TM WN sans l’article. 


17 s., est nécessaire ici précisément pour permettre à si peu d’hommes 
d’entourer le camp. 

17) Il est clair que ce v. est surchargé : Budde attribue 17» K J et 17b à 
E. Mais si le rédacteur prétendu a si étroitement fondu les deux récits en 
retranchant mainte circonstance, pourquoi se serait-il cru obligé de repro- 
duire l’inutile 17bp? Le plus simple est de retrancher le premier p 
qui peut être la reproduction du second par simple dittographie ou par 
surcharge parce qu’on n’a pas compris que « prenez exemple sur moi » 
s’applique à deux cas, s’approcher du camp et sonner. — IVQ^2D accusatif 
employé adverbialement mais non pas spécialement dans E (contre Budde, 
Moore), à moins qu’on ne distingue les cas où rVQ^HD est accompagné du 
suffixe, qui pe sont pas de E, et ceux où il est suivi d’un nom comme Ex. 7 
24 ; Num. 11 24 (E) (encore Num. 11 31 s, est-il probablement de J). HVP 
h cette date ne prouve pas plus contre E que HVP v. 9 etc. 

19) Sur les veilles de la nuit; cf. Ex. 14 24 (E). Ici c’est le second des 
trois tiers, et dès le commencement, au moment où l’on relève les gardes, 
usage qui semble avoir donné naissance à cette partition. Le verbe y*lS31 
continue la phrase à l’infin. absolu Gen. 41 43 (E). Lire WH7] HNT21 le 
second H est tombé par mégarde. 

20) Budde remarque qu’ils sonnent avant d’avoir pris en main les trom- 
pettes, taxe le verset de mauvaise mosaïque et restaure le texte de J 
comme si on prenait d’une main la torche, de l’autre un glaive. Mais Moore 
refuse de voir l’œuvre du glaive dans la déroute des Madianites, causée par 



juges 7 21-22 


438 

les trois corps sonnèrent de la trompette et brisèrent les vases et 
saisirent la torche de la main gauche et les trompettes de la main 
droite pour sonner, et ils crièrent : [ ] pour Iahvé et Gédéon ! 

21 Et pendant qu'ils demeuraient chacun immobile autour du 
camp, tout le camp * s’éveilla ’ et ils poussèrent des clameurs 
et cherchèrent leur salut dans la fuite. ^Cependant les trois 

20. Omettre 

21 . ypU ; TM yvi et il courut . 


panique. 11 semble simplement que l’auteur — ou un glossateur ? — ayant 
le sentiment de la difficulté soulevée par Budde qu’on ne crie pas la trom- 
pette à la bouche a voulu préciser la situation au moment des cris. « Le 
glaive »> n’améliore pas le cri de guerre, « pour Iahvé et pour Gédéon » 
(v. 18), qui exprimait si bien la guerre entreprise pour la cause de Iahvé, 
souverain capitaine et avec Gédéon ; cf. 5 23. 

21) 21a de E; cf. VnnrS Ex. 10 23 (E) ; aucune raison de supposer un 

autre document pour 211>. WV bien rendu ê<rr)(iàv«v, donner un signal 
avec la trompette; sans doute un signal d’alarme; Is. 15 4 ; Os. 5 8 ; Ioël 2 
1. Comme y*n signifie courir plutôt que s’agiter en désordre. Moore pro- 
pose très ingénieusement de lire yp^ « et le camp se réveilla », qui serait 
très pittoresque ». Budde etc. lit avec Qrâ , parce que le Kethib 

devrait signiûer « ils mirent en fuite » ( hiph'il ), en parlant des Israélites. 
Mais alors il y a une répétition avec v. 22. Le sens de hiph'il pour DU est 
d’ailleurs mieux attesté dans le sens de chercher son salut dans la fuite, se 
mettre à l’abri, Ex. 9 20; Jud. 6 11 ; Jer. 48 44. Ce sens étant plus difücile 
et au fond plus en situation, doit être préféré. 

22) Effacer 1 devant SdS avec Syr., LXX. Le son des trompettes (lire 
iypn î n cf. Am. 3 6 Kuenen , Budde) a déjà paru et étonne ici ; la Vg. a 
adouci en traduisant Et nihilominus insistebant , ce qui est bien la pensée 
qui se dégage de la rédaction actuelle. — Il n’est pas exact de dire que les 
Madianites s’entre-tuent entre deux verbes qui marquent leurs fuites. Au 
premier coup de trompette ils cherchent à fuir. Après avoir crié, les 
Israélites reprennent le son des trompettes, et cette fois, se croyant 
cernés, les Madianites s’entre-tuent, le glaive de chacun contre le glaive de 
son camarade, et la fuite devient générale. — Les données topographiques 
ne peuvent être résolues avec certitude. Abel Mehola est peut-être le 
meilleur point de repère. Il est situé par I Reg. 4 12 en opposition avec 
Belh-Cheân ( Beisân ) comme terminant sans doute la plaine de Beisàn. Cette 



juges 7 22 


139 


cents hommes sonnaient de la trompette et Iahvé tourna le 
glaive de chacun contre le glaive de son camarade [ ] dans tout le 

22. Omettre 1. 


donnée est précisée par la tradition; Eusèbe qui mentionne à ce propos 
(On. 227 39 ss.) deux villes existantes mérite créance : BrjOpasXa à dix 
milles au sud de Scythopolis serait à el-Fâtour ou Oumm-'Amdân, pas 
tout à fait au ou. Malih proposé par Guérin ( Samarie , I, 276), dont le 
nom n’a d’ailleurs rien de commun avec celui d’Abel Mehola ; A6cX[A£a entre 
Naplouse et Scythopolis, pourrait être Kh. Qa'oun sur la voie romaine, à 
l'entrée de la même plaine . Les données générales concordent, car il est 
impossible de supposer que le gros des Madianites n’a pas tenté le passage 
du Jourdain à l’un des nombreux gués qui précèdent le moment où sa rive 
droite devient à peu près impraticable, précisément après le ou. Malih ; 
d’autant que nous verrons Gédéon le passer lui-même bien au nord de ed- 
Üâmieh. — Ceci posé, il y a tout lieu de croire que nmiï doit être lu 
nnTl¥ avec un grand nombre de mas, et c’est même le iextus receplus de 
van der IIooght-Hahn. Les LXX ne nous donnent aucune lumière avec 
«juvTiYpévTj de A, Lag. ou Tapay 01 ® 01 de B- Le problème soulevé par nrniï est 
d’ailleurs très complexe ; on l’identifie généralement avec et les deux 

sont communément placés à Qarn-Sartabé, en face d’ed-Dâmieh ; contre cette 
dernière identification, Clerm.-Ganneau (Archeol. Research ., II p. 43) 
oppose que la vraie prononciation du pic(Qar/i) est Sartabé , avec sin. Mais 
l’identité de Sareda avec Sarthan est elle-même douteuse, quoique les textes 
semblent la favoriser : Nous avons HT1Ï (ou avec HP final) i Reg. 11 26 ; 
Lag. Eapeioa B Sapstpa ; II Chr. 4 17 Lag. EaprôatOa, B Xtp&xQai mais 
Jos. 3 16 LXX KaptaOiapeiuL ! I Reg. 7 46 Lag. Eapôav, B Efiipa I Reg. 4 12 
Lag. Sap0av B EsaaOav. De plus II Chr. 4 17 et I Reg. 7 46 sont deux pas- 
sages parallèles qui racontent la fonte des colonnes de Salomon entre 
Souccoth et Sarthan ou Sareda ; dans ces deux passages on ne doit pas 
hésiter à lire avec Moore DIX 3112702 au g^è d'Adam, et non : « dans les 
moules (?) de terre », parefc que deux points cités ne peuvent être là que 
pour marquer la place d’un autre. Il y avait donc un Sareda ou Sarthan en 
face de Adam dont la position parait certaine à ed-Dâmieh. Mais il y avait 
aussi un autre Sareda ou Sarthan au-dessous de Iezréël (I Reg. 4 12), 
nommé en compagnie d’Abel Mehola, et ce doit être le nôtre ; il est vrai- 
semblable que l’un devait être Sareda et l’autre Sarthan, mais nous ne 
pouvons plus distinguer. Il serait étonnant qu’en parlant d’une fuite, on ait 
nommé d'abord le point le plus éloigné ; notre endroit étant sous Iezréël 



140 


juges 7 23 


camp, et le camp s’enfuit jusqu’à Beth-hachchitta du côté de 
Sareda, jusqu’à la rive d’Abel Mehola contre Tabbath. [R JE ] 
23 Et les gens d’Israël se groupèrent de Nephtali et d’Acher et de 

devait être plutôt dans la montagne et Abel Mehola sur les rives du Jour- 
dain (nsttf). Il semble donc que les Madianites débouchant dans la grande 
plaine de Beisân, la nuit, et ne connaissant pas bien les chemins, se sont 
répandus qp éventail, d’un côté jusqu’à Beth-hachchitta dans la direction de 
Sareda, de l’autre jusqu’à la rive d’Abel Mehola contre Tabbat ; mDUJH JV2 
est inconnu (Guérin, Samarie , I, 302 s. Chouttah) ; indique la pré- 
sence de l’acacia mimosa ou seyal , qui ne croît que dans les vallées les 
plus chaudes. — rQTD est inconnu. "iy “ jusqu’à » conviendrait aussi bien 
que Sy « contre ». — Nous n’avons pas dissimulé les incertitudes, mais 
Budde n’a en tous cas aucun point d’appui sérieux et va même contre le 
peu que nous savons en mettant Serêrâ et Beth-hachchitta de l’autre côté du 
Jourdain en rattachant ce dernier à Mechatta , le grand château du désert 
où jamais n’a poussé aucun acacia ! Mais il fallait trouver un double récit 
de fuite, dont l’un à l’est du Jourdain ! 

Que si on ne veut pas admettre deux localités de noms si semblables, 
surtout quand la Bible les nomme sans cesse l’une pour l’autre, il faudrait 
préférer la position que nous avons indiquée dans la plaine de Beisân. Les 
arguments pour identifier Sarthan-Sareda avec Sartabé sont nuis au point 
de vue philologique, d'autant que le Talmud connaissait déjà Sartabé 
rDQlD ; ils consistent seulement dans le voisinage de Adam ed Dàmieh. 
Or le texte hébreu de Josué est mal soutenu par les LXX ; les textes 
parallèles des Chron. et des Rois ne rapprochent l’endroit de Adam que par 
une conjecture. 

Une solution plus radicale consisterait à supprimer .1371713? absent d’un 
grand nombre de mss. grecs ( Field ). 

23-8 3. Gkdéon et les Éphraimites. — L’unité de ce petit morceau n’est 
contestée par personne, si l’on excepte le v. 23 et en partie le v. 25 
(v. infra). Il est attribué à E par Moore et Budde, parce qu’il n’est pas du 
même auteur que 8 4-21 qu’ils donnent à J. Abiézer 8 2 indique l’auteur de 
6 13 ; la querelle des Éphraïmites est du même auteur que 12 1 ss. qu’on 
attribue à J. 

23) Ce verset pourrait être considéré comme glose si on prenait py3P1 
dans le sens d’une convocation formelle de la part de Gédéon, puisqu’il ne 
convoque qu’Éphraïm, v. 24. Peut-être peut-on le conserver en lisant seu- 
lement au qal, « et il cria », comme G( A, Lag. y B), ou plutôt en prenant 

niph'al non pas comme un passif d'hiph'il, mais dans le sens de s’appeler 



juges 7 24-25 141 

Manassé et ils poursuivirent Madian. [J] 24 Et Gédéon envoya 
des messagers dans toute la montagne d’Ephraïm, disant : des- 
cendez à la rencontre de Madian et occupez les eaux avant eux 
jusqu’à Beth-Bara, [ ]. Et tous les gens d’Éphraïm se groupèrent 
et ils occupèrent les eaux jusqu’à Betli-Bara [ J. 25 Et ils prirent 

24. Omettre pTH HNl (deux fois). 


les uns les autres. Il s’agirait d’une poursuite opérée par des bandes contre 
ceux des Madianites dispersés qui erraient çà et là. On ne dit pas que 
Manassé se lance derrière Gédéon, mais derrière Madian qui est en fuite en 
désordre. Il n’y a donc pas d’opposition avec 8 1 (contre Moore). 

24) La formule nbïT comme 6 35; il ne s’agit pas d’un plus-que- 

parfait; c’est après sa victoire que Gédéon envoie à Éphraïm pour le prier 
de couper les gués. Budde se demande s’il n’était pas trop tard. Mais il ne 
faut pas oublier que le rédacteur de tout le morceau supposait une pour- 
suite au delà du Jourdain. Dans ce cas Gédéon sait très bien que le gros 
de Madian a passé et se dispose à le poursuivre, il charge seulement les 
gens d’Éphraïm de glaner, c’est-à-dire de surveiller les gués pour arrêter 
les retardataires empêchés par les difficultés de la route ou leur igno- 
rance des lieux. Gédéon demande d’occuper les eaux et le Jourdain. Moore 
pense que les eaux sont en effet distinctes du Jourdain et songe à l’ou. 
Far'â. Mais ce ruisseau ne pouvait constituer un obstacle bien sérieux, et les 
Madianites ne se souciaient pas de le passer; ce qui leur importait était 
de franchir le Jourdain. Nous pensons donc comme Budde que le Jourdain 
qui parait deux fois en surcharge n’est qu’une glose explicative des eaux. 
Beth-bara est inconnu ; le grec Baiô6rjpa, le Syr. et la Vg. Bethbera ont la 
prononciation bera ou bira, non bara. Saint Jérôme en avait déjà conclu 
(On. 106 12) qu’on ne devait pas le rapprocher d’une racine 12V « passer », 
mais de *1X3, « quod interpretatur domus aquæ sive putei ». S’agit-il d’une 
limite au nord ou au sud? La position d’Éphraïm indiquerait plutôt le sud, 
et rien n’empêche qu’il s’agisse des environs de Jéricho, la carte de Mâdaba 
ayant prouvé l’existence d’un Bethabara en ce lieu (RB. 1897, p. 171). 

25) Le rocher d'Oreb (le corbeau) était particulièrement célèbre par le 

désastre de Madian Is. 10 26; il y avait sans doute aussi un lieu nommé le 
pressoir de Zeb (le loup); ce sont les noms des deux chefs de Madian. — 
Lire nxau lieu de Sx devant avec quelques codices de Kennicott et les 

verss. Ils ont donc continué la poursuite dans la direction prise par Gédéon 
pour lui porter les têtes de ses ennemis, au delà (*135TD) du Jourdain (cf. 



142 


JUGES 8 1-3 

les deux princes de Madian, *Qreb et Zeëb, et ils tuèrent ’Oreb 
au Rocher d'Oreb et ils tuèrent ïeëb au Pressoir de Zeëb, et ils 
poursuivirent * Madian * et ils portèrent à Gédéon la tête d"Oreb 
et [la tête] de Zeëb [R JE ] au delà du Jourdain. 

8. — [J] 1 Et les gens d’Éphraïm lui dirent : Quelle est cette 
conduite envers nous, de ne pas nous appeler lorsque tu es allé 
pour combattre Madian ? et ils contestaient contre lui violemment. 
2 Et il leur dit : Qu'ai-je donc fait maintenant qui soit comme 
votre ouvrage ? le grapillage d’Ephraïm ne vaut-il pas mieux 
que la vendange d’Abiézer? 3 * Iahvé * a livré dans vos mains les 

25. DN ; TM yift b N vers Madian . 

3. mm ; TM DmSn Dieu . 


Num. 22 \ etc.). TITO a certainement ce sens ici, quoiqu’il signifie aussi 
« à partir de l’autre côté du Jourdain », comme l’ont compris à tort les LXX. 

D’après Budde etc., 25 b a pour but d’harmoniser avec l’histoire de la 
poursuite au delà du Jourdain. 

8 1) Même trait que 12 1-6; ce qui ne prouve nullement que l’un soit un 
doublet de l’autre; ce sont des traits du caractère orgueilleux d’Éphraïm 
(avec Budde , Moore , etc. contre Wellhausen qui considère 12 1-6 comme 
doublet). D’ailleurs ce qui suit est très différent du passage relatif à Jephté. 
— ItZJN sous-entendu avant rVqPV; mtOp ou naop, forme anormale pour 
tÔp; npini comme 4 3. 

2) rVlbby se dit du glanage des fruits, raisins ou olives ; TX2, récolte des 
raisins ; ici sans daguech, par une anomalie dont les exemples sont cata- 
logués, Ges. 26 20 m. 

3) Élohim serait un bon indice de E, si le G et même la Vg. n’avaient lu 
mm. Sur le sens de H SI cf. Ex. 4 26 (J); Jud. 11 37; ici vSwiD au lieu du 
simple *[0 dans les deux cas cités, à cause de la métaphore du vent d’indi- 
gnation qui s’était élevé contre lui. 

Budde insiste sur ce que d’après v. 2 c’est bien le clan d’Abiézer seul 
qui a fait l’ouvrage, et en tire une conclusion décisive contre le passage 
(7 2-8 a ) qui fait des trois cents braves l’élite du peuple. L'argument prou- 
verait tout au plus que notre morceau n’est pas du même auteur que 7 2- 
8 a (en enlevant d’ailleurs v. 3) que nous avons attribué à E. D’ailleurs 
Abiézer ne figure jusqu’ici que dans J 6 11.24.34. Il suivrait seulement de la 
remarque que le passage 7 24-8 3 est de J. Pour harmoniser on pourrait 



juges 8 4-5 


143 


princes de Madian, 'Oreb et Zeëb ; et qu’ai-je pu faire daussi 
bien que vous? Alors, lorsqu’il eut prononcé ces paroles, leur 
courroux monté contre lui s'apaisa. [X] 4 Gédéon vint donc au 
Jourdain * et il passa * lui et les trois cents hommes qui étaient 
avec lui, * épuisés et affamés \ 5 Et il dit aux gens de Soukkoth : 

« 

4. "U3P1; TM 12V passant. — DUVTU TM D^STVI et poursuivant. 


dire que Gédéon à lui seul représente Abiézer, ou que ceux qui ont bu 
d'une certaine façon étaient du même clan, que ce clan était sans doute 
celui de Gédéon. 

4) 11V est vraiment impossible; lire IIV^T avec LXX ou le supprimer 
comme une glose; le passage du Jourdain allait de soi. Au lieu de Ü^STVl 
lire DUVYl avec LXX (A et Lag.)\ c’est le prélude de la demande du pain. 
Les trois cents dans la rédaction sont ceux qui sont restés avec Gédéon et 
ont pris part à toute l’action ; le v. se souderait très bien à 7 23 ; même si 
on admet ici un récit distinct, il n’est pas nécessaire d’attribuer ce nombre 
à uu rédacteur, il peut très bien être original; cf. les 318 d’ Abraham, 
Gen. 14 14. 

5) Sur la position de Soukkoth et de Penouël, cf. sur Gen. 32 23; 33 17; 
dans l’itinéraire de Jacob Penouël est avant Soukkoth, c’est naturellement 
l’inverse pour Gédéon. Budde sait (avec Moore) que dans le texte primitif 
Gédéon était descendu par Y ou. Far' â pour passer certainement le Jourdain 
à l’embouchure du labboq (Zerqâ) ; mais dans ce cas il n'aurait pas passé 
par Soukkoth, pour aller à logbeha, car Soukkoth, probablement Deir- 
Allâh , est placé par Budde même sur la rive droite du labboq à la sortie de 
la montagne, fort au nord dé son embouchure, tandis que logbeha (Adj- 
bêhât) est à l’est à la hauteur de Sait; et cependant Soukkoth est primitif 
pour Budde. — Il faut concéder à ce savant que *]71 est employé de la 
poursuite d’un ennemi victorieux (Gen. 14 14), mais l’attitude de Gédéon 
suppose que lui-même sort d’une action assez chaude. On objecte encore 
que les Madianites n’auraient pas pu gagner du temps dans une poursuite; 
mais il s’agit d'une élite, montée sur de bons chameaux, qui a pu facilement 
prendre l’avance dans la plaine et aux gués du Jourdain; d’ailleurs on voit 
que Gédéon cherche à les surprendre une seconde fois plutôt qu’à les atta- 
quer ouvertement, même dans leur fuite, ni? et VJCbv d’après la ponct. 
massor. signifieraient : sacrifice et protection refusée ; mais ce symbolisme 
ne doit pas faire suspecter la réalité des personnes; le second nom surtout 
devait avoir une autre prononciation, Selmana ou Salmana, d’après G. Un 



144 


jugesT8 6-8 


Donnez, je vous prie, des miches de pain aux gens qui marchent 
à ma suite, car ils sont épuisés, et je poursuis Zébafr et Salmana, 
rois de Madian. 6 Et les chefs de Soukkoth 1 dirent * : Est-ce que 
tu as dans la main le poing de Zébah et de Salmana, pour que 
nous donnions du pain à ton armée ? 7 Et Gédéon dit : Donc 
lorsque Iahvé m’aura livré Zébah et Salmana, je carderai votre 
chair au moyen des épines du désert et des chardons. 8 Et il 
monta de là à Penouël et il leur parla de même, et les gens de 
Penouël lui répondirent comme avaient répondu les gens de 

6. VICWI ; TM le singulier. 


dieu dSï proposé par Budde et Moore d’après l’inscription de Teîma itunoSï 
est très incertain pour notre époque : selem , d’après Clerm.-Ganneau 
(Recueil... y II, 249) n’étant que l’image du roi divinisé. 

6) La main *p, probablement parce qu’on tenait les captifs enchaînés par 
les mains; l'usage de couper les mains comme trophées est attesté pour 
l’Égypte par l’inscription d’Ahmès; ce n’est pas le cas ici puisque Gédéon 
les ramène vivants. Grætz propose de lire qui enlève le pittoresque. 
Si les gens de Soukkoth avaient seulement peur d’un retour offensif, ils 
n’emploieraient pas la raillerie. Us se préoccupent très peu de ce qui se 
passe en Cis-jordane, soit par indifférence (Jud. 5 4 6 ss.), soit qu’ils soient 
de race très mêlée. Ils ne veulent pas perdre leur argent qu’ils ne recou- 
vreraient que si Gédéon revenait vainqueur. La réponse ne prouve en tous 
cas nullement que Gédéon n’avait pas encore mis en fuite les Madianites : 
ceux de Soukkoth pouvaient les croire hors de portée ou encore trop forts. 

7) nN avant est expliqué par Kœn. 288 p. « au moyen de » comme 
indiquant la coopération qui découle de la communauté, comme Gen. 4 4 ; 
49 25*. On pourrait aussi lire deux fois 2 comme les Verss. ; le aurait 
été mis dans TM à l’instar du v. 46. Le sens de D^p*12 est incertain; les 
anc. verss. ont compris « une plante épineuse ». D’après Moore, l’arabe 
égyptien berqâne stlenom du Phaceopappus scoparius de Boissier. Le genre 
du châtiment est approprié au lieu; il y a beaucoup plus de buissons 
d’épines dans le Ghôr que sur les hauteurs. 

8 s.) Penouël entre la vallée et les plateaux; il y avait là une tour impor- 
tante qui sans doute commandait le gué du Iabboq(cf. I Reg. 12 25). Schu- 
macher, Mit. DPV. 4904, p. 2 situerait Penouël à Medwar Nôl au sud-est 
de Djérach non loin dti Zerqâ. 



juges 8 9-11 145 

Soukkoth. 9 Et il dit aussi aux gens de Penouël, disant : quand je 
reviendrai en paix, je détruirai cette tour. 

i0 Or Zébah et Salmana étaient à Qarqor et leur camp avec eux, 
environ quinze mille hommes (tous ceux qui étaient restés de tout 
le camp des Orientaux, et ceux qui étaient tombés étaient au 
nombre de cent vingt mille hommes tirant Tépée). lî Et Gédéon 
monta * dans la direction de ceux qui sont logés * sous la tente, à 

11. nDTT ; TM -pi le chemin des logés. 


10) ipip est inconnu. Carcaria à un jour de Pétra, cité par Eusèbe (On. 
272 62) à tout hasard n'est pas en situation ; Karkagheïsch a été proposé par 
Burckard (Syrie, p. 612; BDM. III, p. 343). Le v. représente les Madianites 
comme déjà défaits, ce que Budde et Moore sont obligés de considérer 
comme une glose. Le caractère de glose résulte seulement du nombre énorme 
des 120.000 combattants qui sont censés tombés morts dans une bataille qui 
n’a d’ailleurs pour ainsi dire pas eu lieu; 7 22 n’indique guère plus qu’une 
panique. ne peut signifier ici que ceux qui sont tombés morts, la 

phrase est consacrée (20 46; Jos. 8 25), par opposition à ceux qui ont sur- 
vécu. Budde voudrait le prendre dans le sens de 7 12, mais ici nous n’avons 
pas la comparaison des sauterelles qui donnait une nuance différente ; il y 
aurait d’ailleurs quelque chose d’étrange à ce que l’auteur exigeât ici du 
lecteur une soustraction pour savoir le nombre des manquants. L’expression 
HH est récente et souvent jointe à des nombres disproportionnés 
II Sam. 24 9; I Chr. 21 5 et dans le ch. 20 des Juges. Les ennemis sont ici 
les Orientaux, Dlp ^2. 

11 s.) offre une doubla anomalie, le partie, pass. pour une idée 

qui serait très bien exprimée par l’actif et l’article devant le nom à l’état 
construit. Kœn. 235<* explique la première par des exemples où le partie, 
passif est choisi pour marquer que le sujet de l’action est plus pénétré, plus 
influencé : ceux qui ne vivent pas autrement que sous la tente; il cite d’autres 
exemples d’article dans ce cas, 303 b ; on pourrait d’ailleurs le suppri- 
mer. Budde lit: 0^Sî1N2 '22W « dans la direction de la route des 

Bédouins >» ; pour lui il s’agit d’un chemin allant du nord au sud, comme le 
chemin des pèlerins de la Mecque; mais Gédéon monte, il s’agit d’un che- 
min qui conduisait de la Palestine chez les Bédouins de l’est. L’endroit 
pouvait être fort éloigné; les Bédouins campent à l’est des deux villes 
nommées comme marquant à peu près l’extrémité des pays de culture. 

P. Lagrange. — Leu Juge*. to 



146 


juges, 8 12-14 

l’orient de Nobah et de Iogbeha et il battit le camp alors qu’il 
se croyait en sûreté. 12 Et Zébafr et Salmana prirent la fuite et 
il les poursuivit et il prit les deux rois de Madian, Zébah et 
Salmana et il mit la panique dans tout le camp. 13 Or Gédéon fils 
de Ioas revint du combat * de la montée de * Harès. 14 Et il prit 
un enfant des gens de Soukkoth et il l’interrogea, et il écrivit 

13. nSyoOîTMnSyoSo d'en haut. 


niJ est à comparer avec le clan de Manassé (Num. 32 42) qui donna son 
nom à la ville de Qenât ; les deux sont d’ailleurs inconnus; Jogbeha est 
représenté auj. par Adjebihât à moins de trois heures à l’orient de Sait. 
— nm prédicat ou acc. adverbial; la confiance n’indique nullement qu’ils 
n’ont pas été attaqués déjà, mais qu’ils sont assez loin et chez eux, de façon 
à se croire en sûreté. Budde trouve l’action trop courte et voudrait y insé- 
rer une partie de 7 16-22; mais il est impossible d'assigner une raison qui 
ait induit le rédacteur à faire cette transposition. L’action est racontée briè- 
vement parce que ce n’est que la suite de l’engagement principal. Les 
Madianites ne font que reprendre la fuite; ce qu’exprime bien T^nn au 
v. suivant, opposé à msn comme Ez. 30 9. Les rois sont les premiers à 
décamper, Gédéon s’empare d’eux et se contente de la dispersion des 
autres. Moore propose "pnon d’après G(A, Lag) èÇIrpi^cv, cf. Ex. 23 23 ; 
Ps. 83 5 ; mais il reconnaît que ce changement n’est nullement nécessaire 
quoique dans une attaque ordinaire le verbe TOTin précède la fuite. 
II Sam. 17 2. 

13) Dinn nbroSo ne peut signifier que : « d'en haut, à Harès ». « De la 
montée de Harès » exigerait nbSH2D ; <• d’au-dessus de Harès » exigerait 
DinS nSînsSa. Saint Jérôme s’inspirant aux mêmes sources que le Targ. a 
entendu DIR! « du soleil » dans la Vg., quoiqu’il ait ajouté à l’On. d’Eu- 
sèbe (96 3) cette note : « adscensus Ares, pro quo Aquila interpretatur $al- 
tuuni , Symmachus montium » c’est-à-dire ttfin et QVinn. S’il s’agit d’un 
nom de lieu, il est là pour indiquer que Gédéon n’est pas revenu par le 
meme chemin, ce qui paraît clairement par la suite puisqu’il retrouve Souk- 
koth avant Penouel. Nous lisons donc nSîHDD avec G(A, Lag.) ; la descente 
doit être celle du Sait. 

14) Gédéon interroge l’enfant, et celui-ci écrit pour lui (cf. II Sam. il 14) 
les noms des chefs (pouvoir exécutif) et des anciens (groupe des princi- 
paux chefs de famille). Cela ne prouve pas que tout le monde savait écrire, 



147 


juges, 8 15-18 

pour lui les chefs de Soukkoth et ses anciens, soixante-dix-sept 
personnes. 15 Et il vint vers les gens de Soukkoth et il dit : Voici 
Zébah et S lmana au sujet desquels vous m’avez raillé, disant : 
As-tu maintenant dans la main le poing de Zébah et de Sal- 
mana, pour que nous donnions du pain à tes gens épuisés. ,fi Et 
il prit [ ] des épines du désert et des chardons et * il s’en servit 
pour carder ’ les gens de Soukkoth. 17 Et il détruisit la tour de 
Penouël, et il tua les gens de la ville. 18 Et il dit à Zébah et à 

16. Omettre 1 ïjpï PN. — TM ypl et il instruisit , Khelib ; 

et il brisa y Qrê. 


mais bien un usage très répandu de récriture, puisque celui qui écrit est 
jeune et le premier venu. Le nombre soixante-dix-sept a quelque chose de 
consacré. 11 est trop arbitraire de supprimer *pSn et de supposer que c’est 
Gédéon qui écrit (contre Budde). 

15) Il semble que Soukkoth était sans défense. Le G a au lieu de 
•HTJN qui correspond mieux à v. 6. 

16) Le v. 16 est assez embarrassé dans TM; Hum. le respecte : il prit les 

anciens et les instruments de supplice et donna ainsi une leçon (ypl) aux 
autres. Mais il est impossible que le genre de supplice ne soit pas marqué. 
D’autres mss. hébreux lisent et il brisa , suivi par B et Vg. y mais il vaut 

mieux lire avec A xai^favev, il les carda y 1Z7TH, comme v. 7. 11 est naturel 
que les pauvres gens aient été plutôt déchirés que brisés par les épines, et 
il n’est me me pas dit que ce supplice fut prolongé jusqu’à les faire mourir. 
Budde supp rime comme une glose Tyn ^Jpî DK1 qui étonne comme objet 
sur le même rang que les instruments de supplice et qui fait double emploi 
avec les gens, A est encore plus complet, « les chefs et les anciens ». 

17) Budde supprime 17 b comme trop cruel; 17 a suffit pour que Gédéon 
tienne sa parole; mais n’est-il pas probable que les gens de Penouël ayant 
une tour se soient défendus ? et dès lors les conséquences ont été plus 
néfastes. 

18) Les deux chefs Madianites avaient été ramenés vivants par Gédéon 
pour retourner l’ironie contre ceux de Soukkoth et de Penouël. 11 semble 
même que Gédéon ait attendu son retour dans son pays pour prononcer une 
sorte de jugement comme l’indique la présence de Iéthor encore enfant 
(Hum). Il demande où sont ceux que les chefs ont tués au Thabor. Assuré- 



148 


juges 8 19-21 


Salmana : * qui donc * étaient les hommes que vous avez tués au 
Thabor? et ils dirent : chacun d'eux était semblable à toi, une 
tournure de fils de roi. 19 Et il dit : c’étaient mes frères, ils 
étaient fils de ma mère ; vive Iahvé ! si vous les aviez laissés 
vivre, je ne vous aurais pas tués. 20 Et il dit à Iéther son aîné : 
Debout, tue-les ! Et l’enfant ne tira pas son glaive, car il crai- 
gnait, étant encore enfant. 21 Et Zébah et Salmana dirent : 

18. mate *o; TM na*tt où? 


ment il est à regretter que nous ne sachions rien de cette circonstance, 
mais il faut reconnaître que le Thabor convient parfaitement à la situation 
des Madianites dans la plaine de Iezréël. Budde et Moore proposent toutes 
sortes de changements parce qu’ils ne veulent pas attribuer notre morceau 
à l'auteur du ch. 7. Nous voyons ici au contraire une marque d’unité et une 
preuve de l'attribution de la poursuite à E. Demander avec Moore ce que 
faisaient donc les frères de Gédéon si loin de chez eux, c’est présumer que 
leur patrie était très éloignée de Iezréël, ce qui est contre l’ensemble du 
récit. — Il semble que Gédéon veuille faire avouer aux rois qu'ils ont tué 
ses frères, et que par conséquent son droit et son devoir est d’exercer la 
vengeance du sang. 

Comme HE^N signifie toujours « où » (LXX), et que (Vg. quales ), 
ne se trouve nulle part que devant des verbes, il faut lire ^12, cf. Gen. 
27 33 comme tivê; G(M de Moore) : Budde trouve plus beau un dialogue un 
peu heurté : « où sont-ils? si vous pouvez leur rendre la vie, je vous épar- 
gnerai ... » Idée par trop étrange! — UlN est à prendre dans le sens de 
chacun d’eux; cf. Kœn. 73 qui cite 15 4 b dans ce sens; il n’est pas néces- 
saire que chaque tournure biblique se trouve plusieurs fois. La réponse 
n’est pas une flatterie, mais plutôt une bravade, ils vont au-devant de 
la pensée de Gédéon et se glorifient de la noblesse de leurs victimes. 

19 s.) Gédéon veut enseigner à son fils à venger sa famille, et humilier 
les rois qui vont tomber sous les coups d’un jeune homme. Iluni. accuse 
Iéther d’avoir manqué de foi et ne serait pas étonné qu’il soit ensuite tombé 
dans la superstition; la Bible l’excuse sur son âge. 

21) LesMadianites demandent h tomber sous la main de Gédéon, qui lui, 
est un homme; il faut donc lire avec Budde nnN YQJ ^3- Le TM a pu 
naître facilement de ce texte; il est inintelligible : « comme est chacun, 
ainsi est-il fort » demanderait p avant WTaa et serait en tous cas une 



juges 8 22-24 


149 


Debout, toi, et frappe-nous, ‘car tu es un héros toi!’ Et 
Gédéon se leva et tua Zébah et Salmana, et il prit les croissants 
qui étaient au cou de leurs chameaux. [E] 22 Et les gens 
d’Israël dirent à Gédéon , Sois notre maître, toi et ton fils et le 
fils de ton fils, car tu nous a sauvés des mains de Madian. 23 Et 
Gédéon leur dit : Ce n’est pas moi qui serai votre maître, ni mon 
fils qui sera votre maître, c'est Iahvé qui est votre maître. 

24 Et Gédéon leur dit : Je vous ferai une demande : donnez-moi 

21. nna ma ^ ; TM inma tiPND *3 car comme l'homme sa force. 


/ 

maxime générale peu en situation ou une excuse banale de Iéther. Comme 
trophée, Gédéon prend les croissants (ls. 3 18) qui ornaient les chameaux 
des rois. Ce détail n’étonne ici que d’après nos mœurs modernes. 

22-23. Proposition du principat. — 22) Budde et Moore remarquent assez 
bien que le v. ne suit guère à ce qui précède. Les gens d’Israël en général 
qui prennent la parole (cf. 7 14 texte non glosé) ne sont pas les trois cents ; 
nous sommes plutôt sur le terrain de 7 23 et ss. où d’autres tribus prenaient 
part à la lutte. La scène se passe quelque part au point où les pillards se 
rassemblent autour de Gédéon, la querelle soulevée par Éphraïm étant 
calmée 8 3. La demande des Israélites est très naturelle, Gédéon les a 
sauvés (cf. 6 14) ; ils offrent la royauté sans le mot, peut-être avec intention. 

23) Il est très dur d’aller contre le sentiment de tous les commentateurs 
qui déclarent que Gédéon refuse ici la royauté. Nous voyons cependant que 
le pouvoir demeure dans sa famille 9 2, ce qui est pour les critiques une 
occasion de mettre les documents en contradiction, et Josèphe ( Ant . V, 6 7) 
avait très bien compris que Gédéon s’était laissé faire violence. Sa réponse 
est purement et simplement d’un homme qui saisit le pouvoir en évitant le 
titre, à la manière d’Auguste : soit ! mais ce n’est pas moi qui serai le 
maître, c’est Iahvé qui régnera sur vous tous. Il y a loin de ces paroles à la 
condamnation théocratique de la royauté comme on la voit I Sam 8 7 ; 
10 49 ; 12 12 (contre Budde , Moore et Nowack). 

24-27. L’éphod. — 24) Il n’est dit nullement que refusant la royauté il 
demande du moins les anneaux; ni que, l’acceptant, il les demande en vertu 
de son droit; mais en parfaite harmonie avec le sens que nous donnons à 
sa réponse, il commence k exercer son droit souverain avec les formes les 
plus courtoises. Un sanctuaire est nécessaire à sa nouvelle position, il va se 
le procurer. Sur le droit des chefs arabes de prendre un préciput sur le 



150 


juges 8 25-27 


chacun l’anneau * de sa part de butin ’ ; car ils avaient des 
anneaux d'or, car c’étaient des Ismaélites. 25 Et ils dirent : Nous 
les donnerons. Et * il étendit ’ un manteau et ils y jetèrent cha- 
cun un anneau * de sa part de butin ’. 26 Or le poids des anneaux 
d’or qu'il demanda était de dix-neuf cents [sicles] d’or (sans 
parler des croissants et des perles et des habits de pourpre qui 
étaient sur les rois de Madian et sans parler des chaînes qui 
étaient au cou de leurs chameaux). 27 Et Gédéon en fit un éphod 

24. ibbtro ; TM omet Q. 

25. triE’H ; TM le pluriel. — Comme v. 24. 


butin, cf. W. R. Smith, The Religion of the Semiles , p. 459. D’après TM 
chacun aurait pris précisément un anneau de butin, ce qui ne peut être; en 
mettant ïgtj (Dudde) Gédéon eût exigé tous les anneaux. Lire avec G 
ibbttÏÏD, un Q est tombé après le O précédent. Ces anneaux étaient pour les 
oreilles ou pour le nez. L’auteur (ou un glossateur?) sachant que les cultiva- 
teurs n’ont pas coutume d’en porter explique que les vaincus étaient 
Ismaélites. Mais les Ismaélites n’appartenaient pas à la même branche 
que les Madianites (Gen. 25 2) : il est donc pris ici comme synonyme des 
riches négociants des caravanes ; c’est ainsi que J dit Ismaélites dans 
l'histoire de Joseph (Gen. 37 25) où E dit Madianites (Gen. 37 28). 

25) Le pluriel du TM (aussi Vg.) est bien moins bon que le sing. 

Il n’y avait pas besoin de tant de manteaux. D12 doit être corrigé 

comme au v. précédent. 

26) Chaque anneau pouvant peser presque un sicle, le nombre de 1700 
n’a rien d’exagéré. 26 b est une ajoute pour donner une idée de tout le 
butin ; les vêtements de pourpre surtout n'ont rien à faire dans le compte 
de l’or. Cependant nous ne connaissons pas assez la manière d’écrire des 
anciens pour taxer ce passage de glose, d’autant que v. 21 les croissants 
sont au cou des chameaux, ce qu’un glossateur n’aurait pas remplacé par 
les chaînes nipjy* En tous cas 26 b est une parenthèse. 

27) Ces dix-sept cents sicles d’or sont employés à faire un éphod, que 
Gédéon installe dans sa ville à r Ophra. — rnSVl a toute l'apparence d'une 
glose explicative. — S. Aug. avait parfaitement compris qu’il s’agit ici d’un 
objet en or et solide; et tout en faisant place à l’opinion commune de son 
temps qu’il s’agit ici du vêtement du grand prêtre (Ex. 28 ), il a conclu que 
Gédéon avait installé à f Ophra tout un sanctuaire, ce qu’il considère comme 
un grave péché ( Quœst . 41 ). Son objection contre l’éphod- vêtement est 



juges 8 27 


151 


et il le plaça dans sa ville, à * Ophra, [Rj et tout Israël forni- 
qua après lui en ce lieu, et ce fut un piège pour Gédéon et pour 
sa maison. 

demeurée insoluble : pourquoi tant d’or pour le confectionner? et si c’était 
pour acheter le nécessaire, pourquoi demander spécialement des objets en 
or et les transformer (in N 1T5P1) en éphod? CaMHN se rapporte évidemment 
à 2H7 par-dessus la parenthèse relative au reste du butin. D’autre part 
ne peut se dire d’un vêtement ; quoique ce verbe soit employé (6 37) d’un 
objet mou comme une toison, il signifie même en ce cas placer par terre, 
non revêtir. D’ailleurs si l’épnod ne peut pas être ici le vêtement du grand 
prêtre, encore moins un vêtement de lin ; il est très difficile de préciser sa 
nature. L’éphod est associé aux téraphim 17 5 et Os. 3 4, dans ce dernier 
passage peut-être par opposition; on en voit un au sanctuaire de Nob 
I Sam. 21 10 ; il sert aux oracles I Sam. 23 6.9; 30 7; on l’apporte (UUH ; 
cf. I Sam. 14 18 d’après G) et le prêtre est portant l’éphod TIEN I Sam. 
14 3.18 (G); 22 18 (G). D’autre part il est certain que l’éphod était un vête- 
ment de lin, 72 I Sam. 2 18 etc. Budde remarque que les deux sens se 
retrouvent dans l’éphod du grand prêtre, vêtement qui contenait l’oracle 
d’Ourim et de Toummim. L’étym. est douteuse : Lag. a proposé l’arabe 
wafada , « arrivé, être offert à un grand personnage » ; la connexion des idées 
fait défaut. Généralement on suppose une racine 7BN « revêtir », surtout à 
cause de «TIEN (Is. 30 22) qui paraît signifier le revêtement d’une idole, où il 
peut être question de véritables habits. L’étym. demeurant obscure, le plus 
sage est de s’en tenir à l’usage biblique qui marque un instrument servant 
aux oracles. Il n’est pas probable qu’il représente une divinité, on imagine- 
rait plutôt une sorte de boite. Il est évident d’ailleurs que cet éphod ne 
pouvait être consacré qu’au culte de Iahvé, le dieu de Gédéon ; cette action 
n’en est pas moins fortement blâmée ici comme une cause de ruine spiri- 
tuelle pour le peuple. De qui est cette réflexion à partir UTl? D’après 
Moore, du rédac. deutér. Mais ce n’est pas possible. Le rédac. deut. blâme 
le culte des dieux étrangers v. 33, et il n’aurait certainement pas mis cette 
réflexion avant l'humiliation de Madian pour mentionner un repos de 
40 ans. Nous admettons un rédacteur très tardif, RP . Il est vrai que 
l’expression forniquer pour le culte des idoles est ancienne et rien n’empê- 
cherait d’attribuer la réflexion à l’auteur primitif pour expliquer la ruine de 
la maison de Gédéon, mais on ne peut la concilier avec le calme de la conclu- 
sion deutéronomique. Budde prétend savoir que l’action de Gédéon était à 
l’origine racontée à sa louange. De cela nous ne voyons pas trace dans le 
récit qui est loin d’être sympathique à cet essai de dynastie. Il est en tous 



152 


juges 8 28-30 


[R D ] 28 Et Madian fut humilié devant les fils d’Israël, et ils ne 
continuèrent pas à lever la tête, et le pays fut tranquille pendant 
quarante ans, aux jours de Gédéon. [E] 29 Et Ieroubbaal fils de 
Ioas alla et demeura dans sa maison. 30 Et Gédéon avait soixante- 

cas impossible de conclure de ce fait à la non existence d’une loi interdi- 
sant les images, puisque nous ne pouvons même pas affirmer que l’éphod 
fût une vraie représentation de la divinité. D’ailleurs la destruction de la 
maison du sauveur d’Israël suppose bien quelque faute de sa part. 

28-35. Conclusion et moralité de l’histoire de Gédéon. — 28) Du rédac. 
deutér. comme il paraît clairement par les formules stéréotypées 2 18; 
3 10 s.; 3 30; 4 23 s.; 5 31. Son texte se continue v. 32-35 : conformément à 
son schéma, tout se passe bien durant la vie du juge, et c’est après sa 
mort que les désordres recommencent. Celui qui a écrit cette ligne ne 
lisait donc pas le v. 27 b où il s’agit de Gédéon lui-même et non pas seulement 
de ses successeurs. S. Aug. a bien vu la difficulté : si Gédéon avait péché, 
comment le pays restait-il en repos? et Hum. avec d’autres en tire argu- 
ment pour nier que Gédéon ait commis une faute grave. La critique 
littéraire explique que le rédac. deut. n’avait pas sous les yeux la condamna- 
tion sévère du v. 27. 

Il n’est pas nécessaire de lire ïQ* Sd au lieu de *0*2 ( Budde , Moore 
d’après 2 18); il peut y avoir ici un cas de bedel arabe, « à savoir pendant la 
vie de Gédéon », apposition explicative. Peut-être la lecture ^Q^2 est-elle 
une tentative de conciliation comme l’a compris s. Aug. qui place la 
construction de l’éphod après les quarante ans de paix comptés pendant 
la vie de Gédéon qui se serait prolongée. En tout cas le v. 32 serait con- 
traire à cette solution. 

29) Ce verset ne fait point double emploi avec 27 b où Gédéon agit encore 
pour sa ville, et ce n’est pas non plus la conclusion des faits précédents 
qu'on placerait par exemple après v. 21 (ce qui exclut la correction de 
Graetz et celle de Budde 211^1) ; c’est plutôt le début dans E de l’histoire 
privée de Gédéon. Cela s’entend d’un séjour prolongé; cf. 2tiP*l dans 
E, Num. 20 1 ; 25 1. 

30) Attribué h R p par Budde et Moore à cause de 13T Gen. 46 26 
Ex. 1 5 (P); mais dans les exemples cités la descendance n’est pas immé- 
diate; l’expression a plutôt une saveur d’antiquité. Ce verset complète 
l’image d’une royauté inaugurée : le grand nombre de femmes en est 
l’accompagnement naturel ; d'ailleurs c’est l'introduction aux événements 
qui suivront, les soixante-dix fils 9 2 etc. 



juges 8 31-33 


153 


dix fils, sortis de sa cuisse, car il avait de nombreuses femmes, 
31 et sa concubine qu’il avait à Sichem lui donna elle aussi un 
fils, et il lui imposa le nom d’ Abimélek. [R D ] 32 Et Gédéon, fils 
de Ioas mourut dans une heureuse vieillesse, et on l'ensevelit 
dans le tombeau de Ioas son père. * à Ophra ’ d’Abiézer [ ]. 
33 Or lorsque Gédéon fut mort, les fils d’Israël eurent une rechute 

32. mssn ; tm. msyx 


31) En plus des femmes de son harem, Gédéon avait une concubine à 
Sichem ; il semble d’après 9 1-8 qu’elle occupait même à Sichem un cer- 
tain rang et que son fils Abimélek avait été élevé à Sichem ; c’est dans la 
bouche d’un ennemi qu’elle est nommée servante de Gédéon 9 18; ce 
genre d’union ( sadiqa ) a été décrit par Robertson Smith ( Kinship and 
Marriage in Early Arabia , p. 70-76); cf. Jud. 14 5. Josèphe savait que le nom 
de cette femme était Apoutxa ( Ant . V, 7 8), par confusion avec 9 41 ? D’après 
II Reg. 17 34; Neh. 9 7; Dan. 1 7; 5 12, l’expression DW pour donner le nom 
a une valeur particulière; dans tous ces cas, il s’agit d’un changement de 
nom pour insister sur le sens du nom imposé ; il ne serait donc pas éton- 
nant que ce fût ici le but de l’auteur. Abimélek : « mon père est roi », 
serait une allusion à la royauté de Gédéon : Abimélek était à sa manière 
porphyrogénète. Le nom se trouve déjà dans el-Amarna et son étymologie 
est probablement : le dieu -jbo est mon père. D’ailleurs on ne peut prou- 
ver que l’expression DtT DW soit de création récente, puisque dans tous 
les cas cités elle est employée pour un changement de nom , ce qui n’est 
pas ici le fait. 

32) La mention du tombeau 2 9; 10 2.5; 12 7.10.12.15. — miTS 

cf. Gen. 25 8 (P); 15 15 (RJ ?), est une expression qui ne paraît pas très 
ancienne. On préférerait la leçon de G(B) ev tco'Xei avToo, par opposition à 
Sichem, si elle ne paraissait une corruption du grec primitif èv rcoXia àyaOfî. 
Attribuer ce verset à RP , c’est ne plus tenir compte du blâme infligé à 
Gédéon indirectement, mais nettement v. 27; il doit être du rédac. deut. 
du même auteur que les autres mentions de sépultures. 

mSV devrait être à l’état construit devant comme 6 24; il faut 

donc lire rPSÿl. 

33) Suit à v. 28 comme 2 19 à 2 18; 4 1 à 3 30, c’est le rédac. deut. qui 
applique aux Israélites en général ce qui va être dit des gens de Sichem, 
au sujet de Ba'al Berith. 11 y a donc ici les Baals, formule généralisante 
propre à R D (cf. 3 7) et un Baal particulier emprunté à l’ancienne histoire. 



154 


JUGES 6-8. — CRITIQUE 

et forniquèrent après les Baals et prirent pour Dieu Baal-Berith. 
34 Et les fils d’Israël ne se souvinrent pas de Iahvé leur Dieu, qui 
les avait délivrés de tous leurs ennemis aux alentours. 35 Et ils 
ne firent pas miséricorde à la maison de leroubbaal (Gédéon) 
comme [ils l’auraient dû à cause] de tout le bien qu’il avait fait 
à Israël. 

34) Même généralisation dans le style de 2 12.14; les ennemis des envi- 
rons, au lieu de nommer les Madianites. 

35) Ce reproche n'est pas destiné comme le veut Budde à remplacer 
l’histoire d’Abimélek, mais plutôt à l’introduire. Le rédac. deut. ne pouvait 
se dispenser d’une réflexion morale sur la rechute des Israélites : cela fait, 
il lui fallait une transition pour revenir aux événements. Lui disait Gédéon, 
il se peut donc que leroubbaal ait été introduit plus tard pour mieux 
fusionner avec 9 1. Le G(B) a «uto; êtciv reSetiSv, ce qui caractérise mieux la 
glose. 


* 

* * 

Critique littéraire. — La distinction des documents dans T histoire 
de Gédéon est des plus compliquées dans Budde, Moore, Nowack. On 
fait entrer en scène J, JE, E, E a sans parler du rédacteur deutérono- 
miste et des dernières retouches. Le récit est partagé surtout en deux 
grandes histoires. D'après J, Gédéon reçoit la visite de l’ange (6 11-24), 
se met à la tête de son clan (6 34) , triomphe de l’ennemi par la ruse 
des torches enfermées dans des pots 7 20.21 (en partie), mais cette vic- 
toire a lieu au delà du Jourdain où il a poursuivi Zébah et Salmana 
qui étaient venus faire une razzia dans laquelle ils avaient tué les frères 
de Gédéon (8 4-21) ; on attribue encore à J l’épisode de l’éphod (8 24- 
26). D’après E ou E a , Gédéon détruit l’autel de Baal (6 25-40), défait 
les Madianites dans la plaine de Beisân au moyen des trompettes 
(7 16-20) et se dispute avec les Ephraïmites (7 24-8 3) puis il rentre 
chez lui (8 29). — On a ainsi deux histoires à peu près complètes, mais 
supposant deux traditions très divergentes : d’après les uns les Madia- 
nites avaient regagné tranquillement l’autre rive du Jourdain après le 
meurtre des frères de Gédéon ; d’après les autres ils auraient été vain- 
cus pendant leur invasion ; on divise les pots et les trompettes qui 
auraient ensuite été bloqués. Cela suppose nécessairement un remanie- 



JUGES, 6-8. — CRITIQUE 153 

ment complet et très arbitraire. Voici d’ailleurs l’analyse détaillée de 
Budde : J 6 2 b -6»*.l 1.12 b .13».t4*15 a .16*17 a .18a*.18 b .l9»*.19 b .21 .22-24. 
34;84-9.iO a *.ll 7 16*17«.18 b P*.19“i20*21 b *8 12»; 722 b *;8 12 b . 13-17» 18- 
21 b «.22* s. ? 24-26.27»* 30-32*. De E ou de J a 6 1 2». 13 b . 1 4*. 1 5 b . 1 6*. 1 7 b . 
18»\19»\20. De E 6 23-31.33.36-40; 7 1.9-11. 13-l5.16*17 b \18*.19».t9 b . 
20»? 2l a .22»*.22 b *.24 s. ; 8 1-3.22 s.? 21. De E a 6 7-10. De RJE 6 32.35; 
7(16-22). Du deuxième rédacteur deutéronomiste : 6 1.2». 6 b . 8 28.33-35. 
De plus ce rédacteur aurait enlevé 8 22 s. 8 24-26». 27»*. Le dernier rédac- 
teur R p , aurait remis 8 22 s. 24-26.27»* et ajouté 7 2-8. 12. 14*. 23 ; 
8 I0»? b ; 21 b p. Mains postérieures 7 13*;826 b . Les astérisques indiquent 
les passages retouchés. Dans Nowack le texte est encore plus morcelé 
et panaché. 

11 est difficile de ne pas éprouver un certain scepticisme en présence 
d’un pareil morcellement; cependant nous avons étudié avec soin les 
raisons données pour le justifier; mais nous ne pouvons nous rallier à 
ce système qui dissèque beaucoup trop et qui suppose trop de diver- 
gences dans les traditions. 

Nous sommes loin cependant de soutenir une unité absolue. Sans 
parler des gloses légères résultant de dittographie ou d’autres péchés 
de copistes , nous considérons comme très tardifs et peut-être comme 
postérieurs à la dernière rédaction 7 3s; 8 10 b qui paraissent une sur- 
charge et 8 27 b qui est exclu par le v. suivant (cf. les notes). Nous 
n’osons cependant retrancher ces passages comme de pures gloses. Le 
rédacteur deutéronomiste se retrouve au début et à la fin, formant 
cadre 6 1. 2»* 6 et 8 28.32-35. Il faut encore lui attribuer, ou à un révi- 
seur postérieur, la morale du prophète anonyme qui s’adresse en géné- 
ral aux fils d’Israël 6 8-10. Il reste en somme toute l’histoire de Gédéon. 
Cependant même dans cette histoire nous ne pouvons conclure à une 
unité absolue. Il y a deux graves objections, selon nous décisives. La 
première c’est le double autel bâti par Gédéon à Ophra, une fois à cause 
d’une vision (6 11-24) comme commémoraison delà visite de l’ange, 
une autre fois (6 25-32) au lieu et place de l’autel de Baal renversé. De 
plus la victoire des Éphraïmites sur les chefs de Madian 'Oreb et Zeëb 
parait une variante de la poursuite de Gédéon contre Zébah et Sal- 
mana. L’épisode des Ephraïmites est une conclusion différente de la 
campagne qui ne peut se placer ni avant que Gédéon ait passé le Jour- 
dain, c’est contraire au texte, ni avant qu’il ait atteint ses ennemis, ni 



156 


JUGES, 6-8. — CRITIQUE 

même après, car il ne se serait pas humilié si modestement devant les 
Kphraïmites après avoir châtié si durement Souccoth et Penouël. Nous 
avons donc comme deux centres de cristallisation dans chacun de ces 
points et nous ne demanderions pas mieux que de restituer deux his- 
toires complètes. Si nous prenons pour point d’attache la visite de 
l'ange, nous trouvons deux fois la mention du clan d’Abiézer 6 11.24. 
La même mention se trouve (6 34) lorsque Gédéon revêtu de l'esprit 
de Iahvé se décide hardiment à l'entreprise (tandis que 6 36 il hésite 
encore) et dans l'épisode des Éphraïmites où le clan d'Abiézer est vic- 
torieux (8 2) (tandis que dans la bataille ce sont trois cents hommes 
choisis par un signe divin). Nous rattachons donc l'épisode des Ephraï- 
mites à la vision de l'ange, contre tous les critiques. 

Si nous revenons au début, nous constatons que Gédéon, caché dans 
un pressoir pour dépiquer son grain, accuse l'oppression telle qu'elle 
est décrite 6 2 b -4. Nous ne voyons rien de plus dans cette histoire. 
Elle est fort incomplète, mais du moins très suivie. Gédéon, d'une 
humble famille du clan d’Abiézer (6 15) et lui-même sans autorité dans 
la maison de son père, travaillant de ses mains, est suscité de Iahvé 
pour délivrer Israël des Madianites. Il l'emporte, — nous ne savons 
comment la victoire était racontée dans ce récit — et doit céder l'hon- 
neur du triomphe aux orgueilleux Éphraïmiles. C’est un héros qui se 
rapproche du type de Samson et jusque dans l'allusion aux capitaines 
qui laissent leurs noms à des endroits connus on retrouve la même 
manière; cf. 15 19. Gédéon sonne de la trompette comme Éhoud pour 
convoquer les siens et fait lui aussi couper les gués du Jourdain. 
Cf. 6 34 et 3 27 ; 7 24 et 3 28. Rien n’empêche donc de voir dans ces 
trois récits l’auteur des guerres de Iahvé que nous désignons par J. 

Tout le reste forme une histoire parfaitement suivie selon nous, et 
dont tous les éléments connus se soudent facilement, quoiqu’il y ait 
des lacunes. Son caractère n'est pas plus surnaturel que celui de la pré- 
cédente, mais la conduite de Dieu paraît davantage et le salut suppose 
certaines dispositions morales. 

L’oppression est indiquée (6 5 qui répète ce qui a été dit vv. 2 b -4) et 
suivie d’une demande de secours. Ce secours est censé promis 6 36, il 
y a en effet la promesse 6 16; mais précisément on constate en cet 
endroit un léger embarras de rédaction. Gédéon devrait avoir reconnu 
Iahvé, et cependant sa surprise éclate plus tard (6 22) avec sa crainte. 



157 


JUGES, 6-8. — CRITIQUE 

Il semble donc que de 6 1 1 à 6 24 il y a dans la visite de l’ange des 
traces d’une autre apparition dans laquelle Dieu parlait à Gédéon. En 
tous cas Dieu exige d’abord qu’on renverse l’autel de Baal et qu’on le 
remplace par le sien (6 25-32) et Gédéon paraît à la fois comme réfor- 
mateur et comme sauveur. Il demande un signe (6 36-40) et la victoire 
elle-même, réservée à Iahvé par le choix de ses instruments et le mode 
du combat, sera comme une démonstration de sa puissance (7 1-21). 
Invasion des Madianites (6 3) et convocation des tribus (6 35), 
tout est très bien lié, car il fallait que le peuple fût d’abord 
assez nombreux pour qu'on eût trois cents trompettes et trois 
cents pots. Bataille ou plutôt panique. Les ennemis se dispersent (7 22). 
Ici nous nous trouvons en présence d’une grande difficulté. Il est déjà 
étonnant qu’après leur chaude alerte les Madianites aient pu se grouper 
et cependant gagner assez d’avance pour se croire en sûreté au delà du 
Jourdain. Ce qui frappe surtout c’est que Gédéon poursuit spéciale- 
ment leurs chefs Zebah et Salmana et que c’est à peine si on men- 
tionne le désordre de l’armée (810). Les gens de Souccoth et de Penouël 
savent très bien à qui Gédéon en a. Enfin lui-même révèle le motif de 
sa haine personnelle ; il s’agit d'une vengeance de famille. Les deux 
Madianites avaient tué les frères de Gédéon au Thabor. Dans tout cet 
épisode Gédéon est hardi et indomptable, sévère jusqu’à la cruauté, 
sinon envers les chefs ennemis qui devaient périr selon la loi du sang, 
du moins envers les gens de Penouël et de Souccoth. Ce n’est plus le 
Gédéon timide et anxieux qui n’entreprend rien sans avoir un signe. 
Aussi les critiques ont-ils refusé ce morceau à E pour l'attribuer à J. 
Mais il en résultait qu’ils attribuaient à E l’incident des Ephraïmites, 
contrairement aux vraisemblances, et, en somme, celui dont les frères 
ressemblaient à des princes serait plutôt le Gédéon qui commande à 
dix de ses serviteurs que le misérable batteur en grange. Cependant 
on ne peut supposer que le motif qui détermine la vengeance n’a pas 
été écrit; on a dû dire d'abord comment Zébah et Salmana ont tué 
les frères de Gédéon. Si ce récit appartenait à J ou à E pourquoi ne 
Paurait-on pas conservé? Il nous semble donc qu'il y avait là un docu- 
ment spécial. On racontait l’histoire d’une vengeance particulière. Le 
début cadrait sans doute mal avec la vocation de Gédéon qui délivra 
ses concitoyens de l’oppression des Madianites, vocation qui se trou- 
vait aussi bien dans J que dans E. La fin pouvait au contraire se souder 



158 


JURES, 6-8. — CRITIQUE 

facilement à l’histoire générale et c’est pourquoi elle a été conservée. 

Après cet épisode nous nous trouvons dans une sorte de réunion 
générale après la victoire. Le peuple, sauvé par Gédéon, lui offre une 
sorte de principat héréditaire (8 22). Il refuse, mais s’empare en réalité 
du pouvoir, au moins dans le cercle de son influence ; Abimélek a sim- 
plement voulu lui succéder au détriment de ses frères, non inaugurer 
un ordre nouveau. Il fait fabriquer un splendide éphod, instrument 
sacerdotal que le prêtre faisait fonctionner pour le roi et prend des 
femmes nombreuses qui lui donnent de nombreux enfants. 

Quant à l'auteur de ce récit, nous n’hésitons pas à désigner l'école 
Klohiste et ici nous sommes avec Budde, Moore et Nowack, sauf que 
ces critiques attribuent à l’inverse les Ephraïmites à E et la poursuite 
transjordannienne à J. La vision nocturne, le songe avec son inter- 
prétation, la lutte contre Baal sont des indices qui ne peuvent 
tromper; ils sont accompagnés, dans un bon nombre de cas du mot 
Élohim et de quelques locutions particulières. Il n’est pas nécessaire 
qu’on reconnaisse partout la manière de l’Élohiste; il suffit que les 
faits se soudent bien les uns aux autres pour qu’ayant conclu à l’unité 
d’auteur dans cette histoire on lui en fasse honneur. 

Nous reconnaissons donc dans l’histoire de Gédéon comme trois tra- 
ditions principales. Mais ces traditions ne sont nullement contradic- 
toires et nous ne supposons pas que, pour faire son récit, l’auteur a 
découpé ses documents en petits morceaux pour les faire servir à des 
combinaisons différentes. Il est impossible de conclure de notre ana- 
lyse à des histoires substantiellement différentes. Le pays de Gédéon 
est bien la tribu de Manassé; ni le champ de bataille ni la mention du 
Thabor n'indiquent une autre origine. On ne peut pas dire non plus 
que les ennemis étaient pour un auteur les Madianites, pour un autre 
les Ismaélites, pour un autre les nomades de l'Orient! ces expressions 
seraient d'ailleurs synonymes. Enfin les deux batailles doivent avoir 
été distinctes à l’origine comme elles le sont dans la rédaction, chacune 
avec son caractère, tandis qu’on veut supposer que la première s'est 
enrichie dans E des pots empruntés à J. Chaque auteur avait son point 
de vue particulier, la situation générale demeure claire et avec les 
caractères de l’histoire. 

Critique historique. — L’histoire de Gédéon marque une étape dans 
l’histoire politique et religieuse d'Israël. Israël est devenu un peuple 



159 


JUGES, 6-8. — CRITIQUE 

agricole. Comme tous les envahisseurs, une fois bien installé, il sera 
conduit par son intérêt même à arrêter les nomades dans le mouvement 
qui Ta porté lui-même au pays de Canaan. Ainsi firent les Francs 
d’Austrasie au temps de Charlemagne. C’est, comme l’exprime si 
vivement le symbole que Gédéon vit en songe, le pain du fellah qui 
roule et renverse la tente du nomade. Sur les marches d’Israël la 
population était sans doute plus mélangée et on était exposé en pre- 
mière ligne aux coups de l’envahisseur venu de l'est : d’où la lâcheté 
prudente des gens de Souccoth et de Penouël. Les nomades qui entrent 
ici en scène ne paraissent pas d’ailleurs avoir eu l’intention de se fixer 
en Palestine. Ils se contentent de razzias. Quelques-uns, et c’était sans 
doute la part d’\Amaleq, descendaient jusqu’à Gaza (6 4). D’autres 
passaient le Jourdain et remontaient jusqu’au Thabor. Ils étaient sur- 
tout attirés par les plaines où croissaient de riches moissons et où 
leurs chameaux se développaient librement. Les habitants n’avaient 
d’autres ressources que de gagner les montagnes et de se réfugier dans 
les cavernes ou derrière des remparts de grosses pierres. Sans se 
presser, les Orientaux dressaient leurs tentes comme en pays conquis. 
Le but de ces invasions n’était nullement une guerre d’extermination 
et les ennemis faits prisonniers n'étaient pas ordinairement exécutés ; 
si Zébah et Salmana n’avaient pas tué les frères de Gédéon, lui-même 
ne les aurait pas mis à mort (8 19). Mais ce premier acte de cruauté 
exaspéra Gédéon et sa famille. Selon Tes règles mêmes de l’honneur et 
de la justice, il devait poursuivre la vengeance du sang. Aussi alla-t-il 
chercher les chefs madianites jusqu’au delà du Jourdain où ils se 
croyaient en sûreté, et eux-mêmes semblent le provoquer à faire son 
devoir. 

La situation n’en était pas moins précaire et même intolérable pour 
les Israélites. Gédéon fut suscité de Iahvé pour purger le pays de ces 
sauterelles malfaisantes. Il s’agissait moins de les combattre en bataille 
rangée que de les disperser. Sans organisation militaire, aussi prompts 
à fuir qu’à attaquer, ils offraient une proie facile aussitôt que leur 
force de cohésion était rompue. M. Vigouroux a bien montré combien 
l’alerte nocturne où triomphe Gédéon est conforme aux vraisemblances 
historiques. Connaissant mal le pays où chaque rocher pouvait cacher 
une embûche, les Madianites n’avaient plus qu’une pensée, regagner 
le désert en passant le fleuve. Les gués occupés, errants dans les 



160 JUGES, 6 - 8 . — CRITIQUE 

fondrières qui bordent le Jourdain, ils devenaient une proie facile; 
Gédéon put le dire en toute vérité, le glanage d’Éphraïm valait mieux 
que la vendange d’Abiézer. Une réponse prudente met le sceau à la 
réputation d’un guerrier. Les Israélites présents lui offrirent un princi- 
pat héréditaire. Gédéon s’exprime avec modestie tout en gardant du 
pouvoir tout ce que la situation comportait. Or elle était embarrassée 
et mal définie. Le clan d’Abiézer demeura certainement dans sa main, 
mais Manassé, sa tribu, paraît avoir été la plus dispersée de tout 
Israël. Éphraïm était ombrageux. La cohésion n'était nulle part. Il 
fallait plus qu’une campagne rapide pour que les Israélites formassent 
une armée régulière, prélude obligé de la royauté. Gédéon se contenta 
de demeurer sans conteste le chef de tout un district que nous ne 
pouvons déterminer. Il avait déjà bâti un autel à Iahvé-pacifique. Il 
installa de plus, non pas chez lui, mais dans sa ville, un éphod, le plus 
précieux ornement d’un sanctuaire et l’apanage ordinaire de la royauté. 
Il eut de nombreuses épouses et étendit ses relations jusque parmi les 
Cananéens de Sichem. Sa mémoire demeura en bénédiction, attachée 
à son tombeau de famille. Mais de tragiques événements devaient 
interrompre brusquement cette ébauche de la royauté. 

Le rôle religieux de Gédéon est encore plus remarquable. Il est vrai 
que certains critiques le nient ou le révoquent en doute. Tout aurait 
été altéré par les derniers rédacteurs. Pour Wellhausen [Prol . *, 
p. 245 ss.), le vrai sens de l’apparition de l’ange à Gédéon indique un 
culte complètement semblable à celui des autres serviteurs de Baal. 
D’où le nom de Ieroubbaal ou plutôt de Ieroubaal, pour Renan 
Iarébaal (celui qui craint Baal 4 ), car on n’a jamais porté le nom d’un 
dieu si ce n’est pour l’honorer. D’accord sur ce point, les critiques se 
divisent sur ce qu’exprime Baal. Pour Renan c’est le baal cananéen et 
Gédéon changea en effet de maître : « des circonstances que nous 
ignorons inclinèrent Iarébaal vers le culte exclusif de Iahvé 1 2 ». Pour 
Moore et Nowack , le baal n'est autre que Iahvé lui-même. On fait 
remarquer que ce terme, en soi indifférent, marquant seulement le 
dieu propriétaire du sol a dû être appliqué à Iahvé puisque nous le 
trouvons parmi les familles sincèrement iahvistes, Ichbaal, fils de 


1. Histoire , I, p. 319. 

2. Rbnan, loc. laud. 



161 


JUGES, 6-8. — CRITIQUE 

Saül, Meribaal, fils de Jonathan, Baalyada, fils de David (cf. Os. 
2 18 ss.). Plus tard le nom de Baal devint pour ainsi dire le signe des 
cultes païens : on lë remplaça dans les noms propres par celui de 
Bochet (abomination) dans le propre nom de leroubbaal (II Sam. 
11 21) comme dans celui d’Ichbaal. Un autre artifice aurait consisté à 
faire dire à ce nom que le héros avait combattu contre Baal, d’où 
Thistoire du second autel destinée à réparer le scandale du premier. 

Tout cela est étrange et méconnaît la sincérité manifeste de nos 
auteurs. On a bien pu insérer une note pour blâmer l’usage de l’éphod 
(8 27), mais de là à inventer toute une histoire maladroitement plaquée 
à côté de l’autre, il y a loin. L’appréciation générale est superficielle. 
L’école historique ne prendrait pas sur elle de nier l’opposition entre 
Iahvé et les Baals qui forme toute l’histoire d’Israël au pays de 
Canaan. Que la religion de Iahvé ait été gravement atteinte par le 
contact avec la civilisation cananéenne, c’est ce que la Bible crie à 
toutes les pages, mais en somme Iahvé est demeuré seul maître, et cela 
ne peut pas avoir été sans lutte. C’est un épisode de ces luttes que 
l’Élohiste a raconté. Budde sans garantir la réalité des faits défend du 
moins leur mérite interne, nous dirions leur parfaite vraisemblance : 
« le plus souvent le passage au culte de Iahvé a dû s'accomplir insen- 
siblement, Iahvé étant devenu le maître du sol de la Palestine ; mais 
on ne peut exclure ici ou là un changement violent » (p. 56). Lorsqu’un 
récit que rien ne rend suspect raconte des choses parfaitement vrai- 
semblables, il n’y a aucune raison de mettre en doute la réalité des 
faits. Il est donc chimérique de voir dans les parties élohistes une 
correction inspirée par les scrupules que causait l’ancienne histoire. 
Ce qui a pu choquer dans la suite, ce qui a gêné en tous cas les inter- 
prètes, c’est que Gédéon ait bâti un autel en dehors du sanctuaire de 
l’arche, mais l’Élohiste n’avait pas ici de scrupules puisqu’il lui en 
fait bâtir un, lui aussi. 

Tout ce qu’on peut dire, c’est que le Iahviste ne semble pas s’être 
préoccupé de la lutte religieuse, peut-être simplement parce que de son 
temps cela n’avait pas le même intérêt, ou parce qu’il voulait simple- 
ment dire les guerres de Iahvé. Chez lui d’ailleurs Gédéon n’est pas mû 
par un désir privé de vengeance. Il ne songe qu’à son ouvrage et c’est 
une mission divine qui l’arrache à ses occupations. Son début est tout 
semblable à celui de l’ftlohiste : les Madianites oppriment Israël et 

. P. Lagrange. — Le» Juges. il 



162 


JUGES, 6-8. CRITIQUE 

Iahvé intervient pour les délivrer en suscitant Gédéon. C’est quelque 
chose comme l’épisode d’Éhoud, un extrait des actes de Iahvé par 
Israël, avec une vue jetée sur les prétentions arrogantes d’Éphraïm. Il 
est clair d’ailleurs que ni l’Élohiste, ni le lahviste ne se préoccupent 
de l’unité du culte autour du sanctuaire national. 

Gédéon a donc combattu le baal d’Ophra, pour le remplacer par 
Iahvé. Ce pourrait être à la suite d’une conversion. Pourtant cette opi- 
nion ne repose que sur une faute de copiste. On fait de Ioas le propre 
prêtre de Baal : il serait donc naturel qu’il eût donné à son fils un nom 
glorieux à son dieu. Mais l’autel de Baal n’était pas au père de Gédéon, 
il était à toute la ville. Depuis longtemps on s’étonne que le bonhomme 
se soit montré si froid pour son dieu dont il se moque. Sa conversion 
à lui aussi eût été très prompte! En réalité il était sans doute dans les 
sentiments iahvistes de son fils; ce n’est pas lui que son fils craignait, 
le texte dit, non sans intention, qu’il craignait sa famille et les gens de 
la ville (6 27). Ieroubbaal n’était donc pas un nom destiné à glorifier le 
baal d’Ophra. Encore moins baal suppose-t-il ici pour Iahvé. Dans 
une histoire de lutte contre Baal ce serait une confusion étrange. Il est 
vrai qu’on n’a jamais donné à quelqu’un le nom d’un dieu pour mar- 
quer qu’il en a été l’adversaire : mais le texte — qu’on pourrait d’ailleurs 
abandonner comme une glose — n’est pas tombé dans cette confusion. 
Il a fait de Baal le sujet du verbe, ce qui est philologiquement très 
vraisemblable ; il faudrait prouver que jamais Sémite n’a reçu un 
surnom à la suite d’un événement mémorable. Peu importe d’ailleurs 
que le nom réponde en lui-même exactement à la situation , pourvu 
qu’il donne satisfaction à l’instinct populaire. 

L’action de Gédéon marque donc un progrès dans la religion de 
Iahvé. Le triomphe qui suivit prouva que Iahvé régnait en maître au 
pays de Canaan. L’idée d’attribuer à un auteur récent tout ce qui 
marque le surnaturel est tellement peu critique qu’on ne l’emploie que 
dans l’exégèse de la Bible. Gédéon ne pense pas faire tort à la cause 
de Iahvé en installant un éphod. Comme chef militaire il pouvait avoir 
à consulter Iahvé avant de rien entreprendre. L’éphod paraît avoir eu 
ce but; le récit est ici bref jusqu’à l’obscurité. Peut-être a-t-il été 
interrompu et remplacé par le jugement sévère qui s’imposait à une 
époque plus récente , lorsque la centralisation du culte était devenue 
une loi absolue. 



Chapitre 9. — Histoire d 'Abimélek 


[E] 1 Abimélek fils de Ieroubbaal se rendit à Sichem auprès 
des frères de sa mère, et il leur parla ainsi qu’à tout le clan de 
la maison [ ] de sa mère, disant : 2 Faites donc savoir aux oreilles 

1. Omettre VIN. 


i-(L Usurpation d'Abimélek. — L’unité est reconnue. Moore dit E 
Rudde et Nowack J. 

1) Rien n’indique quota mère d’Abimélek fût cananéenne, toute l’histoire 
qui suit est inintelligible si Ja population de Sichem n’avait été très mélan- 
gée d’Israélites, et si de fait ils n'avaient eu la prééminence. Probablement 
cette famille était puissante à Sichem, il commençait à se former dans 
Sichem un esprit particulier dévoué aux intérêts de la ville parmi les 
deux races déjà mêlées. Sichem est, comme on le sait, représentée par la 
moderne Naplouse, si gracieusement située entre l’Ebal et le Garizim , 
la ville ancienne devait être cependant plus rapprochée du puits de Jacob 
dans la direction de l’est. Trop facilement dominée et incapable de se 
défendre, elle a cédé la domination politique à Samarie; mais beaucoup 
mieux située au confluent de toutes les grandes voies de Palestine, elle a 
toujours joué un rôle religieux considérable. C’est là que la Genèse 
(ch. 34 ) place la première tentative des Israélites pour se fondre avec les 
gens du pays par le connubium et la circoncision. Le tombeau de Joseph 
était tout près (Jos. 24 32), et c’est là que Josué avait réuni le peuple pour 
lui faire jurer alliance avec Dieu (Jos. 24 1 ss.). Sichem joue son rôle dans le 
schisme des dix tribus (I Reg. 12 1 ) et dans celui des Samaritains (Jos. 
Ant. XIII 25 d Niese ). Abimélek vient à Sichem, où il ne semble pas avoir eu 
sa résidence ordinaire, même dans la suite. Il est probable qu’'Ophra était 
déjà considérée comme une petite capitale. VlN~n^ ne forme qu’un mot ; 
c’est une subdivision de nnSttflD. Le G(A, Lag.) n’a pas rendu ^N, ce qui 
est assurément plus coulant. 

2) Il n’est aucunement fait appel à un sentiment national cananéen. 
Abimélek rappelle plutôt l’avantage décisif qui avait amené l'établissement 



164 


juges, 9 3-4 

de tous les principaux de Sichem : Que vaut-il mieux pour vous ? 
d'avoir pour maîtres soixante-dix personnes, tous fils de Ieroub- 
baal, ou d'avoir pour maître un seul homme ? Souvenez-vous d'ail- 
leurs que je suis de vos os et de votre chair. 3 Or les frères de sa 
mère rapportèrent toutes ces paroles à son sujet aux oreilles de 
tous les principaux de Sichem, et leur cœur pencha pour Abi- 
mélek, car ils se disaient : C’est notre frère. 4 Et ils lui donnèrent 
soixante-dix [sicles] d’argent du temple de Baal Berith, et Abi- 
mélek les employa à solder des hommes misérables et turbulents 

d'une monarchie, l’unité de pouvoir et fait valoir de plus les liens qui 
l'attachaient à Sichem. Os et chair pour parenté comme Gen. 29 14 (mais il 
n’est pas bien sûr que ce passage soit de J contre Budde ), Gen. 2 23 (J) 
dans un sens un peu différent, et II Sam. 51 ; 19 12.13. Moore note que dans 
le mariage de sadiqa les enfants appartiennent à la famille de la mère : le 
fait qu’elle avait continué à résider à Sichem indiquerait aussi qu’Abimélek 
y a été élevé, du moins dans son enfance. Les DDU ne sont pas les 
simples habitants, mais ceux qui ont droit d’agir au nom des autres, comme 
I Sam. 23 11.12; II Sam. 21 12. Le mot Syn est d’ailleurs fréquent da<is E 
dans le sens de propriétaire, époux. Il est clair que ces gens de Sichem 
savent bien qu'ils sont sous la dépendance de la famille de Gédéon : on 
leur offre seulement le choix du maître et on leur demande les moyens de 
le faire prévaloir. 

4)* On sait que les temples des anciens, même des Grecs et des Romains, 
étaient considérés comme des trésors publics ; les amendes* auxquelles 
condamnaient les Nabatéens devaient être payées aux dieux. 

Mais quel est ce Baal Berith, nommé encore v. 46 n’12 Sk. Il semble 
bien que rP12 signifie ici alliance : or le Baal est presque toujours le Baal 
d’un lieu, et il n'est pas possible de penser ici à Beirout, en phénicien 7PT2. 
Nous pensons donc que le nom primitif est El Berith, changé en Baal 
Berith pour insister sur le caractère idolâtrique de son culte. Le nom de 
El était au contraire suivi d’un mot indiquant un souvenir, Gen. 21 33. 
El-Berith peut très bien remonter aux Israélites dans l’origine, et c'est 
probablement le nom qui a été supprimé Gen. 33 20, lorsque après l’accord 
avec Hamor Jacob a nommé El... dieu d’Israël. Avec soixante-dix sicles 
Abimélek solde des gens << vides et légers », c’est-à-dire sans position 
sociale pour tuer ses soixante-dix frères. Il ne s’agit pas ici précisément 
d’une garde du corps, mais de gens sans aveu qu’on emploie au début des 
révolutions (113 ; I Sam. 22 2), sauf à les renvoyer ensuite. 



165 


juges, 9 5-6 

et ils marchèrent à sa suite. 5 Et il alla à la demeure de son père,, 
à 'Ophra, et il tua ses frères, fils de Ieroubbaal, soixante-dix 
personnes sur une seule pierre, et il ne resta que Iotham, le 
plus jeune fils de Ieroubbaal, car il s’était caché. 6 Et tous les 
principaux de Sichem et tout Beth-Millo se réunirent et allèrent 
couronner Abimélek comme roi près du chêne * de la stèle ’ qui 

6. rayon ; TM nyo dressé . 


5) Ici sa famille paternelle aïHYQ et non plus celle de sa mère. Les 
anciens commentateurs exagéraient en voyant dans ce massacre des fils de 
Gédéon sur une seule pierre une sorte de meurtre rituel pour venger Baal; 
cf. I Sam. 14 33 s. Cette façon de procéder marque en tous cas une exécution 
officielle. Abimélek choisi par ceux de Sichem prétend agir en vertu de son 
pouvoir souverain ; c’est une manière d’inaugurer un règne fréquente dans 
le monde oriental; cf. II Reg. 10 H; 11 1-3. Notre expression « sur la même 
pierre » n’est nullement synonyme de « au même lieu, aussitôt » (contre 
Bertheau , Hum.). 

6) HlSo DU encore v. 20 est probablement le nom d'un point fortifié non 
loin de Sichem, mais non la tour elle-même nommée v. 46 ss. A Jérusalem 
une certaine partie de la fortification se nommait KlSnn, et il semble que 
c’était sur un point où on avait dû fermer la vallée. Sichem ne pouvait être 
fortifiée que d’une manière analogue. L’étym. de nSq « remplir » , 
« combler », conserve sa probabilité d’après le Targ. NrpSo ; le sens* ne 
devait pas être inconnu des LXX qui ont généralement rendu f ( axpa pour 
Jérusalem ; ici le G transcrit MaXXtov ( Lag .) en MaaXwv (B). Guérin ( Samarie , 
I, 463 ss.) propose Kh . ed . Douarah au midi de Naplouse. 

Le chêne 23H2 sans article serait un arbre dressé, ce qui est absurde. Le 
G semble avoir eu l’article et peut être lu lüfQn, ttJç aiaatuiç, au lieu de 2XD 
(cf. cependant Is. 29 3 où 2ÿp pourrait avoir le sens de ardu; « posté 
militaire » que d’ailleurs le G ne lui donne pas) ; s. Jér. a tourné la difficulté 
d’après Sym . en transposant "UtfN, juxla quercum quæ stabal in Sichem , 
mais il était inutile de mettre pour exprimer cette idée, suffisamment 
rendue sans ce mot. Il est probable qu’il faut lire roXDn (Moore); cf. Aq. 
ffTTjXtujiaxoç et Targ. Nnap, la stèle nommée grande pierre en souvenir de la 
promulgation de la loi par Josué (Jos. 24 26 s.). C’est encore le même arbre 
nommé Gen. 35 4 (Hum.) et par conséquent un lieu sacré bien propre à 
l’inauguration de la royauté. Le mot de maseba indiquant en certaines 
circonstances un objet prohibé devait naturellement disparaître. Dans le 



166 juges, 9 7 

est à Sichem. 7 Et on l’annonça à Iotham, et il alla et se tint 


Syr. et r Arabe, il est remplacé par Maspha (cf. Enceintes et pierres sacrées, 
•RB, 1901, p. 216 ss.). 

7-21. L’apologub de Iotham. — Calmet remarque que ces sortes de 
comparaisons clochent toujours par quelque endroit et qu’il ne faut point 
presser les détails pour en retrouver l’application aux événements. Il est 
évident en effet que les Sichémites n’ont point offert la royauté aux fils de 
Gédéon qui n’ont point eu à la refuser, et qu’Abimélek se l’est fait offrir. 
Mais il y a plus; à prendre la fable en elle-même, elle semble dirigée 
contre le pouvoir d’un seul. Les gens utiles ne veulent pas quitter leur 
ouvrage profitable à la communauté pour mener l’existence oisive d’un 
prince; si on se met sous sa protection on laisse quelque chose aux épines, 
si on entre en lutte avec lui, on est détruit. Il est vrai que l’apologue 
pourrait aussi s’entendre du choix d’un mauvais prince et c’est dans ce 
sens que le prend Iotham, en marquant surtout que le choix doit être 
correct et légitime, sans léser d'autres droits. Cet emploi est parfaitement 
plausible, mais il est néanmoins assez détourné du sens propre de l’apo- 
logue ; il est donc probable que Iotham n’a fait que se servir d’une fable 
déjà connue pour l’appliquer à son but. 11 n’y a d’ailleurs aucune raison de 
douter de la réalité de ce petit fait. — Nous remarquons cependant dans 
les notes que les vv. 16 b , 48 seraient plus en situation prononcés à ’Ophra, 
peu après le massacre des fils de Gédéon. On pourrait supposer qu’ils pro- 
viennent d’une autre source que l’auteur de l’apologue et qu’ils auraient été 
insérés là pour bloquer deux discours de Iotham. Mais en tous cas nous 
maintenons à l’auteur de l’apologue le v. 19 entier; la légitimité du choix 
d’Abimélek exige deux termes : sincérité envers lui, justice envers la mai- 
son de Gédéon. i6 b -18 semblent n’être que le développement anticipé de 
ce second terme. On peut donc en somme le considérer moins comme un 
fragment de document que comme un développement rédactionnel qui s’est 
inspiré du v. 5, ce qui donne à la situation l’apparence d’être à 'Ophra. 

7) Abimélek ne paraît pas avoir résidé à Sichem : après son intronisa- 
tion Iotham put pénétrer à son tour dans la ville et s'adresser aux habitants 
qui n'avaient pas de querelle particulière avec lui. D’ailleurs il prend ses 
précautions en se plaçant sur un point élevé du mont Garizim. Le texte dit 
le sommet, ce qui n’est pas possible littéralement, le mont Garizim (dj. et 
Tôr) étant élevé de trois cents mètres au-dessus de Naplouse. Ou bien il 
faut l’entendre largement ou dans le sens de l’arabe ras , promontoire, 
comme dans ,TJ2 T2TN1 l’extrémité de l’angle (Ps. 118 22). Il y a en effet sur 
le côté nord-est du Garizim un rocher formant une sorte de promontoire à 



167 


juges, 9 8-9 

sur la pointe du mont Garizim, et il leva la voix, et il cria et il 
leur dit : Ecoutez-moi, principaux de Sichem, et que Dieu vous 
écoute ! 8 Les arbres se mirent en chemin pour oindre un roi 
[qui régnât] sur eux, et ils dirent à l’olivier : règne sur nous. 
9 Et l’olivier leur dit : Faudra-t-il que je laisse mon huile * dont * 
on se sert pour honorer Dieu et les hommes, pour aller me 

9. Ta; TM 13 moi. 


l’entrée de la vallée, où devait être l’ancienne Sichem ou du moins le bois 
sacré, aujourd’hui Balata encore si verdoyant. — Élohim est caractéristique 
de E car Iotham ne considère pas les gens de Sichem comme de purs 
païens (Budde). 

8) L’olivier est encore aujourd'hui la richesse de Naplouse dont la princi- 
pale industrie est la préparation de l’huile et du savon. Le Qrê roSo est la 
forme normale de l’impér. avec le n_ qui correspond à l’arabe énergique. 
Dans ce cas le son ô s’abrège et passe sous la première syllabe. A la pause 
l'abréviation ne se produit pas : le ketib est un cas analogue en dehors de 
la pause ; de même au v. 12. Ges. /f 26 48 f. A noter l’onction royale. 

9) inSinn. Le parf. s’explique parce que l’action devra être accomplie 
avant que la suivante commence, mais la forme est anormale, expliquée par 
Qirachi, etc., comme hoph'al , avec suppression de la préformante après n 
interrogatif; par Budde comme laissant le choix entre hiph'il et hoph ., plus 
vraisemblablement par Ges. K 63 k comme qal , le n ponctué qames cha- 
touph au lieu de qame f parce qu’il se trouve entre deux syllabes accentuées. 
Budde avec Moore insistent sur la nécessité de lire un hiph. parce que le qal 
ne se présente pas avec l’acc., le sens de Sin étant « cesser de faire »; 
mais hiph. n’existe pas et le causatif ne donnerait pas facilement ici le sens 
actif, qui sort plus naturellement de l’idée de cesser, abandonner, que de 
celle de faire cesser. — Lire *Q au lieu de n et prendre VT1D 1 * dans un 
sens impersonnel avec G(B) et Vg. Targ. Syr. y plus ou moins explicitement. 
Le sens de TM : « que Dieu et les hommes honorent en moi » demanderait 
plutôt ^ après VHDL Mais il ne faut pas conclure immédiatement avec 
Moore et Budde à l’usage d’oindre les bétyles, comme si c’était le seul usage 
sacré de l'huile ! Calmet qui cite cet emploi de l’huile rappelle la coutume 
d’allumer des lampes, de répandre de l’huile, d’en mêler aux gâteaux 
offerts à la divinité. Le mot est large à dessein : honorer au lieu d’oindre 
indique même plutôt les honneurs rendus à des hôtes qu’une onction 
royale; de même pour Dieu, il s’agit du culte ; cf. 13 17. yT3 signifie plutôt 



168 juges, 9 10-16 

balancer au-dessus des arbres ? 10 Et les arbres dirent au 
figuier : Viens, toi, règne sur nous. 11 Et le figuier leur dit : 
Faudra-t-il que je laisse ma douceur et mes excellents produits 
pour aller me balancer au-dessus des arbres? 12 Et les arbres 
dirent à la vigne : Viens, toi, règne sur nous. 13 Et la vigne leur 
dit : Faudra-t-il que je laisse mon moût qui réjouit Dieu et les 
hommes pour aller me balancer au-dessus des arbres? 14 Et tous 
les arbres dirent au buisson : Viens, toi, règne sur nous. 15 Et 
le buisson dit aux arbres : Si c’est sérieusement que vous moignez 
comme votre roi, venez, réfugiez-vous à mon ombre; car sinon, 
un feu sortira du buisson et consumera les cèdres du Liban. 
16 Maintenant donc, si c’est selon la vérité et l’équité que vous 

dans Is. 7 2 une agitation inutile qu’une activité féconde. C’est l’idée popu- 
laire que le monarque se pavane quand les autres font la .bonne besogne. 

11) La figue est douce et un produit utile parce qu’on peut la conserver; 
les figuiers sont particulièrement nombreux en Samarie, tandis que la 
Judée, même aujourd’hui, est plus spécialement le pays de la vigne. 

13) Le parallélisme est plus étroit avec v. 9 parce que le vin sert aux 
libations ; il réjouit Ps. 104 15; Prov. 31 6 s.; G(A) a évité l’anthropomor- 
phisme à la manière d’un Targum ; T7jv suçpoaiSvTjv ttjv rca pà tou Ocou tîov 
àv0pwrcwv. G(B) a supprimé Dieu. 

14s.) TON probablement Rhamnus palœstina de Boissier qui se trouve 
partout sur les rochers (Tris-tram, The Fauna and Flora of Palestine, 
p. 264) plutôt que le Zizyphus spina Christi qui exige la chaleur des vallées 
basses ou du Ghor, ou encore tout autre rhamnus (Tristram en cite douze). 
Le buisson a peine à croire que la proposition soit cordiale ; il exige 
que les plus grands arbres en montrent le sérieux en se plaçant sous 
sa protection ; s’ils ne veulent pas venir, — et la négative est inévitable 
puisque le buisson ne fait que blesser ceux qui l’approchent, — lui-même 
ira au-devant d’eux pour les détruire (cf Is. 9 18). Le dilemme n’est pas : 
si vous êtes sincères, si vous êtes de mauvaise foi (contre Moore) ; mais : si 
vous êtes sincères, venez; et si vous ne venez pas, ajouté à bon droit par 
Vg, si autem non vultis , vous en pâtirez. 

16) L’élection d’un maître indigne ne laisse que le choix entre deux 
maux. La pensée de Iotham paraît, ici, dirigée non contre la royauté en 
général, mais contre Abimélek. 

D’après Budde il faudrait considérer comme ajouté au texte primitif lô b à 



169 


juges, 9 17-19 

avez agi et que vous avez fait roi Abimélek, et si vous avez bien 
agi avec Ieroubbaal et avec sa maison, et si vous l’avez traité 
selon l’œuvre de ses mains ; 17 mon père qui a combattu pour 
vous, et qui a fait le sacrifice de sa vie et vous a délivré des 
mains de Madian , 18 et vous vous êtes levés aujourd'hui contre 
la maison de mon père , et vous avez tué ses fils , soixante-dix 
personnes sur une seule pierre, et vous avez fait roi Abimélek 
fils de sa servante sur les principaux de Sichem, car il est votre 
frère : 19 si donc c’est selon la vérité et l’équité que vous avez 
agi aujourd'hui avec Ieroubbaal et avec sa màison, réjouissez- 


19», parce que la contre-partie exacte de la fable est suffisamment expli- 
quée sans cela, riDN gardant le même sens au v. 16 qu'au v. 15, sincère - 
ment. Mais cela n'est pas possible parce que D^nn avec DON est du style 
de E (Jos. 24 14 quoique dans l’ordre inverse) et donne nécessairement à la 
pensée une autre nuance. En passant à l'application morale, la pensée se 
transforme. Il ne s’agit plus de savoir si la proposition des Sichémites était 
sérieuse, mais si elle était juste et il n’est pas étonnant que Iotham 
s'étende avec quelque prolixité sur ses malheurs qui font ressortir l'injus- 
tice des Sichémites. Il serait d'ailleurs plus naturel que cette partie du 
discours l6 b à 19» ait été tenue aux gens d' f Ophra; ou bien elle exige pour 
r Ophra une certaine proximité de Sichem. 

17) conjonction explicative, emploi qui ne parait pas être d’une 
haute antiquité. 7X3D comme préposition doit avoir un régime; il faudrait 
donc lire VTX3Q Gea. <3 ou le prendre adverbialement, (Gen. 21 16 (E). 

18) « Aujourd’hui » étonne pour indiquer le massacre, car il a dû se 
passer un certain temps entre ce fait et le couronnement à Sichem. Cela est 
clair s'il s'agit d’une première proclamation à 'Ophra, on conçoit aussi 
qu’Abimélek parle alors des gens de Sichem, ce qui est peu naturel en 
s'adressant à eux. Comment Iotham peut-il aussi qualifier la mère 
d' Abimélek de servante sans offenser les Sichémites? et leur faire un 
reproche d'avoir élu Abimélek parce qu’il est leur frère? Dans l’hypothèse 
d'un discours à *Ophra, il faudrait retrancher les trois derniers mots. 

19) Reprise de la moralité commencée v. 16, et apodose du tout. G(A et 
Lag.) ont dû lire 1 DHN IDIIDH suXoytjOiÛ)t« Gtxetç xat... « jugez- vous bénis », 
« félicitez-vous », qui ajoute à l’ironie et qui a pu être éloigné du TM par 
scrupule, à cause du terme de bénédiction. 



170 


juges, 9 20-22 

vous avec Abimélek, et qu’il se réjouisse aussi avec vous. 20 Mais 
s’il n’en est pas ainsi, un feu sortira <T Abimélek et consumera 
les principaux de Sichem et Beth-Miilo, et un feu sortira des 
principaux de Sichem et de Beth-Millo et consumera Abimélek. 
21 Et Iotham se sauva et s’enfuit et alla à Beër, et il demeura là 
pour échapper à Abimélek son frère. [R D ] 22 Et Abimélek exerça 

20) En opposition à Abimélek, Iotham devait mentionner ici les gens de 
Sichem et de Beth-Millo qui avaient pris part au couronnement; la moralité 
dépasse le cadre poûr s’appliquer aux faits, car le feu n'était pas sorti des 
arbres pour consumer le buisson ; mais il fallait indiquer aussi la ruine 
d’Abimélek. Ici DN s’oppose naturellement à OKI du v. 19, légère 
nuance par rapport à la construction du v. 15, qui insiste sur le point en 
question, la légitimité de leur conduite. 

21) Ce verset pourrait être placé après v. 5, mais il est ici aussi fort en 
son lieu. Beër peut très bien être el-Bireh , à trois heures (dix milles) au 
nord de Jérusalem, représentant ou non Beeroth (Jos. 9 17, etc.) ; une ville 
appartenant aux Gabaonites était un refuge assuré. Eus. et s. Jér. (On. 238 
73 et 106 20) disent Brjpa à huit milles au nord d’Eleuthéropolis : il n’y a 
pas de ruine de ce nom à cette distance et on ne sait ce qui les a attirés de ce 
côté. Le seul endroit nommé proprement Beêr (Num. 21 16-18) est au pays 
de Moab (ou. Themed ? RB. 1898, p. 425 s.) que rien n’indique ici. L’an- 
cienne version grecque (M, Syr.-hex ., A, Lag.) avait lu rHN3 « dans le 
chemin », ev ô8<a, par une simple confusion graphique ; Josèphe (Ant., V 
7 2) a probablement voulu améliorer ce texte en mettant « dans les mon- 
tagnes » , refuge ordinaire des fugitifs ; tandis que A a comme doublet xal 
e<j>uYEv êîç 'Papa, ce dernier par une faute de copiste grec au lieu de Brjpa 
(Lag.) ou Baojp (B) ; mais comment expliquer TXT de la Pechittâ? 

22-29. Révolte des Sichémites. — 22) est ponctué comme de Tlitf 
dénom. de (?) chef ; on préfère le ponctuer TtfT de nitf, faire le maître ; 
cf. Is. 32 1. En tous cas le mot est choisi pour éviter même l’apparence 
d’une royauté légitime. Évidemment la royauté d’Abimélek ne s’étendait 
pas sur tout Israël mais seulement sur Sichem, sur Thébéç, sur 'Ophra, et 
peut-être sur quelques autres villes qui l’avaient reconnu, ou qu’il avait assu- 
jetties par la force. On peut se demander si la généralisation avec le chiffre 
des années n’a pas été introduite par le R D ; Moore et Budde qui ne veulent 
pas reconnaître ses traces dans l’histoire d’Abimélek font diverses conjec- 
tures. 



171 


juges, 9 23-25 

le pouvoir sur Israël durant trois ans. [E] 23 Or Dieu envoya 
un esprit de discorde entre Abimélek et les principaux de Sichem, 
et les principaux de Sichem se révoltèrent contre Abimélek ; 
2i * afin de faire retomber ’ [sur lui] la violence faite aux soixante- 
dix fils de Ieroubbaal, et pour mettre sur Abimélek le sang de ses 
frères qu’il avait tués, et sur les principaux de Sichem qui l’avaient 
aidé à tuer ses frères. 25 Les principaux de Sichem placèrent donc 
contre lui des embuscades au sommet des montagnes, et ils 
enlevaient quiconque passait devant eux par le chemin ; et cela 

24. K>inS ; TM pour venir . 

23) Élohim, indice de E. — Un mauvais esprit, « Vg. vertens spiritum 
pessimum u tique inlellexisse videtur affeclum potius anirni quant diabolum » 
(Hum.); cf. I Sam. 16 14; I Reg. 22 21 s. 

24) NHnS avec LXX pour éviter le changement de sujet entre n*qS et 

mtrS; le remède contraire qui consiste à supprimer ( Budde , Moore) 

détruit la force de l’image; le sang est placé sur Abimèlék. DD^HR dans cer- 
taines éditions pour orpriN ( Hahn-Rosenmüller , Lipsiæ, 1868) est certai- 
nement fautif. La Vg. , après Josèphe (Ant., V 7 3), a compris à tort que 
les gens de Sichem, sans doute remués par les remontrances de lotham, 
avaient voulu ne faire retomber le crime que sur Abimélek et ses com- 
plices. Mais c’est la ville entière qui a été complice et qui sera punie. La 
pensée morale providentielle est celle de l’histoire de Joseph. C’est comme 
le premier concept de l’histoire des Juges : la conduite de Dieu sur les 
événements a un but de justice. 

25) au pVel n’est guère expliqué par II Chron. 20 22 si obscur; 
on peut, à la rigueur, le prendre comme au qal dans le sens de gens 
embusqués; s’ils sont au sommet des montagnes — où les routes ne passent 
pas — c’est pour voir de loin et ils ont vite fait de descendre. Cependant on 
pourrait ici encore entendre des promontoires des montagnes où les 
routes tournent, de sorte qu’il est facile de s’y cacher. Les gens de Sichem 
sont dans une bonne position pour arrêter les caravanes et c'est une 
manière de s’enrichir ! Mais comment cela faisait-il un tort spécial à 
Abimélek? Faut-il dire avec Budde qu’il faisait lui-mème le commerce? 
Mais il n’est pas nécessaire que le tort soit fait à la bourse d’Abimélek. 
C’est son autorité qui est bravée. S’étant rendus indépendants, ils con- 
fisquent tout ce qui, dans les circonstances précédentes, passait en sûreté. 
TU dans le sens de revendiquer, Gen. 21 25 (E). 



172 juges, 9 26-28 

fut annoncé à Abimélek. 26 Vint Ga'al fils 'cT'Obed ’ et ses frères, 
et ils passèrent par Sichem et il inspira confiance aux principaux 
de Sichem; 27 et ils sortirent dans la campagne, vendangèrent 
leurs vignobles , pressurèrent et firent une fête joyeuse, puis ils 
entrèrent dans le temple de leur dieu, et ils mangèrent et burent 
et maudirent Abimélek. 28 Alors Ga'al fils d’Obed dit : Qui est 

26. Lire 727 ; TM 727 esclave , même changement chaque fois. 


26) On ne peut nier le lien de ce verset avec ce qui précède : on arrê- 
tait ceux qui passaient. Ga'al vient à passer; au lieu de le rançonner, on 
lui accorde confiance ; les principaux de Sichem DDΠ^72 comme v. 2, etc. 
La ponctuation 727 esclave est impossible, d’autant que Ga'al arrive avec 
ses frères et avec ses parents. Lire avec Vg. Obed 727, nom qui figure 
encore dans l’A. T. On trouve dans G. ItoSrjX (B) A6e8 (A, Lag.) et Ü6r 4 5 
(Moore note que Ito6 t)X est une erreur de scribe pour 7217). Le nom de Gaal 
TotaX dans G (Lag.) est TaXaaô dans A et B ! Dans Josèphe (Ant. V 241 
( Niese )) ruaXrjç, SÿZl = arab. gu' al scarabée; préféré par Mez (Die Bibel des 
Josephus , p. 13) après Wellhausen (7sr. und.jüd. Geschichte 2 , p. 44). 

27) Budde joint fort mal à propos le v. 27* à 42 a ; il est lié étroitement k 

ce qui suit : on fait la fête après la vendange. D^SlS.7 ne se retrouve que 
Lev. 19 24 à propos des fruits qui, la quatrième année, étaient D^VlS.7 T77p, 
consacrés à Iahvé. Le mot signifie probablement la fête joyeuse qui suit la 
vendange. 11 n’est pas clair qu’il soit dérivé des fêtes de la nouvelle lune, 
arab. hilâl (Lag. Orient. II, 13 ss.) ; les cris joyeux sont le fait des vendanges ; 
il est donc très probable que QïSlSn vient de SSn ass. alâlu « jubiler », 
plutôt que de SS.7 ass. elêlu « briller », ce dernier racine de hilâl nouvelle 
lune. Le G(A, Lag.) a yopouç comme s’il avait eu en vue le sens de Sin 
« danser », cf. 21 21; G(B) qui ne comprenait pas le mot qu’il a simplement 
transcrit a ensuite EÎ^vEpcav comme si les D^SlSn étaient des 

manières de prémices. La maison « de leur dieu » au lieu de Baal Berith 
n’indique pas une autre source que 1-4. Le festin a le caractère religieux, 
cf. les syssities carthaginoises (Clermont-Ganneac, Recueil , III, p. 29) ; il 
semble bien qu’il a eu lieu dans le temple. Les têtes s’échauffent, on maudit 
Abimélek. 

28) On peut voir dans Moore toute une littérature moderne : Wellhausen, 
Robertson Smith, etc., qui, tablant sur le nom peu probable de lobel pour 
le père de Ga'al avec l’élément divin Iah, ont considéré Ga'al comme le 



173 


juges, 9 29 

Abimélek, et qui est Sichem, pour que nous le servions? est-ce 
que le fils de Ieroubbaal et Zeboul son préfet ' n'ont pas servi ’ 
les gens de Hamor [ ]? et pourquoi servirions-nous, nous? 23 Ah! 

28. ; TM VTÜV servez. — Omettre 02V) HN, glose. 


représentant des Israélites révoltés contre la royauté cananéenne d’Abimélek; 
de là ou plutôt pour en arriver là, des changements, transpositions, etc. 
Moore suivi par Budde se contente sagement de lire TTiy au lieu de H13T, 

:i * : • 

mais cette correction est depuis longtemps connue, adoptée par Hum. 
d’après Targ. Syr. La lecture du texte pour les consonnes est d’ailleurs la 
même dans G, sauf que G a un ’p avant 02V). Ga'al qui maintenant se pose 
en pur sichémite, — c’est souvent le fait des nouveaux arrivés — fait cause 
commune avec ses concitoyens d’un jour et rappelle que le fils de 
Ieroubba'al avec son préfet Zeboul ont servi les gens du pays, sans doute 
dans l’enfance d’Abimélek et non au teipps de Jacob (contre Hum.). Si 
vraiment Zeboul est le préfet d’Abimélek, la ville était donc encore au 
pouvoir de celui-ci, et cependant dès le v. 25 nous la voyons en révolte 
ouverte. Budde et Moore répondent que tout l’épisode de Ga'al forme un 
document distinct, qui suppose une situation différente. Mais alors on ne 
comprend pas comment Zeboul laisse la révolte s’opérer sous ses yeux ; 
surtout au v. 29 où Ga’al envoie défier Abimélek, tandis qu’au v. 30 Zeboul 
est précisément qualifié prince de la ville. Une excellente harmonisation 
est fournie par Wellhausen ( Cornpos . Nachtrage , p. 353 s., note) : Zeboul 
est un des principaux Sichémites, jusqu'alors sympathique aux idées de 
révolte parce qu’il espère profiter de la situation. H a ménagé son jeu et. 
Ga'al l’appelle par dérision le préfet d’Abimélek, comme les Juifs auraient 
pu nommer Agrippa II domestique des Homains peu avant le siège de Jéru- 
salem. Zeboul qui avait toléré les malédictions contre Abimélek est irrité 
du langage de Ga’al. Il opère pour s’en débarrasser en se servant d’Abi- 
mélek, mais ce dernier, comprenant le double jeu du personnage, poursuit 
sa campagne contre Sichem. 

29) Dirigé contre Zeboul qui ne fait rien contre Abimélek ( Cassel dans 
Ilum.). Si lui avait la direction il les aurait bientôt débarrassés d’Abimélek. 
Budde se livre à des combinaisons et transpositions, mettant 29 b dans la 
bouche de Zeboul avec v. 32. Il faut simplement lire avec le grec 1QN1 ; 
Ga'al parle toujours aux gens de Sichem : Ce n’est pas entre les deiix 
parties du v. un ordre interverti comme prétend Budde; c’est le style 
d’un bravache. La ponctuation normale est mi. 



174 


juges, 9 30-32 

si j’avais ce peuple dans la main, je ferais disparaître Abimélek! 
* je dirais ’ à Abimélek : augmente ton armée et viens-y! 30 Or 
Zeboul prince de la ville apprit les paroles de Ga'al (ils (T'Obed, 
et il s’irrita. 31 Et il envoya des messagers à Abimélek à * Arouma 
disant : voici que Ga'al et ses frères sont venus à Sichem, et 
voici * qu’ils vont faire sortir ’ la ville contre toi. 32 En consé- 

29. 1DKV, TM lonn et il dit . 

3i. .nrrnia; tm nains par ruse (?). — o^rra ;TM ana? assiégeants. 


30-41. Ga'al et Zeboul. — 1U7 peut signifier le gouverneur de la ville 

pour le roi I Reg. 22 26; II Reg. 23 8 ; mais ce peut être aussi le chef de 
l’aristocratie de la ville révoltée. Zeboul qui avait supporté patiemment 
tout ce qui s’était fait contre Abimélek s’irrite contre Ga'al qui exploite la 
révolte à son profit. 

31) nain pour « ruse » est une forme anormale. Il n’y aurait rien 
d’étonnant à dire que Zeboul a voulu tromper Abimélek lui-même, mais 
alors il faudrait lire ÎTCID ou JVDin. Il est plus probable que c’est un nom 
de lieu, HOUR qui parait v. 41 ; le G (A, Lag. etc. Syr.-hex.) lisait nOTin 
pela Bwpwv, ce qui est une lecture encore plus voisine de naïlN ; les autres 
verss. ont «‘en secret » (G(B), Vg., Targ .), ou « par ruse » (Syr.). Le sens 
de G : « avec des présents » serait d’ailleurs bon en sot, Zeboul veut faire 
la paix. D^IJf est correctement rendu par les versions dans le sens d’atta- 
quer, assiéger, qui est impossible; on peut lire avec Frankenberg(ap. Budde) 
excitant , hiph. de lljf, mais cela supposerait qu'Abimélek ne savait 
pas que la ville était déjà excitée contre lui, ce qui n’est pas l'hypothèse, 
même dans un prétendu Iabviste, puisque dès le début les gens de Sichem 
maudissent Abimélek, avant que Ga'al ait rien dit. Nous préférerions 
D^MTIQ, « faisant sortir » si ce verbe peut se dire d’une ville ; cf. Zach. 
14 2 ; Abimélek était très embarrassé pour prendre Sichem de force. Lui 
annoncer une sortie en masse était le mettre à même de triompher de ses 
ennemis. L’idée de sortie est la seule qui permette de continuer comme le 
v. 42, « En conséquence >». 

32 s.) Ces deux versets se suivent très étroitement (contre Budde qui 
donne 32 et 33a à E, 33b h J). Abimélek prendra ses dispositions la nuit 
tombée et se cachera, prêt à agir de bon matin. aitfS semble être précisé- 
ment l’acte — non d’entreprendre un pillage Ges.*\ — mais de sortir 
d’une embuscade (Moore) v. 44; 20 37 ; Job 1 17, conformément à un autre 
sens de T3Ü73, « se dépouiller d’un habit, apparaître ». de E. Il peut 



175 


juges, 9 33-37 

quence, lève-toi de nuit, toi et les gens qui sont avec toi, et mets- 
toi en embuscade dans les champs; 33 puis le matin, au lever du 
soleil, tu te lèveras et tu te déploieras contre la ville, et alors 
lui et les gens qui sont avec lui sortiront à ta rencontre et tu le 
traiteras selon ce qui se présentera. 34 Abimélek se mit donc en 
route de nuit avec tous les gens qui étaient avec lui, et ils se 
mirent en embuscade en face de Sichem (quatre corps), 35 et 
comme Ga’al fils (T’Obed sortait et se tenait à l’entrée de la porte 
de la ville, Abimélek et les gens qui étaient avec lui se levèrent 
de l'embuscade. 36 Et Ga'al vit cette troupe et il dit à Zeboul : 
Voici une troupe qui descend du sommet des montagnes. Et 
Zeboul lui dit : C’est l’ombre des montagnes que tu prends pour 
des hommes. 37 Et Ga’al reprit encore et il dit : Voici une troupe 

paraître étonnant qu’ Abimélek se découvre avant que la troupe de Ga'al ne 
soit sortie; mais Zeboul ne peut contraindre celui-ci en excitant son amour- 
propre que lorsqu'Abiméleck aura paru. Le bravache surpris et non pré- 
paré s'exposera quand même à la défaite. D'ailleurs c’est parce qu’Abimélek 
s'est montré trop tôt qu'il ne prend pas la ville cette fois. 

34) C'est exactement ce qui s’exécute et Budde a bien tort de distinguer 

des documents dans un ordre si naturel. Il est en particulier inconséquent 
de donner 34a à E et 34b à J quand on a donné à E 32 et 33b. Les derniers 
mots nyilN sont peut-être une glose. Abimélek qui ne peut être en 

quatre endroits ne forme alors qu’une embuscade, manœuvre imparfaite 
qu’il corrigera plus tard. Ga'al dans sa terreur semble multiplier les 
colonnes des assaillants, mais il est aussi possible que de l’unique embus- 
cade soient sortis quatre bataillons. 

35) Ga'al se présente à la porte comme pour sortir : au moment où il 
s'arrête sur le seuil, la troupe d’Abimélek paraît. 

36) Zeboul, auquel Ga'al reprochait de ne rien faire, lui réplique main- 
tenant qu’il a peur d’une ombre. Dans la position de Sichem, les ennemis 
devaient naturellement descendre des montagnes. 

37) YQT3 signifie l'ombilic, et étant employé dans le même sens par Ez. 
38 12 pour la Judée comme centre de la terre, il ne répugne pas qu’à une 
époque plus .ancienne on ait donné ce nom à un endroit près de Sichem, 
considéré comme le milieu du pays. Cependant ce peut être simplement 
un sommet arrondi : « dans Y Iliade et dans l’Odyssée, ôpçaXo; signifie sim- 
plement une pointe arrondie , un boursouflement : les boucliers n’ont pas 



176 


juges, 9 38-41 

qui descend de l’ombilic du pays, et un [autre] corps qui vient 
du côté du chêne des devins. 38 Et Zeboul lui dit : Où sont 
donc les paroles de ta bouche : qui est Abimélek pour que nous 
le servions? ne sont-ce pas là les gens que tu as dédaignés? 
sors donc maintenant, et. combats-le. 39 Et Ga'al sortit à la tête 
des principaux de Sichem, et il combattit Abimélek. 40 Et Abimé- 
lek le poursuivit, et il se sauva devant lui et il tomba beaucoup 
de morts jusqu’à la porte de la ville. 41 Et Abimélek ' retourna ’ 

41. 3^1; TM et il habita . 

T * - ...... 


qu'un seul ôpyaXo; à leur centre, ev oî op^aXoi éetxoai xaaaitEpoio » 

(Iliad., XI, 34 ap. V. Bérard, Topologie et toponymie antiques , Rev. arch., 
XXXVII, p. 33). Les LXX semblent avoir lu « du côté de la mer» D^O, ce 
qui pourrait très bien se soutenir pour marquer l'occident. Calmet cite les 
classiques pour l’ombilic de l’Italie (Pline 3 12), de la Sicile (Cic. in Verrem 
4 48), de la Grèce (Tit. Liv. 35 18). Le milieu entre la mer et le Jourdain 
serait plutôt à l'occident de Sichem. — Le chêne des devins est inconnu; 
ce n’est pas une raison pour l’identifier avec le chêne de Moré (Gen. 12 6). 
— Ga f al voit venir les ennemis de tous côtés, mais il ne fait allusion qu’à 
une colonne distincte. Tout cela s’explique très bien du déploiement de la 
seule embuscade qui se répand dans plusieurs sens. Il voit des ennemis 
partout. D’après Mez ( loc . laud . p. 14 note) la marche de la prétendue 
quatrième colonne nous aurait été conservée dans le texte de huit manus- 
crits gTecs : xaî ipy r) SXXr; znd tou 6ouvou ou oi 7roipivtç, ce qui suppose 
D nnn Dttf IttfN nynjno mx TTNYl. Ce ne doit pas être un doublet (contre 
Moore ed. polychr.) y le texte hébreu supposé serait trop différent du texte 
actuel, mais une tentative d’indiquer la marche de la quatrième colonne 
après que ce nombre eût été introduit. 

38 s.) Ga'al en bon démagogue aime mieux risquer la vie des Sichémites 
dans un combat qu’il sent inégal, que de s’avouer vaincu et de perdre ainsi 
son prestige : Zeboul l’accule habilement à cette extrémité dans l’espoir 
de demeurer le maître. 

40) Cf. I Sam. 31 1. Abimélek ne peut pas encore forcer la ville. 

41) est lu par quelques mss. grecs, B : eîo7)X0ev. Le sens exige : 
« et il retourna », plutôt que « il demeura » et cette leçon doit être adoptée 
par tous ceux qui voient HDIIN au v. 31. Abimélek retourne parce que 
Zeboul ne se soucie pas de lui ouvrir les portes et se contente d’expulser 
Ga'al dont les Sichémites connaissent maintenant l’incapacité. Budde 



177 


juges, 9 42-44 

à Arouma, et Zeboul chassa Ga'al et ses frères pour qu’ils n’ha- 
bitassent pas à Sichem. 42 Et le lendemain, le peuple sortit dans 
les champs, et on l’annonça à Abimélek. 43 Et il prit sa troupe 
et la partagea en trois corps, et il se mit en embuscade dans les 
champs, observant, et voici que le peuple sortait de la ville, et il 
fondit sur eux et les mit en pièces. 44 Et Abimélek et * le corps * 

44. ttfNin ; T\1 le pluriel. 


détruit le sens caché de toutes ces manœuvres, sens très bien compris par 
Wellhausen, en supposant que le v. 41 est l’œuvre du rédac. JE qui l'a écrit 
pour se débarrasser du personnage de Ga f al qui ne jouait aucun rôle dans 

E Arouma, auj. el-'Orme n’est guère qu’à deux heures de Naplouse au sud, 

ce qui permettait de reprendre les hostilités dès le lendemain. 

42-45. Nouvelle tentative d’Abimélek. — Il n’avait réussi la veille, en se 
montrant trop tôt, qu’à repousser les fuyards vers la ville en leur tuant du 
monde. Ce plan était celui de Zeboul qui voulait seulement se débarrasser 
de Ga'al. Maintenant Abimélek va manœuvrer pour couper ceux qui étaient 
sortis et pour prendre la ville privée de ses défenseurs. Il n’y a pas là 
emploi du mênffe stratagème ni siège d’une ville où son autorité aurait été 
rétablie (contre Moore , Budde). 

42) Moore rattache ce v. au v. 25 : lorsqu’ Abimélek apprend que les 
gens de Sichem sortent pour faire une razzia, il essaie de les surprendre. Il 
attribue à un même auteur (J) toute l’histoire de Ga'al (v. 26-41). Ce 
système plus simple que celui de Budde satisfait à toutes les difficultés 
proposées. En admettant l’unité d’auteur il est difficile de comprendre 
pourquoi il n’est plus question de Zeboul et pourquoi les Sichémites battus 
la veille, ou bien rentrent en campagne, ou bien sortent sans défiance. On 
peut d’autre part objecter contre Moorë que les expéditions des Sichémites 
pour faire des razzias v. 25 sèmblent conduites avec beaucoup de pru- 
dence et comme des embuscades sur les montagnes. Il faut pour qu’ Abi- 
mélek réussisse que la sortie s’efîectue sans défiance. On peut supposer que 
les gens de Sichem ont cru Abimélek rentré à f Ophra et qu’ils sont allés 
sans crainte à la vendange inachevée (Josèphe Ant. V 7 4) d’autant qu’en 
somme Abimélek n’avait pas même essayé de prendre la ville et avait lui- 
même battu en retraite. Le rôle de Zeboul se termine avec celui de Ga r al. 
Impuissant à rétablir l’autorité d’Abimélek, ne s’en souciant peut-être pas, 
il rentre dans l’ombre après avoir satisfait sa vengeance. 

44) C’est le développement et l’explication des derniers mots du v. pré- 
P. Laoranok. — Le g Juge s. 12 



178 


juges, 9 45-47 

qui était avec lui se déployèrent et se tinrent à l’entrée de la 
porte de la ville, et les deux corps se déployèrent contre tous 
ceux qui étaient dans les champs et les mirent en pièces. 45 Puis 
Abimélek combattit contre la ville tout ce jour-là, et il prit la 
ville, et il tua le peuple qui y était, et il détruisit la ville et y 
sema du sel. 

46 Lorsque tous les principaux de la Tour de Sichem l’apprirent, 
ils se rendirent à la grande salle du temple d’El Berith; 47 et on 

cèdent. Lire le sing. T2TN1H et non le pluriel avec quelques mss. grecs 
(M de Moore), Vg . cum cuneo suo et Joscphe (1. c.) fj (xèv xptT7j [xoîpa : le 
pluriel est incompréhensible, G(B) l’a atténué en àpyrjyot. 

45) Le sel semé sur les ruines ne se rencontre que là, mais le symbole 
est manifeste surtout en Palestine où les terres absolument incultes des 
bords du Jourdain vers la mer morte ont l’aspect d’une surface salée ; cf. 
Dt. 29 22 ; Jer. 17 6 ; Ps. 107 34 ; Job 39 6. 

46-49. Les Sichémites pris dans leur dernier refuge. 

46) Budde a très bien vu que le sel semé était le dernier acte de la tra- 
gédie relativement à Sichem. Il en conclut qu’un autre auteur commence 
ici, d’autant que la citadelle de Sichem nommée dans E Bfcth Millo est ici 
la Tour de Sichem. Mais s’il s’agissait de la citadelle, c’était donc un lieu 
plus facile à défendre, comme celle de Thébés, v. 51, et les gens s’y seraient 
maintenus. Moore a compris, après Hum., qu’il s’agit au contraire d’une 
ville ouverte, probablement très voisine de Sichem, et que les gens ont 
cherché un refuge dans un asile religieux plutôt que dans leurs murailles; 
le terme « et ils apprirent »> marque bien la distinction de Sichem et de la 
Tour de Sichem (cf. Loisy, Rev. hist. litt. rel. 1897 p. 134 ss.). — La 

(I Sam. 13 6) est en fait une salle souterraine, comme M. de Vogué l’a 
montré dans l’inscription nabatéenne de Pétra (RB. 1897 p. 232), mais rien 
n’induit à penser que le temple était bâti sur quelque tombeau illustre 
(contre Loisy), car NrPllT nabatéen signifie une salle, non un tombeau. Ce 
lieu n’était pas nécessairement plus saint que le temple, mais il fallait 
violer le temple pour y pénétrer puisqu’il en faisait partie du moins comme 
annexe; peut-être cette foule avec les femmes et les enfants ne pouvait-elle 
pas rester dans le temple lui-même sans en violer la sainteté, surtout pour 
une demeure prolongée ; la salle serait celle où le peuple était admis à se 
rassembler, auv&Euatç G(B). 

Au lieu de rPH Stf quelques mss. grecs supposent rPia. SîD 
v. 14. 


comme au 



179 


juges, 9 48-i9 

annojiça à Abimélek que tous les principaux de la Tour de Sichem 
s’étaient rassemblés . 48 Alors Abimélek monta sur le mont Çalmon, 
lui et toute la troupe qui était avec lui , et Abimélek prit à la 
main ' sa hache ’ et coupa une branche d’arbre, la leva et la plaça 
sur son épaule, et il dit à la troupe qui était avec lui : ce que 
vous m’avez vu faire, faites-le promptement comme moi. 49 Toute 
la troupe se mit aussi à couper chacun c une branche ’ et ils sui- 
virent Abimélek, et ils placèrent les [branches] contre la grande 
salle et ils consumèrent la grande salle avec eux dans les flammes, 
et ils moururent aussi tous les habitants de la Tour de Sichem, 

48. mnp ; TM nwnpn les haches. 

49. naW;TM nbw sa branche (?). 


48) Le Salmon est lu Eppcov ou Acouwv par les différents mss. grecs; 
opoç EXjxov Coislinianusy Basiliano-Valicanus, Syr.-Hex. marque le début de 
la corruption par haplographie (Moore polych.) y et cependant Eusèbe On. 
295 73 a SiXjmuv. 11 y a un cheik Selmân à peine moins élevé que le Garizim 
au sud-sud-ouest de cette montagne. Le Salmon était probablement plus 
boisé. Lire lOTlp, le sing. avec G (A, Lag. etc.), Vg. et le suffixe en plus; 
le plur. du TM est inexplicable surtout avec VP2. — HDTO doit être pris 
dans le sens de l’aram. HD1D, branche. C’était une tradition dans cette 
famille que le chef donnât l’exemple, cf. 7 17 ; ou cela marque du moins le 
même style. 

49) î"DW ponctué dans TM comme s’il y avait un suffixe « sa branche », 
demanderait un subst. "pttf. Le plus simple est de voir le même mot H31U 
qu’au verset précédent. On ne voit pas qu’Abimélek ait essayé de forcer 
les gens dans leur refuge, probablement pour ne pas violer le droit d’asile. 
On mit des fagots contre la salle et on la brûla sur eux. Les termes 
indiquent ici que la salle fut consumée, il n’est pas question d’asphyxie ; 
cet incendie ne conviendrait pas à une salle creusée dans le roc, mais bien 
à une salle inférieure; l’ancienne tradition hébraïque rapportée par Raschi 
n’avait sans doute pas tort en pensant à des voûtes. La construction du 
temple d’El Berith n’en demeure pas moins très mystérieuse. Les temples 
sémitiques étaient ordinairement à ciel ouvert sauf la cella et les portiques 
qui paraissent exclus. S’agirait-il d’un vaste porche placé à l’entrée comme 
dans le temple de Paphos (monnaie de la communauté des Chypriotes)? 



180 juges, 9 50-54 

environ mille, hommes et femmes. 50 Puis Abimélek marché vers 
Thébés, en lit le siège et la prit. 51 Or il y avait au milieu de la 
ville une tour fortifiée, et on se sauva là, tous les hommes et les 
femmes et tous les principaux de la ville, et ils fermèrent sur eux 
et montèrent sur le toit de la tour. 52 Et Abimélek vint jusqu’à la 
touret l’attaqua, et il s’approcha jusqu’à l’entrée de la tour pour y 
mettre le feu. 53 Or une certaine femme lança la meule de dessus 
sur la tête d’ Abimélek et lui brisa le crâne. 54 Et il cria aussitôt à 
son serviteur portant ses armes et il lui dit : Tire ton épée et 
tue-moi, pour qu’on ne dise pas de moi, il est mort de la main 

50-57. Fin d’Abimélek. — Il meurt en attaquant Thébés. D’après Budde 
50-55 sont de J, 56 s. de E. Moore divise de la même façon entre E et JE. 
En réalité aucune raison d’attribuer la première partie à J plutôt qu’à E, ni 
de refuser à E la seconde. Il faut bien que E ait dit l'incident qui justifie la 
réalisation de la menace de Iotham. Jusqu’à présent les Sichémites seuls 
avaient souffert, c’est le tour d’Abimélek. 

50) Thébés ne peut être que Toubas avec le changement intéressant de n 
en ü. C’est encore un gros bourg sur la route de Naplouse à Beisàn, 
ancienne voie romaine. Eusèbe pouvait donc le signaler avec exactitude 
(On. 262 44-47) à 13 milles de Naplouse ; nous avons trouvé le 14® mille un 
peu plus loin (RB. 1895 p. 617). 

51) .... SdI après tous les hommes et les femmes étonne un peu et ne 

peut être une explication qu’en supprimant 1, « tous citoyens de la ville »; 
mais il vaut mieux entendre comme A, Lag. etc., dans le sens des 

principaux de la ville comme 9 2. 11 s’agit ici de la ville, le fait est classique 
et bien différent de celui du v. 46. 

52) Abimélek veut renouveler son procédé du v. 49. Mais ici les gens sont 
sur le toit et se défendent en lançant des projectiles. 

53) 231 nSs « le morceau de dessus du moulin à bras ». La femme prend 
l’objet dont elle a l’habitude de se servir. La pièce supérieure chevauche 
sur l’autre d’où son nom de 231 employé seul Dt. 24 6. — yiJVi est considéré 
généralement comme impf. de qal en t, ce qui est très anormal ; on ne 
recourt pas à hiph. qui n’existe pas pour ce verbe et qui n’est pas exigé par 
le sens. 

54) Ce premier essai de royauté se termine comme se terminera celui 
tenté par Saül I Sam. 31 4. 


181 


JUGES, 9. — CRITIQUE 

d’une femme ; son serviteur le transperça donc et il mourut. 55 Or 
lorsque les Israélites virent qu’Abimélek était mort, ils rentrèrent 
chacun chez soi. 56 Dieu fit donc retomber sur Abimélek le mal 
qu’il avait fait à son père, en tuant ses soixante-dix frères; 57 et 
Dieu fit aussi retomber sur la tête des gens de Sichem toute leur 
malice, et la malédiction de Iotham, fils de Ieroubbaal, s’accom- 
plit donc sur eux. 

55) On voit clairement ici qu’en somme la royauté d’Abimélek s’exerçait 
sur les Israélites et par les Israélites. Mais comme la prédiction de Iotham 
exigeait qu’il souffrît de ses anciens sujets, il faut supposer que Thébés lui 
avait d’abord appartenu. Cela n’empêche pas de penser que la rébellion ne 
se soit appuyée surtout sur des éléments cananéens. « Les Sichémites 
avaient élevé Abimélek au pouvoir parce qu’il était un d’entre eux; ils 
essayèrent de secouer son joug lorsqu’ils virent qu’il était après tout le fils 
de son père » (Moore), Non seulement le siège de Thébés fut levé, mais 
chacun rentra chez soi, l’essai de monarchie avait échoué; c'est la fin de 
l’épisode commencé 8 23, IPn). 

56 s.) Élohim est un indice de E, rien dans cette moralité ne rappelle le 
rédac. deut. On ne voit pas pourquoi Moore qui dit E dans son commentaire 
donne la teinte de JE dans la traduction anglaise. C’est l’accomplissement 
de ce qui était annoncé v. 24. On voit combien E était soucieux de mettre 
en relief la conduite do Dieu dans sa justice. 


* 

* * 

Critique littéraire. L'unité de cette histoire est niée par Budde et 
par Moore, mais avec des résultats bien différents. Moore sépare seu- 
lement de tout le reste (E) l’histoire de Ga *al (26-40) qu’il attribue à J. 
Budde attribue à J 1-5, l’histoire de Ga'al en gros, la prise de Thébés, 
50-55; le reste à E, sauf quelques retouches rédactionnelles; mais il 
reconnaît que 1-5 et 50-55 devaient se trouver dans E et de façon très 
semblable. La principale raison de distinguer deux auteurs, c’est qu’on 
ne comprend pas pourquoi Abimélek assiège deux fois la ville et sur- 
tout comment Abimélek semble en être encore le maître par son pré- 
fet Zeboul dans l’histoire de Ga 'al, tandis qu’au v. 25 la guerre est 
déjà allumée. Budde veut que dans J la ville ait été prise sur Ga'al, 



182 


JUGES, 9. — CRITIQUE 

tandis que dans E les Sichémites se seraient laissés surprendre pendant 
la moisson. Mais il est obligé de supposer un mélange inextricable des 
textes auquel il ne faudrait recourir qu'en désespoir de cause ; c’est 
ainsi que le v. 27, la moisson et la fête religieuse sont coupées en deux, 
le v. 29 b placé entre 31 et 32 etc. Le système de Moore est plus sédui- 
sant parce qu’il suppose seulement l'insertion une fois faite d’une 
autre source sur Abimélek. 

Mais à voir les choses de très près, l’unité de tout le chapitre est 
encore le système qui l’explique le mieux. Le rôle de Zeboul est obscur % 
en toute hypothèse parce que nous ne savons comment il a fini. 
Wellhausen semble l’avoir bien caractérisé comme un ambitieux qui 
cherche à maintenir l’indépendance de Sichem dont il est un des prin- 
cipaux citoyens sans la livrer à Ga'al qui serait un autre Abimélek. 
C’est pour cela qu’il suggère à Abimélek un plan qui doit perdre 
Ga’al sans livrer la ville à Abimélek; c'est pourquoi il lui conseille de 
se mettre en embuscade, mais de se déployer au lever du soleil afin de 
lui permettre d’exposer Ga e al à un échec certain. Cependant on fer- 
mera les portes à temps et Abimélek devra retourner chez lui sans 
avoir rien fait. Ga *al n'en est pas moins ruiné dans l’opinion et Zeboul 
peut aisément le chasser de la ville. La leçon n’est pas perdue pour 
Abimélek : il organise sa troupe en trois tronçons, et pendant que lui 
se dirige vers la porte comme la veille, les deux autres corps coupent 
la retraite aux Sichémites ; finalement la ville est prise. Tout cela est 
bien dans le texte et il faut essayer d’en tirer ce qu’il peut donner sans 
subtilité avant de le mettre en morceaux pour défaut d’harmonie. 
Dans ce système, il n’est même pas nécessaire de retrancher les quatre 
groupes du v. 34 quoiqu'ils semblent avoir été ajoutés par un glossa- 
teur à l’instar des trois autres v. 43. L'unité est aussi assurée par le 
terme de qui n’est pas si commun pour désigner les principaux 
d’une ville et qui se trouve dans tous les passages attribués par Budde 
soit à J, soit à E, 2. 3. 6. 7. 25. 39. 46. 51. L’auteur unique nous 
paraît être E, indiqué du moins par Elohim 7. 23. 56. 57, et qui aime à 
mettre en relief la Providence de Dieu. Elle entraîne l’attribution à E 
de 8 30-32 qui est l’introduction à notre histoire. 

Ni Budde, ni Moore, ni Nowack ne veulent voir ici de traces de R D 
Nous lui attribuons le v. 22, sans quoi il faudrait supposer arbitraire- 
ment que le mot Israël qui généralise la royauté est une glose. C’est 



183 


JUGES, 9. — CRITIQUE 

donc R D qui a mis la date de trois ans. Nous ne refuserions pas de 
voir un développement rédactionnel 16 b à 19®, mais la chose n’est 
pas claire et d’ailleurs cela est sans importance. 

Critique historique. On s'accorde à reconnaître une haute valeur 
historique à l’épisode d’Abimélek. Loin de l’avoir négligé, l’école cri- 
tique est plutôt tombée dans l’excès d’y voir trop de choses, surtout 
lorsqu’on a fait de Ga*al le représentant d’une réaction israélite contre 
la royauté cananéenne d’Abimélek (W. R. Smith et d’autres dans 
Moore, p. 257). 

Abimélek est fils d’une femme de Sichem. Si Josèphe la nomme 
Drouma (pour Arouma), c’est peut-être qu’il la croyait née à Arouma ; 
en tous cas, elle était du territoire de Sichem. Il n’est pas certain 
qu'elle ait appartenu à l’une des grandes familles, de ceux que le texte 
nomme les messieurs de Sichem, mais en tout cas ses parents n’étaient 
pas sans influence. Gédéon ne l’avait pas introduite dans son harem ; 
elle restait chez ses parents quoique d'ailleurs leurs relations fussent 
connues. C’est le mariage que les Arabes nomment sadiqa et dont on 
trouve encore des exemples chez les peuples non civilisés. Abimélek 
fut sans doute élevé par sa mère au milieu des autres Sichémites. 
Gédéon qui n’avait pas accepté toutes les formes extérieures de la 
royauté n’avait pas institué d'héritiers. Il est cependant étrange qu’on 
ait pu songer à une domination partagée entre soixante-dix personnes. 
Ce qu’on prévoyait, c’était une dispersion nouvelle des forces grou- 
pées par Gédéon, peut-être des compétitions, tandis qu’Abimélek offre 
aux gens de Sichem de maintenir la confédération naissante et d’en 
devenir la tête. Un roi ne peut se passer de soldats : on lève une petite 
troupe aux frais du trésor du temple ; les frères d’Abimélek sont mas- 
sacrés, sauf Iotham ; Abimélek est proclamé roi à Sichem et, à ce qu’il 
semble, de Sichem, ce qui n’exclut pas un certain rayon d’influence. 
Gédéon était à peine un prince, il était loin. Les Sichémites ne tar- 
dèrent pas à se convaincre qu’ils s’étaient mis sous le joug. Les idées 
courantes sur la royauté sont exprimées par l’apologue de Iotham : 
elle est figurée sous des traits assez semblables à ceux de la tyrannie 
grecque. Les arbres utiles refusent ce métier; c’est un vil buisson, un 
homme du peuple qui s’empare du pouvoir et les cèdres du Liban eux- 
mêmes seront ses victimes. C’est ainsi que les gens de Sichem ont pré- 



184 


JUGES, 9. — CRITIQUE 

posé aux messieurs de Sichem le fils de la servante de Gédéon La 

discorde ne tarda pas à diviser Abimélek et les principaux de Sichem. 
On profita sans doute de son absence pour se mettre en révolte 
ouverte. L’ancienne organisation eût laissé sans défense les gens de 
Sichem contre un chef aussi hardi qu’Abimélek. Les principaux don- 
nèrent leur confiance à un certain Ga'al, fils d’'Obedqui passait là 
avec son clan. C’est ici que se manifeste l’antagonisme entre Cana- 
néens et Israélites. Jusqu’à ce moment, il n’y avait eu qu’une tenta- 
tive des principaux pour enlever Abimélek par surprise. Maintenant 
on conteste son droit. Ga'al exalte l’ancienne supériorité de la 
race de Hamor sur Abimélek et sur ses gens; il s’offre à prendre 
Abimélek vivant, il est acclamé. A côté de cet intrigant, figure un per- 
sonnage énigmatique. Zeboul est prince de la ville et Ga *al le qualifie 
de préfet d’ Abimélek. Ce peut être une dérision. Jusqu’à ce moment 
il ne paraît pas avoir rien fait pour maintenir la ville aux mains d’Abi- 
mélek et après avoir chassé Ga 'al il ne la lui livre pas. Peut-être était- 
il impuissant, obligé de céder au mouvement révolutionnaire, peut- 
être espérait-il travailler pour son compte. Le conseil qu’il donne à 
Abimélek devait perdre Ga'al sans avancer beaucoup les affaires du 
roi. Quoi qu’il en soit, Abimélek demeura le maître, signala son 
triomphe par de sanglantes exécutions, puis périt misérablement. La 
royauté périt avec lui 4 . Elle ne pouvait être fondée que sur le principe 
de l’unité nationale et de l’unité religieuse. A Sichem, demeurée en 
grande partie cananéenne par la race et peut-être entièrement par la 
religion, on ne pouvait aboutir qu’à une royauté mal assise : le tyran 
disparu, les éléments du petit royaume s’isolèrent de nouveau. Au- 
dessus de cette tragédie plane l’idée de la Providence qui remplace le 
destin des tragédies grecques. C’est la justice de Dieu qui triomphe, 
les pervers ont été les uns pour les autres les instruments d’un juste 
châtiment. 

Ces hautes vues de l’auteur sont bien au-dessus des sentiments qui 
animent les acteurs du drame. Dans l’ensemble les gens de Sichem 
adorent un dieu local qui n’est pas Iahvé, et si Abimélek ne les mas- 
sacre pas dans la grande salle de ce temple, il n’hésite pas à y mettre 
le feu, plutôt sans doute pour assouvir sa vengeance que pour détruire 
un temple qui jusqu’alors ne lui a pas porté ombrage. Malheureuse- 
ment le nom du dieu demeure obscur. Pour Moore (trad. polychr.) 



185 


JUGES, 9. — CRITIQUE 

El et Baal sont synonymes : El est la divinité qui habite un lieu, Baal 
la divinité auquel il appartient. Ce dernier point est seul à peu près 
juste. Tandis que Baal est constamment suivi d’un nom de lieu, El ne 
l’est jamais que par l’intermédiaire d’une personne. Les deux noms 
n’ont jamais été employés l’un pour l’autre, il faut donc savoir quel 
est le nom ancien. Nous pencherions pour Baal si Berith était un 
nom de lieu. Mais si M. Rouvier a retrouvé ce nom sur une mon- 
naie de la ville de Beyrout, on ne voit pas comment il s’appliquerait à 
Sichem. On ne peut guère supposer que Sichem fût une colonie de 
Beyrout. D’ailleurs le nom de El est demeuré chez les Hébreux le nom de 
Dieu, et il est impossible d’imaginer pourquoi on eût remplacé le nom 
de Baal, notoirement mauvais, par celui de El. Au contraire, le El- 
Berith de Sichem, avec son temple particulier, faisait nécessairement 
fonction de Baal cananéen, quelles que fussent ses origines. El-Berith 
est donc le dieu de l’alliance. Quelle alliance? Une alliance avec le 
dieu lui-même (Boethgen, Beilrâge, p. 25) est toujours supposée chez 
les païens et n’a pas besoin d’être énoncée, excepté chez les Israélites 
où il y eut un contrat spécial. Un contrat entre Sichem et les autres 
villes cananéennes, quelque chose comme une amphicthyonie n’est pas 
impossible, mais c’est une supposition gratuite. Nous pensons qu’il 
s’agit du pacte dont parle la Genèse (ch. 34). La tradition israélite a 
conservé le souvenir d’une très antique alliance contractée entre les 
Israélites et les gens de Sichem. Ce souvenir doit avoir une base his- 
torique. Le témoin d’une pareille alliance ne pouvait pas être un dieu 
à nom particulier, mais El avec un prédicat spécial. Les Sichémites et 
les Israélites pouvaient s’unir, du moins dans le nom, sinon dans le 
culte. Et c’est là aussi que Cananéens et Israélites ont essayé de 
fusionner dans une royauté commune. Le temple, symbole et souvenir 
de cette union, succomba avant la royauté elle-même. 



Chapitre 10 1 - 5 . — Thola' et Iaïr 

[R D ] 1 Après Abimélek se leva pour sauver Israël Thola* fils 
de Pouah, fils de Dodo, (homme d’Issachar), habitant à Chamir, 
au mont d’Ephraïm. 2 Et il jugea Israël pendant vingt-trois ans, 

1-2. Thola* — . De R D . La judicature sur Israël et la date. — 1) Le TM 
suivi en général par les versions diffère beaucoup d’un autre texte grec. 
D’après TM, Thola r est fils de Pouah, lui-même fils de Dodo, et homme 
d’Issachar. La forme IDtZftZP tPN en elle-même indiquerait les gens d’Issa- 
char ; cependant pour un particulier on a une analogie Num. 25 8.14 et plus 
haut 7 14. Mais il est étrange que ybin (étym. « vers qui donne la couleur 
rouge », « habit de cette couleur » ; cf. ass. tultu « vers ») soit aussi le 
propre fils d'Issachar (Gen. 46 13 etc.) et frère de HK1S (Gen. 46 13, écrit, TI2 
dans Num. 2623), signifiant rouge d’après les anciens, d’après les Araméens 
rubia tinctorum, la garance (Moore). Il est certain cependant que Thola 
est ici un nom de personne. La résidence d’un homme d’Issachar au mont 
d’Éphraïm n’a rien d’étonnant en soi, mais devient suspecte quand il s’agit 
d’un chef. La position de Chamir est inconnue, on le place naturellement 
le plus près possible de la plaine d’Esdrelon. Le nom de Dodo se trouve 
II Sam. 23 9 et dans el- A marna , Dûdu (KB.VI 44; 45; 52 15) sans parler 
du nom probablement divin de ,T?V? dans Mésa (1. 12). Même avec ce texte 
quelques-uns (G. Vg.)oni rendu TTVt « son oncle ». — Quelques minuscules 
grecs (M. de Moore) ont lu : xal àvéar^asv 6 Geo;... tov ©ioXa ulov 4>ou« uîov 
Kocote Tcaxpa&éXço'j aùtou, en omettant Issachar. Un plus grand nombre à 
SauapÊta au lieu de Chamir. Quelques éléments sont ici suspects : il est 
très naturel qu’entendant dodo dans le sens d’oncle, on ait supprimé 
Issachar, pour éviter la difficulté de la parenté entre Abimélek de Manassé 
et Pouah d’Issachar; de plus Samarie ayant été fondée plus tard, il est clair 
que le nom plus connu a remplacé Chamir. Mais il est difficile de croire 
que le nom de Kapis ou Kaprje qui représente nip (II Reg. 25 23 etc.) ait 
été inventé. Si c’est un nom hypocoristique ne pourrait-on imaginer qu’il 
est abrégé de lTnmp? La formule « Dieu suscita » est au moins aussi pro- 
bable que celle de TM (cf. 2 16.18). 

2) Thola* est attiré comme Abimélek vers Éphraïm comme centre de 



187 


juges, 10 3-4 

et il mourut et il fut enseveli à Chamir. 3 Et après lui se leva 
Iaïr de Galaad, et il jugea Israël pendant vingt-deux ans. 4 Et il 
avait trente fils, montés sur trente ânons (et ils avaient trente 


gravité. En disant qu'il habitait à Chamir le texte indiquerait plutôt que 
cette ville n'était pas sur le territoire propre d’Issachar. Steuernagel a 
conclu au contraire ( Die Einwanderung , p. 13) à la présence de la tribu 
d'issachar au mont d'Éphraïm à une époque antérieure à son installation 
définitive. 

3-5. Iaïr. — De R D . comme le prouvent la date et la judicature. — 4) JTin 
apparenté à VI qui en arabe signifie une tente, puis une tribu. Il s’agit de 
stations de nomades qui se sont transformées en villages en gardant leur 
nom. D’après les critiques, ce sont ces villes qui sont en question ; les ânes 
ont probablement été empruntés à 12 14, d’autant plus facilement que 
□ *137 et Dntjf se ressemblent davantage ; ils enlèvent donc comme glose 
« montés sur trente ânes ». Cependant la question des villes elles-mêmes 
(lire DViy 2° loco avec toutes les versions) est assez complexe. Ici elles sont 
en Galaad, comme ï Chron. 2 22, mais dans Jos. 13 30, Dt. 3 13 s. elles 
semblent confondues avec le pays de Basan. Cette difficulté n’est pas inso- 
luble si on suppose le Galaad du nord, auj. * Adjloun , et si l’on entend 
par Argob le pays de Souwât entre Irbid et Dar'ât , contigu au premier. Il 
faut d’ailleurs reconnaître que Dt. 3 13 s. porte des traces de glose, aussi 
bien que I Reg. 4 13 et que les appellations, tout en s’appliquant au passé, 
portaient la trace des changements successifs. Ainsi Num. 32 41 les villes 
de Iaïr ne sont pas nombrées. I Chr. 2 22 en compte 23 ; le TM ici 30, mais 
les LXX en ont 32; Jos. 13 30 en compte 60. Dans Dt. 3 14 et Jos. 13 30 
les mots a dans Basan » sont une glose contraire au texte lui-même, et qui 
ne s’explique que parce que le royaume de f Og, roi de Basan, avait compris 
aussi le pays d’ Argob (cf. Dt. 3 4). Lorsque I Chr. 2 23 les vingt-trois cités 
sont considérées comme descendant de l’union de Hesron le Judéen avec 
la famille de Makir, on indique le mélange de population juive restée dans 
ces villes, qui étaient sans doute près du pays de Tubion vers lequel Judas 
Macchabée dirigea une expédition pour délivrer les Juifs qui l’habitaient; 
— c’est à cette époque que le nom de Galaad a le plus d’extension (I Macc. 
5 25 ss.). Il demeure que Iaïr donna son nom à ces villes soit comme 
premier conquérant au temps de Moïse (Num. 32 41) soit comme juge (ici). 
Hum. suppose que ces villes ont repris avec le second Iaïr le nom du pre- 
mier qu’elles avaient perdu. Cette harmonisation est embarrassée. On 
pourrait plutôt s’étonner que la tradition hébraïque, à supposer qu’elle eût 



188 


JUGES, 10 1 - 5 . — CRITIQUE 

‘villes’, et on les nomma Hawot Iaïr jusqu'aujourd’hui, 
qui sont dans le pays de Galaad). 5 Et Iaïr mourut et il fut ense- 
veli à Qamôn. 

4. TM Dnw Anons. 


été double, eût été enregistrée à double avec tant de sans façon. Notre 
phrase est singulièrement embrouillée, comme le prouvent les deux DnS 
et Tincise retardée : qui sont au pays de Galaad. Il est fort possible que le 
texte ne contenait ici que les 30 fils et les 30 ânes et que les villes ne sont 
venues que par le calembour de quelque glossateur, attirées par le nom 
de Iaïr. Il s’en suivrait seulement que R D . n’aurait rien trouvé de plus pour 
caractériser Iaïr; pour 'Abdon il n’en dit pas davantage tout en rapportant 
un chiffre d’ânes plus élevé (12 14). 

5) Qamôn est inconnu, mais il est évident par le contexte qu’il faut le 
chercher à l’est du Jourdain. Polybe ( V 70 12) parle d’une ville de Kotjxouv 
près de Pella, auj. Tabakat Fahil . 



Chapitre 10 6 — 12 7. — Introduction et histoire de Jephté 


[R D ] 6 Or les fils d’Israël recommencèrent à faire le mal aux 
yeux de Iahvé, et ils servirent les Baals et les Astartés (et les 
dieux d’Aram et les dieux de Sidon et les dieux de Moab) et les 
dieux des fils d’Ammon et les dieux des Philistins, et ils aban- 
donnèrent Iahvé et ne le servirent pas. 7 Et le courroux de Iahvé 
s’enflamma contre Israël, et il les livra dans la main des Phi- 
listins et dans la main des fils d’Ammon. [E] 8 Et ils acca- 
blèrent et opprimèrent les fils d’Israël pendant cette ani\ée-là 

6-16. Fautes et repentir des Israélites. De R» d’après E. — 6) Les 
formules sont celles du Rd, cf. 2 11.13 ; 3 7 etc. Aux Baals et aux Astartés 
on joint les dieux des Ammonites et des Philistins, ce qui explique les 
oppressions suivantes. Les autres dieux n’avaient pas à être nommés ici et 
les différents textes sont fort divergents. Ce sont surtout les dieux des 
environs, développement de 2 12. G (B)a Apa8 THN pour D1N; Arvad irait 
bien avec Sidon, mais cette leçon n’est pas assez appuyée. « Les dieux 
d'Aram » doit être une glose ajoutée après que l'adversaire d’Othoniel fut 
devenu roi d’Aram des fleuves; cela manque dans plusieurs mss. grecs et 
se trouve avec astérisques dans Syr.-hcx ., transposé dans G(A); le syr. 
fournit la variante Édom que nous n’osons croire primitive. 

7) Cf. 2 14.20; 3 8 ; 4 2. On est élouné de trouver là les Philistins 
puisqu’il ne sera plus question prochainement que des Ammonites, mais 
cette longue morale n’indique-t-elle pas que l’auteur fait ici comme une 
préface à la seconde moitié du livre ? Peu importe que l’ordre des servi- 
tudes soit interverti après que l’ordre des idolâtries a été donné selon le 
plan du livre; les Ammonites viennent en second lieu comme sujet de ce 
qui suit. 

8) yyi et y3H l’un à côté de l’autre avec un sens assez semblable peuvent 
bien être le résultat d’une variante marginale ; mais rien n’empêche 
d’écrire de la sorte : « cette année-là », c’est l’année de l’oppression qui 
devait être déterminée dans le document qui parait commencer ici : ces mots 



190 


Jl'GES, 10 9-11 

[R D ] dix-huit ans, [E] tous les fils d’Israël qui étaient au delà 
du Jourdain, dans la partie du pays des Amorrhéens qui était 
dans Galaad. [R n ] 9 Et les fils d’Ammon passèrent le Jour- 
dain pour combattre aussi Juda et Benjamin et la maison 
d’Ephraïm, et Israël se trouva dans une grande angoisse. [E] 
10 Et les fils d’Israël crièrent vers Iahvé, disant : Nous avons 
péché contre toi, * oui nous avons abandonné notre Dieu, et 
nous avons servi les Baals. [R D ] 11 Et Iahvé dit aux fils 

10. Omettre 1 devant *0. 


sont embarrassants à coté de « pendant 18 ans » ; aussi la Vg . les a sup- 
primés et Hum. propose de les considérer comme une glose, mais tout 
l’embarras est causé par la soudure de deux textes. Cependant comme un 
rédacteur même n’écrirait pas de la sorte, il est probable que les 18 ans 
sont tombés du v. précédent : Dieu les livra pendant 18 ans, comme 3 14. 

— La terre des Amorrhéens, c’est en parfaite conformité avec le récit de 
la conquête dans E Num. 21 21 ss. ; cf. Dt. 1 24 ss. 

9) Le v. 9b est certainement de R n ; cf. 2 15 ; il est donc probable que la 
première partie en est aussi. Elle étend l’oppression à l’ouest du Jourdain. 

10) Le cri vers Dieu est souvent de R ü , cependant nous l’avons trouvé 
dans E 6 7 qui contenait en germe le pragmatisme moral. De plus il emploie 
la confession des péchés, Num. 14 40; 21 7 ; ce verset peut donc être de lui, 
mais repris par R», qui en fait le point de départ d'une instruction morale, 
exactement comme 6 8 ss. 

11 s.) La construction par anacoluthe est impossible, et toutes les ver- 
sions y ont renoncé. On ne peut pas dire cependant qu’elles suivaient un 
autre texte, elles ont simplifié, d’autant que G(B) suit en partie TM. Mais 
on ne peut guère supposer non plus l’ellipse de « je vous ai sauvés » 
avec Ce qui est classique en parlant de l’Égypte, c’est que Dieu en a 
fait monter, dans ces morales 2 1 et 6 8 ; ensuite Dieu délivre des autres. 
Dans le v. H, il n’y a donc rien à ajouter aux Égyptiens, le reste est une 
glose remplaçant DDDN « je vous ai fait monter» qui est nécessaire. 

D’autant que les Amorrhéens, partout dépossédés, n’ont guère opprimé que 
Dan (1 34), fait qui n’a pas été suivi immédiatement d’une délivrance, et 
qu’il va être question de la délivrance des Ammonites dans l’avenir. Rachi 
avait déjà remarqué qu’il y a sept oppressions pour sept genres d’idolâtrie 
au v. 6, mais n’est-ce pas ce qui a porté lesglossateurs à grossir ici la liste? 

— Les Sidoniens ne s'expliquent guère, mais il est vrai que nous ne con- 



juges, 10 12 16 191 

d’Israël: Ne 'vous ai-je pas fait monter ’ d’Egypte? [ ] 12 Et 
les Sidoniens, et Amaleq et * Madian ’ vous ont opprimés, et 
vous avez crié vers moi, et je vous ai sauvés de leurs mains. 
13 Et vous m’avez abandonné et vous avez servi d’autres dieux ; 
je ne veux donc plus recommencer de vous sauver. 14 Allez, criez 
vers les dieux que vous avez choisis, qu’ils vous sauvent dans 
le temps de votre angoisse. 15 Et les fils d'Israël dirent à Iahvé : 
Nous avons péché, fais-nous tout ce qui sera bon à tes yeux, seu- 
lement délivre-nous en ce jour ! [E] ,fi Et ils firent disparaître 

h. mnKlwbyn ; tm om. — Rayer crrnpbs ]tr, par m ]V nakn 

12. TM yiTO Ma 'ôn. 

naissons pas toutes les circonstances. On sait que ce nom s’employait pour 
les Phéniciens en général. Ainsi Ethhaal roi des Sidoniens I Reg. 16 31 
était d’après Josèphe (Ant. VIII 13 2) roi de Tyr. La mention des Sidoniens 
s’expliquerait donc très bien si l'oppresseur du eh. 4 était le roi de Tyr 
113? et non Yflfn. Cela irait bien aussi avec le rapprochement des Cananéens 
et des Sidoniens 3 3. 'Amaleq n’a figuré qu’avec Madian, 6 3 ; figurera 
plus tard dans l’histoire (I Chr. 4 41) etc., probablement Ma 'An à six heures 
à l’est de Pétra ; mais ici Madian est beaucoup plus probable avec G(A, B, 
Lag.). La tradition textuelle est d’ailleurs assez flottante. Le Syr. remplace 
les Amorrhéens, les Ammonites et les Philistins par les Moabites; au v. 12 
il met les Ammonites pour Ma 'on. Ce dernier mot est lu Canaan par Vg. et 
quelques manuscrits grecs. — En présence de ces divergences on serait 
tenté d’adopter la cure radicale de Moore qui lit : « Les Egyptiens vous ont 
opprimés et je vous ai délivrés de leurs mains. » Mais le R n a du se placer 
dans une situation différente de celle de la sortie d’Égypte. Il y a eu chute 
et rechute, la situation est empilée. D’ailleurs un simple glossateur eût 
difficilement introduit les Sidoniens. — Le thème du repentir, comme 2 18. 

13) La rechute comme 2 19. 

14) Cf. Dt. 32 37 s. 

15) Nouvelle confession, beaucoup plus humble que la première, qui se 
soumet éventuellement au châtiment. Celte soumission à la volonté de Dieu 
se retrouve I Sam. 3 18; II Sam. 15 26. Il n'est pas nécessaire que toutes 
les confessions de péchés soient de E. 

16) Ce verset qui suit l’aveu des fautes se souderait aussi bien à v. 10. 
D'ailleurs Moore et Budde remarquent des traces de E. Il y a une grande 
ressemblance avec Gen. 35 2 ; Jos. 24 20-23; I Sam. 7 3. Cela conduirait à 



192 


juges, 10 17-18 — 11 1 

les dieux étrangers qui étaient parmi eux, et ils servirent Iahvé, 
et il ne put supporter plus longtemps les souffrances d’Israël. 

17 Or les fils d'Ammon se rassemblèrent et campèrent à 
Galaad, et les fils d’Israël se réunirent et campèrent à Mispa. 
18 Et le peuple dit [ ] chacun à son compagnon : Quel est 
l’homme qui commencera à combattre contre les fils d’Ammon ? 
qu’il soit le chef de tous les habitants de Galaad. 

h. - [j] « Or Jephté, de Galaad, était un brave. Il était fils 

18. Om. TySa VUtf les princes de Galaad. 


attribuer à E Dt. 31 16. Donc 13JH représente dans E D\"|Sk 

de D. — Sur la locution : avoir Pâme courte, perdre patience, cf. Num. 21 4 
(E), Jud. 16 16, Zach. 11 8 Dans Job 21 4 et Ex. 6 9 (P) avec mi au lieu 
de ©SJ. — Say comme Dt. 26 7. 

10 17-11 11. Débuts de Jephté. — E et J. Deux récits parallèles. Dans E, 
les Israélites cherchent un chef (tTNl) (10 18); or un certain Jephté avait 
été chassé par ses frères (11 2); c’est lui qu’on va chercher pour être chef 
(11 8), ce qu’il exige formellement (11 9); on jure devant Iahvé, car Jephté 
avait prononcé toutes ses paroles à Mispa. Il y vivait donc, mais à l’écart 
de sa famille. Dans J, Jephté, fils d’une courtisane, a dû fuir son pays 
(11 l a .3). La guerre éclate (4) ; on va le chercher au pays de Tob où il est à 
la tête d’une troupe et on lui propose de devenir capitaine des Israélites 
(5 b .6). 11 accepte (11 1 1») . Rédactionnel peut-être « les anciens » pour « les 
frères » au v. 11 7 et UNI ajouté v. il». 

17) Ipyim comme 6 34 et 7 24 dans J. Tournure qui se retrouve 6 35 et 
7 23. Gala 'ad doit être représenté du moins quant au nom par Djal'oud, à 
plus de deux heures au nord de Sait. nS3PD pourrait très bien être Miçibla 
entre Souf et Djérach , découvert par Schumacher (Afi7. DPV 1897 p. 5). Il 
semblerait par le rapport entre ces deux positions que les Israélites sont 
refoulés par une invasion qui viendrait du sud. 

18) üyn se comprend très bien, c’est l’agglomération de gens qui n’ont 
pas de chef et qui en cherchent un ; il est étrange que ce terme soit expliqué 
par ’HtT, les princes de Galaad ; ces derniers mots sont une glose. 
D’ailleurs les groupements des Israélites avaient leurs chefs naturels, 
nommés anciens dans 11 5-11. G(A) harmonise en lisant: les chefs du 
peuple de Galaad. Il y a une tournure analogue 1 1. 

11 1) est un nom du type Jacob, qui devait être complété par 



juges, 11 2-3 193 

d’une prostituée, [E] .... * et elle enfanta à Galaad ’ Jephté; 
2 et la femme de Galaad lui donna des fils, et les fils de sa femme 
grandirent et ils chassèrent Jephté et ils lui dirent : tu n’héri- 
teras pas dans la maison de notre père, car tu es le fils d’une 
autre femme. [J] 3 Et Jephté prit la fuite devant ses frères, 

1. lySaS -rbm ; TM lySa *rbvi et Galaad engendra. 


Sn ; ba’nns^ est le nom d’une vallée de Zabulon (Jos. 19 14. 27). C’est un 
brave guerrier ; cf. 6 12 ; I Sam. 9 1 ; 16 18 tous dans J. — Les deux parties 
du verset sont un peu divergentes dans le TM. D'une part Jephté le 
Galaadi, c’est-à-dire du pays de Galaad, est né d’une courtisane, par consé- 
quent d’un père inconnu; d’autre part on voit un personnage nommé Galaad 
qu’Hum. tient pour un nom réel tandis que Calmet disait déjà « un homme 
de Galaad »,qui engendre Jephté. L'expression « faire enfanter » est 

technique et caractéristique du Code Sacerdotal. Au v. suivant la mère de 
Jephté est simplement une autre femme par rapport à la femme légitime de 
Galaad, donc une première femme ou une concubine reconnue. La rédac- 
tion des LXX est du moins bien meilleure : xal Itexev tô TaXaa8 (A et 
consorts) soit : iSlVl, ^ ^ VV7 l a6V TaXaao (B). Vg. qui nalus est de 

Galaad. Les commentateurs ont harmonisé en faisant de la courtisane une 
concubine. Malgré ces tentatives de conciliation il demeure que 1» indique 
d’un mot tout ce qu’on savait de Jephté : bâtard né d’un père inconnu en 
Galaad, et que le père Galaad de 1*> ne peut être que le résultat d’une confu- 
sion. 

La rédaction actuelle peut se soutenir en rigueur parce qu’en somme une 
courtisane peut avoir un enfant d’un père connu, mais la meilleure expli- 
cation de la divergence est de supposer deux documents qui n’ont été 
qu’imparfaitement soudés. Il faut supposer un autre nom que Galaad pour 
père, peut-être lybl W'H. 

2) Suite de 16. Les anciens commentateurs discutaient sur le droit des 
Hébreux par rapport aux enfants illégitimes; mais ce mot, dans la poly- 
gamie, ne pouvait avoir le même sens que dans le droit de la monogamie ; 
cf. Gen. 21 10. 

3) Jephté prend la fuite, ce qui suppose plus que la simple privation de 
l’hérédité. Il sc peut que sa fuite ait été d’abord volontaire, à la suite d’un 
fait dans lequel on lui donna tort; cf. II Sam. 13 37 où la fuite d’Absalon 
est tout d’abord volontaire. Le pays de Tob était probablement au nord de 
Galaad (cf. Il Sam. 10 6.8 et I Macch. 5 13; II Macch. 12 17). D’après les 

P. Laghange. — Le t Juges. 13 



194 


juges, 11 4-8 

et il habita au pays de Tob, et des hommes de rien se rassem- 
blèrent autour de Jephté et firent avec lui des expéditions. 4 Or, 
après un certain temps, les fils d’Ammon vinrent à combattre 
contre Israël. [E] 5 Et lorsque les fils d’Ammon eurent 
entrepris la guerre contre Israël, [J] les anciens de Galaad 
allèrent prendre Jephté au pays de Tob. G Et ils dirent à Jephté : 
Viens, et tu seras notre capitaine, et nous combattrons les fils 
d’Ammon. [E] 7 Et Jephté dit aux anciens de Galaad : N'est-ce 
pas vous qui m’avez pris en haine et qui m’avez chassé de la 
maison de mon père ? et pourquoi venez-vous à moi maintenant 
que vous êtes dans l'angoisse ? 8 Et les anciens de Galaad dirent 
à Jephté : C’est bien pour cela que maintenant nous sommes 
revenus à toi, et tu iras avec nous, et nous combattrons les fils 
d’Ammon, et tu seras notre chef et celui de tous les habitants de 

Macch. le pays de Tubin serait entre Dera'at et Bosra, peut-être Taiyebé. 
Le Talmud nomme la région de Tob NrPDID, c’est-à-dire Hippos , auj.Soti- 
siyé , dans Jer. Chebiith , V. 1, fol. 36, mais d'après quelle autorité? Les 
gens qui se rassemblent auprès de Jephté sont sans position comme lui, ils 
font ensemble de vraies expéditions; ils sortent, parce que le vol n’est 
honorable qu'aux dépens des tribus voisines. 

4 s.) Le v. 4 semble faire double emploi avec v. 5» . Le G (B) supprime 
v. 4, le G (La< 7 .)au contraire v. 5», la Vg. a combiné. 11 est d’ailleurs certain 
que le v. 4 a un aspect plus primitif comme commençant ab ovo l’histoire 
des invasions des Ammonites. Le v. 5a est un remplaçant qui suppose 
rhistoire déjà commencée v. 17 et qui se sera glissé en doublet dans le 
texte. « au bout d'un an » (v. 40; 17 10) depuis son expulsion, 

d’après Budde etc., mais les exemples cités supposent une périodicité qui 
ne paraît pas ici. Le tçrmc est très vague. 

6) ’pXp indique un commandement militaire Jos. 10 24. 

7) Les anciens, peut-être les frères dans la rédaction de E. Jephté croit 
avoir le bon droit pour lui. Il reproche aux anciens de l’avoir chassé de sa 
maison paternelle par haine. 

8) pb G(B)oii to’jto, « précisément » ; les anciens évitent la discussion des 
faits et reconnaissent implicitement leur tort; en tous cas ils ont besoin de 
Jephté. Il est inutile de lire p nS avec G (Lag., A). Jephté sera à la tête de 
tous les habitants de Galaad, cf. 10 18, ce qui soude étroitement ces deux 
passages. 



195 


JUGES, 11 9-12 

Galaad. 9 Et Jephté dit aux anciens de Galaad : Si vous me 
ramenez pour combattre les fils d’Ammon, et que Iahvé les 
mette en fuite devant moi, je serai votre chef! 10 Et les anciens 
de Galaad dirent à Jephté : que Iahvé soit témoin entre nous, si 
nous ne faisons pas comme tu as dit. [J] 11 Et Jephté vint avec 
les anciens de Galaad, et ils le prirent [ ] pour chef et pour 
capitaine. [E] Or Jephté prononça toutes ses paroles devant 
Iahvé à Mispah. 12 Et Jephté envoya des messagers au roi des 

14. Omettre Dîfn. 


9) Jephté répète la promesse pour obtenir un engagement plus solennel, 
tout en ajoutant qu’il ne l’accepte que pour le cas où il serait vainqueur. Il 
est toujours question d’être à la tête , comme v. 8. 

10) La formule du serment, spéciale à cet endroit, insiste sur la qualité 
de témoin donnée à Dieu, comme dans le traité entre Laban et Jacob (Gen. 
31 49). 

11) lia est la conclusion des deux négociations : à cause de H b qui se 
soude étroitement à 10, nous relions 11» à 6, ŒNlS est rédactionnel. Sup- 
primer DVn avec G(M de Moore) ; Syr.-hex. sous astérisque. — Le v. ll b est 
très difficile à expliquer dans ce contexte. Jephté n’a pas à répéter ce qu’il 
a dit pour donner plus de solennité au contrat, il devrait plutôt exiger que 
les anciens répètent leur serment devant Iahvé ; d’ailleurs il est déjà cons- 
titué chef dans la première partie du verset. Il est incontestable que ces 
mots iraient admirablement après v. 31. Mais d’où serait venue l’idée de les 
déplacer? Nous les considérons simplement comme l’explication de v. 10. 
Les Anciens ont pu prendre Iahvé à témoin , parce que tout se passait 
devant lui à Mispah. Il ne peut être question ici que du Maspha de Galaad ; 
il serait peu loyal de songer à Maspha de Benjamin pour se rapprocher de 
l’arche. Mais il n’est pas nécessaire non plus d’imaginer une idole de Iahvé. 
Cependant comme le terme HW 'JsS suppose un sanctuaire, il s’agissait 
sans doute d’un autel de Iahvé. 

12-28. Négociations avec le roi des Ammonites. — Depuis longtemps les 
commentateurs sont frappés de ce fait que Jephté qui est censé parler au 
roi d’Ammon semble viser bien plutôt le roi de Moab. Ils ont essayé cer- 
taines harmonies : il y avait des Moabites dans l’armée des Ammonites, les 
Ammonites avaient conquis Moab, Camos était le dieu des deux peuples etc. 



196 


JUGES, 11 13 

fils d’Ammon, disant : Qu'y a-t-il donc entre moi et toi pour que 
tu sois venu combattre contre mon pays ? 13 Et le roi des fils 

Plutôt que d’admettre ces échappatoires les critiques voient ici une source 
différente : selon l’auteur, Jephté avait fait la guerre non aux Ammonites, 
mais aux Moabites. Un rédacteur avait harmonisé. Nowack n’hésite même 
pas à mettre Moab partout où le texte porte Ammon ou à supprimer 
Ammon. Voici les raisons : v. 1Ç Moab est nommé avant Ammon ; v. 18 on 
n’a pas touché le pays de Moab ; les villes du v. 26 vont à Moab ; Camos est 
le dieu de Moab (v. 24); Balaq qui n’a pas réclamé est un ancien roi de 
Moab. Les arguments sont très forts et avaient déterminé notre conviction 
dans une première rédaction. Il ne serait pas impossible que Jephté ait fait 
deux campagnes, l’une contre Moab, l’autre contre Ammon, mais l’idée de 
supprimer toute la campagne de Moab pour n’en conserver que l’argumen- 
tation contre Moab, appliquée à Ammon, serait bien étrange. Nous admet- 
tons avec Moore que le texte authentique (lu v. 26 est celui de l’ancienne 
version grecque (cf. infra); dès lors le contesté, Hésébon, Ia'zer et les bords 
du Jourdain convient plus à Ammon qu’à Moab : c’est là qu’est le point 
décisif, tout le reste est de l’histoire ancienne. Lorsque le roi étranger est 
comparé au roi de Moab, il ne faut pas conclure qu’il en descend. 11 est 
beaucoup question de Moab dans ce qui précède parce que les droits 
d’Ammon et de Moab étaient les mêmes. Israël a épargné ce qui était en 
propre à Moab, il a seulement conquis le pays occupé par les Amorrhéens, 
sans tenir compte des possesseurs antérieurs. Ia'zer était ici sur le même 
pied que les villes au nord de l’Arnon (Num. 21 32). Moab est nommé le 
premier v. 15 parce qu’il était le premier sur le passage. Le discours n’est 
pas exempt de longueurs; Édom n’avait rien à faire dans la circonstance; 
l’auteur dit tout ce qu’il a lu dans l’histoire. Une seule difficulté est inso- 
luble. Camos ne peut avoir été le dieu des Ammonites. Il faut supposer ici 
une erreur de texte. Le dieu des Ammonites était Malik. Peut-être ce nom, 
pris par un copiste pour un nom commun, roz, a-t-il paru incompréhensible 
et a-t-il été remplacé par Camos plus connu ? 

12) Qu’y a-t-il entre nous, quelle question avons-nous à démêler 
ensemble; cf. II Reg. 3 13. C’est un procédé conciliateur comme ceux de 
Moïse dans E vis-à-vis d’Édom (Num. 20 14) et des Amorrhéens (Num. 
2121 ). ■ 

13 s.) Le roi d’Ammon répond qu’en sortant d’Égypte Israël s’est emparé 
du pays situé entre l’Arnon et le Iabboq, en parfaite conformité avec Num. 
21 24, mais il qualifie ce territoire de « mon pays ». Difficulté considérable: 
l’Arnon est l’Ou. Modjib actuel, entre Dhibân et le dj. Chihân , le Iabboq 



197 


JUGES, 11 14-17 

d’Ammon dit aux messagers de Jephté : C’est qu’Israël a pris 
mon pays, lorsqu’il est monté d’Égypte, de l’Arnon jusqu’au 
Iabboq et au Jourdain : et maintenant rends * le ’ pacifique- 
ment. 14 Jephté reprit encore et envoya des messagers au roi 
des fils d’Ammon, 15 et il lui dit : Voici ce qu’a dit Jephté : 
Israël n’a pris ni le pays de Moab, ni le pays des fils d’Ammon î 
16 lorsqu’ils sont montés d’Égypte, Israël est allé dans le 
désert jusqu’à la mer rouge, et il est arrivé à Cadès. i7 Et Israël 

13. nma ; tm pria elles . 


est la Zerqâ qui prend sa source au sud d’Ammân, l’ancienne capitale des 
Ammonites. Dans son ensemble ce territoire était plutôt moabite qu’ammo- 
nite, cependant il ne peut pas non plus être considéré comme purement 
moabite, car Ia'zer, aujourd’hui ou. Sir, formait la limite des Ammonites 
(Num.21 24 LXX). — Le plur. fém. s’entend des villes dont le roi d’Ammon 
demande la restitution légale et définitive ; mieux vaut lire niYM avec 
Moore d’après quelques mss. grecs owtt[v et Vg. eam. 

15) Jephté nie, et le territoire de Moab figure ici en première ligne. On 
peut dire que sa négation s’étend aussi loin que l’afilrmation du roi ennemi; 
comme le territoire au nord de l’Arnon était ancien territoire moabite et 
que c’était celui que les Israélites venant du sud avaient dû rencontrer le 
premier, il introduit en première ligne le pays de Moab. 11 va maintenant 
exposer des faits, et comme Ammon ne jouait aucun rôle dans l’ancienne 
histoire, tout va rouler sur Moab et même sur Édom pour insister sur la 
correction diplomatique des Israélites. 

16) Budde après Well. et Ilolz. voit ici une réminiscence de l’itinéraire 
direct des Hébreux, de la mer rouge à Cadès où aurait eu lieu la promul- 
gation de la loi. Mais d’abord, ad hominem , cet itinéraire direct, à supposer 
que ce soit celui de J, ne peut être celui de l’auteur récent auquel ces cri- 
tiques attribuent notre passage. Surtout Jephté ne peut vraiment pas 
remonter au déluge ; les faits du Sinaï n’avaient rien à faire ici : il men- 
tionne la sortie d’Égypte par la mer rouge et arrive aussitôt à Cadès, point 
de départ des négociations (Num. 20 14 ss.). — Sur Cadès = 'Aïn Kdeis 
cf. RB. 1896, 440-451 ; sur l’itinéraire des Israélites, RB. 1900, 63-87 ; 
273-287 ; 443-449. 

17) Les négociations avec le roi d’Édom comme Num. 20„14-21 (E). 11 
n’est fait allusion nulle part dans le Pentateuque à des pourparlers avec 



198 juges, 11 18-20 

envoya des messagers au roi d’Edom, disant : Permets-moi de 
passer à travers ton pays ; et le roi d’Edom n’y consentit pas ; il 
envoya de même au roi de Moab, et il ne voulut pas. Alors Israël 
demeura à Cadès, 18 et il alla dans le désert et tourna le pays 
d’Édom et le pays de Moab, et il vint à l’orient du pays de 
Moab et ils campèrent au delà de l’Arnon, et ils ne vinrent pas 
dans le territoire de Moab, car l’Arnon est la limite de Moab. 
19 Et Israël envoya des messagers à Sihôn, roi des Amorrhéens, 
roi d’Hésébon, et Israël lui dit : Permets-moi de passer à travers 
ton pays jusqu’à mon but. 20 Et Sihôn * refusa ’ de laisser 
passer Israël sur son territoire, et Sihôn rassembla son peuple, 

20. ; TM 'pQNn nVi et il n'eut pas confiance . 


Moab. Mais dans le fait nous voyons qu’on a évité son territoire (Num. 
21 11); ils sont donc très vraisemblables en eux-mêmes et il y avait une 
raison particulière de les mentionner ici. On met le séjour à Cadès après 
ces pourparlers, tandis que dans la rédaction actuelle de Num. 20, le séjour 
à Cadès est marqué avant (Num. 20 1) ; notre verset indique probablement 
l’ordre primitif de E. Cela importe peu pour le fond. Les Israélites 
repoussés dans leur attaque directe, ne pouvant obtenir le passage, restent 
à Cadès, c’est l’ordre le plus naturel. Dans Num. 20, il a fallu sans doute 
compléter avec P qui arrivait à Cadès assez tard ; il suffirait de placer 
Num. 20 1, après 20 22. 

18) On tourne Edom, puis Moab, et on arrive à l’orient du pays de Moab; 
c’est-à-dire qu’on monte de T'Arabah en tournant la frontière sud de Moab 
pour arriver à sa frontière est ; en suivant à l’est du Chéra depuis T'Aqabah 
on n’eût pas tourné Moab. Quelques expressions ont selon nous été prises 
dans ce contexte excellent pour être placées Num. 21 11 (cf. RB. loc. laud.). 
Ils campent à l’est, de l’autre côté de l’Arnon; il s’agit ici de l’Oii. Ledjonn 
qui court du sud au nord et qui est bien la branche principale de l’ouady 
Modjîb. C’est de la sorte que l’Arnon constitue pour eux la limite de 
Moab, car une fois au nord de l'Arnon ils n’avaient pas à revenir sur leurs 
pas pour attaquer Moab chez lequel ils ne devaient pas s’installer. 

19 s.) Allusion à Num. 21 21-23. La correction du v. 20 d’après G(A, Lag. 
etc.) et Num. 20 21 est nécessitée parce que la tournure de TM est insolite. 
7NDV] étant changé en ^DNîTI la négation devait forcément s’introduire. 



199 


juges, 11 21-23 

et ils campèrent à lahas et il se battit contre Israël. 21 Et Iahvé 
dieu d’Israël livra Sihôn et tout son peuple dans la main d’Israël 
et ils les battirent, et Israël prit possession de tout le pays des 
Amorrhéens qui habitaient dans ce pays. 22 Et ils prirent posses- 
sion de tout le territoire des Amorrhéens, depuis l'Arnon 
jusqu’au Iabboq, et depuis le désert jusqu’au Jourdain. 23 Et 


La Vg. mêle le TM et le G : qui et ipse Israël vcrba despiciens , non dimisit 
eum. Pour lahas ; cf. sur Num. 21 23. 

21 s.) C’est encore une allusion aux faits racontés Num. 21 24. Jephté 
n’oppose rien de spécial aux Ammonites, il établit seulement le droit de 
conquête d’Israël, sans se préoccuper de savoir si les Amorrhéens avaient 
eux-mêmes conquis le pays sur d’autres. L’argument tiendrait même dans 
ce cas, car Moab était censé avoir perdu ses droits, mais Budde remarque 
bien que Jephté ne paraît pas viser cette hypothèse; il n’avait pas à insister 
sur ce qui pouvait fournir une prétention à ses adversaires. La capitale 
des Ammonites n’est pas nécessairement comprise dans ce territoire, elle' 
était trop à l’est, les Num. ne mentionnent là que la conquête de Ia'zer, 
Num. 21 32 comme étant aux Amorrhéens. Le désert est donc dans un 
sens vague : d’ailleurs une ligne droite tirée du sud au nord à la frontière 
du désert de Moab laisserait Amman à l’est. 

23 s.) Le verbe XJV au qal signifie posséder ; à hiph. il a deux sens, faire 
posséder, mettre en possession de, et chasser, déposséder. 11 pourrait être 
pris dans le premier sens deux fois au v. 24 à condition de supprimer 
U'JSQ avec G(A), il l’est dans le deuxième sens au v. 23. Si l’on veut 
admettre un seul sens à hiph. dans ce contexte, il faut conserver et 

effacer dans ■p&VîV avec Vg., ce qui est d’autant plus facile que D suit. 
C’est la solution de Moore. Dans ce cas, ce qui est attribué à la divinité, 
c’est la victoire sur ses ennemis ; le rôle du dieu est surtout de chasser les 
précédents possesseurs, son peuple s’installe ensuite. Jephté ne fait aucune 
difficulté de raisonner selon les idées communes. Chacun a le droit de 
profiter des victoires de son dieu : Iahvé n’a pas combattu pour le compte 
des. adversaires, ils n’ont pas le droit de profiter de la victoire. On n’est pas 
autorisé par le texte à dire avec les anciens commentateurs que Jephté 
parle à un sot selon sa sottise ; rien ne marque dans le texte qu’il sût que 
Camos n’était qu’une vaine idole qui ne pouvait rien posséder (contre 
Hum.)\ mais il n’est pas permis non plus d’aflirmer que Jephté mettait 
dans sa pensée Camos sur le même rang que Iahvé, parce que dans les 
relations internationales on part toujours de principes communément 



200 


juges, 11 24-25 

maintenant que Iahvé dieu d’Israël a chassé l’Amorrhéen de 
devant son peuple Israël tu en prendrais possession ? Est-ce 
que tu ne possèdes pas ce que Camos ton dieu [ ] a enlevé à ses 
possesseurs ? de même tout ce que Iahvé notre dieu a enlevé à 
ses possesseurs, nous le possédons. 25 Vaux-tu donc mieux [ ] 
que Balaq fils de Sippor, roi de Moab? est-ce qu’il est entré en 

24. Omettre T] dans *p&vyji. 

25. Omettre lî ta. 


reçus. Jephté ne pense pas sans doute que le pouvoir de Iahvé soit limité 
par celui de Camos; à l’occasion Iahvé pourra aussi le chasser; la question 
de savoir quel est le plus fort n’est pas agitée et ne pouvait pas l’être dans 
des négociations pacifiques. Le seul point est celui-ci : puisque les adver- 
saires s’installent sans scrupule dans le pays que leur dieu met à leur 
disposition, Israël a pu user du même privilège. Camos ne peut être que le 
'dieu de Moab. Jusqu’à présent la situation pouvait s’accorder avec le roi 
des Ammonites; on leur appliquait les conclusions logiques d'événements 
historiques qui leur étaient communs avec Moab ; Moab était nommé de 
préférence parce que l’ancienne histoire le mettail beaucoup plus en évi- 
dence. Mais ici c’est Moab qui est visé directement, à cause de Camos son 
dieu (I Reg. 11 7.33; Il Reg. 23 13; Jer. 48 7.13.46. et l’inscription de Mésa). 
On ne peut pas dire que les Ammonites qui avaient pour dieu Milcom 
(I Reg. 11 33; Jer. 49 1.3) adoraient aussi Camos car il s’agit ici du dieu 
national, propre à chaque peuple, qui triomphe avec lui [Moore). Il faut 
choisir entre une grosse difficulté littéraire et une altération textuelle. 
Nous aimons mieux croire que Camos s’est glissé dans le texte au lieu 
de ou DdSd plutôt que de considérer toute la négociation comme 
démarquée. 

25) La comparaison avec Balaq roi de Moab n'indique nullement que 
Jephté a affaire au roi de Moab (contre Budde etc.), mais plutôt le contraire, 
Balaq n’étant pas nommé son ancêtre ni son prédécesseur, mais roi de 
Moab, sans doute par opposition à lui-même. L'histoire de Balaq (Nura. 
22 - 24 ) figurait dans E et dans J. — Effacer 2T12 avec G(A, Lag. etc.) plutôt 
que de supposer que le premier 2TÜ est un infin. abs. ; il n’y a place ici 
que pour un adjectif. Jephté savait d’après les anciennes histoires que 
Balaq n’avait ni argumenté, ni combattu, mais avait eu plutôt recours à la 
ruse en faisant maudire Israël par Balaam. D’ailleurs comme Balaq était 
contemporain de la conquête, la pensée de Jephté développée au v. suivant 



201 


JUGES, 11 26 

dispute avec Israël? est-ce qu’il a combattu contre eux? 
26 Lorsqu’Israël s’est établi dans Hésébon et ses dépendances, 
dans Ia'zer ’ et ses dépendances, et dans toutes les villes qui 
sont sur les bords * du Jourdain ’ (trois cents ans), [ ] pourquoi 

26. TM isnisn dans 'Aro'êr. — pT> ; TM pria de VArnon . — 

Omettre 1. 


est bien que c’était le moment de protester, et non lorsque la prescription 
a créé en faveur d’Israël un titre de plus (contre Moore). 

26) Ce verset semble altéré de plusieurs manières. La date de trois 
cents ans ne concorde pas avec N\*in TN2 qui s’entend du moment de la 
première occupation, quand Israël s’installa, rQttfl, car ces mots ne 
peuvent signifier « durant tout ce temps de trois cents ans », mais « à cette 
époque » (3 29; 4 4; 12 6; 14 4; 21 14.24). De plus le TM a 'Aroër et 
l’Arnon, donc 'Aroër près de l’Arnon, c’est-à-dire uniquement un pays 
moabite depuis Hésébon, qui n’a rien à faire cette fois avec la prétention 
actuelle des Ammonites. Le G(A) lit Ia'zer au lieu d’ 'Aroer et tous les 
Grecs (avec Vg.) le Jourdain au lieu de l’Arnon. Il faut sans hésiter préférer 
ces lectures avec Moore (contre Budde). Elles sont seules en situation 
quand il s’agit des Ammonites et c’est pourquoi Budde les taxe d’harmo- 
nisation. Mais en tous cas cela remonterait à un original hébreu, car le 
grec n’aurait pas arrangé si habilement une difficulté topographique. Puis 
outre que le grec a pour lui la parfaite conformité avec l’ensemble du 
contexte, le TM a contre lui un point décisif : après avoir nommé 'Aroër 
et ses filles il était absolument inutile d’ajouter : et toutes les villes qui 
sont au bord de l’Arnon ; de plus 'Aroër a pu pénétrer là par confusion 
avec l’*Aroër des Ammonites ; cf. v. 33. La partition du grec est excel- 
lente, Hésébon, Ia'zer et les villes des rives du Jourdain. C’était précisé- 
ment le territoire contesté. Il faut maintenir la coupure du TM ; le v. 26 
commence une phrase. Lorsqu’Israël s’y est établi, après sa conquête sur 
les Amorrhéens dont la capitale était Hésébon, pourquoi n’avez-vous pas 
alors essayé de s’en emparer? — Il faut naturellement rayer 1 devant yno, 
avec G(A, Lag.) et laisser DnSïn avec TM contre Moore qui lit Dnbxn 
avec G(B); il ne s’agit pas du contemporain de Jephté mais de vous autres 
Ammonites; le verbe peut être dans un sens absolu, comme I Sam. 30 8. 
Le sens paraît bien être ici de recouvrer, et par conséquent Jephté suppose 
que l’occupation amorrhéenne avait dépouillé les Ammonites. C’était le 
moment de faire valoir leurs droits; non que ces droits fussent admis par 



202 


juges, 11 27-29 

n’avez-vous pas revendiqué à ce moment? 27 Pour moi, je ne 
pèche pas contre toi, c est toi qui me fais tort en m’attaquant. 
Que Iahvé juge, lui qui est juge aujourd'hui, entre les fils d’Israël 
et les fils d’Ammon ! 28 Et le roi des fils d’Ammon ne voulut rien 
entendre aux paroles que Jephté lui avait fait transmettre. 

[J] 29 Or l’esprit de Iahvé fut sur Jephté, et il traversa Galaad et 

Jephté, mais enfin alors on aurait pu discuter, tandis que maintenant tout 
est réglé depuis longtemps. 

27) Pécher contre un homme dans Hexateuque seulement dans E : 
Gen. 20 9; 40 1 ; 42 22; Ex. 5 19 ( Budde ), mais Gen. 40 1 doit être de J. 
Iahvé qualifié de juge Gen. 18 25. « Qu’il juge aujourd’hui, lui qui est juge », 
plutôt que : « qu’il juge lui qui est aujourd’hui juge », Vg. arbiler hujus 
diei , quoique les deux sens soient possibles. Jephté parle ici au nom 
d’Israël, comme v. 13. Sa pensée à lui se révèle à ce moment. Il considère 
son dieu comme juge de la querelle. Iahvé ne combattra pas seulement 
pour son peuple, il sera le juge des deux nations. Ni Moore ni Budde ne 
soufflent mot de cette conception du rôle de Iahvé. C’est un dernier argu- 
ment pour le cas prévu où les négociations seront inutiles. 

29-40. La guerre et le voeu de Jephté. — De J et E. Le v. 32 suit néces- 
sairement au vœu 30 s., et suffit à raconter la campagne, on passe ensuite 
au retour à Mispah (34 ss.) où la prononciation du vœu a dû se placer au 
départ. Les v. 29 et 33 sont donc un autre récit de la campagne ; cf. critique 
littéraire. 

29) Jephté était déjà décidé à faire la guerre. Le don de l’Esprit n’est 
pas ici une inspiration pour faire telle ou telle chose, mais un surcroît de 
force et d'énergie. Il parcourt plusieurs pays, sans doute pour chercher des 
renforts, animer les courages. Calm. remarquait déjà ici d’après 12 3 qu’il 
avait aussi demandé le secours d’Éphraïm. Il est très vraisemblable qu’on 
devait lire ici Éphraïm au lieu de Galaad 1° loco (Budde) d’autant qu’ensuite 
Jephté arrive à Mispah de Galaad. Moore objecte que les Israélites y étaient 
déjà rassemblés (10 17), et que par conséquent ce verset n’est qu’un essai 
de souder au vieux fond les pourparlers avec les Ammonites (Moabites) 
qu’il considère comme plus récents. La conciliation n’est pas impossible. 
Jephté a pu juger que les Israélites n’élaient pas en force, ce qu’ils devaient 
bien sentir eux-mêmes en cherchant un chef, et chercher du renfort. N’en 
trouvant pas il a recours au vœu, moyen suprême et désespéré. Malgré 
tout il est difflcile de prendre dans le sens de chercher du renfort, et 
la phrase serait plus claire comme marquant le retour de Jephté du pays 



203 


juges, 11 30-33 

Manassé, et il traversa Mispah de Galaad, et de Mispah de 
Galaad [il passa] ‘derrière ’ les fils d’Ammon. [E ] 30 Et Jephté 
fit un vœu à Iahvé, et il dit : Si tu livres les fils d’Ammon dans 
ma main, 31 quiconque sortira des portes de ma maison pour 
venir à ma rencontre lorsque je reviendrai en paix après avoir 
vaincu les fils d’Ammon, il sera à Iahvé, et je l'offrirai en holo- 
causte. 32 Et Jephté se dirigea contre les fils d’Ammon pour les 
combattre, et Iahvé les livra dans sa main. [J] 33 Et il les 
battit, depuis Aroër jusqu'à ce que tu arrives à Minnith, vingt 
villes, et jusqu'à Abel Keramim, remportant une victoire com- 

29. -usa : TM 137 il passa. 


de Tob ; il parcourt rapidement le pays, traverse Mispah, fond sur les Ammo- 
nites. Cette rapidité vient de l’esprit de Tahvé. Mais dans ce cas il ne 
faudrait pas suppléer Éphraïm (ce que fait Budde qui donne cette solution 
d’après Holzinger-manuscrit) mais une région intermédiaire entre Tob et 
Manassé oriental, peut-être Argob. Ce serait un doublet de Ii a , probable- 
ment d’après un autre document. — Lire avec G. 1172 au lieu 127, éton- 
nant avec l’acc. dans le sens d’aller vers ; l’auteur marque que par une 
manœuvre hardie, Jephté tourne les Ammonites, ce qui est conforme au 
v. 33. 

30 s.) Le vœu n’est que trop clair. Jephté promet de donner à Iahvé et 
par mode d’holocauste, la personne qui sortira des portes de sa maison 
pour venir à sa rencontre. Cela s’entend évidemment de la première per- 
sonne qu’il verra sortir : la personne qui sortira quand il viendra en vue de 
sa maison; le primus de la Vg. n’est nullement nécessaire. On a allégué 
que les animaux vivaient dans les maisons avec leurs maîtres, et cela est 
encore vrai, par exemple des chèvres, mais les animaux ne vont pas à la 
rencontre des gens. On remarque ici que Jephté a donc sa maison à Mispah, 
tandis que dans le début du chap. il en avait été chassé, et d’après le v. 29 
il l’avait seulement traversée. — Il y a une grande ressemblance dans les 
termes et le mouvement de la phrase entre ce vœu et celui de Jacob (Gen. 
28 20-22 (E). La précision est extrême, les termes soigneusement calculés. 

32) Les conditions du vœu sont remplies, Iahvé lui livre les Ammonites. 

33) f Aro'er ne peut être ici la cité moabite sur les bords de l’Arnon, 
mais *Aro f er en face de Rabba, c’est-à-dire à l’est d’Ammôn (Jos. 13 25) : 
cette ville n’est pas nommée ailleurs. ^2 b7 signifie très probablement 



204 


JUGES, 11 34 

plète, [R D ] et les fils d’Ammon furent abaissés devant les fils 
d’Israël. [E] 34 Et Jephté vint à Mispah, vers sa maison, et 
voici que sa fille sortait à sa rencontre avec des tambourins et des 
chœurs de danse, et c’était sa fille unique ! * en dehors d'elle ’ il 

34. Hjnn ; TM en dehors de lui . 


l’est, comme la droite le midi, la gauche le nord, le derrière l’occident. 
On regarde l’orient pour situer les points cardinaux d’après le corps 
humain (Moore). Si Miçpah est à Misibla , il est très naturel que Jephté ait 
pris les Ammonites par derrière, quoique Budde trouve si étonnant ce 
point de départ à l'est d’Ammàn. Minnith est placé par Eusèbe au qua- 
trième mille d’Hésébon à Philadelphie ( Ammân ) (On. 140 3; 280 44), ce qui 
convient parfaitement. Menjah existe très bien à uue heure au nord-est de 
Mâdaba y quoique Moore révoque son existence en doute d’après Tristram, 
mais serait trop au sud. La situation d’Eusèbe est à Oum el-Qenâfid. Entre 
*Aro f er et Minnith, ces deux endroits compris, le texte place vingt villes ; 
on s’attendrait plutôt à un nouveau point de départ, d’est en ouest. Abel 
Keramim est d’après On. 96 10, 225 o à six milles (ou sept) de Philadelphie, 
ce qui convient encore. Il faut naturellement rejeter l’identification de 
Tristram avec Kartn Dhibân , près de l’Arnon. Budde très disposé à trouver 
du Moabitedans cette histoire affirme que Minnith à quatre milles d’Hésébon 
était donc en territoire moabite, Abel Keramim à six milles de Philadelphie 
en territoire ammonite. Mais il n’y a que treize milles d’Hésébon à Phi- 
ladelphie. Savons-nous donc si exactement où passait la frontière entre 
Ammon et Moab ? D’ailleurs il s’agit du point extrême d’une poursuite. 
Le G de B met ici 5*/p t; ’Apvwv en doublet avec h àptôptd (pour Minnith), 
mais il n’y a là qu’une preuve de plus que tout ce qu’il y a de moabite dans 
notre histoire est de date récente, des gloses provenant de la confusion 
des deux 'Aro'er; A et Lag. n’ont pas ce doublet né de la difficulté d’écrire 
lu; sXOeÎv ...iv àpiOjxà) ! Le but de la poursuite est double comme 7 22, elle 
part d'un point donné mais se continue en éventail. — 33 b est naturelle- 
ment de Rü., c f. 3 30 ; 4 23; 8 28. 

34) La fille de Jephté est déjà grande, ce qui ne paraît pas en parfaite 
harmonie avec v. 2 et 3, surtout si l’on interprète d’une année ; 

mais peut-être doit-on le prendre dans un sens vague. La fille de Jephté 
prend la tête du chœur, comme la sœur de Moïse Ex. 15 20 (E) ; de même 
dans I Sam. 18 6. C’est donc la première personne sortie de sa maison 
qu’aperçoit Jephté. Lire 1 b suffixe féminin avec LXX. Il semble 



205 


juges, 11 35-36 

n’avait ni fils ni fille. 30 Et lorsqu’il la vit, il déchira ses vêtements 
et il dit : Hélas ! ma fille, tu me donnes le coup fatal ! c’est toi qui 
causes ma douleur ! et moi qui me suis engagé envers Iahvé * à 
ton sujet * et qui ne puis revenir sur ma parole ! 3,5 Et elle lui dit : 
Mon père, tu t’es engagé envers Iahvé, fais-moi selon la parole 

35. ybv ; TM om. 


qu’on doive se représenter des femmes s’avançant en cadence sur deux 
rangs, au son des tambourins dont elles accompagnent la mesure en 
battant des mains et en balançant le corps ; c’est du moins la mode orien- 
tale actuelle. 

35) D’après TM au plur. signifie : « tu es des personnes qui 

m’affligent » ; Moore et Budde lisent au singulier : <c tu es dans la qualité 
de quelqu’un qui m’afflige; » ce qui serait très faible comme complément 
de la pensée après Vhiph. de JTD, tu m’as renversé. Le G(B) et la Vg. ont 
eu le sentiment d’une opposition entre Jephté et sa fille : decepisti me et 
ipsa decepta es, mais sans conserver le jeu de deux mots différents, 3H3 
et Au lieu du participe plur. on serait tenté avec Moore, Budde, de 
supposer un substantif sing., mais il n’existe pas dans la langue. Le G(A et 
Lag.) : tu as été une épine dans mes yeux. Noter pour la critique des LXX 
l’étrange leçon de A EprarcoSoTraTi) xai cxsuvoraTr], corruption graphique 
grecque de : £{x7csr:o8oaTXT7jxa; jxot (Lag,). La leçon mass, s’explique peut-' 
être par l’ensemble de la vie de Jephté; souvent en butte aux persécutions 
de ses proches, il mettait dans sa fille toute sa consolation : c’est elle 
maintenant qui se joint à ceux qui l’ont affligé; tu quoque fili mil 
L’ancienne version grecque : Èp;:e;:o8o<j7âTr 4 xa; t uE ne suppose pas un autre 
texte ou peut-être (Moore) ; ce qu’elle ajoute est probablement 

authenthique : Et; axwXov Eyevou ev oçôaXpoi; pou, IVV1 SlUSTsS — ÜVS 

ouvrir largement, d’après GesJ 3 indiquerait une parole précipitée et folle 
Job 35 16; Ps. 66 14; mais il faut plutôt dire avec Moore et Budde qu’il 
s’agit au contraire d’une parole grave, solennelle cf. v. 36 ; qui d’ailleurs 
peut être, comme c’est le cas pour Job 35 16, d’une solennité dispropor- 
tionnée avec sa valeur; il en a plein la bouche. Ajouter "pSy après >2, qui 
paraît bien établi par la double recension du G Trept aou (A) xaià cjou (B) 
(Budde). — Jephté s’afflige de voir sa fille qu’il avait certainement comprise 
dans son vœu. 11 n’avait, avant l’action, mis aucune limite à son sacrifice; 
il se désole de voir qu'il a été pris au mot dans ce qu’il a de plus cher. 

36) Mon père , cessez de vous troubler , vous n' êtes point trahi... L’héroïque 



206 


juges, 11 37-39 

que tu as donnée, puisque Iahvé t’a accordé de te venger de tes 
ennemis les fils d’Ammon. 37 Et elle dit à son père : Qu’on 
m’accorde ce que je vais dire ! laisse-moi deux mois de liberté, 
et j’irai f errer ’ sur les montagnes, et je pleurerai ma virginité, 
moi et mes compagnes. 38 Et il dit : Va, et il la laissa aller pour 
deux mois. Et elle alla, elle et ses compagnes, et elle pleura sa 
virginité sur les montagnes. 39 Et au bout de deux mois, elle 
revint vers* son père, et il accomplit en elle le vœu qu’il avait 
voué ; et cependant elle n’avait pas connu d’homme ! Et ce fut 

37. inTim ; TM ïJVTTI et je descendrai. 


jeune fille songe que sa mort est la rançon du triomphe, comme l’Iphigénie 
d’Euripide. Comment a-t-elle si vite compris ? Budde suppose une lacune, 
mais Moore voit avec raison un effet de la manière naïve de l’auteur — et 
cependant aussi de son tact littéraire qui lui fait éviter une explication 
prosaïque. C’est d’ailleurs un des traits de l’Élohiste. Budde efface sans 
façon les fils d’Ammon dans E ou les remplace par les Moabites; le même 
voit dans la vengeance de Jephté quelque chose de personnel; mais dans 
toutes les négociations l’auteur l’identifle fortement avec Israël, v. 12 et 
v. 27. — Le G(A et Lag.) mettent ev èjxoi avant njV3fS, mais outre que cette 
fois cette indication est moins nécessaire pour le sens, elle ne se trouve pas 
dans B et Lag. omet ; ce peut donc être un doublet 12 DK pour à 
moins qu’on ne préfère supprimer le touchant *qn. 

37) Le Khetib WÎH de rPSH, le Qrê 1TÔT) de njn qui vient au v. 38. Il 
serait étonnant qu’il y eût dans les deux versets deux formes différentes, 
donc préférer le Qrê. La descente aux montagnes étonne tout le monde ; 
elle peut s’entendre à la rigueur si Mispah est à Misibta, c’est-à-dire sur le 
plateau. Les montagnes boisées et solitaires qui dominent la vallée du 
Jourdain sont en partie en contre-bas. Mais il vaut mieux lire ïmim avec 
Perles ( Analckten , p. 51) non comme lui dans le sens de se lamenter, mais 
dans son sens normal d'errer; la peinture est fort belle. Elle pleure sa 
virginité comme Antigone, gémissant de ne pas laisser de postérité, ce qui 
est un malheur et un déshonneur; cf. 1s. 47 8 s. ; 49 21. 

39) Il exécute son vœu. Quelques-uns traduisent ce qui suit : en consé- 
quence de quoi elle ne connut pas d’homme. Moore et Budde ont objecté 
que ce sens aurait dû être exprimé par H3TP nVi, et que NMI placé en 
tête donne à la phrase le cachet d’une circonstance additionnelle : « or elle 



juges, 11 40, 12 \ 207 

une coutume dans Israël : 40 d’année en année les filles d’Israël 
allaient pleurer la fille de Jephté de Galaad, quatre jours par an. 

[J] 12. - ' Or les gens d’Éphraïm se rassemblèrent et pas- 
sèrent à Saphon; et ils dirent à Jephté : pourquoi es-tu parti 
pour combattre les fils d’Àmmon sans nous convoquer à aller 

n'avait pas connu d'homme. » Kœn. (362 n) réplique par l'exemple d’Is. 
1 2*>, WtfS DîTI OÙ Dm n’introduit pas une phrase de circons- 

tance ; c'est après qu’ils ont été élevés qu’ils ont méprisé. Nous répondons 
que le sens d’Is. 1 2t>et de notre verset est plutôt une opposition : et cepen- 
dant.., le sacrifice est d'autant plus grand, l'auteur insiste sur la virginité. 
Donc îOm ne peut être considéré à cause de Is. i 2 b comme une conséquence. 
C’est encore une opposition dans Gen. 18 17b. 18a.-Kœn. argue encore que 
la série se continue par l’impf. conséc. 39bp; mais il faut rattacher \1JY1 au 
v. suivant. Le père a sa part de sacrifice dans cette circonstance, car sa 
race est menacée de s’éteindre. 

40) Mm v. précédent est impossible comme le note Budde ; mais plutôt 
que de lire il vaut mieux laisser le féminin comme neutre et lire 

avec G pnS au lieu de pn sujet. D’après Kœn. 323 h, le sujet est la fille : 
elle devint une norme, une règle et non pas : « cela devint une coutume. » 
Cette fille devient une institution ! HJDbn impf. dans le sens du passé, 
comme verbe d’habitude selon la coutume qui se représente d’année en 
année 21 19 ; I Sam. 1 3 ; 2 19. HJD a été pris par les anciennes versions dans 
le sens de se lamenter, et leur autorité est suffisante ici, d’autant que le 
seul autre cas 5 11 est fort douteux. La meilleure correction serait celle de 
Klostermann JYljyb, pour chanter à deux chœurs (Ex. 32 18) ? Kimchi, qui 
a, le premier semble-t-il, songé à une réclusion virginale de la fille de 
Jephté, suppose qu’on allait parler avec elle, la consoler. 

12 1-6. Les Éphraïmites et Jephté:. — Ce morceau a été considéré par 
Well. (Compos., p. 229) comme sans valeur historique et une pure imitation 
de 8 1-3. C’est sacrifier très inutilement un trait d’une rare originalité. Les 
objections tendraient plutôt à prouver une certaine dualité dans l’histoire 
de Jephté. Celui-ci allègue qu’il a demandé du secours (12 2) ce qui n’est 
pas dit précédemment et a pu être supprimé par RJE s’il y a bien deux 
documents. On s’étonne aussi que la plainte des Éphraïmites se produise 
quand déjà Jephté est rentré dans sa maison et que deux mois se sont 
écoulés. 11 est vrai que l'auteur a pu vouloir terminer tout ce qui regardait 
le vœu, mais le v. 11 40 a bien l’air de la fin du récit concernant Jephté 
« de Galaad ». La prétention d’Éphraïm est en effet injustifiée, mais c’est 



208 


juges, 12 2-3 

avec toi? nous brûlerons ta maison avec toi. 2 Et Jephté leur dit : 
j'étais en butte aux attaques, moi et mon peuple, et les fils 
d’Ammon * m'ont opprimé ’ fortement ; et j'ai crié * vers vous ’ et 
vous ne m’avez pas sauvé de leurs mains. 3 Et j'ai vu * qu’il n’y 
avait personne ’ pour [nous] sauver et j’ai pris mon courage à 

2. W ; TM om. — DD^Sn ; TM QDHN vous . 

3. ; TM 7]^N que lu n'étais pas là. 


un trait de caractère de cette tribu. Quoique Funité soit à la rigueur pos- 
sible, il semble plus probable que le morceau appartient à un autre docu- 
ment que l’histoire du vœu (E) et par conséquent à J comme d’après nous 
8 1-3. Il est très naturel que le meme auteur ait relevé deux fois les pré- 
tentions d’Éphraïm pour marquer qu’il n’a pas eu toujours à faire à la 
même trempe d’homme. 

1) pypl au sing. comme 6 34 s. 7 23 s. H-IEX ne peut signifier : dans la 
direction du nord, ce ne serait pas en situation. Il est question de 
(Jos. 13 27), cité après Soukkoth, et qui d’après le Talmud de Jérusalem 
serait Amathous qui joua un rôle important au temps des Hasmonéens, 
auj. Amateh , au nord de Deir Allâh , entre le Jourdain (rive gauche) et 
l’embouchure de l'Ou. Roudjib. L’endroit convient très bien comme direc- 
tion, et il n’est pas dit qu’Éphraïm s’arrêta là. — Le reproche des Éphraï- 
mites, « pourquoi es-tu passé , » rappelle soit 11 29 soit 11 32 ; il est d’autant 
plus arrogant qu’Éphraïm n’avait rien à voir à ce qui se faisait au delà du 
Jourdain. Il prétend donc bien à l’hégémonie. Sur la menace ; cf. Jud. 
14 15 ; 15 6 (J). Les Éphraïmites affectent de n’en vouloir qu’à Jephté; rien 
n’indique ici qu’ils soient en très grand nombre. 

2) m CN dans le sens passif, un homme auquel on cherche querelle, 

comme Jer. 15 10. Jephté s’identifie fortement avec les siens, comme 11 12. 
Après pOT il faut suppléer avec G( A, Lag. etc.). ; Vg. et G(B) omettent 
avec TM. — avec Face, de la personne se trouve encore Neh. 9 28. 

Il serait permis de lire DD^Sn avec G(A, Lag. etc.), mais il ne conviendrait 
pas de ponctuer hiph. qui indiquerait une convocation formelle 4 10.13; 
Jephté n’avait pas titre pour la faire et les Éphraïmites n’auraient pu 
alléguer si nettement qu’on ne les avait pas convoqués. Le qal indique un 
cri d’appel qu’Éphraïm a pu entendre sans le juger équivalent à une 
démarche officielle. 

3) Lire "pN en supprimant ~ d’après G( A Lag.) ojx ijv b ao >£o>v (Budde) ; l’idée 
est beaucoup plus forte, il n’y avait personne pour me sauver. îlOUPtO 



209 


JUGES, 11 4-5 

deux mains et j’ai marché contre les fils d’Ammon, et Iahvé les 
a livrés dans ma main. Pourquoi donc êtes-vous montés contre 
moi aujourd’hui pour me combattre ? 4 Et Jephté réunit tous les 
hommes de Galaad et il combattit contre Ephraïm, et les hommes 
de Galaad battirent Éphraïm [ ]. 5 Et Galaad occupa les gués du 
Jourdain contre Ephraïm, et lorsque les fuyards d'Éphraïm 

4 . Omettre nmo -pra DnsH l'ira Tybj ohk d^sn wbs tioh car 
ils disaient ; Vous êtes des fuyards d' Éphraïm, vous (Galaad au milieu 
<T Éphraïm, au milieu de Manassé). 


faute de scribe pour TOWKl. Prendre son courage à deux mains, I Sam. 
19 5; 28 2t. Le 1 conséc. avec l’impf. en n indique d’après Kœn. 200 d. une 
impulsion intérieure : alors je me sentis pressé de faire... — Sa campagne 
contre les Ammonites comme 11 32. Il semble bien d’après Divby que les 
Éphraïmites sont maintenant plus haut que la vallée du Jourdain; ils ont 
pénétré dans le pays de Jephté. 

4) 4*> d’après TM : « Vous êtes des fugitifs d’Éphraïm, [vous] Galaad, [qui 

êtes] entre Éphraïm, entre Manassé. » Longues explications dans les 
auteurs pour savoir comment Galaad se trouvait entre Éphraïm et Manassé. 
Cause désespérée. D’ailleurs ne signifie nullement la lie d’Éphraïm 

(Hum. d’après Cornélius a Lapide), mais seulement ceux qui ont échappé à 
un danger. Enfin Calm. a très bien vu qu’il y avait là une seconde cause de 
guerre, parfaitement inutile. Nous sommes en présence d’une glose qui est 
absente de quelques minuscules grecs et que le Syr.-hex. a notée comme 
une addition hexaplaire (Field). On peut hésiter avec ces mss. sur l’étendue 
de la glose, il est probable qu'elle comprend tout le demi-verset. L’origine 
de cette glose est probablement que □ DN rça^Ss *HON se trouyait 

après v. 6 a (Budde) : ils les tuèrent « en disant : vous êtes des fuyards 
d’Éphraïm! » Ces mots ont pu être oubliés par un copiste, replacés en 
marge, insérés dans un autre endroit. La fin du v. 4 actuel est sans doute 
une explication des mots devenus énigmatiques à leur nouvelle place ; « en 
effet Galaad est entre Éphraïm et Manassé. » Même ainsi la répétion des 
deux ^ira n’est guère explicable : peut-être le glossateur a-t-il voulu dire 
que Galaad était entre Ephraïm et Manassé oriental, ou faut il lire le 
premier sortir du milieu de qui conviendrait beaucoup mieux à 

des fuyards sortis du sein d'Éphraïm et établis au milieu de Manassé. 

5) Les gués occupés comme 3 28 ; 7 24 (J), dans la direction 

P. Lagrange. — Les Juges. U 



210 


juges, 12 6-7 

disaient : Laissez-moi passer ! les gens de Galaad lui disaient : 
Es-tu d’Ephraïm? et il disait : Non! G Et ils lui disaient : Dis 
donc Chibboleth ! et il disait : Sibboleth , car il ne faisait pas 
attention, * et ils disaient : Vous êtes des fuyards d'Ephraïm, 
vous ! * Et ils le prenaient et l’immolaient aux gués du Jourdain. 
Et dans ce temps-là il périt quarante-deux mille hommes 
d'Ephraïm. [R D ] 7 Or Jephté jugea Israël pendant dix ans, et 
Jephté de Galaad mourut, et il fut enseveli ' à Mispah de Galaad 
sa patrie \ 

6. Ajouter la clause transposée du v. 4. 

7. TvSa nsren VPSH, ; TM Vjbï n» dans les villes de Galaad. 


d’Ephraïm. *n72>0 impf. dans le sens passé, fréquentatif : chaque fois qu’il 
disaient. Le n interrog. devant >mSN est à ponctuer n et non n (les gram- 
mairiens). 

6) nbütf peut signifier épi , mais aussi courant d'un fleuve. Ce dernier 
sens est ici plus naturel, il était facile sur les bords du Jourdain d’amener 
ce mot sans exciter la défiance de l’Éphraïmitc, d’autant que ce n’est pas 
un mot de passe comme a compris le G(A, Lag.) mais un simple échantillon 
de prononciation. Les exemples analogues cités par Moore, surtout le 
fameux ceci e ciceri des Vêpres siciliennes (3i mars 1282) se rapportent 
aussi à des silllantes. Calmet note que quelques personnes disaient un cien 
et un ccval. C’est une atténuation analogue du U? qui est ici rendue approxi- 
mativement par D. En tous cas l’origine du document ne doit pas être 
éphraïmite ! Il est difficile d’admettre qu’Ephraïm eût dès lors prononcé 
tous les U? comme des D {ZATW 1888 p. 151 ss. de Marquarl). d’après 
quelques-uns sous-ent. 2 b (I Sam. 23 22) il n’v prenait pas garde; ou encore 

11 n’y visait pas (Ps. 7 14); ou en lisant blD% il ne pouvait pas (V r g. Syr.l). 
Le sens demanderait : il n’y réussissait pas (LXX), mais ce serait le seul 
exemple de ce sens pour hiph. de ps, dresser, mettre debout, préparer. — 
Le chiffre des morts (dans toute cette campagne) du côté d’Éphraïm est 
indiqué comme 3 29; mais 42000 doit être une exagération due à un copiste. 

7) Ce verset est la formule employée pour les petits juges 10 2.5 et 

12 10.12.15. Cependant à la fin de l’histoire de Jephté, il est très naturel de 

l’attribuer à RU, qui a très bien pu écrire les petits juges. viÿ2 les villes 
au plur. comme lieu de sépulture est une impossibilité. On attendrait 
...2 1W2 comme 1Tÿ2 8 27. Le Grec donne en majorité « dans sa ville 



211 


JUGES, 12 . — CRITIQUE 

Galaad », mais il est difficile de prendre Galaad pour un nom de ville, malgré 
10 17. D 'autre part certains mss. grecs cursifs (M de Moore) donnent ev xf[ 
rcéXei auroCî ev Se?£ TaXa^S, où 2s?s doit être pour HSÏQ, et cette leçon est 
fortement appuyée par Josèphe, ev ttJ autou rcatptèi ScS^tj. Tifc raoaXïjvrj; S’eartv 
ajTTj. On peut donc restituer lÿba 1VV2 avec Moore, tout en recon- 

naissant que le RD ne connaissant pas l'endroit a simplement écrit « dans 
sa ville en Galaad >» Tybai 1TV2. La faute de copiste du TM a donné lieu à 
d'amusants midrachs des rabbins. « Les uns veulent que par honneur 
chacune des villes de Galaad ait voulu avoir une partie de son corps, et 
qu'ainsi il ait été partagé dans diverses villes de ce pays. D’autres au 
contraire enseignent que Dieu l’ayant frappé d’une maladie fâcheuse en 
punition du crime qu’il avait commis en sacrifiant sa fille, ses membres 
s’étaient détachés de son corps et avaient été mis en terre dans les diffé- 
rentes villes où il s’était rencontré • ( Calmet , d’après Birechilh raba § 60). 

41 

♦ * 

Critique littéraire. — H y a lieu de traiter séparément la seconde 
introduction et les débuts de la guerre ammonite et l’histoire de 
Jephté. Sur le premier point 10 6-18, les opinions sont très discor- 
dantes. Tout le monde reconnaît la main de R D , mais, si on y ajoute 
un document plus ancien qu'il aurait utilisé, on n’est guère d’accord 
sur ce document. Moore dit E 2 de 8 à 16, avec Buddede 10-16. Nowàçk 
dit E 11-18. Kitlel donne tout à K D . 

La critique textuelle indique des surcharges que nous ne pouvons 
considérer que comme de pures gloses. Au v. 10 où on annonce 
l'oppression des Ammonites et des Philistins il n’y a place, après les 
Baals et les Astartés, que pour les dieux d’Ammon et des Philistins; 
les autres sont plutôt relatifs au passé. Aram est même absent d'une 
tradition grecque. Le texte a été gonflé de la même manière v. 1 1 s. 
où le désordre grammatical et les divergences des versions accusent 
des remaniements très récents. 

L’ensemble est assez semblable à 2 7-21 où nous avons reconnu R D 
développant l’idée de E. Nous concluons donc ici à la même origine. 
Quant à la part de E, il est assez naturel de lui attribuer les vv. 17 et 
18 qui sont l’introduction à l’histoire de Jephté (cf. 10 18 et il 8) où 
nous le retrouverons. L’oppression 10 8 avec l’insistance sur le pays 
des Amorrhéens est de l'auteur des négociations (11 12-28) pour nous 



212 


JUGES, 12 . — CRITIQUE 

E, sauf le chiffre de 18 ans qui doit être du chronologiste, pour nous 
R D . E a dû mentionner la faute et la pénitence. De ce chef on peut lui 
donner 40 10 et surtout 10 16 où les dieux étrangers (13JH mSn) sont 
du style de E par contraste avec les autres dieux, (D^riN 
(10 13) du R D . La trace de E nous paraît même plus visible ici à cause 
du v. 16 que dans le ch. 2. Ce point est très important pour caracté- 
riser sa manière ; il contenait donc certainement le thème de la 
pénitence. 

Dans Thistoire de Jephté 11 1-12 7, les critiques sont fort peu 
d’accord sur l’unité ou les divers documents. Moore paraît plus conser- 
vateur dans le sens de l’unité. Tout le récit proprement dit est attribué 
à E ; les négociations (11 12-28) sont censées de celui qui a réuni J 
et E ; de même 12 7. Ce qui paraît contraire à l'unité (11 l b 2 5® 29) est 
considéré comme d’une rédaction très tardive. Budde a la même opi- 
nion de 11 1^-2 et c’est le point qui ne lui permet pas une distinction 
complète et rationnelle. Nous donnons sa division à laquelle nous 
avons abouti de notre côté, à peu de changements près : J 11 l a .3.4 a ; 

10 6®‘; 11 4 b . 5b. 6-1 l a \ 29®P b \ 32*. 33 a \ E : 11 1-1 1**? 12-28. 29®«. 
30 s. 11b. 32*. 33 a \ 34.35 a .... 35 b 40. R 11 5 a (11 12-28). D a : il 
33b; 12 7®. R p : il 1 b 2 ; 12 7 b ? 

La part de R D est très faible : 11 33 b ; 12 7. Ces petits cadres enlevés, 

11 est certain que le récit présente des obscurités qui décèlent un 
certain manque d’unité. La question est donc de savoir si on peut les 
attribuer à des retouches rédactionnelles, gloses, etc., ou si nous 
sommes en présence de deux documents primitifs combinés. Dès 11 1 
nous avons une divergence entre l a et l b 2, le fils de la courtisane 
et le fils de la seconde femme. Le v. 4 fait double emploi avec 5 a . Le 
v. ll b ne s’explique pas après ll a où tout est terminé. L’unité des 
négociations ne fait doute pour personne ; les critiques opinent 
pour une négociation avec Moab (cf. sur 11 12-28); nous croyons 
pouvoir maintenir Ammon. Mais le v. 29 étonne : au v. ll b nous 
étions déjà à Mispah ; maintenant Jephté y passe après avoir parcouru 
tout le pays. Le vœu (v. 30) suppose que Jephté quitte sa demeure, 
alors qu’il est déjà parti au v. précédent, et nous voyons que cette 
demeure est à Mispah (v. 34), tandis que Jephté était un banni (11 3). 
Lorsque l’histoire de Jephté paraît terminée 11 40, elle reprend de 
nouveau 12 1 ss. Sur plusieurs points on pourrait à la rigueur harmo- 


213 


JUGES, 12. — CRITIQUE 

niser, quelques passages pourraient être des retouches, mais nous 
n’avons pu expliquer de la sorte la réunion dans la personne de Jephté 
de deux rôles : le banni et l’habitant de Mispah. L’hypothèse de deux 
documents nous parait résoudre plus à fond les difficultés. Nous 
essaierons de les reconstituer, c’est la meilleure manière de les dis- 
tinguer l’un de l’autre. D’après l’un, — disons J d’avance pour la 
clarté — Jephté fils d’une courtisane il l a se bannit lui-même ou est 
banni et fuit au pays de Tob où il mène la vie d’un chef de bandes 
11 3. La guerre éclate avec les Ammonites (v. 4 qui commence ab ovo 
et ne paraît rien savoir de 10 17 s.), on va chercher Jephté, 5 b en lui 
promettant d’être le capitaine (v. 6). Il accepte (v. 1 l a ) et inspiré de 
lahvé commence la guerre, traverse Galaad où il est venu avec les 
anciens, puis Manassé, prend pour point de départ Mispah (11 29), et bat 
les Ammonites v. 33. Éphraïm jaloux vient lui demander des comptes : 
il le massacre sans pitié (12 1-6). Un autre historien racontait un peu 
différemment les débuts de Jephté. Ses frères l’avaient injustement 
privé de l’héritage paternel comme n’étant pas de la même mère (11 l b 
et 2). Lors donc que les Ammonites combattirent Israël (5 a rappel des 
faits de 10 17 s.).... (on devait mentionner ici une démarche des frères 
de Jephté ou des anciens)... Jephté se plaint qu’on l’a chassé de sa 
famille ; à quoi les anciens répondent qu’ils sont revenus à lui (non 
pas qu’ils sont venus le chercher très loin) et lui proposent d’être chef 
de tous les habitants de Galaad (comme 10 18). Les anciens acceptent 
et prennent lahvé à témoin (11 7-10) ; sur quoi l’auteur marque que 
Jephté avait posé toutes ses conditions devant lahvé à Mispah, où on 
se trouvait, et dans cette hypothèse le mystère de lt b est éclairci : 
Jephté, chassé de sa famille, pouvait très bien avoir sa demeure à 
Mispah. Suit la négociation avec les Ammonites, (11 12-28) et le vœu 
de Jephté (30 s.), dont le succès est marqué au v. 32 et l’accomplis- 
sement décrit (34-40). Pourquoi attribuer la première histoire à J, la 
seconde à E? La première nous paraît plus que la seconde sur le type 
d’Éhoud et du J de Gédéon. Jephté est un gibbor (11 1), l’esprit de 
lahvé est sur lui (cf. 6 34 et Samson) ; enfin les Éphraïmites doivent 
être de l’auteur de 8 1-3. Au contraire les négociations dépendent clai- 
rement, quoique non d’une façon servile, de l’auteur élohiste des 
Nombres et, dans le vœu de Jephté, on retrouve avec certaines tour- 
nures de l’Élohiste de la Genèse son goût pour la recherche des usages 



214 


• JUGES, 12. — CRITIQUE 

anciens, surtout s’ils ont un caractère religieux. Il demeure une diffi- 
culté de détail. Nous attribuons les Hphraïmites à J et le vœu à E. Il 
y a cependant dans les deux une expression identique : Iahvé livre les 
ennemis dans la main 11 30.32 et 12 3 ; mais l’expression n'est peut- 
être pas si caractéristique. D’ailleurs nous ne voudrions pas donner 
la distinction des documents comme démontrée. 

Le point le plus important est le récit des négociations. Moore 
l'attribue à une époque relativement récente et Budde n’ose se pro- 
noncer. Mais Nowack insiste sur les raisons de ne pas rajeunir outre 
mesure un morceau qui a conservé tant de signes d'une haute anti- 
quité. Nous ne pouvons lui concéder que Gamos y est mis sur le même 
rang que Iahvé, ni qu’on y trouve la preuve d’un itinéraire qui allait 
directement d’Egypte à Cadès, mais il faut reconnaître que rien n'auto- 
rise à y voir une addition rédactionnelle. Ce récit suppose que l’histoire 
élohiste des Nombres est déjà écrite. 

Critique historique. — D’après Wellhausen (Composition, p. 229), 
Jephté n’est pas une figure historique. « C’est une ombre, il n’a pas de 
lieu de naissance, pas de famille, et est enseveli « dans les villes de 
Galaad ». Toute son histoire n’a de sens que dans le sacrifice de la 
vierge et sert à expliquer la fête, etc. » Un pareil jugement, fondé en 
partie sur un lapsus du texte massorétique (12 7) est très superficiel et 
Nowack remarque justement qu’il so trouve caduc si on admet en 
gros la distinction des sources qu’il soutient après Holzinger et Budde. 
Dans J il n’était même pas question de sacrifice. Ici donc la critique 
littéraire loin de porter atteinte à la réalité de l’histoire lui prête 
plutôt un corps. Il est clair en effet que des divergences dans la manière 
de présenter les faits ne changent rien à la réalité historique de la 
personne. La distinction entre J et E que nous avons poussée même 
plus avant que les critiques ne nous induit pas à admettre une contra- 
diction essentielle entre les auteurs sacrés. On eût pu décrire David 
soit comme banni, soit comme habitant de Bethléem. Les critiques que 
nous venons de nommer soulèvent une autre question. D’après eux il 
s'agit de deux guerres bien distinctes, l’une contre Moab, l’autre contre 
Ammon. Dans notre division E aurait raconté la guerre contre Moab, 
J celle contre Ammon. En tous cas tous les efforts seraient vains pour 
faire de 11 33 le récit d’une guerre moabite. 

L'hypothèse moabite repose donc uniquement sur les négociations 



213 


JUGES, 12. — CRITIQUE 

qui paraissent engagées avec Moab. I] nous a semblé qu'elle ne tenait 
pas suffisamment compte du caractère du discours. Il est trop lié à 
l'histoire écrite pour n’être pas raisonné d'une façon oblique, n'attei- 
gnant Ammon qu'à travers Moab; c’est que les sources ne disant 
presque rien d'Ammon, on ne pouvait alléguer des faits anciens qui lui 
eussent été directement opposables. Il y a certainement quelque chose 
qui choque dans le texte, mais il vaut mieux attribuer le mot de Camos 
comme dieu d’Ammon à une distraction quelconque que de supposer 
une manipulation tellement maladroite du texte et sans but. 

La personnalité de Jephté se dégage donc dans une bonne lumière 
historique. C’est un chef de bandes, habitué à tous les périls de la vie 
de razzia, mais plus exercé aux armes que les paisibles paysans de 
Galaad. Renan l’a remarqué finement : « Le héros militaire était 
d'ordinaire un banni, forcé de se mettre dans la compagnie des 
malandrins, parce que sa famille l'avait chassé. L'opposition du paci- 
fique Israël et du soudard de profession commence ainsi à se mani- 
fester.... La revanche du bandit, c'est le besoin qu’on a de lui, le jour 
du danger 4 ». D'un pareil caractère on n’attend guère de longues 
négociations. Jephté jugea cependant qu’il devait mettre le bon droit 
de son côté et surtout faire de la guerre une guerre sainte. Ce que les 
Israélites possèdent, ils le tiennent de leur Dieu; c’est donc à lui, non 
seulement à les défendre, mais à juger la querelle. Quoique Jephté ne 
discute pas la croyance de son adversaire ni l’existence de son dieu et 
des titres qu’il peut conférer à ses adorateurs, aussitôt que lahvé entre 
en scène, il figure comme arbitre, non comme le rival de Camos. Le 
caractère religieux de Jephté paraît ici comme lorsqu'il a exigé que les 
promesses des anciens se fissent devant lahvé. Il est encore la cause 
du vœu, objet de tant de discussions. Sur le fait lui -même toute atté- 
nuation noàs a paru impossible, toute controverse oiseuse; le texte 
est clair, la tradition unanime. Mais les conclusions qu’en tirent les 
modernes sont souvent fort exagérées. On attache trop d’importance 
à un fait particulier. Jepfité a offert sa fille en sacrifice, il croyait 
donc que lahvé agréait les victimes humaines. Comme rien ne 
marque ici un esprit étranger, mais que Jephté s'est conduit jusque-là 
en fidèle serviteur de lahvé, on conclut encore que son opinion était 


1. Histoire, I, p. 338 s. 



216 


JUGE8, 12. CRITIQUE 

celle des dévots et des fidèles de son temps. Autrefois on insistait 
même sur l’action de l’Esprit de Iahvé sur Jephté avant son vœu 
(11 21). Quelques-uns vont même beaucoup plus loin ; on prétend faire 
abstraction du vœu, et c’est aussi à quoi aboutit Renan : « La vérité 
est probablement que Jephté, avant d'entreprendre une guerre difficile, 
sacrifia une de ses filles, selon un usage barbare que l’on mettait en 
pratique dans les circonstances solennelles où la patrie était en 
danger 1 . » Il en résulte que le Iahvéisme ne serait pas supérieur sur 
ce point à la religion de Camos (II Reg. 3 27). Mais aucune critique 
ne consentira à juger l’acte de Jephté en sortant aussi complètement 
des conditions du texte. Le document que nous avons sous les yeux est 
trop manifestement candide pour qu’on le croie altéré par suite de 
scrupules théologiques. Jephté a fait un vœu. Il n’a pas immolé sa 
fille avant ou pendant l’action, à la manière de Mésa et des Cartha- 
ginois, sûr d’obtenir ainsi le secours céleste. Il n’a surtout pas voué sa 
fille à la mort; en la voyant il est consterné. Il a voué une victime 
humaine et il semble qu’il ait voulu en laisser le choix à Iahvé, arbitre 
des événements. Peut-être ne pensait-il pas s’imposer un grand sacri- 
fice. Il n’avait que cette fille. Rentré dans la maison paternelle d’où on 
l’avait chassé, il s’inquiétait peu de vouer à la mort quelqu'un des 
siens. On pourrait supposer que cette pensée se fait jour lorsqu’il dit 
à sa fille : tu étais parmi mes persécuteurs ! Quoi qu’il en soit il pensait 
sûrement, en vouant une victime humaine, être agréable à Iahvé auquel 
il demandait la victoire; aussi de Hummelauer déclare-t-il qu’il a agi 
de bonne foi. Et il était encore de bonne foi lorsqu'il a accompli son 
vœu. L’idée qu’une promesse oblige sans distinction de circonstances 
était très répandue dans l’antiquité, comme le prouve le meurtre de 
s. Jean-Baptiste, et Cornélius a Lapide note pour son temps qu’il en 
est ainsi surtout des soldats, fidèles au point d’honneur, peu curieux 
des cas de conscience. S. Ambroise exprimait encore le sentiment 
général en disant : non possumus accusare virum , qui necesse habuit 
implere quae voverat.... {de offic. III 12). Il n’y a donc pas à s’étonner 
que Jephté ait eu sur l’obligation d’un vœu des idées qui nous choquent 
si fort. Il a été approuvé par plusieurs Pères et l’auteur de l’épître aux 
Hébreux a loué sa conduite générale sans faire de distinction (il 32). 


1. Histoire, I, p. 341. 



CRITIQUE 


217 


JUGES, 12 . — 


Mais ceux mêmes des Pères qui ont excusé ou loué l'accomplissement 
du vœu en ont reconnu l’imprudence et le caractère brutal. C'est un 
fait à noter dans l'histoire des idées religieuses d’Israël. D’après de 
Hummelauer,le seul texte de la loi qui interdisait les sacrifices humains 
(Dt. 12 31) offerts à Iahvé a pu échapper à l’attention de Jephté. 
D'autres concluront que ce texte n’était pas encore écrit. Ce qui 
importe surtout c'est de savoir si les sacrifices humains — car nous 
savons que les Hébreux en ont ’ offert beaucoup — découlaient du 
Iahvéisme ou de l’influence des religions cananéennes. Ici nous ne 
pouvons pas fournir la preuve d’une influence étrangère. Mais si nous 
voyons les prophètes organes de Iahvé protester si énergiquement 
contre ces sacrifices et si nous constatons qu’en fait ils étaient offerts à 
Molok, il sera raisonnable de conclure qu’ils ont pénétré dans le culte 
de Iahvé là où on le considérait et où on l’honorait un peu comme 
un baal. Il s’agit ici non pas du sanctuaire national de l’arche où les 
traditions étaient mieux conservées, mais d'un sanctuaire à Mispah. 
Jephté parle de Iahvé et de Camos un peu sur la meme ligne, tout en 
prenant son dieu pour juge. En cela il est plein de zèle, mais d’un zèle 
imprudent, car il a engagé l’honneur de Iahvé dans la question. 
Abimélek est un chef de bandes scélérat et sans scrupules moraux et 
religieux; Jephté est un héros d'Israël, mais avant le grand dévelop- 
pement des idées morales contenues dans le culte de Iahvé. 

Quant à l’auteur, il n’a pas exprimé de jugement. Il est clair cepen- 
dant que pour lui Jephté est un imprudent. Si Iahvé le laisse tomber 
dans le piège et empoisonne ainsi la joie de son triomphe, ce n’est pas 
sans doute qu'il ait eu le vœu pour agréable. Les chœurs de danse se 
changent en lamentation, la dernière impression est pleine de tristesse. 
La victoire sur les Ammonites ne prouve nullement que Iahvé a été 
séduit par le vœu de Jephté. L’auteur sacré sait bien qu’on ne scrute 
pas et qu’on ne discute pas les actes de la divinité : Elle agit selon son 
bon plaisir. 

Quant à l’objection ancienne de l’inspiration de l’Esprit Saint qui a 
touché tant de Pères, elle tombe naturellement dans le système cri- 
tique puisque le v. 29 n'est pas du même auteur que le v. 30. Dans la 
pensée même du Rédacteur il n'y a pas cohésion entre ces deux 
versets puisque Jephté est déjà derrière les Ammonites au v. 29 et 
qu’au v. 30 il ne part qu’après son vœu. 



218 


JUGES, 12. — CRITIQUE 

Même d’après J, qui ne mentionnait pas le vœu, la campagne se ter- 
mina d’une manière néfaste pour Israël. Gédéon de Manassé s’était 
incliné devant Éphraïm, peut-être pour le séduire. Jephté le punit sans 
pitié de son arrogance. C’est comme une revanche de Galaad traité si 
durement par Gédéon à Souccoth et à Penouël. On voit combien 
Israël- était éloigné encore de l’unité politique et religieuse. 



Chapitre 12 8-15. — Ibsan, Elon et 'Abdon. 


[R D ] 8 Après lui, Ibsân de Bethléem jugea Israël. 9 II avait 
trente fils, et il maria au dehors trente filles, et il fit venir du 
dehors trente filles pour ses fils. Et il jugea Israël pendant 
sept ans. 10 Puis Ibsân mourut et il fut enseveli à Bethléem. 
11 Après lui, Elôn de Zabulon jugea Israël, or il jugea Israël 
pendant dix ans. 12 Puis Elôn de Zabulon mourut, et il fut ense- 

8-15. Les trois derniers petits juges. D'après nous, de R D ; cf. Intro- 
duction, car la question dépend de la chronologie. Les variations des ver- 
sions sur 11 et 12 dénotent des retouches. — 8) Les anciens, Josèphe en 
tête (Ant. V 7 13), entendaient Bethléem de la ville de Juda. Les modernes 
(même Hum.) préfèrent Bethléem de Zabulon (Jos. 19 15) qui existe encore 
sous ce nom à une dizaine de kil. nord-ouest de Nazareth. La raison c’est 
que le livre des Juges ne s’inquiète pas de Juda. Mais si les petits juges 
sont un complément deutéron. destiné k compléter le tableau ? Zabulon 
viendra tout à l’heure et sera nommé. Ne peut-on pas penser que si la 
tribu n’est pas indiquée ici, c’est à cause du grand renom de Bethléem 
pour un écrivain judéen? 

11) Elôn d’Ayalôn. Celui-lk est réduit à la plus simple expression d’un 
juge. Il y a bien un Elon fils de Zabulon (Gen. 46 14), mais pas d’Ayalô.n en 
dehors de celui de Dan (Jos. 10 12 etc.). Josèphe n’a pas nommé la ville et 
il est étrange qu’elle porte le même nom que la personne, car la ponctua- 
tion massorétique différente pourrait bien être une différenciation artifi- 
cielle. Le G (A et Lag) ont AiXijxpour la ville, G(B) deux fois AiXtmx. La Vg. 
nomme le juge Ahialon et supprime la ville. Il est difficile de croire qu’un 
écrivain ait ainsi confondu à plaisir une ville avec un homme. Peut-on 
songer à 'Abellin au nord de Chef-'Amar ? Les vv. 11 et 12 sont sans asté- 
risques dans Syr.-hex et le codex 85 note que le grec omettait ll b et 12 
(Fie/d). 



220 


juges, 12 13-15 

veli ‘ à Elôn ’, au pays de Zabulon. 13 Après lui 'Abdôn fils de 
Hillel de Pir'athôn jugea Israël. 14 II avait quarante fils et trente 
petits-fils, montés sur soixante-dix ânons ; or il jugea Israël 
pendant huit ans. 15 Puis 'Abdôn fils de Hillel de Pir'athôn 
mourut, et il fut enseveli à Pir'athôn, ' dans la montagne 
d’Ephraïm au pays de Cha'alim \ 

12. lib^N comme le nom propre, d’après LXX; TM Ayalôn. 

<5. o'bro yiNi onsN mi; tm ipSojrn ira onsN yiaa «a 

d'Ephraïm dans la montagne des Amalécites. 


13) iinnS doit être aujourd’hui Fer'atâ à deux heures et demie au s. 
ouest de Naplouse. Le nom et la situation dans la montagne d’Éphraïm 
concordent très bien. Moore se rapproche de Benjamin parce que 'Abdon 
figure dans ses tables généalogiques (I Chron. 8 23), mais le nom n’a rien de 
si étrange et devait être assez répandu. Pharathon est nommé 1 Macc. 9 50; 
Jos. Ant. XIII 1 3. 

15) Le mont Amaleq dans Éphraïm est une énigme insoluble dont Moore 
(ed. polychr.) paraît avoir trouvé la solution. Le groupe M (Lp dans ed. 
polych.) porte ev opei E?paiu ev yj SeXXrjjx ; cf. I Sam. 9 1 yiNl dans 

G(A) SaaXetu. Cette leçon ne peut venir d’une confusion de lettres grecques 
et a toutes chances d’être originale. Le mont Amaleq a peut-être pénétré 
dans le TM à cause de Jud. 5 14 où il n’est pas plus explicable. G(A, Lag. 
Êth.) iv opei Aavax. 



Chapitre 13-16. — Samson 


[R D ] 13. — 1 Or les fils d’Israël recommencèrent à faire le mal 
aux yeux de Iahvé, et Iahvé les livra aux mains des Philistins 
pendant quarante ans. [J] 2 II y avait un homme de Sor'ah, du 
clan de Dan, nommé Manoé, et sa femme était stérile et n’avait 

1-7. Oppression. Première apparition de l’ange. — 1) Du RD., c’est son 
introduction habituelle, 3 12; 4 1 ; 6 1 ; 10 6. La formule est vague, on ne 
dit pas si ce fut après les derniers juges nommés. Il semble plutôt d’après 
10 7 que l’oppression par les Philistins était contemporaine de celle des 
Ammonites. 

2) TriN TZPN cf. 8 18 ; Lev. 4 13 et, d’après LXX et Sam., Gen. 22 13 (Kœn. 
291 </.). Sor'ah, auj. Sar'a, sur une colline très visible de la voie ferrée de 
Jafîa à Jérusalem, peu avant la station de Deir-Abân ; en faced’Vlf/i Chems , 
l’ancienne Beth-Chemech. D’après Eusèbe (On.) à dix milles d'Eleutliéropolis, 
en réalité à 13 milles au moins de Beit-Djébrin. Ce sont les derniers contre- 
forts des montagnes de Juda, au point où les vallées s'épanouissent dans la 
plaine, et par conséquent le lieu le plus exposé aux incursions des Phi- 
listins. Cette ville paraît déjà dans el-Amarna sous le nom de Sarkha 
(173 21) avec le changement normal dans la transcription assyrienne de 
*am en khet. Elle compte dans Jos. 19 41 comme étant de Dan, dans Jos. 
15 33 comme de Juda, ce qui marque une fusion des restes de Dan avec 
Juda. Elle fut occupée au retour de la captivité (Neh. 11 29). — Le nrtSlTO 
« clan » est ordinairement une subdivision de la tribu, T22U ; la tribu cor- 
respond aux fils de Jacob, le clan à ses petits-fils. Le sing. serait donc 
étonnant. Keil a remarqué que Dan n’ayant qu’un fils (Gen. 46 23 ; Num. 
26 42) les deux idées pouvaient se confondre pour lui ; cf. 18 2.11 du même 
Dan et 17 7 où les deux idées de tribu et de clan sont associées. Le sing. 
s’emploie aussi de Juda 17 7; cf. ad h. /. — Le nom de Manoé (Manôah) 
se retrouve sous la forme gentilice, 1 Chron. 2 H4; la moitié des 

forme les gens de Sor'ah. Budde en conclut que Samson est parlé- 



222 


juges, 13 3-5 

pas eu d'enfants. 3 Or lange de Iahvé apparut à la femme et lui 
dit : Voici que tu es stérile et que tu n’a pas eu [ ] de fils. 4 Mais 
désormais prends bien garde, ne bois ni vin, ni fermenté, et ne 
mange rien d'impur. 5 Car voici que tu concevras et que tu auras 
un fils; le rasoir ne doit pas passer sur sa tête, car l’enfant sera 

i 

3. Omettre IWT1 tu concevras et tu enfanteras. 


même donné comme le fils du héros éponyme de sa race, ainsi que Jephté 
il 1. — Sa femme, stérile et sans enfants, formule redondante comme Gen. 
il 30 (J). — Les enfants nés de femmes longtemps stériles sont spéciale- 
ment un don de Dieu, comme Isaac, Samuel, s. Jean-Baptiste. 

3) L’ange de Iahvé, comme 6 11 ; les deux apparitions ont beaucoup de 

rapport. Les mots JVIïTI font double emploi avec le v. 5; en les sup- 

primant on a le parallélisme avec v. 3. D’après Budde nn3fi v. 5 suppose 
une première promesse; mais il répOnd seulement à cette pensée sous- 
entendue : la situation va changer. 

4) est tout ce qui est fermenté en dehors du vin. S. Jér. (ad Nepol. 
PL 22 c. 536) en énumère les espèces usitées en Palestine : « Sicera Hebraeo 
sermone omnis potio nuncupalur , quæ inebriare polest ; site ilia quae fru- 
mento conficitur ; sive pomorum succo ; aut quuni favi decoquuntur in 
dulcem et barbaram potionem, aut palmarum fructus expritnuntur in 
liquorem , cociisque frugibus , aqua pinguior colatur. » Les défenses de 
l’ange se rapportent à la loi des Naziréens Num. 6 3 ss., mais sans en être 
une application. Le naziréat ne commençait pas avec la mère, et l’inter- 
diction des aliments impurs était obligatoire pour tout le monde (Dt. 14; 
Lev.il). Les Com. juifs ont songé à ce qui est impur pour les Naziréens, 
par exemple les raisins; mais cela n’est pas indiqué dans Je texte. La mère 
doit s'abstenir très soigneusement de ce qu’il faut d’ailleurs toujours 
éviter, des aliments impurs, et de plus de choses fermentées. 

5) D'après Budde, Moore, etc., mn adj. ne doit pas s'entendre du futur, 

puisque c’est la reproduction exacte de la formule de Gen. 16 il (J), où 
Hagar est déjà enceinte. Alors il faut ponctuer parce que la nais- 

sance aura lieu dans un temps futur (waw consec.) par rapport à la concep- 
tion qui est actuelle. Si, au contraire, on entendait la conception comme 
future aussi bien que la naissance, il faudrait ponctuer comme Is. 

7 14, pour mettre les deux faits sur le même plan. Les massor. semblent 
avoir laissé le choix par leur ponctuation anormale mSvi sorte de mélange 



juges, 13 5 223 

naziréen de Dieu dès son existence dans le sein maternel; c’est 
lui qui commencera à sauver Israël de la main des Philistins. 


des deux. Il est certain que run comporte très bien le futur; il semble que 
ce dernier serait mieux en situation, car si la mère ne se sachant pas 
enceinte avait déjà bu du fermenté? L’intention de l’ange doit être de là 
prévenir d’avance. Nous lisons donc JVT'TP'I, (cf. Kœn . 237 e-h) avec Vg. 
LXX, etc. C’était aussi la pensée de l’auteur (ou du glossateur) de v. 4. 
L’enfant sera 0 %*“|Sn consacré à Dieu par sa chevelure, c’est sur ce 
point que porte le commandement de l'ange. miED rasoir , peut-être pour 
rP!T2- Le verbe T U apparenté à YL3 vouer (cf. ar. nadhar, son intermé- 
diaire dans le sens de vouer) marque une consécration ; l'objet déter- 
miné prend un caractère sacré. Il n’est pas nécessaire que l’idée d'absti- 
nence se retrouve toujours ; il suffit que l’homme se soit enlevé le libre 
usage d’une chose ou même qu'il pense se lier plus étroitement à Dieu. Par 
conséquent l’essence du naziréat n’est pas nécessairement dans l’absti- 
nence du vin (contre IJ^nzingeb, Arch. Nowack, Arch.) mais plutôt dans 
la consécration de la chevelure (Moore, Budde , etc.) ; le naziréen 
porteur d’un objet consacré devait éviter avec soin les contacts impurs des 
cadavres et ce qui est fermenté. Si on insiste sur ce dernier point, ne 
serait-ce pas que le vin porte à la tête? Il aurait constitué une impureté 
pour l'objet même du vœu. Le naziréen devait offrir sa chevelure (Num. 
6 18) ce qui marque bien l’objet propre de sa consécration (Rob. Smith, 
Religion of lhe Semites 2 p. 325 ss.), commune à plusieurs peuples et spécia- 
lement comme un vœu de guerre à outrance. Le naziréat était temporaire 
de sa nature, puisqu’on ne pouvait offrir les cheveux d’un mort. Celui de 
Samson fait exception, et on ne voit pas non plus qu’il ait renouvelé sa 
chevelure après s’être souillé au contact des morts. Cette forme de 
naziréat n’est donc pas celle que la loi a prévue et réglée minutieusement ; 
elle est peut-être antérieure. — Le mot DM\n pour indiquer la divinité 
n’est pas ici un nom propre de Dieu, cela n’indique rien sur le document. 
— L’enfant se mettra à l’œuvre de la délivrance; d'après Valable (ap. Ilum.) 

, Well. ( Comp ., p. 231), etc., l’auteur aurait parfaitement conscience que 
Samson ne fera que commencer l’œuvre de la délivrance, continuée par 
Samuel, Saül, etc.; S Snn ne signifie pas toujours une inauguration, 
un commencement presque officiel, par opposition à la suite (cf. v. 25 
10 18; 16 19 et Num. 25 1) qu'on peut presque rendre par « se mettre à » 
(cf. sur Gen. 4 26), cependant c’est bien le sens Gen. 6 1 ; 10 8; 41 54; 
44 12, et il convient ici. 



224 juges, 13 6-8 

6 La femme alla donc et dit à son mari, disant : Il est venu vers 
moi un homme de Dieu qui avait l'apparence de l'ange de Dieu, 
plein de majesté, et je [ ] lui ai demandé d'où il venait, et il ne 
m r a pas dit son nom. 7 Et il m’a dit : Voici que tu concevras et 
que tu auras un fils; et maintenant ne bois pas de vin ni de fer- 
menté, et ne mange rien d’impur, car l’enfant sera naziréen de 
Dieu depuis son existence dans le sein maternel jusqu’au jour de 
sa mort. 8 Et Manoé supplia Iahvé et il dit : De grâce, Seigneur, 
que l'homme de Dieu que tu as envoyé vienne encore une fois 
auprès de nous, et qu’il nous enseigne ce que nous devons faire 

6. Omettre nVi ; TM je ne lui ai pas demandé. 


6) Un homme de Dieu ressemblant à un ange de Dieu est une tournure 
un peu surchargée. Budde propose de lire VPMn comme v. 10; mais au 
v. 10 la personne est déjà connue et donc l’article justifié, ce qui n’est pas 
le cas ici. On s’étonne aussi de fange de Dieu tandis que partout ailleurs 
il y a fange de Iahvé (vv. 3.13.15.16.17.20.21); mais c’est toujours sous la 
plume de l’écrivain, non dans la bouche des acteurs. Ce qui frappe la 
femme c’est qu’elle a vu un être divin, homme ou ange. Nous laissons donc 
le texte intact, d’autant qu’il est soutenu par les versions, mais il est clair 
que ce n’est pas une note de f Élohiste. — L'ancienne version grecque et 
la Vg. n’ont pas la négation, donc : je lui ai demandé. L’usage oriental 
actuel ne permet pas de demander le nom des gens qu'on rencontre, mais 
on s’informe très régulièrement du lieu d’où l'on vient et où l’on va. Pour 
satisfaire l’interrogateur on répond de plus qui on est. C’est ce que fange 
n’a pas fait. 

7) La femme ajoute : « jusqu’au jour de sa mort, » comme Ève ajoute : 

« et vous n'y toucherez pas » (Gen. 3 3. J), mais ne dit pas la promesse de 
fange; ce n’est pas une raison de voir là un-remaniement; la femme ne‘ 
veut pas être raillée en prenant la chose trop à cœur et ne parle pas non 
plus du rasoir, de sorte que son mari pourra interroger relativement à 
l’enfant. 

8-25. Seconde appabition, débuts de Samson. — 8) est du style de J 
tandis que E dit SSeDH. H est aussi de J. La femme a parlé d’un 
homme de Dieu ; Manoé s’en tient là, ce qui confirme le texte du v. 6. 
iSvn part, pou 'al irrégulier, plutôt que parf. avec n dans le sens relatif. 
Le m préforrn. a été rejeté, ou plutôt c’est une forme alternative sans ni. 



225 


juges, 13 9-12 

à l'enfant lorsqu’il sera né. 9 Or Dieu entendit la voix de Manoé, 
et l’ange de Dieu vint encore vers la femme pendant qu’elle se 
trouvait aux champs, Manoé son mari n’étant pas avec elle. 10 Et 
la femme se hâta, et courut et annonça à son mari et lui dit : 
Voici que m’est apparu l’homme qui est venu un jour vers moi. 

11 Et Manoé se leva et suivit sa femme et vint vers l’homme et 
lui dit ! Est-ce toi qui as parlé à la femme? et il dit : C’est moi. 

12 Et Manoé dit : ' Au temps ’ où c ta parole * s’accomplira, quelle 

il. nÿ; TM nnÿ maintenant. — "pi“T sing. ; TM "|TO7 tes paroles. 


On écrit 1 pour ü bref afin d’éviter l’équivoque (Moore). La question de 
Manoé est relative à l’enfant, sa femme n’ayant communiqué que ce qui le 
concernait. L’auteur a très bien ménagé la nécessité pour Manoé de 
demander de plus amples renseignements (contre Budde qui voit en cela 
des traces de remaniement). 

9) Manoé prie Ialivé et c’est Élohim qui entend; déplus, l’ange d’Élohim, 
qui n’étonnait pas trop dans la bouche de la femme qui ne le nomme pas 
autrement, est étrange sous la plume de l’auteur qui dit constamment 
l’ange de Iahvé vv. 3.13.15.16.17.20.21. Il est probable que le voisinage de 
l’homme de Dieu a induit un copiste à mettre Élohim pour éviter qu’on ne 
fît une distinction et montrer l’identité de Iahvé et d’Élohim. Vg. Dominus 
1° loco. 

10) DTO est traduit littér. par G(B) ; si les versions G(A, Lag.). Targ. 
rendent « en ce jour » c’est probablement une traduction ad sensum plutôt 
que la preuve d’un texte Ninn DTO ; d’ailleurs le cas de GTO pour dire 
« un jour » est unique. 

12) La tournure étrange HTO n’a préoccupé ni Moore, ni Budde ni 
Nowack. Perles ( Analekten , p. 35) remarque très justement qu’il faut lire 
NI* Î)V « au temps où viendra » cf. Ps. 105 19 TOI T Nil TO "TÎL L’erreur est 
ancienne, reproduite par les versions. — Lire le sing. -pm avec quelques 
mss. et G, Vg. Syr. et le Qré au v. 17. Manoé demande la règle qu’il faudra 
imposer à l’enfant; cela est clair pour l’expression T25127Q, mais cela 
s’accorde aussi avec riOTQ dans le sens de coutume, Lev. 18 3. Le père n’a 
à s’inquiéter que du rôle des parents. On dit que la réponse de l’ange n’en 
est pas une (Moore, Budde) et les anciens ne résolvaient la difficulté qu’en 
supposant que l’ange a en effet répondu autre chose, mais que l’auteur 
n’est pas obligé de tout dire. Cependant l’objection n’est décisive que pour 
P. Lagrange. — Le» Juge». 15 



226 


juges, 13 13-16 

sera la règle de l'enfant- et son régime ? 13 Et l’ange de Iahvé dit 
à Manoé : Que la femme se garde de tout ce que je lui ai dit^ 
u Qu elle ne mange pas de tout ce qui sort de la vigne, et qu’elle 
ne boive ni vin, ni fermenté, et qu elle ne touche rien d’impur, 
qu elle observe tout ce que je lui ai commandé. 15 Et Manoé dit à 
l’ange de Iahvé : Nous allons te retenir, et nous offrirons en ta 
présence un chevreau. 16 Et l’ange de Iahvé dit à Manoé : Si tu 
me retiens, je ne mangerai pas de ta nourriture, mais si tu désires 
offrir un holocauste, offre-le à Iahvé. Car Manoé ne savait pas 

ceux qui supposent que la conception a déjà eu lieu. Si elle a été seulement 
promise, la réponse de l’ange est bien une application à l'enfant qui sera 
consacré ainsi dès son existence dans le sein de sa mère, comme 

Is. 44 ^2.24, et non pas après sa naissance (contre Moore , etc.). D'ailleurs on 
est tenté de lire tous les verbes au masculin : l’enfant suivra le même 
régime que sa mère ; la réponse serait pertinente. Le grec est naturellement 
ambigu. 

14) L’ange répète les ordres donnés à la femme ; il ajoute l’abstention de 
tout ce qui sort de la vigne, loi commune du naziréat (Num. 6 4), mais ne 
parle pas de la chevelure de l’enfant. 

15) Iffiï « retenir », avec une nuance de contrainte, car la politesse exige 

qu’on refuse d'abord l’invitation (cf. Luc 24 29). nOT dans le sens de pré- 
parer en cuisine 6 19 ; Gen. 18 7.8 ; mais « en ta présence » indique 

quelque chose de plus. Ce serait le cas pour les modernes de se rappeler 
que l'immolation d’un animal avait toujours anciennement le caractère 
d'un sacrifice. HOT a certainement le sens de sacrifier (Lev. 9 7 etc.) et 
c’est ainsi que l’admet l'ange qui disjoint les deux propositions, et entend 
la seconde d’un sacrifice. C’est ce que s. Augustin avait très bien compris : 
« tanquam hominem invilavit , sed ita est hoc cum illo epularetur , quod 
sacrificium fecisset » ( Quaest . 53). La parole de Manoé est d'ailleurs équi- 
voque : il semble attendre une indication que l’ange ne manque pas de lui 
donner. Il offre de faire un sacrifice ou de cuire un chevreau en présence 
de l’ange. « et nous placerons » suggéré par Budde d’après 1 Sam. 

9 24 etc. fait disparaître tout le sel exquis de l’épisode. 

16) L’ange résout l’équivoque : s’il s’agit de manger, non; s’il s’agit de 
sacrifier, sacrifie à Iahvé. 2 tournure qu’on retrouve Ex. 12 43 s. 48 ; 
Lev. 22 11.13 ; Job 21 25 ( Kœn . 84). — Les critiques sont fort embarrassés 
de 16 b . Pour eux la confusion du texte est manifeste. Diverses combinai- 
sons dans Moore, Budde, Nowack. On convient qu’il vaudrait mieux 



227 


juges, 13 17-19 

que c'était (l’ange de) Iahvé. 17 Et Manoé dit à l’ange de Iahvé : 
Quel est ton nom? car lorsque ta parole sera accomplie, nous te 
ferons honneur. 18 Et l’ange de Iahvé lui dit : Pourquoi donc 
demandes-tu mon nom alors qu’il est incompréhensible ? 19 Et 
Manoé prit le chevreau et l’offrande de farine et il offrit l’holo- 
causte sur la pierre, à Iahvé ' qui opère des choses incompréhen- 

49. nSmHî TM nSstDT et faisant des choses incompréhensibles. Omettre 
irUtfiO JTODT ; et Manoé et sa femme- voyant. 


ordonner ainsi : « il lui demanda son nom, car il ne savait pas que c’était 
l’ange de Iahvé ». Ce qui est d’une banalité parfaite. Il est étrange que les 
critiques qui proposent souvent de lire Iahvé au lieu de l’ange de Iahvé n’y 
aient pas songé ici. Cela arrange tout et la pensée est fort bien déduite. 
Manoé n’est pas du tout dans la situation de Gédéon qui semble tout 
ignorer. Sa femme a parlé de l’homme mystérieux comme d’un ange de 
Dieu. Mais il ne sait que conclure. Lui demander son nom est une suprême 
ressource (contre Nowack qui place v. 17 après v. 14!), mieux vaudrait 
l’amener à se manifester, d’où l’ingénieüse proposition à double sens du 
v. 46. Iahvé déroute la curiosité du bonhomme en lui disant : sacrifie à 
Iahvé : car il ne savait pas que c’était Iahvé lui-même ! 

47) D’après la réponse de l’ange, il n’est pas un être divin auquel con- 
vienne l’holocauste, — à moins qu’il ne soit Iahvé lui-même ce que Manoé 
ne savait pas. — Il essaye d’un moyen décisif. S’il passe par dessus l’indis- 
crétion qui consiste h demander le nom, c’est dans l’intérêt même de 
l’étranger et pour lui témoigner sa reconnaissance en lui faisant parvenir 
ses honoraires ; c’est le sens d'honorer 72D (Num. 22 17.37). C’était d’ailleurs 
la coutume de récompenser ainsi ceux qui faisaient des prédictions ; cf. 
I Sam. 9 6 s. — Lire "pin au siug. avec Qrê , LXX, Vg. Syr. 

48) Manoé n’est pas heureux avec l’ange qui détourne encore la question ; 
non seulement il répond par une question, exactement comme Gen. 32 29, 
mais il pique encore la euriosité en ajoutant qu’il est mystérieux, surpassant 
l’intelligence humaine; cf. Is. 29 44 s. Hum. supponas nomen mihi esse 
Miraculum, quod illico videbis actis meis aptissime consonare (!) Lire 
pour le Kethib , plutôt que Qrê. 

19) Manoé prend le parti d’offrir le sacrifice à Iahvé comme l’ange le 
demandait. La minhah « offrande de farine » n’est nullement une glose 
pour compléter le sacrifice au point de vue liturgique (contre Moore et 
Dudde ); pense-t-on que cette cérémonie soit récente et n’ait pas toujours 



228 juges, 13 20-21 

sibles ' [ ]. 20 Or lorsque la flamme monta de l’autel vers les cieux, 
l’ange de Iahvé monta dans la flamme de l'autel, à la vue de 
Manoé et de sa femme, et ils tombèrent la face contre terre. 21 Or 
l’ange de Iahvé n’apparut plus à Manoé ni à sa femme. Alors 


accompagné les sacrifices? le pain étant nécessaire pour manger la victime, 
on devait le faire entrer dans l’oblation. T11VI avec l’art, signifie peut-être 
le rocher , l’autel de pierre consacré à l’usage des sacrifices. 11 est très pro- 
bable que la tradition avait en vue le bel autel en pierre qui est à la des- 
cente de Sor'a du côté du sud (RB. 1898, p. 123 s.) « Et Manoé et sa femme 
regardaient, » répété v. 20 où il est bien à sa place, doit provenir d’une 
erreur de copiste. C’est sans doute pour donner un sens à cette incise qu’on 
a mis 1 devant nSsQ, pour aboutir tant bien que mal au sens du P. Hum. 
et factum est miraculum dum offerretur... Malgré tout rVNtfÿS nSsQI ne 
peut absolument pas s’expliquer grammaticalement. Cela importe fort 
peu puisque LXX, Vg. ont lu nSsDH, etc. Le sacrifice est offert à Iahvé 
faisant des miracles (Moore), ce qui est tout à fait conforme à d’autres cas, 
par exemple le Iahvé Chalom de Gédéon (6 24). Le mot xbs fournit le 
vocable, comme Chalom pour le cas de Gédéon. Il s’agit probalement 
moins du miracle attendu, la conception de l'enfant, que du nom mysté- 
rieux révélé par l’ange. G(B) et Targ. sont ici avec TM; B : xai BiE/oSptaev 
7:ot7)aat, traduction étym. qui pourrait bien être d’Aquila (Moore). D’ailleurs 
le vocable est cité ici par prolepse : Manoé offre à Iahvé, qui fut depuis 
connu en ce lieu comme Iahvé des miracles. Il est bien évident que Manoé 
a offert un sacrifice, mais le P. Hum. ne veut pas admettre une pareille 
illégalité : « Certissimum quippe est, Manuen (quem gratuito aliqui levitam 
supposuere) coram adstante eo, quem ipse proplietam adliuc existimaret, 
non fuisse attentaturum, ut sacerdotis partes ipse ageret » ; et qui sait si 
ce n’est pas un scrupule semblable qui a fait introduire dans le texte 
Manoé et sa femme comme spectateurs dès ce moment? Le TM aurait pour 
but de suggérer que l’holocauste s’offrit tout seul, par une flamme miracu- 
leuse, sans que Manoé et sa femme y fussent pour rien. 

20) La flamme est celle de l’holocauste, non pas une flamme miraculeuse 
sortie du rocher comme l’avait supposé Josèphe d’après 6 21 ; les deux 
récits ne doivent pas être confondus (Hum.) Le mot d’autel indique bien 
que le rocher était en forme d’autel. 

21) D'après Budde 21b n’est absolument pas à sa place; il signifierait que 
Manoé a reconnu que c’était un ange parce qu'il ne revenait pas. Il est bien 
simple de supposer avec Moore que l’auteur achève d’abord ce qui concerne 



229 


juges, 13 22-24 

Manoé comprit que c’était Fange de Iahvé. 22 Et Manoé dit à sa 
femme : Nous mourrons certainement puisque nous avons vu 
Dieu! 22 Et sa femme lui dit : Si Iahvé avait eu l’intention de 
nous faire mourir, il n‘aurait pas reçu de nos mains holocauste 
ni offrande, et il ne nous aurait pas fait assister à ce spectacle, 
et * instruits de * toutes ces choses le moment venu (il ne nous 
aurait pas fait entendre cela). 24 La femme eut un fils et le nomma 

22. imn î TM tJNin fait voir . 

l’ange. Puis il en vient aux impressions de Manoé. 7N peut très bien se 
rapporter à la scène précédente, surtout si l’on ponctue JTp; cf. Ex. 15 1 ; 
Dt. 4 41. La forme HNin pour l’inf. constr. comme I Sam. 3 21. 

22) On veut qu’Élohim ici ne signifie pas absolument Dieu, mais un être 
divin (Calm. Ilum., etc.) ; cf. I Sam. 28 13 ; Gen. 32 30 et Gen. 16 13 (avec 
une correction suggérée par Wellh.). Cependant il s’agit de Dieu, non d’un 
ange. Mais Manoé ne fait pas de distinction théologique. 

23) ITO manque à plusieurs mss. grecs, Anc.-lat., Vg . ; il est impossible à 

expliquer dans le sens de « maintenant » puisque les promesses sont anté- 
rieures au sacrifice, et qu’il ne peut être question du temps présent opposé 
au passé. La conjecture nny ^3 (Moore, Budde ) offre les mêmes difficultés. 
On serait tenté de lire JVn TO3 comme Gen. 18 10.14; II Reg. 4 16 s. mais 
il faudrait intervertir avec nN’ÎD; toute l’opération serait trop arbitraire. La 
suppression serait trop radicale, car il est vraisemblable qu’il a été sup- 
primé comme gênant là où il manque. Nous pensons que ce mot se rattache 
au v. suivant : et quand le moment fut venu, la femme enfanta, etc. Cette 
solution très simple suppose que TIN’ÎD UPOUM nS est une glose, ce que 
Moore a déjà pressenti. En effet l’ancienne version grecque (A, Lag, Ane .- 
lal. Syr.-hex. etc.) lisait x«i oux 5v e^iouasv soit UYin, « il ne nous eut 
pas instruits de toutes ces choses; » cf. v. 8. Cette leçon est moins banale 
et très en situation, puisque c’est précisément la vue qui était dangereuse 
tandis que les instructions étaient un gage d’avenir. Le texte un peu difficile 
a pu être glosé par le lourd nS qui aura pénétré dans le texte à un 

mauvais endroit. nKVD est peut-être pour différentier de hSn Sd, car le G 
de Lag. a deux fois rcàvTot 

24) On a remarqué que Samson, de W12XD soleil, était un nom assez 
naturel en face de Beth-Chemech. Josèphe a proposé l’étym. de yiw (cf. 

3 29) iayypov 8’à7üoarjjioifv6t tô tfvofxa. D’autres ont pensé à une forme intensive 



230 


juges, 13 25, 14 1 

Samson. Et l’enfant grandit et Iahvé le bénit. 25 Et l’esprit de 
Iahvé commença à l’agiter au camp de Dan, entre Sor'ah et 
Echthaol. 

14. — 1 Or Samson descendit à Thimnah, et il vit à Thimnah 

de DQt2? (Hum.) « dévaster ». Mais la dérivation de soleil est de beaucoup 
la plus simple. Elle ne suppose pas le culte du soleil chez les parents de 
Samson, le nom n'est même pas théophore. 

25) La racine DVS d’où « pas », « enclume » semble signifier frapper, 
d‘où peut-être pousser qui conviendrait ici (cf. Luc 4 1 ; Mc. 1 12), ou 
encore agiter, qui est le sens de niph. — La situation de Echtaol parait 
bien fixée à Echou'a, à environ 4 kilom. de Sor'a , de sorte que l’emplace- 
ment indiqué ici est facile à reconnaître, c’est une sorte de large promon- 
toire entre deux vallées qui semble en effet propice à un campement. La 
difficulté pour l’appeler p HJnrj « camp de Dan » est que le même lieu parait 
indiqué 18 12, près de Qiryat Yearim. Et quoique ce dernier endroit ne 
soit pas connu avec une certitude absolue, le point d’arrivée des Danites 
qu’il marque ne peut être leur point de départ, qui est précisément Sor’a 
et Echtaol. Dans un pareil cas il n’est peut-être pas interdit de recourir à 
un double endroit. On peut supposer que Dan, ne pouvant s’installer h 
demeure, restait dans des campements (Renan) ou bien que le second cam- 
pement se rapporte à la migration; c’est comme l’étape de Dan, plutôt que 
le camp permanent de Dan, d’autant qu’ici on marque précisément la 
situation du camp qui a dû être le point de départ des autres. Budde et 
Moore suppriment la localisation comme inutile puisque l’auteur n’y place 
aucun événement. Mais il considère sans doute comme considérable 
l’action de l’Esprit qui commence à agiter Samson (cf. Luc 1 80); c’est 
d’ailleurs le théâtre principal de son histoire. 

4-4. Samson veut épouser une femme de Timnah. — 1) n.UDD est une 
forme accusative qui n'est justifiée que 1° loco, la vraie forme étant en 
hébreu HJOn (Jos. 15 10), gent. '212 7\ (Jud. 15 6). Moore veut que la forme 
cananéenne primitive ait été DJOn ; mais le gentilice ne fait- il pas obstacle? 
Cette ville appartenait à Dan (Jos. 19 43) et servait en même tempô de 
frontière à Juda (Jos. 15 10). Elle correspond au Kh. Tibne, à une heure au 
sud de Sor'a, dans la plaine. Elle était donc plus exposée à être occupée 
par les Philistins. Ne pas la confondre avec une autre Timnah, auj. Tibnâ t 
à peu près à la même distance de Deir-Abân, mais au sud-est au lieu de 
l’ouest. Cet autre Timnah était de Juda (Jos. 15 57 et Gen. 38 12-14). 
Encore moins faut-il songer au Timnah de Josué. Hum. pense après Arias 



231 


juges, 14 2-3 

une femme parmi les filles des Philistins. 2 Et il monta et l’apprit 
à son père et à sa mère, et il dit : J’ai vu à Thimnah une femme 
parmi les filles des Philistins, donc prenez-la moi pour femme. 
3 Et son père lui dit ainsi que sa mère : Est-ce qu'il n'y a pas de 
femme parmi les filles de tes frères et parmi tout * ton peuple 
que tu ailles prendre une femme parmi ces Philistins incirconcis ? 
et Samson dit à son père : Prends-la moi, car elle me plaît. 

3. "joy ; TM >oy mon peuple. 


Montanus que le v. 1 n’est que la suite de 13 25 : l’esprit poussa Samson à 
descendre. Cependant il eût été inutile de marquer le lieu où agit l’esprit, 
pour conduire ailleurs ; cette action était envisagée en elle-même et non 
par rapport au but de Timnah. — pourrait bien être, comme le suggère 
Budde, une insinuation peu flatteuse, puisque cette personne n’est pas 
représentée comme mariée. 

2 s.) Budde voit ici la trace d’une seconde main qui a grossi le rôle des 
parents pour faire de Samson un fils pieux et obéissant. C’est un contre- 
sens, car on voit Samson agir contre le gré de ses parents et persévérer 
dans son amour malgré leurs monitions. Plusieurs commentateurs (Iiuni.) 
voient dans son fait l’action de l’Esprit Saint : « et perpendcs , quod Samson 
motus Spiritu Dei , sciens et prudens peliit hujusmodi conjugium , quamvis 
contra legem Moysis. » C'est d’un conservatisme compromettant. L’inten- 
tion de fauteur est plutôt de montrer dans toute l’histoire de Samson un 
emportement passionné qui tourne, il est vrai, contre les Philistins, mais 
qui n'est nullement représenté comme causé par l’Esprit. Budde et Moore 
sont portés à retrancher partout la mère, parce que v. 3 Samson ne parle 
plus qu’au père. Mais c’est le père qui prend seul la parole pour deux, 
Samson lui répond. 

. 3) 10501 au sing. devant deux sujets n’a rien d’impossible, cependant 
il se peut que 1050 ait été ajouté là d’après v. 2. avec G (Lag.) est 
plus naturel que ^027 après *priN ; le père distingue la parenté dans le clan et 
l’ensemble du peuple, par exemple les voisins de Juda. La leçon du Syr. 
qui suppose "pHN ITO3 au lieu de "priN ITUM est très séduisante et pré- 
férée par Budde, mais peut-on accorder tant de confiance à une version si 
large? — L’objection des parents se fonde sur une sorte de répugnance 
naturelle que les circoncis ont pour les autres. L’épithète revient surtout 
par rapport aux Philistins ; cf. critique historique. 



232 


juges, 14 4-5 

4 Et son père ni sa mère ne savaient que cela venait de Iahvé qui 
voulait que les Philistins donnassent un juste sujet de querelle. 
Or en ce temps-là les Philistins dominaient sur Israël. 

5 Et Samson descendit [ ] à Thimna * et il vint ’ jusqu’aux 
vignes de Thimnah, et voici qu’un jeune lion rugissait au-devant 

5. Omettre VÜNl et son père et sa mère. — ; TM Inivj et ils 

vinrent . 


4) na»h paraît signifier dans le contexte une juste raison ; toujours les 
Philistins se montreront d’injustes agresseurs, et Samson, quoique simple 
particulier, aura donc le droit de se venger d’eux, alors que l’ensemble du 
peuple n’est nullement disposé à secouer le joug (15 11). L’usage du verbe 
H3N est conforme ; cf. II Heg. 5 7 ; le sens premier paraît être « arriver en 
son temps ». C’est à ce juste motif de guerre que Iahvé veut en venir, le 
mariage n’est qu’un moyen qu’il veut sans doute d’une volonté quelconque, 
mais qu’il n’inspire pas directement (contre Hum. nesciebanl... quod filius a 
Domino regeretur providentia et inspiratione); cette volonté, si on veut 
l’analyser, ne peut être qu’une volonté permissive ( Théodoret ). Les parents, 
la mère surtout, qui sait par l’ange que Samson doit combattre les Phi- 
listins, ne comprennent pas ce mariage qui paraît contraire aux desseins 
de Iahvé ; ils ne savent pas que c’est un moyen pour arriver à cette fin. 
Le v. 4 b n’est pas une glose (contre Budde et Moore) mais nécessaire dans 
l’auteur qui n’avait pas la phrase du R° 13 1. Après la rédaction on n’avait 
aucune raison d’ajouter cette incise. 

5-9. Samson déchire un lion. — 5) Il semble d’abord que Samson va à 
Timnali avec son père et sa mère : mais, en réalité, il est seul quand il ren- 
contre le lion, et on ne raconte pas ce qui est arrivé à ses parents. Ils 
n’étaient donc pas avec lui ! Il faut nécessairement effacer 1DNT VINT et 
mettre (au sing.) On s’explique très bien l’intrusion du père et de la 
mère pour donner au mariage les apparences ordinaires, mais ceci est 
contraire à l’ancien esprit de l’histoire. Le père et la mère ayant refusé, 
Samson passe outre, mais il renonce à amener sa future chez lui, il la 
laissera parmi les siens, comme Gédéon pour sa concubine de Sichem 
(8 31) ; il s’agit encore ici d’un mariage sadiqa (Budde, Moore). — Les 
anciens commentateurs disaient que Samson avait pris seul un chemin 
détourné : mais d’où vient qu’au v. 7 il est encore seul pour poursuivre la 
négociation ? C’est encore par un subterfuge qu’il faut supposer ici avec 
quelques anciens que c’est le père qui descend parler à la femme ; mais il 



233 


juges, 14 6-7 

de lui. 6 Et l'esprit de Iahvé fondit sur lui, et il le fendit comme 
on fend un chevreau, sans avoir rien à la main, et il ne dit pas à . 
son père ni à sa mère ce qu’il avait fait. 7 Et il descendit et parla 

n’est nullement question du père seul dans ce qui précède. Le fond du récit 
est très clair avec la correction qui s’impose. Elle a d’ailleurs un appoint 
très significatif dans le G qui a lu le sing. n!PÏ avec diverses traductions, 
xal rjXOtv (B) xat IÇixXtvEv (A, Lag.), ce dernier étant probablement un essai 
d’échappatoire comme celle des commentateurs avec leur chemin détourné. 
Ce sing. constaté par le grec accuse le caractère adventice de « son père 
et sa mère » entre tous ces singuliers. — T23 est un jeune lion déjà fort 
par opposition au très jeune lionceau *YU (Ez. 19 3.6). 

6) L’Esprit intervient pour un acte d’une force extraordinaire. — VDV7 ; 
cf. Lev. 1 17, où l’on fend les colombes sans les couper en séparant les 
parts; (cf. Ancessi, Le sacrifice des colombes). Ici l’action est comparée à 
celle de fendre un chevreau, ce qui ne serait pas facile avec les mains, 
mais l’auteur n’exclut un couteau que dans l’acte de Samson ; c’est par là 
qu’il se distingue, sans parler de la différence des animaux. Roscn. cite le 
fait analogue de Polydamas qui étant encore jeune tua un lion sans armes. 
— 6 b est considéré comme glose par Moore et Budde. Mais il paraît 
étrange qu’on ait inséré une glose si contraire à la présence du père et de 
la mère; ce serait donc une glose antérieure. Rien ne le prouve, l’auteur 
voulait marquer fortement que Samson n’avait absolument rien dit à son 
père et à sa mère de l’incident du lion, même ce qui aurait pu les mettre 
très indirectement sur la voie de l’énigme; cf. v. 9 v. 16. On termine par 
cette incise ce qui regarde le lion avant de continuer le voyage de Samson, 
comme 13 16 et 21 où les critiques voient encore des gloses; ne serait-ce 
pas une manière d’écrire ? 

7) Samson fait sa démarche : cette fois il parle à la femme et elle lui 
plaît décidément ; cf. v. 1 et v. 3. Exemples des contresens rendus inévi- 
tables par l’insertion de « son père et sa mère » : « quelques-uns 
l’expliquent du père de Samson qui, étant arrivé à Thamnata, proposa à 
cette jeune Philistine le mariage avec Samson... Valable croit qu’on parla, 
non à elle, mais à ses parents » ( Calm .). Bertheau pense que, les parents 
ayant arrangé le mariage, Samson descendait pour faire sa cour. Déjà 
les LXX avaient le pluriel : « ils descendirent et ils parlèrent » pour rester 
fidèles au thème qui ajoutait le père et la mère. Le fond ressort cependant 
très clairement. Samson est venu voir cette femme malgré les avis de ses 
parents et va se décider à l’épouser chez elle puisque ses parents ne veulent 
pas la recevoir. 



234 


juges, 14 8-10 

à la femme, et elle plut à Samson. 8 Après quelque temps, il 
revint pour l’épouser, et il se détourna pour voir le cadavre du 
lion, et voici qu’il y avait dans la carcasse du lion un essaim 
d’abeilles et du miel. 10 Et il le racla sur sa main et s’en allait 
mangeant, et il alla vers son père et vers sa mère et il leur en 
donna, et ils mangèrent, mais il ne leur dit pas qu’il avait raclé le 
miel dans la carcasse du lion. 10 Et [ J il descendit vers la femme, 

10. Rayer « son père » imiN. — JWQttb DT& ; TM Dtt U2P1 

et Samson fît là. — T\W1W ; TM om. 


8) Moore pense que le retour ne peut absolument être qu’à Sor'ak et par 
conséquent supprime nnnpb. Mais Samson revient ou plutôt vient de nou- 
veau (Is. 23 17) à Timnah pour épouser la femme ; npb ne signifie pas 
nécessairement prendre pour l’amener chez lui ; il peut signifier prendre 
pour femme. Le retour de Samson à Sor'ah peut avoir été sous-entendu 
comme naturel, et il est difficile qu’il soit resté à Timnah le temps néces- 
saire à la formation de l’essaim. Le détour pour voir le lion s'explique par 
ce fait que, la bête venant à sa rencontre, Samson avait été l’attaquer en 
dehors du chemin. — qiqiq est un temps indéterminé, comme 11 4; un an 
serait trop long par rapport au mariage et n’est pas nécessaire pour le 
miel : nbSQ de bSJ comme rcro)|j.a (LXX) de 7 :î^tw (Hosen.). Inutile d’insister 
sur la prompte dessication des chairs dans un pays chaud ; les chacals si 
fréquents dans le pays se seront chargés de nettoyer le cadavre. Quant à 
la formation du miel dans la carcasse, on cite depuis longtemps le fait 
analogue raconté par Hérod. V 114, du crâne d’Onésilas. Rosen. raconte 
l’histoire d’un essaim d’abeilles installé dans un tombeau entre deux 
cadavres. 

9) îrft racine différente de n*T1 dominer qui se trouve dans l’hébreu 
moderne avec le sens de racler et spécialement d’enlever le miel des 
rayons, Chcbiith X 1 ( Budde ). Étonné, Samson s’en va en mangeant et se 
décide à faire participer ses parents à la trouvaille. Ce retour à Sor'ah pour 
un motif si léger n’a rien d étonnant, étant donnée la proximité des lieux. 
D’après Josèphe (ad h. 1.) Samson donne le miel à sa fiancée. D’après lui 
les parents de Samson ne sont venus à Timnah que lorsque Samson vit la 
jeune fille v. 1. Ensuite Samson venait vers les parents de la personne. On 
dirait donc que Josèphe a ignoré les additions qui font supposer que les 
parents ont consenti au mariage. 

10-20. Le mariage et l’énigme. — 10) Il faut absolument supprimer VP2N 


235 


JUGES, 14 11-12 

et * on fit là à Samson * une fête * de sept jours car c est ainsi 
que font les jeunes gens. 11 Et comme * ils le craignaient ’, ils 
prirent trente garçons d’honneur pour rester auprès de lui. 12 Et 
Samson leur dit : Laissez-moi vous proposer une énigme ! si vous 
me dites le mot pendant les sept jours de la fête, [ ] je vous don- 

11. irVIN D1WTO ; TM ÛVIN nrniOD lorsqu'ils le virent . 

12. Omettre onMfOl et si vous trouvez . 


qui est moins en situation que jamais. A supposer que la présence du père 
se justifiât dans les négociations préliminaires, ce n’est pas au moment du 
mariage qu’on peut écrire : « et son père descendit vers la femme, et 
Samson fit. » Il faut restituer : « et il (Samson) descendit vers la femme. » 
De plus Budde met avec raison au pluriel; Samson n’est plus le 

sujet, le festin se donne en son honneur ( Vg. filio suo Samson); en effet, 
comme l’a remarqué Wettzstein ( Zeitschr . für Ethnologie , 1873, p. 288), ce 
sont les jeunes gens qui organisent la noce, surtout dans un cas comme 
celui-ci où Samson n’était pas chez lui et ne pouvait donner une fête. Le 
sujet est indéterminé, on voit ensuite qu’il s’agit des jeunes gens. — Les 
LXX et le Syr. ajoutent après le festin : « durant sept jours » probablement 
avec raison. 

H) Budde supprime ll b comme une interpolation manifeste qui n’aurait 
pas compris le rôle des jeunes gens. Mais il faut lire □nîO'a « comme ils 
le craignaient », avec Josèplie et LXX (A, Lag. Syr.-heæ. Éîh.). Il est dans 
le plan de l’auteur de mettre les premiers torts au compte des Philistins; 
il a bien représenté les jeunes gens comme des garçons d’honneur, 
mais, comme on se défiait de Samson, on en mit trente pour le surveiller. 
Samson se voyant épié leur tend un piège. Il est inutile d’intervertir v. 10 
et 11 avec Budde. Moore enlève arbitrairement au pittoresque en retran- 
chant 11» et en écrivant np*1 : c’est Samson qui fait tout. 

12) DJIMIDI, glose notée par Syr.-heæ. comme addition aux LXX et qui 
manque dans quelques minuscules ( Field } et Vg. Elle n’est pas à sa place 
et veut sans doute signifier : si vous me la dites l’ayant bien trouvée vous- 
même; précaution ajoutée après coup pour montrer que les conditions 
n’ont pas été tenues. — Le sens de *p7D ne peut être déterminé par la 
Bible, le sens de l’ass. sudinnu est vague. Le mieux est de suivre l’usage 
talmudique, assez appuyé par le grec <jiv8 wv, oGoviov, une grande pièce de 

toile fine (Lévy, Neuhebr Wôrl. III, p. 480). D’après Ges. <3 , SgSt. un 

vêtement de dessous, chemise. a été rapporté par les LXX à la 



236 juges, 14 13-15 

nerai trente vêtements de toile fine et trente habits ; 13 et si 
vous ne pouvez pas me le dire, vous me donnerez trente vête- 
ments de toile fine et trente habits. Et ils lui dirent : dis ton 
énigme, nous écoutons ! 14 Et il leur dit : 

De celui qui mange est sorti de la nourriture, 

Et du fort est sorti du doux. 

Et ils ne purent pas deviner l’énigme [ J. 15 Alors ils dirent à 
la femme de Samson : Enjôle ton mari, et il *te ’ dira l’énigme, 
autrement nous te brûlons dans le feu, toi et la maison de ton 
père. Est-ce pour nous piller que vous nous avez invités 'ici ’? 

14-15. Omettre trois jours; or le septième jour □’Pl ntrbtZ? 

rçplt&n. — "jS ; T\1 taS à nous . — oSn d’après mss. hébr. ; texte reçu nSh 
ou non ? 


racine *|Sn changer, des habits de rechange, de jour de fête; mais l’ass. 
prouve l’existence d’une racine « revêtir» (Dei.. AHW ad h. 1.). 

13) Budde trouve avec les Philistins le procédé peu délicat envers des 
gens qui s’étaient mis en dépense ; mais, si on avait pris des précautions 
contre Samson, c’était une riposte adroite. 

14 s.) L’énigme est fort élégante, supérieure à celle même de Simonide 
dans Athénée (X 84) ; cf. Calmet. L’antithèse n’est pas parfaite entre la 
force et la douceur par rapport au goût, mais comme le dit bien Moore, 
les adjectifs du second membre sont des épithètes des substantifs du pre- 
mier, de manière à ne faire qu’une antithèse. — Il y a une difficulté sur le 
chiffre des jours. Il est d’abord évident que les jeunes gens n’ont pu 
chercher trois jours et s’adresser à la femme le septième; le TM est donc 
impossible. Le G et le Syr. offrent le quatrième au lieu du septième, et 
tout est ici dans l’ordre, mais n’est-ce pas un arrangement? Moore préfère 
changer en nUKtf ; on cherche six jours et c’est en désespoir de cause 

qu’on s’adresse à la femme avec une violence qui montre bien qu’on est b 
bout. Dans les deux cas il est difficile de concilier avec v. 17 où la femme 
pleure pendant sept jours. On peut supposer qu’elle a pleuré pour son 
compte par curiosité, mais, si cette explication parait contraire au texte, il 
n’y a qu’à retrancher depuis ncStT jusqu’à rçPOTn. Il n’y a pas à changer 
le v. 17, Samson ne cède qu’après une longue oppression. Mais pourquoi 
a-t-on ajouté les chiffres des vv. 14 et 15? Peut-être pour rehausser l’énigme 



juges, 14 16-18 237 

16 Et la femme de Samson pleura à son cou et elle dit : Tu n’as 
pour moi que de la haine et tu ne m’aimes pas ! tu as proposé 
une énigme aux fils de mon peuple, et tu ne me l’as pas dite ! 
Et il lui dit : Je ne l’ai pas dite h mon père et à ma mère et tu 
veux que je te la dise ! 17 Et elle pleura à son cou pendant les 
sept jours que dura leur fête, et le septième jour il [la] lui dit, 
car elle l’avait poussé à bout, et elle expliqua l’énigme aux fils 
de son peuple. 18 Les gens de la ville lui dirent donc le septième 
jour avant qu’il entrât * dans la chambre à coucher ’ : 

Quoi de plus doux que du miel, 

Et quoi de plus fort qu’un lion ? 

Et il leur dit : 

Si vous n'aviez pas labouré avec ma génisse, 

Vous n’auriez pas trouvé mon énigme. 

18. rmnn ; TM noinn vers le soleil . 


qui aurait coûté tant d’efforts aux Philistins ; il aura paru fade qu’ils aient 
donné leur langue aux chats dès le premier jour. En cela, au contraire, leur 
mauvaise humeur éclate dès le premier moment : ils sont dans leur tort, 
vv. 15» est invraisemblable, Samson ne pouvait en aucune hypothèse se 
trahir lui-même. T[S « à toi » des LXX est tout à fait en situation, évidem- 
ment ce sera pour la femme à charge de le répéter. — v. 15^ UtijvSn inf. 
qal irrég, l’inf. ordinaire étant niTl (Ges. 2C 9t> 69a), avec le sens de niph. 
Lire O^n avec certains mss. héb. et Targ. au lieu de nS. 1 qui n’a guère de 
sens et que LXX et Vg. ne rendent pas. 

16) Elle pleurait auprès de lui, c’est-à-dire en l’embrassant, Gen. 45 15 
(Hum. Budde). 

17) pWl dans le même sens (16 16) ; l’expression est très forte ; cf. 1s. 
29 2.7 d’une ville cernée et serrée de près. On voit encore mieux ici que les 
paranymphes sont Philistins. 

18) HDinn a été traduit : le soleil, par les anciennes versions, LXX, Vg. 
Targ. Pour soutenir ce sens il faut supposer que la terminaison est une 
forme accusative prise au nominatif comme on le voit quelquefois ( Kœn . 
269 b) y et le sens est satisfaisant, avant le coucher du soleil. Mais Din pour 
soleil est un mot poétique, de sorte qu’on préfère la conjecture de Stade 
(ZATW 1884, p. 253 s.), HYinn avant qu’il n’entrât dans la chambre à 



238 


juges, 14 19-20, 15 1 

19 Et l’esprit de Iahvé fondit sur lui, et il descendit à Asqalon, et 
il y tua trente hommes, et il prit leurs dépouilles et il donna 
leurs habits à ceux qui avaient expliqué l’énigme ; puis il remonta 
chez son père enflammé de colère. 20 Et la femme de Samson fut 
pour le camarade qui lui avait servi de garçon d’honneur. 

15. — 1 Or après quelque temps, au moment de la moisson des 
blés, Samson vint pour voir sa femme avec un chevreau ; et il 
dit : Je veux entrer vers ma femme dans la chambre à coucher. 

coucher. La forme grammaticale est parfaite, il y a une analogie 15 1, et le 
sens est encore plus piquant. Les jeunes gens attendent le moment où 
Samson et sa femme vont se trouver seuls pour déchaîner l’orage. — La 
réponse de Samson, toute dure qu’elle est, n’a pas nécessairement un sens 
obscène : Uin a bien ce sens dans l'hébreu moderne, mais 1 indique 
l’animal qui sert à labourer la terre (Dt. 22 10; Am. 6 13). La femme les a 
aidés, elle a coopéré à leur travail. Cependant le double sens est transpa- 
rent et la métaphore connue des Grecs et des Romains. Les deux sens se 
trouvent dans le grec, B rend littéralement le TM, mais A et Anc.-lat. si 
non dornuissetis vilulnm mm ni. Noter la rime dans la réponse de Samson. 

19) Budde et Moore regardent 19a comme une interpolation, surtout 
parce qu’on ne voit pas les suites de ce fait; mais c’est la conclusion d’une 
première histoire. On dit que ce verset a été ajouté pour montrer que 
Samson a tenu sa parole malgré leur tricherie ; mais alors on eût ajouté 
les D^JTTD. Asqalon n’était pas comme dit Moore à deux jours, mais à 
huit heures, d’ailleurs on peut songer au Kh. 'Asqald'n non loin de Timnah, 
au sud de Tell Zakariija. Il ne faut pas non plus chercher toutes les vrai- 
semblances dans une action représentée comme extraordinaire; d'ailleurs 
les JYlE^Sn promis, n’étaient pas tellement somptueux qu’on ne pût les 
trouver facilement. Il est vrai que la colère de Samson paraît devoir suivre 
immédiatement sa réponse et étonne après le récit de son exploit, mais 
l’auteur a voulu distinguer deux mobiles : l’esprit qui donne à Samson une 
force extraordinaire, la colère qui l’éloigne de sa femme. Sur 19b Moore 
croit avec Stade que le mariage n'avait pas été consommé et que Samson 
irrité laisse là sa fiancée. Il semble pourtant que le mariage ne se terminait 
pas le septième jour, mais le premier (Geu. 29 27). 

20) njn probablement dénomin. de nyiQ. 

15 1-8. Samson trompé. Episode des renards. — 1) Encore un emploi 
vague de ; le temps de la moisson du blé dans cette région va de 

mi-mai à mi-juin. Samson croit encore avoir droit sur sa femme, le mariage 



239 


juges, 15 2-4 

Et son beau-père ne lui permit pas d’entrer. 2 Et son beau-père 
dit : Je me suis dit que tu l'avais prise en haine, et je l’ai donnée 
à ton camarade ; mais sa sœur cadette ne vaut-elle pas mieux 
qu'elle? prends-la en place de l’autre. H Et Samson leur dit : 
Cette fois je ne serai que quitte avec les Philistins en leur faisant 
du mal. 4 Samson alla donc et captura trois cents renards, il prit 

ayant été sans doute consommé; il veut se réconcilier avec elle au moyen 
d’un petit présent; cf. Gen. 38 17.20.23. Il est possible aussi que ces 
cadeaux soient d’usage pour une femme qui demeurait chez elle et qui par 
conséquent n’était pas entretenue par son mari (3/oore, Budde) ; le second 
mariage de la femme avec un Philistin paraît avoir été du même genre que 
le premier, puisqu'elle est encore chez son père. Samson veut entrer dans 
la chambre intérieure, la chambre à coucher. 1QNV] il se disait en lui-même 
Vg. cumque... vellet. 

2) Le bon père cherche à tout concilier; il prend le parti de ses compa- 
triotes, cherche à apaiser Samson et n’est pas fâché de marier ses filles. 

3) Cette franche déclaration de guerre à la cantonnade D.lS et non aùtw 

(A) atténue ce qu’il y aurait d’injuste dans le procédé de Samson : tout le 
village a coopéré à l’injustice ou du moins y a applaudi; on lui a fourni un 
prétexte ; qu’ils se tiennent en garde! « je serai quitte, je ne leur 

devrai rien », même après pour marquer le temps) leur avoir fait du 
tort ; parfait qui représente le futurum exactum ( Kœn . 129). 

4) SyTO signifie renard, non pas chacal, mais les deux espèces ont pu 
aisément être confondues dans l’usage du mot; cf. Ps. 63 11. Pour qui a 
entendu gémir les chacals en grand nombre dans toute cette région, il ne 
peut être douteux qu’ils soient visés par l’auteur. Les commentateurs ont 
exposé les modalités, comment Samson a pu se faire aider, prendre les 
animaux peu à peu, etc. La torche pouvait se composer de broussaille épi- 
neuse fortement liée. L’idée d'attacher deux bêtes par la queue a quelque 
chose d’étrange ; on dit que les mouvements contrariés des pauvres ani- 
maux amenaient plus sûrement l’incendie. Quoi qu'il en soit, le grotesque 
du spectacle n’est peut-être pas contraire à l’humour qui égaie l'histoire 
de Samson. On sait qu’à Rome on lâchait dans le cirque des renards avec 
des torches allumées sur le dos. L’explication qu'en donne Ovide ( Fastes 
liv. 4) pourrait fort bien s’inspirer de l’histoire juive, comme d’aillours son 
récit de la création ( Métam .) ; un jeune homme aurait pris un renard pour 
le brûler dans du foin, mais l'animal s'échappant porta le feu dans les 
moissons ; telle serait l’origine de ce jeu. 



240 


juges, 15 5-7 

des torches, et tournant queue contre queue, il mit une torche 
entre deux queues, au milieu. 5 Puis il mit le feu aux torches et 
il les lança dans les moissons des Philistins, et consuma depuis les 
gerbes jusqu'au blé sur pied et jusqu’aux vignes* et ’ aux oliviers. 
6 Les Philistins dirent alors : Qui a fait cela? Et on dit : C’est 
Samson le gendre de l’homme de Thimnah, car il a pris sa femme 
et l’a donnée à son camarade. Alors les Philistins montèrent et 
la brûlèrent dans le feu, elle et ‘la maison de * son père. 7 Et 
Samson leui* dit : Puisque vous agissez ainsi, * je ne m’arrêterai 

5. T ; TM om. 

6. PU; TM om. 

7. cm irma ^nap: dn 'd bina ab; tm biriN irwi cm 'nop: dn 


5) Le plur. JYlOp ne se trouve que là ; il est révoqué en doute par Budde 
qui lit IVITO « dans les champs », — mais sans raison décisive. La mois- 
son est à moitié faite, il y a du blé en gerbes, il y en a en pied. JVÎ QlÛ 
une plantation d’olivier serait sans autre exemple. Lire avec LXX, Vg. JTPn 
« les vignes et les oliviers » ; il y a encore des vignes et des oliviers dans 
cette région ; pour les vignes, 14 5. 

6) Lire rP2N JV1 nNl avec G(A, Lag.) et d’après 14 15. D’après Calm. 
ils ont reconnu le bon droit de Samson et l'ont vengé (!) ; Hum. donne 
plusieurs raisons. En somme ils se vengent sur ceux qui ont été la cause 
de leur malheur, et pensent bien atteindre encore Samson de cette manière. 
Aussi est-ce pour lui un nouveau grief. 

7) ïd marque l’apodose : « puisque vous agissez ainsi, eh bien, je ne ces- 
serai qu'après m’être vengé. » La Vg. a été embarrassée de ce texte diffi- 
cile : Licet hæc feceritis , lamen , comme si Samson prenait leur sete pour 
une réparation envers lui. G(B) a bien rendu, quoique trop littéralement, 
avec un xauTrjv pour r N7D qui sent Aquila. Mais cette recension, suivie 
encore par Syr. et Targ. a l’inconvénient de placer la protase après l’apo- 
dose, de sorte que la phrase finit sur une idée insignifiante : sinon après 
m’être vengé de vous, et après je cesserai. La recension représentée par 
l’ancienne version grecque est beaucoup mieux construite : oux 6Ù§oxr[<jti), 
àXXà t f,v IxStxTjaîv pou eÇ évô; éxaaiou Ca&v T:ot7jaopai. THN dans le sens de 
chacun ; cf. 8 18 Ez. 1 6. Le texte est bien plus expressif. Samson s’est 
vengé auparavant sur les récoltes, ce qui atteignait plutôt l’intérêt pécu- 



241 


juges, 15 8-9 

qu'après m’être vengé de chacun de vous \ 8 Et il les battit à plate 
couture, d’une bonne façon, et il descendit et demeura dans la 
grotte du rocher d M Étam. 9 Et les Philistins montèrent et cam- 

niaire et général ; maintenant il déclare la guerre à chacun en particulier. 
La confusion de “iriN en TIN a peut-être amené la leçon de TM. 

8) Il les battit jambe sur hauche... « Vatable le prend dans un sens pro- 
verbial, comme nous dirions, il les battit dos et ventre » (Calm.). La méta- 
phore n’est pas facile à résoudre ; peut-être en traduisant : mollet sur 
cuisse, on aurait ce sens qu’il les serra de très près. Après quoi Samson 
descend , indication topographique utile. — dans le sens de creux de 
rocher (Is. 2 21). DT2^y; il y a une ville de ce nom placée entre Bethléem et 
Teqo'a dans la liste des villes fortifiées par Roboam (II Chr. il 6); cet 
endroit est près du village d’Ortas, et Josèphe (Anl. VIII 7 3) y plaçait les 
jardins de Salomon. Mais il n’y a point de grotte remarquable aux environs. 
Schick (ZDPV X 143-146) a pensé à la grotte de Marmita , près de la 
station de Deir-Abân, sur les derniers contreforts de la montagne ; il faut 
descendre pour y pénétrer. Mais on est presque en territoire philistin. 
Point n’était besoin de recourir à Juda. 

9-20. Exploit de Samson a Lehi. — 9) à niph. comme II Sam. 
5 17 ss. 22 ss. dans un cas semblable; SgSt. Ges. iZ donnent le sens de« se 
répandre » ; mais plutôt « s’élancer •, « faire un raid » èÇspiÿTjaav. inb n’a pas 
été reconnu. Schick, en harmonie avec son identification d’*Étam, propose 
Kh. es Siyâghy de l’autre côté (sud) de la vallée par rapport à Kh. Marmita , 
très près de. la station de Deir Abân. Le nom actuel dériverait du grec 
mayoSv, traduction de ^nb, comme Nablous de Neapolis . Mais il est très 
difficile d’admettre ce phénomène de transcription, car Neapolis a été un 
nom officiel, ce qui ne peut être le cas pour <n<rpiSv, malgré les expressions 
de Josèphe /wpîov o Etaywv xaXei-cai. Si cet endroit est accepté pour Lehi, 
il exclut l’identification d’'Etam avec Marmita, car les deux endroits 
seraient trop rapprochés l’un de l’autre, les Philistins se seraient fait 
justice eux-mêmes, n’étant guère qu’à une demi-heure de la grotte. Cette 
position en elle-même peut à peine être considérée à cette époque comme 
le but d’une expédition de Philistins et d’un campement. D’après les pas- 
sages cités, les raids des Philistins les conduisaient beaucoup plus avant 
dans Juda. Cependant il faut aussi tenir compte de ce fait que l’histoire de 
Samson est toute entière concentrée dans un certain rayon. Guérin avait 
proposé pour Lehi une source un peu au nord de f Aïn Hanieh f dans la 
vallée qui va de Jérusalem à Bittir; cette petite ruine avec jardins se 
nommait d’après lui Leki, mais en réalité le nom est 'Aïn * Allek , « la 

P. Lagrange. — Les Juge». IG 



242 juges, 15 10-15 

pèrent dans Juda et firent une incursion à Lehi. 10 Alors les gens 
de Juda dirent : Pourquoi êtes-vous montés contre nous ? Et ils 
dirent : C’est pour lier Samson que nous sommes montés, et pour 
le traiter comme il nous a traités. 11 Et trois mille hommes de 
Juda descendirent vers la grotte du rocher d’*Etam, et ils dirent 
à Samson : Ne sais-tu pas que les Philistins sont nos maîtres? et 
qu’est-ce que tu nous as fait là ! Et il leur dit : Je les ai traités 
comme ils m’ont traité. 12 Et ils lui dirent : Nous sommes des- 
cendus pour te lier afin de te livrer aux Philistins. Et Samson 
leur dit : Jurez-moi que vous ne me frapperez pas vous-mêmes. 
13 Et ils lui dirent, disant : Non, car nous voulons seulement te 
lier et nous te livrerons à eux, mais nous ne te mettrons pas à 
mort. Et ils le lièrent de deux cordes neuves et ils le firent 
monter du rocher. 14 Lorsqu’il fut arrivé à Lehi, les Philistins 
vinrent à sa rencontre avec des cris de joie ; alors l’Esprit de 
Iahvé fondit sur lui, et les cordes qu’il avait sur les bras furent 
comme des fils de lin brûlés au feu, et ses liens se fondirent sur 
ses mains. 15 Et il trouva une mâchoire d’âne fraîche, et il tendit 

source du buisson », et l’aspect n’est nullement celui qui conviendrait. 
Lehi devait être nécessairement plus près des Philistins qu ,f Étam. VlS est 
encore mentionné II Sam. 23 11 en lisant nirft. 

* : v 

11) Les Judéens sont donc résignés au joug des Philistins ; d’ailleurs 
Samson n’est pas de leur tribu, c’est leur faire tort que de se réfugier 
chez eux. Le nombre de trois mille a paru trop fort ; il s’explique peut-être 
par l’émotion que cause en Juda l’invasion philistine; on se rassemble de 
tous côtés, on descend en corps vers Samson. rWV nN7 HO de J. Les Phi- 
listins avaient parlé d’une revanche à prendre sur Samson ; ce dernier 
répond dans les mêmes termes que c’est eux qui ont commencé. 

12 s.) 1 dans le sens de frapper à mort, 8 21, etc. Le géant bon enfant 
consent à se laisser lier par ses compatriotes. Le style est très conséquent, 
on descend à cette grotte et on en monte. « Jurez-moi » comprend l’idée 
de crainte, après laquelle indique ce qu’il faut éviter (Ges 26 152 w). 

14) JTH à hiph . qui signifiait des clameurs de crainte (7 20) marque ici 
des cris de joie; mais dans les deux cas d’un corps d’armée. L’esprit de 
Iahvé pour une action de force. DDO niph. se fondre. 

15) nnS fraîche, encore solide, Is. i 6 Vg. qusejaccbat , G(A) eppipiv^v, 



juges, 15 16-17 243 

la main et la prit et s'en servit pour battre mille hommes. 
* 6 Samson dit alors : 

Avec une mâchoire d’âne, f je les ai bien rossés ', 

Avec une mâchoire d’âne j’ai battu mille hommes. 

17 Et lorsqu'il eut fini de parler, il lança la mâchoire et on 
16. Dinion lien; TM n;rnon "non un âne , deux ânes. 


d’après le sens aram. de v^a. Moore remarque que les premiers coups 
portés dans l’Islam le furent de la même manière : des idolâtres ayant pro- 
voqué les croyants, Sa f ad ibn Abi Ouaqqaç aurait rompu la tête d’un païen 
avec une mâchoire de chameau ( Tabari , I p. 1169; Ibn Hichâm p. 116). 11 
n’est cependant pas dit que les mille hommes ont senti les coups de la 
mâchoire ; HDJ battre, mettre en fuite. 

16) D'mon -non, « un âne, deux ânes, » sens absurde. Le Targ. et le 
Syr. ont entendu non comme une autre forme pour icn monceau, ce qui 
donnerait : un monceau, deux monceaux, tournure analogue à D^TOni Dm 
(5 30). Cependant même ces deux versions, comme LXX et Vg ., ont pris 
mmon comme un verbe. Dès lors il faut prendre non avec LXX comme 
l’inf. abs. du même verbe ÊÇaXEtywv sÇrjXsi^a ocutouç. Ce sens excellent 
s’appuie sur la signification arabe du verbe /lamar,^, « gratter, écor- 
cher » (J. D. Michaelis ap. Rosen.). M. Lévesque (RB 1900 p. 89 ss.) a pensé 
à ua verbe dénominatif, « rosser », « avec une mâchoire de rosse, je les ai 
bien rossés. » Le même verbe en arabe signifie en effet : « ressembler à 
l’âne » et, à la 11® forme « traiter d’âne » et « mettre en petits morceaux ». 
Le jeu de mots serait alors complet. La Vg. rend à peu près en mélangeant 
le TM et les LXX. 

17) inb TOI ne peut signifier que la hauteur de Lehi, terme géogra- 
phique comme HSXO TOI (Jos. 13 26), naj TOI (Jos. 19 8), de la racine DU 
« être élevé », et c’est bien cette racine qu’ont entendu ici LXX et Vg. ele- 
vatio maxillæ. L’auteur semble jouer sur le sens de HOI « jeter », il lança 
la mâchoire. Il semble donc insinuer que le lieu s’est appelé Ramatlehi à 
cause du jet de la mâchoire. Il est plus naturel de penser à une hauteur 
ayant la forme d’une mâchoire d’âne. « C’était assez le goût des Hébreux de 
donner le nom de dents à des rochers escarpés » ( Calmet ). On a comparé 
"Ovov yvdcOoç, nom d’un promontoire de Laconie (Strabon, VIII 5 2) qui est 
précisément « mâchoire d’âne ». 



244 


juges, 15 18-19 

nomma ce lieu Ramat-Lehi. 18 Alors il eut très soif, et invoqua 
Iahvé et dit : C’est toi qui as opéré cette grande victoire par la 
main de ton serviteur ; et maintenant faut-il que je meure de 
soif et que je tombe dans les mains des incirconcis ? 19 Et Dieu 
fendit le bassin qui est à Lehi, et il en sortit de l’eau, et il but, 
et son esprit revint, et il se ranima. C’est pourquoi on nomme 
cette source ’Aïn ha-Qoré, elle est encore aujourd’hui à Lehi. 

18) La soif et le mot Nlp préparent la source de NTlpH. 

19) UHTDQn signifie le mortier, Prov. 27 22, c'est le seul sens et il est 
incontestable. Des endroits en forme de mortier ont pu recevoir ce nom ; 
cf. Soph. 1 il, d’un endroit mal défini de Jérusalem ; cf. un trou en forme 
de mortier, Ton. Nidda VIII, 6 (p. 650 2 ed. Zuckerm.) dans Moore. De nom- 
breux Pères et des Rabbins ont entendu ce mot de l’alvéole des dents, et 
spécialement de la dent machelière, mais si oXpo; en grec a le double 
sens de mortier et d’alvéole, ce n’est pas une raison pour l’introduire en 
hébreu (contre Ges 13 . et SgSt.). En tous cas il ne peut être question au sens 
propre de l’alvéole de la mâchoire, car ^nS est évidemment ici le nom du 
lieu ; il n’y a pas ^nSn urDC « le mortier de la mâchoire », mais « Maktech 
qui est à Lehi » (Hum.) Le Targ. et Josèphe l’ont entendu d’un rocher. 
Mais les LXX en traduisant ici Lehi comme un appellatif ont naturellement 
amené le sens de dent; Sym. a ttjv [xüXt ;v suivi par Vg. molarem dentem , et 
les autres Aq . et Th. o'X|xov. Il étaitdonc presque impossible aux Pères Grecs 
et Latins de ne pas entendre que la source était sortie de la mâchoire ; c’était 
encore l’opinion générale au temps de Calmet qui la combat par sept raisons 
dont la principale est que : « ceux qui ont cru que cette fontaine se voyait 
encore dans la Palestine, n’ont pas dû assurément la faire sortir de l’alvéole 
d’urife mâchoire d’âne ». Cependant s. Jér. mentionne cette fontaine dans 
ïcpitaphium Paulœ ; Antonin et Glycas la mettent dans les faubourgs d’E- 
leuthéropolis ( ap . Reland). A une heure à l’ouest de Beit Djébrin un kh. ech- 
Chcmsâniyâl rappelle le nom du héros. Le nom de NTlpn yV s’interpréte- 
rait naturellement : « source de la perdrix ; » cf. I Sam. 26 20; Jer. 17 11» 
nom assez naturel pour une source et dont il y a des exemples (au dj. 
Kalherin RB. 1897 p. 123) nous aurions donc encore ici une étymologie 
populaire. — Conder ( Tent Work , 1 p. 277) cite 'Ayoun Qare au n. -ouest 
de Sor'a ; ce nom est à vérifier. 

Van de Velde a proposé Tell el-Lekiyeh , à 10 kil. au nord de Tell ea- 
Sab'a, et (I Chr. 4 32 joint à f Aïn-rimmon, Um er-rumâmîm) serait h 

quelques kilomètres plus au nord. Mais cet est nommé 1D5T dans le. 



juges, 15 20, 16 1-2 245 

[R D ] 20 Ri il jugea Israël pendant vingt ans à l’époque des 
Philistins. 

[J] 16. — 1 * De là * Samson vint à Gaza, et il vit là une cour- 
tisane et s’unit à elle, 2 * Et on apprit ’ aux gens de Gaza, disant : 
Samson est venu ici. Et ils firent des patrouilles et placèrent 

1. Dira; TM om. 

2. ; TM om. — Omettre toute la nuit nb*Sn Ss. 


passage correspondant Jos. 19 7, et les lieux sont en dehors du théâtre des 
exploits de Samson (Moore). Le G a les mêmes divergences que TM. 

20) Budde a conclu de ce verset, répété en substance 16 31 que le R D 
auquel il appartient avait omis le ch. XVI, comme ne rentrant pas dans son 
but, et qu’ensuite un rédacteur postérieur avait écrit 16 31 , pour terminer 
l’histoire de Samson par la même formule. Ce seraient deux formules 
finales de la même histoire, ici écourtée, là plus complète. Cependant il 
y a un grave inconvénient à supposer qu’on ait pu reprendre ce qui eût été 
omis par R° pour des motifs religieux. L’argument de Budde n’est décisif 
que si aucune explication n’est possible. Il en est une qui résulte de l’oppo- 
sition des temps. La phrase consacrée de R» ne pouvait faire suite à la 
captivité de Samson : il l’a donc placée avant les faits malheureux qui ont 
interrompu la judicature, sauf à répéter à la fin que Samson avait jugé 
Israël. 

16. 1-3. Samson a Gaza. — 1) La leçon OUJQ « de là » après Samson était 
celle des LXX (A, Lag. Syr.-hex. Éth.) ; la suppression s’explique dans TM 
parce que DIT rattachait trop étroitement cette histoire à celle de Lehi 
sans tenir compte de l’incise rédactionelle (15 20) ; mais ce mot est juste- 
ment la preuve que l’incise ne fait pas partie du thème primitif. Dans la 
rédaction actuelle, personne n’eût pensé à l’ajouter (Moore, Budde). Gaza 
est bien connue, la transcription des LXX Ta^a correspond à la prononcia- 
tion actuelle avec ghaïn , son intermédiaire entre rh et gh. On ne voit pas 
que Samson soit venu chercher querelle (contre Ca/m.), ni pour examiner 
les fortifications (contre Hum.) y mais plutôt vaquant à ses affaires sans se 
soucier des Philistins (Josèphe). Il ne semble pas qu’il soit veau pour la 
mérétrice, mais il s’est laissé prendre facilement. Inutile de voiler les faits 
en supposant une simple hôtelière avec quelques Pères et commentateurs. 

2) Suppléer avec LXX, etc. *UVl au début du v.; le TM est évidemment 
mutilé par accident ( Houbigant ). En revanche, le verset paraît surchargé. 
Le double nV*bn Sd placé avec des verbes de sens différent leur donnerait 



246 


juges, 16 3-4 

des postes [ ] à la porte de la ville, puis ils se tinrent tranquilles 
toute la nuit se disant : [Attendons] jusqu’à ce que luise le 
matin, alors nous le tuerons. 3 Or Samson demeura couché 
jusqu’à la moitié de la nuit, et il se leva au milieu de la nuit et 
il prit les battants de la porte de la ville et les deux montants et 
il les arracha avec la barre, et les plaça sur ses épaules, et il les 
porta jusqu’au sommet de la montagne à l’est d’Hébron. 

* Or après cela, il s’éprit d’une femme, dans la vallée de Soreq, 

une apparence de contradiction. Moore et Budde suppriment donc depuis 
■QD^ jusqu’à Vÿn. Mais le repos des Philistins pendant la nuit ne s’ex- 
plique que s’ils ont déjà travaillé de jour. Le jour, ils courent parla ville, 
et placent une embûche à la porte, qui, de jour, doit demeurer ouverte. 
Il suffit donc de rayer les deux mots impossibles, « toute la nuit »» 
PlSibn Sd. Pendant la nuit, on n’a pas à s’inquiéter, Samson ne sortira pas, 
les portes étant fermées le soir. YlN est plutôt le verbe : on sous-entend : 
attendons, contenu dans l’idée de ; irwaiiTI le parf. cons. n’est pas 
précisément subordonné : « jusqu’à ce qu’il fasse jour et que nous le 
tuions », mais seulement coordonné : « attendons qu’il fasse jour ! alors 
nous le tuerons » ; cf. I Sam. 1 22. Ges. et SgSt prennent "Hn comme 
subst : « Jusqu’à la lumière du matin » ; alors il faudrait exprimer 
avec Moore ( Polychr .) qui renvoie à II Reg. 7 9. 

3) Samson ne se donne pas la peine de forcer le verrou ou d’enfoncer le 
battant, il emporte les deux battants et les deux montants avec la barre, 
c’est-à-dire la porte d’un seul bloc. Il n’est pas question du linteau parce 
que les battants n'y étaient pas scellés ; il ne faisait pas corps de la même 
manière que les montants qui étaient peut-être en bois (Josèphe). Il 
emporte tout cela au sommet de la montagne en face d’Hébron, c’est-à- 
dire plus probablement à l’est. Une tradition chrétienne de Gaza indique 
le Moun(ar , à une demi-heure à l’est-est-sud de Gaza. Mais ce monticule 
qui n’a guère que trente mètres au-dessus de Gaza ne peut être considéré 
comme une montagne regardant Hébron. VIS by marque la direction (Gen. 
18 16) après le verbe regarder, mais non pas ici. On a voulu diminuer le 
prodigieux exploit. Cependant Hébron étonne dans l’histoire de Samson si 
uniquement danite. Y avait-il à Hébron quelque point d’attache à ce souve- 
nir? Josèphe l’entendait d’Hébron. La tradition relative aux environs de 
Gaza se trouve déjà dans dom Calmet. Le G (même B j suppose qu'il y avait à 
la fin du verset : « et il les disposa là » : DIYO^ (Grâtz). 

4-22. Samson trahi par Dalila. — 4) La vallée de Soreq ; le nom de 


247 


juges, 16 5-7 

qui se nommait Dalila. 5 Et les princes des Philistins montèrent 
vers elle et lui dirent : Enjôle-le, et sache par quel moyen sa 
force est si grande, et comment nous pourrions remporter sur 
lui ; alors nous l’attacherons pour le maltraiter, et nous te don- 
nerons chacun onze cents pièces d’argent. 6 Et Dalila dit à 
Samson : Dis-moi donc par quoi ta force est si grande, et com- 
ment on pourrait te lier (pour te maltraiter). 7 Et Samson lui 

6. Omettre probablement 


Kaphar Soreq , village de Soreq, était connu d’Eus. et de s. Jér. ( Onomast .) 
ot placé correctement au nord d’Éleuthéropolis près de Saraa ; auj. Kh, 
Sûrîq. Le nom venait peut-être des excellents raisins de la région, plttf 
désignant des raisins de choix. Il s’agit probablement d’une petite vallée 
latérale du grand ou. Serar, ou de cette vallée elle-même. Samson aima... 
ce qui évite à dessein le mot de mariage, quoique nombre d’anciens aient 
encore ici légitimé la conduite de Samson (ap. Calm.); cette femme était 
sans doute une Philistine comme le montre la suite ; les Philistins étaient 
tout à fait chez eux dans sa maison. L’étym. de Dalila en hébreu est 
incertaine : l’arabe donnerait le sens d 'indicatrice. 

5) pD terme spécifique pour les chefs des Philistins; cf. 3 3. inD comme 

14 15. — « En quoi », c’est-à-dire d’où vient que sa force est grande, bvu 
prédicat, et non pas : in quo habeat tantam fortitudinem. Ils parlent seu- 
lement de l’enchaîner pour l’humilier, le maltraiter d’une façon quelconque 
sans le tuer, ce qui amène peut-être plus facilement Dalila à la trahison. 
De fait, ils ont tenu parole. Les princes des Philistins qui sont ordinaire- 
ment cinq promettent chacun 1100 sicles, chiffre assez étrange, mais 

qui se retrouve (17 2), peut-être pour dire mille et plus. La somme devait 
paraître énorme, cependant nous ne savons comment Hum. peut la faire 
monter à 250.000 francs. Le texte marque que les princes sont venus eux- 
mêmes, tant ils attachent de prix à connaître le secret de la force prodi- 
gieuse de Samson qui devait tenir à quelque charme. 

6) Dalila va au plus pressé ; elle n’a pas très bien compris la pensée des 
princes qui ne voulaient lier Samson qu’après avoir connu son secret et 
avoir trouvé le moyen de le déjouer. Elle demande nettement à Samson en 
quoi consiste sa force et comment il faut le lier. Le héros trouvera là une 
bonne occasion de se rire d’elle. Il est pourtant trop fort qu’elle ajoute qnwb 
« afin qu'on puisse te maltraiter » que la Vg. a tourné : erumpere nequeas. 



248 


juges, 16 8-10 

dit : Si on me liait avec sept sarments frais qui n'ont pas été 
séchés, je perdrais ma force et deviendrais comme un autre 
homme. 8 Alors les princes des Philistins lui portèrent sept sar- 
ments frais qui n’avaient pas été séchés, et elle s’en servit pour 
le lier. 9 Et elle avait des gens en embuscade dans la chambre à 
coucher, et elle lui dit : Les Philistins sont sur toi, Samson ! et 
il rompit les sarments comme se rompt un fil d’étoupe lorsqu’il 
sent le feu, et on ne connut pas [le secret de] sa force. 10 Alors 
Dalila dit à Samson : Tu t’es joué de moi et tu m’as dit des 

Supprimer ce mot avec Doorninck , d’autant qu’il ne revient plus 10.13.15; 
il a pu être ajouté par un copiste d’après v. 5 pour compléter ! 

7) IJTP peut très bien signifier, des cordes de nerfs employés pour les 
arcs, machines de guerre, etc. G(A,B, Lag.) ; mais ce genre de cordes étant 
extrêmement solide, on ne verrait pas l’épreuve aller crescendo. Le grec de 
Théodoret et José phe l’ont entendu de branches flexibles, Josèphe expressé- 
ment de vigne. L’expression nnS se dit toujours de bois vert (ou du raisin 
Num. 6 3) ; le terme a ici toute sa valeur, on insiste sur ce que les branches 
ne doivent pas être sèches, pour être plus solides et plus flexibles. Sans 
doute c’est un faible lien, mate le nombre sept a une saveur de charme 
magique, on pourrait très bien s’y laisser prendre dans le thème donné, et 
en effet Samson n’ajoute pas qu’il ne pourra rompre ce lien, mais qu’il 
deviendra faible (nSn ; Is. 57 10 est douteux) comme un homme ordinaire, 
□TN, les gens du commun (Job 31 33 ; Ps. 82 7), comme en phénicien. 

8) *lSyvj est ici à hiph. à cause du régime direct ; il n’est donc point 
nécessaire de supposer que les princes sont venus eux-mêmes. Elle l’at- 
tache comme en se jouant ou pendant qu’il dormait? Le sommeil n’est 
attesté que pour les deux dernières tentatives v. 14 et 19, mais le cri : les 
Philistins ! étant partout le même, le sommeil est plus probable. Hum. 
soupçonne même que ce lourd sommeil était le fruit de l’ivresse et que 
Samson aurait bien pu violer son naziréat... mais alors eût-il conservé sa 
force? et son naziréat est-il ordinaire? l’abstention de vin ne regardait 
que la mère, pour lui on n’avait ordonné que la chevelure. On peut noter 
que dans les deux premières tentatives le poste philistin était dans la 
chambre à coucher; dans la dernière Samson s’endort sur les genoux de 
Dalila, dans la troisième il n’y a pas de poste. 

9) niVJ « rebut de filasse de chanvre ou de lin », fîlum de stuppa torlum 
putamine . Vg. 'ArcotivaYjxa « ce qu’on fait tomber en secouant » est une tra- 
duction étym. attribuée aux LXX et à Théod. ( Field ) mais qui serait digne 
d'Aquila. 



249 


JUGES, 16 11-13 

mensonges ! maintenant apprends-moi comment on pourrait te 
lier. 11 Et il lui dit : Si on me liait bien avec des cordes neuves 
qui n’ont encore pas servi, je perdrais ma vigueur et deviendrais 
comme un autre homme. 12 Et Dalila prit des cordes neuves et 
s’en servit pour le lier : et elle lui dit : Les Philistins sont sur 
toi, Samson ! et il y avait des gens en embuscade dans la chambre 
à coucher ; et il les rompit de ses bras comme un fil. 13 Alors 
Dalila dit à Samson : tu t’es encore joué de moi et tu m’as dit des 
mensonges, apprends-moi continent on pourrait te lier ! Et il lui 
dit : Si tu tissais les sept boucles de ma tête avec la chaîne, et 
* si tu les fixais avec le peigne, je perdrais ma vigueur et devien- 

13-14. nw na aiam :c nnn -mita wvn wbrri wpm 

rQDOn ay ÎWNl nisSna ; TM om. — H. Omettre le peigne WH. — 
ma ma nVi ; tm om. 


11) Ce ne sont pas seulement des cordes neuves, comme 15 13, mais on 
ajoute : avec lesquelles on n’a encore rien fait, l’expression doublée, comme 
v. 8, sent son charme magique. SSn Gen. 31 7, etc. 

13 s.) Le TM contient évidemment une lacune, reconnue par Houbigant, 
niée par les anciens protestants (Rosen.) y suppléée par Moore et Budde 
d’après les LXX. La Vg . a suppléé vaguement, La cause de la lacune est 
que le copiste a passé de TJV 4° loco à irP 2° loco. Les variations du G ne 
dépassent pas l’ordinaire et ne prouvent pas qu’il a ajouté ad libitum ; 
qques mss. et le texte Syr.-hex contiennent un doublet qui doit représen- 
ter l’ancienne traduction, xat Ir içxvtjç cî>; [iri] 7rrjx. uv > bloqué avec xod 
ÈYxpouarjç xc5 TWffadtXoi eîç rov toïyov ; ici ne signifierait pas coudée, mais 

une barre transversale. Les autres variations de ce texte qui doit être celui 
de Lucien, car c’est celui de Théodoret, plus pur que dans l’édition de 
Lagarde, doivent être préférées au texte de B (avec Budde contre Afoore), 
d’autant qu’elle sont appuyées par A. Il suppose dans l’exécution mwim 
"ui no rw jiniyi nS’Siau lieu de msbno no nN nS’Si npm issun vm 

"131 D3D02 31Nm "WNI 

Le texte de A (avec M. de Moore) est donc plus conforme dans l’exécution 
à ce qu’a dit Samson v. 13 et à ce que fera Dalila v. 19. Cependant comme 
il est peu probable que B si fidèle compagnon du TM s’en soit éloigné et 



250 juges, 16 14-16 

drais comme un autre homme. 14 Et elle l’endormit, et elle tissa 
les sept boucles de sa tête avec la chaîne ’ et elle les fixa avec le 
peigne, et elle lui dit : les Philistins sont sur toi, Samson ! et il 
s’éveilla de son sommeil et arracha [ ]le métier et la chaîne, 1 et Ton 
ne connut pas [le secret de] sa force \ 15 Et elle lui dit : Comment 
peux-tu dire que tu m’aimes, quand tu ne m’ouvres pas ton 
cœur ? Voilà trois fois que tu t’es joué de moi, et que tu ne mas 
pas appris par quoi ta force est si grande. 16 Or comme elle le 
poussait à bout par ses paroles chaque jour, elle le mit à non 

que sa traduction paraît très littérale, son texte est probablement le 
calque (avant la lacune) de la recension hébraïque qui est devenue le TM, 
tandis que A et M en représentent une autre. Quoi qu’il en soit « dans le 
mur » du Grec et terræ de la Vg. sont des ajoutés pour expliquer comment 
*irP, pris dans le sens ordinaire de clou, était fixé quelque part. La vraie 
explication du mot avait été fournie dans Beaunius de vestitu aacerdotum 
(1698), p. 253, et reproduite par Calmet quoique avec froideur. Moore a 
depuis très bien expliqué toute la scène. Il s’agit d’un métier, les boucles 
de Samson doivent être passées dans la chaîne pour former tissu et fixées 
avec la barre qui sert à donner à la toile la cohésion suffisante. C’est cet 
outil qui est nommé *rrP, mal compris par les LXX et Vg. qui ont pensé à 
un clou enfoncé dans le mur ou en terre. Le métier lui-même était enfoncé 
en terre par des clous, mais cela n’avait pas besoin d’être dit. Pour la 
représentation figurée, cf. BDM III, p. 395. Il faut effacer v. 14 TrPn devant 
aiNH ; outre que l’article est impossible grammaticalement, le mot a été 
inséré ici après qu’il a été mal compris. — La progression est saisissante, 
Samson laisse jouer avec sa chevelure ! Hum. pense que les sept liens 
frais et les cordes neuves étaient des façons figurées de parler de ses che- 
veux. Samson se serait amusé à parler par énigmes, commençant ici à 
révéler son secret : c’est un peu recherché. 

A la fin du v. 14 G(A et Lag. mais non B) a de plus avec raison : « et 
l’on ne connut pas sa force », ce qui est très dramatique dans cette épreuve 
si scabreuse. 

15) 12 b ne marque pas seulement l’affection, mais la confiance ; cf. v. 17 s., 
cum omnia intima pandere recuset (Hum.). 

16) Sur piyn , cf. 14 17 dans les mêmes circonstances. Le verbe yStf, 
seulement ici est plutôt araméen, « presser ». L’expression TZ7S3 rpJTp (cf. 
Num. 21 4 ; Jud. 10 16) est ici particulièrement énergique, « jusqu’à mou- 



juges, 16 17-19 251 

plus et il en fut angoissé à mourir. 17 Et il lui ouvrit tout son 
cœur, et il lui dit : Le rasoir n'a pas passé sur ma tête, car je 
suis naziréen de Dieu depuis que j 'existe au sein de ma mère ; si 
on me rasait, ma force m'abandonnerait et je perdrais ma 
vigueur et je deviendrais comme tous les hommes. 18 Alors Dalila 
comprit qu’il lui avait ouvert- tout son cœur, et elle fit appeler les 
princes des Philistins, disant : montez cette fois, car il m’a 
ouvert tout son cœur, et les princes des Philistins * montèrent ’ 
vers elle, et f ] l'argent à la main. 19 Et elle l’endormit * entre ' ses 
genoux, et elle appela un barbier, et * il rasa ' les sept boucles 
de sa tête, *et il commença à faiblir 'et sa force l’abandonna. 

18. iSn; TM ïSjn. — Omettre 'hW- 

19. yrx; TM by sur. — rtbm; TM nbaro et elle rasa. — rmyb brw ; TM 
inwS bnm et elle commença à le maltraiter. 


17 s.) Dalila comprend que cette fois Samson lui a ouvert son cœur 
parce qu’il a donné la raison surnaturelle cherchée depuis si longtemps ; 
elle le comprit aussi sans doute à la lassitude qui lui avait arraché cette 
concession. V. 17. il faut naturellement préférer le Qrê ib ; nb n’est que la 
reproduction matérielle de la formule à la ligne précédente, ibsn est diffi- 
cilement explicable, il faudrait l’impf. consécut. ; d’autre part, le second 
ibyvj « ils firent monter l’argent dans leurs mains » est superflu, il suffirait 
de dire DTI P|D3ÎT! (Budde). Il est donc probable que le second verbe est 
une correction marginale du premier, d’autant que cette leçon figure 
/° loco dans quelques mss. 

19) îTOTl yi avec G(A, Lag .), a probablement été évité comme sca- 
breux : Samson semble avoir eu la tête sur les genoux de Dalila, 
l'homme qui avait qualité pour raser ; LXX et Vg. « le barbier », terme 
plus clair. Elle a dû l’appeler pour faire son office, il faut donc lire nb;H, 
car on ne peut supposer la forme hiph. « et elle le fit raser ». Jusqu’à pré- 
sent Dalila a tout fait, mais cette fois elle a compris que la partie était 
décisive, son rôle consiste à tenir Samson endormi ; pour le raser complè- 
tement, elle a recours à un spécialiste. Calm a relevé l’excellente leçon des 
LXX (A, Lag. 9 etc. j Syr.-hex., Éth. TajtetvouaOat, qui suppose niph. Jïjy S (Ex. 
10 3) ou pou'al, nîjyb « il commença à perdre sa force »; cf. le sens 
actif de pi'el Ps. 102 24, Qrê). La suite des idées est excellente; tandis 
qu’en suivant, TM G(B), Vÿ., etc., « elle commença à l’bumilier », il estimpos- 



252 juges, 16 20-23 

20 Et elle dit : Les Philistins sont sur toi, Samson ! et il se 
réveilla de son sommeil, et il dit : J’en sortirai comme les autres 
fois et je me secouerai ! et lui ne savait pas que Iahvé l’avait 
abandonné. 21 Et les Philistins le saisirent et lui crevèrent les 
yeux et le conduisirent à Gaza. Et ils le lièrent d’une double 
chaîne d’airain, et on l’employa à moudre dans la prison. 22 Or 
les cheveux de sa tête commencèrent à pousser dès qu’il eut été 
rasé. 

23 Les princes des Philistins se réunirent pour faire un grand 

sible d’expliquer le contexte : « et sa force l'abandonna ». Tout le v. est 
traduit fort librement dans Vg . 

20) « se secouer », nous avons en français les deux sens qui 
paraissent convenir à l’hébreu : secouer la poussière (ïs. 52 2 hitp.) et se 
secouer, se remuer fortement qui paraît être ici le sens puisqu’il n’a pas été 
question de liens. Iahvé, qui remplace ici l’esprit de Iahvé, est considéré 
comme la cause immédiate de sa force ; cf. Sam. 16 14. 

21) Sur les moulins en Orient; cf. BDM III, p. 399 ; c’est ordinairement 

l’occupation des femmes de moudre chaque jour la farine nécessaire pour 
faire le pain. Les Romains condamnaient aux moulins publics les coupables 
de crimes moins graves. D’après les LXX le roi Sédécias fut traité par les 
Chaldéens exactement comme Samson (Jer. 52 H LXX). On voit d’ailleurs 
sur les bas-reliefs assyriens le roi infligeant ce supplice en personne. 
Hérodote (4 2) raconte aussi que les Scythes crevaient les yeux à tous les 
esclaves, pour empêcher qu’ils ne s’étourdissent en tournant, parce qu’on 
les employait à tourner des vases pleins de lait ( Çalm .). S. Jér. rapporte 
une interprétation obscène des rabbins : ad molam eum a Philistiim esse 
damnatum , hoc signi/icare volunt , quod pro sobole robustissimorum virorum , 
hoc in allophylas mulieres facere sit cornpulsus (in Is. 47) ; cf. Talm. Sota I. 
8. — Le Kethib D^TDNn « des prisonniers », est satisfaisant, le Qrê D^YIDN 
se rapporte peut-être à lien, comme Jer. 37 15; cf. Jud. 15 14. La 

Vg. a suivi un ordre qui paraît plus logique : on le conduisit enchaîné. 
Mais le texte signifie sans doute une lourde chaîne double qui l’attachait 
aux murs de la prison. 

22) riDX au pïel , des cheveux qui poussent ; II Sam. 10 5. 

23-31 Mort glorieuse de Samson. — 23) Sur Dagon cf. RB. 1901, p. 558. 
Il semble, d'après notre passage, qu’il était le dieu de la confédération et 
l’objet d’une panégyrie solennelle ; il avait aussi un temple à Azot (I Sam. 



253 


juges, 16 ^ 24-25 

sacrifice à Dagon leur dieu et pour célébrer des réjouissances. 
(Et ils dirent : notre dieu nous a livré Samson notre ennemi). 
24 Et lorsque le peuple le vit, ils louèrent leur dieu, car ils se 
disaient : 

Notre dieu a livré 
entre nos mains notre ennemi, 
et celui qui désolait notre pays 
et qui multipliait nos morts. 

To Et lorsqu’ils furent mis en gaîté, ils dirent : Appelez Samson, 
et qu’il nous fasse des jeux. Et on appela Samson de la prison, 

23. Peut-être glose. 


5 1 ss. ; I Macch. 10 84 ; 11 4). — JirOtf est un infinitif de forme féminine. 
Le sens de se réjouir serait banal, il s’agit de la célébration d’une fête. 
Elle était sans doute fixée par l’usage et non pas occasionnée par la prise 
de Samson. Le v. 23 b ne le dirait expressément que s’il débutait par ^3. 
D’ailleurs cette fin de verset est justement suspecte à Budde comme une 
simple parcelle détachée de v. 24, précisément pour donner à la fête l’ap- 
parence d’être causée par la défaite de Samson. 

24) *int< ne peut se rapporter k Samson qui ne paraîtra que v. 25 ; il ne 
peut non plus signifier quod, Vg. et Hum. y car le masculin est impossible 
ici pour le neutre. Budde en conclut que le v. 25 doit être lu avant le 
v. 24. Tout serait en effet bien simple dans cet ordre : le peuple fait appe- 
ler Samson et le voit. Cependant on peut se demander d'où serait venue 
partout une interversion ? Bien n’empêche de supposer qu’on fait paraître 
Dagon à découvert dans une procession ou une exhibition. La foule k sa 
vue éclate en louanges, le remercie de la dernière victoire, et c’est seule- 
ment après et à cette occasion qu’on pense k faire venir Samson pour se 
divertir ; ce sont les jeux qui suivent la fête religieuse. Le hallel se com- 
pose de quatre petites incises qui riment. Naturellement ils rapportent le 
triomphe à leur dieu et l’écrivain se fait l’écho de leurs pensées sans 
aucune réserve expresse, mais on ne peut supposer qu'il entre dans leurs 
vues puisqu’il a marqué la vraie cause de la défaite de Samson. A noter 
pour les cas où on raisonne d’après le silence de l'écrivain comme s’il 
approuvait tout ce qu’il raconte. 

25) Le kelhib marque le verbe au parf. ; le Qrâ TH33 est comme 

II Sam. 13 28; Esth. 1 10, y\n étant l'infin. ou le subst. Dans les deux pas- 



254 


juges, 16 26-27 

et il fit des jeux devant eux et on le plaça entre les colonnes. 
20 Et Samson dit au garçon qui le menait par la main : conduis- 
moi et fais-moi toucher les colonnes sur lesquelles repose l’édi- 
fice, afin que je m’y appuie. 27 Or l’édifice était rempli d’hommes 
et de femmes, il y avait là tous les princes des Philistins et sur 
le toit environ trois mille hommes ou femmes ; tout ce monde 

sages cités cette joie vient du vin, ce qu’on peut bien supposer ici. Calm. ne 
peut supporter la pensée que Samson se soit prêté au désir de la canaille 
en faisant « des singeries » ; c’est peut-être pour cela que les différents 
textes grecs mettent que la foule se joua de lui ou le souffleta (cf. Josèphe 
« on l’amena pour l’outrager »). Le texte hébreu ne marque pas d’ailleurs en 
quoi consista le jeu de Samson ; ce fut peut-être une sorte de sport athlé- 
tique, car, si on le conduit près des colonnes, c’est sans doute pour le faire 
reposer. D’après l’ordre suivi par Budde, on le conduit entre les colonnes, 
et c’est alors que le peuple le voit : mais cela même montre la fausseté de 
sa combinaison, car on le voyait sans doute mieux quand il faisait ses 
exercices au milieu de la place libre que sous les colonnes (LXX et Vg. 
deux colonnes par anticipation). 

26) man avec l’acc. signifie conduire; cf. Gen. 2 15, placer vers ou dans , 

ce qui convient très bien ici. Les verss. Vg. LXX, se sont tenues trop 
près du sens étym. « laisser reposer, laisser aller, qui serait ITOfl ( Moore )• 
Le kethib est de VTQï seul cas de ce verbe ; lire deiTtPC ; le 

Qrê de U1G est aussi bon ; comme EfiD signifie non seulement 

« palper », mais « enlever » ( autre racine) Moore pense que le Qrê a voulu faire 
un jeu de mots : « laisse-moi enlever les colonnes »> 1 — « Sur lesquelles 
repose l’édifice » ; par ces mots, Samson n’aurait-il pas trahi son dessein ? 
L’auteur sachant ce qui va arriver avertit ses lecteurs; « au lieu de dire 
simplement que Samson pria ce Philistin de le laisser où il était et d’ajouter 
ensuite quelle était Y intention de l'aveugle géant en faisant cette demande, 
l’auteur met cette intention dans la bouche même de Samson » ( Poëls , His- 
toire du sanctuaire de V arche , 1897, p. 407 s.). 

27) Moore et Budde retranchent du texte primitif depuis no\2tt jusqu’à 

TONÏ ; le texte leur paraît surchargé ou plutôt la terrasse, et ils ne s’ex- 
pliquent l'art, devant et devant que comme se rattachant 

immédiatement à D^Nin. Mais le chiffre n’est pas tellement exagéré pour 
une vaste terrasse ; l’art, devant se rapporte à toute la proposition 

précédente, les autres marquent les gens de la ville; cf. Kœn . 299 d et 411 
d. Sur la forme de l’édifice, cf. BDM III, p. 403. 



255 


juges, 16 28-30 

regardait les jeux de Samson. 28 Et Samson invoqua Iahvé et dit . 
Seigneur Iahvé, souviens-toi de moi, et donne-moi des forces seu- 
lement encore * une fois ô Dieu! et je me vengerai sur les 
Philistins * en échange * de mes deux yeux. 29 Et Samson atteignil 
les deux colonnes du milieu sur lesquelles reposait l'édifice, et il 
pesa sur elles, [ayant] une à sa droite et une à sa gauche. 30 Et Sam- 
son dit : Que je meure avec les Philistins ! et il poussa fortement, 
et Pédifice tomba sur les princes et sur tout le peuple qui y était, 
et ceux qu’il tua en mourant furent plus nombreux que ceux 

28. nm* djts ; tm mn oysn (?) Cette fois. — nnn ; tm.... q nrm un de. 


28) mn D7Sn est doublement étonnant, à cause du masculin après D^S et 
à cause de la réunion du démonstratif avec n qui est le seul cas de TA. T. 
( Kœn . 45) ; la manière normale est nKin D^Sl ou QÿSn (Ex. 10 17, etc.). 
Il y a donc lieu de supprimer mn à moins de le transformer en mm comme 
Budde qui efface DVjSnH avec G(A). — La ponctuation (accent) joint dans 
le texte actuel Dp: avec nnN , niais contre la grammaire, car il faudrait 
Pmi nOpJ ou nriN DpJ ; mieux vaut considérer avec Kœn . (336 c.) Dpi 
comme gouvernant le génitif objectif qui suit, la vengeance d’un de mes 
deux yeux ; son désir de vengeance est tel qu’il ne considère celle qu’il va 
prendre que comme l’équivalent de la perte d’un seul de ses yeux. D’après 
le Talm. de Jér. (So/a, 1 8) Samson aurait voulu dire : « donne-moi l'équi- 
valence d’un œil en ce bas monde, et réserve-moi une rémunération équi- 
valente à l’autre œil perdu dans le monde futur. » (Trad. Schwab). D’après 
la traduction des verss. : « je me vengerai en une seule fois pour mes deux 
yeux » ; ce qui est plus naturel, mais plus plat, et contraire à la grammaire. 
D’ailleurs les deux recensions ont leurs difficultés, et le mieux ne serait-il pas 
de remplacer nnN par nnn avecG(A, Lag.) àvi^et en retranchant naturelle- 
ment o devant Ttttf ? nnn dans le sens de en punition pour , Jer. 5 19, etc. 
□pj serait à lire D*ip3 à l’inf. ou Dpj comme Ez. 25 15. Et une fois nnN 
retranché ici, ne pourrait-on pas le mettre à la place de mn ? nnN Dÿ3 “|N 
« seulement une fois ». 

29) nsS n’est usité à qal que cette fois. En ass. lapdtu se dit de la main 
qui touche quelque chose; embrasser, comme le comprenaient les verss., 
serait trop fort. Il est très difficile de se représenter ces deux colonnes du 
milieu qui supportaient la maison. 

30) Il est probable qu’il écarte les colonnes avec ses bras, car il ne pou- 
vait les embrasser toutes deux à la fois. — Ici est pour le principe 



256 


CRITIQUE 


JUGES, 13 - 16 . — 

qu’il avait tués pendant sa vie. 31 Et ses frères et toute la maison 
de son père descendirent et l’emportèrent et l’amenèrent et 
l’ensevelirent entre Sor'ah etEcbtaol, dans le tombeau de Manoé 
son père. [R D ] Or il avait jugé Israël pendant vingt ans. 

vital comme souvent, presque dans le sens réfléchi : « que je meure ». Voir 
Calm. sur la moralité de l’action de Samson. 

31) La guerre de Samson avec les Philistins avait été toute personnelle. 
D’ailleurs il était fort rare que l’on refusât la sépulture, même à des enne- 
mis; il n’est donc pas tellement étonnant que le corps de Samson ait été 
abandonné à ses parents. Le lieu de la sépulture est marqué par Guérin au 
Kh.'Aslin ; ce savant a même recueilli de la bouche des gens de Beit'Atâb, 
le nom de Qabr Chamchoum comme un équivalent du nom du sanctuaire 
voisin Ouely Cheik Gherib. 


* 

* * 

Critique littéraire. — L’histoire de Samson se divise très naturel- 
lement en trois parties, reconnues par tous les critiques. C’est d’abord 
Thistoire de sa prédestination et de sa naissance (ch. 13 ) ; puis on voit 
comment le héros, qui n’avait d’abord aucune aversion pour les Phi- 
listins, se trouva engagé dans une série de luttes contre eux par suite 
de son mariage (ch. 14 s.); enfin la liaison de Samson avec Dalila le 
conduit à sa perte, non sans que sa mort cause aux Philistins un sen- 
sible dommage (16 4-31). La petite aventure avec la courtisane de Gaza 
est isolée (16 1-3), mais c’est encore une histoire de femme. Malgré ces 
divisions très tranchées, l’unité esf évidente. Elle est surtout sensible 
entre le ch. 13 et le ch. 16 , qui se répondent dans le secret de la force 
de Samson, sa longue chevelure consacrée. Mais la haine des Phi- 
listins suppose précisément les faits relatés entre deux et ils sont bien 
dans le caractère du héros. C’est donc en vain qu’on a cherché à 
trouver ici encore deux histoires, l’une élohiste, ayant trait au naziréat, 
l’autre iahviste supposant une action intermittente de l’esprit de Iahvé 
(E. von Ortenberg, Beil. z. Iahresber. d . Gymn. zu Verden 1887); 
Budde, Moore et Nowack s’accordent à repousser cette hypothèse. 
S’il faut choisir entre Élohiste et Iahviste, tout le monde se prononce 
pour le Iahviste. Il nous suffit de constater que cette histoire res- 



JUGES, 13 - 16 . — CRITIQUE 257 

semble plus à celle cTÉhoud et à celle de Gédéon dans sa partie iahviste 
-qu’au type de Débora ou de Gédéon dans sa partie élohiste. Quelques 
ressemblances avec le type du Iahviste du Pentateuque sont notées 
dans le commentaire. Cependant Budde ne peut se résoudre à admettre 
«une parfaite unité. Il inclinerait vers une division entre J 1 et J a . Il 
remarque que T histoire de la jeunesse des héros est toujours posté- 
rieure à celle de leurs exploits et incline fort à regarder le ch. 13 
-comme un arrangement postérieur. Déjà van Doorninck ( Theol . 
Tijdschr. 1894) avait supposé qu’une légende purement profane avait 
^té modifiée dans le sens religieux. C’est là un reste de rationalisme 
-qui devrait être banni de l’exégèse des sentiments antiques. La consé- 
cration de Sarason est le fond même de son histoire. Il est d’ailleurs 
-exact que l’on ne se préoccupe de l’enfance des grands hommes que 
lorsqu’ils sont devenus célèbres, mais cela ne prouve point qu’une 
histoire que personne ne suppose écrite au jour le jour ne puisse 
contenir le tout. 

D’ailleurs nous avons noté nous-mêmes quelques altérations que 
nous considérons plutôt comme l’œuvre de copistes que comme des 
remaniements rédactionnels. Quant à la part de R D , elle est très 
modeste. Ne pouvant guère insister ici sur la conversion des Israélites 
à propos d'un héros comme Samson, il s’est contenté de le considérer 
comme un juge (13 1 ; 15 20 répété 16 31 b ), c’est-à-dire comme un de 
ceux qui ont été redoutables aux ennemis du peuple de Dieu. De 
Hummelauer prend fort au sérieux l’exercice de ces fonctions de juge 
et concède seulement que Samson ne se faisait pas accompagner de 
son armée en allant chez les courtisanes (p. 243). La supposition seule 
-que Samson ait été chef d’armée altère gravement la physionomie si 
originale qu’a tracée le Iahviste. Ce n’est point une phrase vague qui 
-doit en modifier les traits. 

Critique historique. — Samson nous apparaît comme un isolé. Il fait 
aux Philistins une guerre privée, il poursuit sa vengeance, et l’auteur 
remarque expressément que c’était seulement par les desseins de Iahvé 
que les circonstances avaient tourné contre les Philistins (14 4 ). Les 
-Judéens qui n’ont pas à le défendre comme membre de leur tribu 
n’hésitent pas à le livrer à ses ennemis. Et Budde n’a pas tort de 
remarquer qu’on était donc dans une prostration bien complète pour 
«considérer comme des avantages signalés pour Israël les exploits per- 
P. Lagrange. — Les Juges 17 



258 


JUGES, 13 - 16 . CRITIQUE 

sonnels de Samson. Le cadre historique est ainsi parfaitement déter- 
miné et rien n’autorise à mettre en doute la lutte du héros danite 
contre ses ennemis. 11 paraît cependant clairement par le texte même 
que la verve populaire s’est exercée à propos de Samson. Il a d’ailleurs 
le cachet du héros populaire; bravoure à toute épreuve, faiblesses 
envers le sexe, esprit caustique et mordant. Mais rien de tout cela 
n’est mythologique. 

Dès l’antiquité on a comparé Samson à Héraclès. Ce parallèle ne 
causait aucun effroi aux anciens, jusqu’à dom Calmet qui Ta reproduit 
en quelques traits 4 . De nos jours on a voulu trouver dans Samson les 
douze travaux d’Hercule, et l’exagération même des rapprochements 
forcés en a montré le vide. D’ailleurs, pour Calmet, Hercule n'était 
que « Samson travesti » et les mythologues modernes ne sont même 
plus aussi sûrs que Movers de l’influence du Melqart phénicien sur la 
légende de T Héraclès grec. L’idée qu’un guerrier indomptable se laisse 
enchaîner par une femme n’a rien de très particulier, de même le lion 
mis en pièce, etc. La longue chevelure, si caractévistique chez Samson, 
ne joue aucun rôle dans le cycle d’Héraclès et pour en trouver l’équi- 
valent chez les classiques, Calmet a dû aller chercher le cheveu couleur 
de pourpre de Nisus ou le cheveu d’or de Pterelaüs. Renan a cru 
trouver mieux : « La mythologie pure n’était guère du goût des 
anciens Hébreux. Mais il n’était pas en dehors de leur esprit de trans- 
former en anecdotes héroïques des représentations figurées mal 
comprises. Supposons, dans le temple de Beth-Sémès, une représen- 
tation du soleil sous la forme de tête radiée ; on a fort bien pu consi- 
dérer cette image comme une tête de gibbor, et dire que ce gibbor 
avait sa force dans ses cheveux (ses rayons) ; d’autant plus que l’on 
comparait souvent le soleil à un gibbor 1 2 . » Mais Renan lui-même n’a 
pas grande confiance dans cette combinaison. Le nom de Samson doit 
sans doute venir du soleil, mais ce n’est même pas un nom théophore 

1. « La force extraordinaire d’Herculcs, le lion qu’il étouffa, la servitude où il 
fut réduit chez le Roi Euryslhée et les travaux qu'il fut obligé de supporter pour 
s'en délivrer, ne nous rappellent-ils pas l'image de Samson... L’infâme complai- 
sance de Samson pour Dalila, et celle d'IIerculcs pour Ompliale ; les deux colonnes 
d’IIercules, celles de Samson, qui furent à l'un et à l'autre la fin de leurs travaux, 
tout cela peut-il se rencontrer si juste sans dessein et sans préméditation ? » 

2. Histoire, I, 348. 



JUGES, 13 - 16 . — CRITIQUE 259 

et toute la ressemblance s’arrête là. Peut-on même dire du soleil de 
Gaza qu’il perd ses rayons en hiver pour les retrouver en été ? Ce 
mythe ne pourrait éclore que dans un pays de brouillard où le soleil 
d’hiver paraît comme une lune plus grosse. 

C’est dans les usages sémitiques qu’il faut chercher les analogies 
du naziréat et de la longue chevelure de Samson. Nous croyons devoir 
entrer ici dans quelques détails sur la consécration de la chevelure 
chez les Sémites. 

D’après Wellhausen, l’offrande de la chevelure est en soi un sacri- 
fice L Il se peut qu’elle ait pris ce caractère chez les Arabes. Chaque 
mèche de cheveux était mêlée à une poignée de farine et jetée dans 
une fosse en l’honneur d’Uqaisir; la farine indique un sacrifice, la 
fosse remplace le trou où l’on faisait couler le sang 1 2 3 . Mais on ne 
saurait voir là le caractère primitif de l’institution que si on est décidé 
à considérer comme primitifs tous les usages des Arabes. Ici deux 
offrandes sont mêlées avçc un faux air de sacrifice. Le dieu Uqaisir 
lui-même ne serait pas d’origine très ancienne, s'il faut, avec Clermont- 
Ganneau, y retrouver le dieu César 3 . 

D’autre part il faut reconnaître avec Wellhausen et avec W. R. 
Smith que lorsqu’on faisait vœu de laisser croître sa chevelure jusqu’à 
un moment déterminé, la consécration consistait moins à porter les 
cheveux longs qu’à s'engager à les couper en l’honneur d’une divinité, 
lorsque le vœu serait accompli. Il semble au premier abord que c’est 
à l’état d’avoir les cheveux longs qu’est attachée l’idée de sainteté. 
Mais c’est qu’il importe de conserver pure la chevelure qui doit être 
offerte ; tout homme qui contracte un vœu se place par là-même dans 
une situation spéciale et peut être obligé à certaines obéissances. 
Ici le terme de la cérémonie en marque bien le but. Quel est le sens 
propre de cette offrande des cheveux ? Ici encore W. R. Smith nous 
paraît avoir bien marqué le point. 

Les cheveux, qui croissent même après la mort, sont censés parti- 
culièrement vivants. Ils ressemblent au sang, qui est la vie même et 
jouent, toute proportion gardée, le même rôle que le sang. Comme il 

1. Ce sujet a été particulièrement bien traité par W. R. Smith, fiel. Sem. 323- 
334 et 483. 

2. Reste , 124. 

3. Recueil, II, 247 ss. 



260 


JUGES. 13 - 16 . CRITIQUE 

y a un pacte du sang, il y a un pacte de la chevelure ; comme il y a 
une initiation par le sang, il y a une initiation par l'offrande des 
cheveux. Or l'initiation se fait au moment où le jeune homme sort de 
l'enfance. C'est aussi le temps où on offrait ses cheveux à la déesse 
syrienne. L'auteur du de deà Syrâ rencontre à Bambyce une coutume 
analogue à celle de Trézène : là les jeunes gens et les jeunes filles ne 
peuvent se marier qu’après avoir coupé leurs cheveux en l'honneur 
d’Hippolyte. De même dans la ville sainte : « les jeunes gens consacrent 
leur barbe, et, pendant qu'ils sont enfants *, on laisse croître des boucles 
consacrées dès leur naissance; puis lorsqu'ils sont venus dans le 
temple, ils les coupent et les mettent dans des boîtes d’argent ou d'or 
qu'on cloue dans le sanctuaire et ils s'en vont, écrivant eux-mêmes 
leurs noms. » Les jeunes gens n’éprouvaient sans doute aucune diffi- 
culté à se défaire des longues boucles qui sont un ornement pour 
l’enfance, mais que l'homme fait dédaigne. Pour les jeunes filles, le 
sacrifice était plus dur et c’est pourquoi on les y contraignait en ne 
leur laissant d’autre alternative que le sacrifice de leur pudeur*. 

Or de même que la circoncision a été reportée chez les Israélites 
au temps qui suit la naissance, afin que les rapports avec la divinité 
soient noués le plus tôt possible, on a devancé, chez les Arabes, le 
moment de l’offrande des cheveux. C’est une conjecture très ingénieuse 
et très solide de W. R. Smith. 

Parmi les Arabes au temps de Mahomet on avait l’usage d'offrir un 
mouton au moment de la naissance de l'enfant, puis de lui raser la tête 
et d’oindre le crâne avec le sang de la victime. Cette cérémonie se 
nomme * aqîqâ 1 2 3 , et la même racine indique l’entrée dans l’âge adulte. 
11 s’agissait primitivement d’une initiation au moment de la puberté. 

Après qu’Hérodote nous a parlé de l'alliance par le sang, il ajoute 
que « les Arabes prétendent se raser comme Dionysos (Orotal) le 
faisait : ils se tondent en rond, et se rasent les tempes 4 ». L’imitation 

1. Lire avec W. R. Smith xoïai 8è Gfoiai, au lieu de la conjecture des éditions: 

81 rcapOfvoiet. 

2. De deA Syrâ , 7. L'auteur parle des fêtes d' Adonis ; mais est-il croyable que 
le même fait se renouvelait chaque année ? 

«. N 

3. Le verbe fendre, être enlevé, se dit des amulettes qu’on ôte à l’enfant 

quand il entre dans l’âge adulte, de là être adulte. 

4. Her. III 8. 



JUGES. 13 - 16 . — CRITIQUE 261 

du dieu n’est ici comme toujours que l’explication mythique du rite de 
consécration. 

A côté de ces consécrations générales et dans un certain sens 
nationales, la tonsure pouvait être employée comme l’indice de l’appar- 
tenance spéciale à un dieu. C’est ce que nous apprend un texte curieux 
d’Assourbanipal 4 . Au moment où il monte sur le trône, ce prince fait 
de son frère Samaé-àoum-oukin le vice-roi de Babylone : mais il a deux 
autres frères qu’il consacre par la tonsure à deux divinités, en les 
plaçant ainsi à la tête de deux confréries ou de deux sacerdoces. 

Sans entrer avec le dieu dans une société aussi intime, on pouvait 
se consacrer à lui par un vœu temporaire. Chez les Arabes le principal 
de ces vœux était un vœu de guerre acharnée : tel le Sarrasin aux 
longs cheveux dont parle Ammien Marcellin qui mit en fuite les Goths 
par sa bravoure sauvage 1 2 ; tels probablement les chefs Hébreux au 
temps de Débora : en laissant croître leur chevelure ils faisaient vœu 
de s’offrir au combat. 

Mais si le vœu de Samson ressemble à celui des guerriers arabes qui 
juraient de ne pas toucher à leur chevelure avant d’être revenus vain- 
queurs, il en diffère par un point essentiel. Le naziréat de Samson 
était perpétuel. Il en résultait que sa guerre contre les Philistins était 
donc aussi perpétuelle, mais surtout, et c’est là un point capital, que 
le naziréat n’avait plus du tout chez les Hébreux le caractère d’une 
offrande ou d’un sacrifice de la chevelure. Il est impossible d'imaginer 
qu’on ait pu offrir à la divinité la chevelure d’un mort, tout cadavre 
étant impur de sa nature. On n’y songeait donc pas, et le port d’une 
chevelure intacte était seulement un signe de consécration pour la vie 

1. Aéur-mu-kin-pali-ia ahi-ia Kud-din-ni ana ahi-rabû-tu ug-tal-lib ina pân 
(ilu).... de même pour le second frère. Del., HW. 129* lit urigallalu au lieu de 
afiirabùtu. Ce texte n'était pas encore compris KB. Il p. 262, et Del HW. 196 b le 
laisse sans explication. Jensen KB. VI 377 l’explique bien, sauf qu’il entend : 
faire des incisions, consacrer par une marque spéciale (quelque chose comme 
le in ou la croix x) ce que nous traduisons raser. Mais de ce que le naglabu est 
un instrument à faire des incisions, il ne s’ensuit pas que ce ne soit point un 
rasoir ; l’analogie est plutôt avec le cananéen iSj, barbier qu’avec le syriaque 

sculpter qui peut venir de 

2. Ex ea (le corps oriental composé de Sarrasins) enim crinitus quidam , nudus 
omnia præter pubem, subraucum et lugubre strepens, educto pugione agmini se 
medio Gothorum inscruit, et interfecti hostis jugulo labra admovit, efTusumque 
cruorem exsuxit. Amm. Marc. 31 16. W. B. Smith dans Kinship 284 cite cet 
exemple parmi d’autres. 



262 


JUGES. 13 - 16 . — CRITIQUE 

à lahvé, probablement en vue des combats. A cette consécration exté- 
rieure Iahvé répondait en donnant au héros une force extraordinaire. 
Les théologiens catholiques n’ont rien vu là de trop choquant. C’est ce 
qu’il y a de plus étonnant dans la vie de Samson, dit de Hummelauer 
(p. 243), mais il le faut croire. On n’attribuait pas aux cheveux une 
influence physique mais morale, « Dieu ayant bien voulu s’engager à 
lui donner cette force prodigieuse, comme une qualité permanente, 
et qu’il ne perdrait pas meme pendant le sommeil, sous celte condition 
et non autrement, qu’il conserverait cette chevelure, et qu’il la por- 
terait toute sa vie comme un signe de sa consécration au Seigneur » 
(Calmet). On ne pouvait, sans renverser toute la morale, faire de 
Samson un saint; mais on s’est efforcé du moins de le justifier le plus 
possible ; d’autres ont considéré la perte de sa force comme un châ- 
timent de ses péchés. On peut lire aussi dans dom Calmet : a on 
remarque dans la personne et dans la vie de Samson, tant de traits 
qui nous figurent Jésus-Christ, qu’il est presque impossible de n’en 
être pas frappé à la simple lecture. » Mais ce parallèle où se complaît 
l’excellent auteur paraîtrait plutôt choquant à notre piété moins 
ingénue ou plus délicate. 

Les Philistins. — Le nom gentilice des Philistins dans la Bible 
est Pelichti, d’où le pluriel D'ijwb© ou D^nubs, et par dériva- 

tion le nom du pays, pttfbs, Pelêchêt. Le cheva remplace évidemment 
une ancienne voyelle, mais il n’est pas facile de dire laquelle; nous 
inclinerions vers le son a représenté par la transcription d’Hérodote. 
riaXauTTtvvi (Her. II 104; VII 89), et qui rend compte des autres 
transcriptions, Palastu et Pilislu chez les Assyriens, Pou-ra-sa-li 1 
chez les Égyptiens. Les mêmes raisons font conclure au son ê pour la 
seconde voyelle qui n’est nulle part représentée par ou. Les traduc- 
teurs grecs ont quelquefois simplement transcrit, et les manuscrits 
donnent les deux formes 4>uXt<jrtetix (B) ou 4>tXt<TTtet{x ( Lagarde ) qui 
reviennent au même pour la prononciation en i, de sorte que 4>o ne 
peut nullement être considéré comme un écho de l’ancienne pronon- 
ciation égyptienne. La transcription se trouve Gen. 10 14 ; 2i 32.34 
26 1.14.15.18; Ex. 13 17 23 31 Jo. 13 2.3 1 Ghr. 1 12 et dans le ms. B 
pour les Juges 10 6.7.11 ; 13 1.5; 14 2. D’après le caractère de B pour 
les Juges ce ne peut être qu'un rapprochement de TM. Cependant 

1. Ou Pou-la-sa-ti ; le même signe peut valoir r ou l. 



263 


JUGES. 13 - 16 . — CRITIQUE 

«fruXurneip. se retrouve dans Ecclé. 46 18 ; 47 7 ; 50 26 et 1 Macch. 3 24. 
De plus dans Ex. 15 14 il rend nirSs et dans Jo. 13 5 il n’a pas d’équi- 
valent en hébreu. Dans les autres cas les traducteurs grecs ont 
iXXôcpuXo!, comme si les Philistins étaient les étrangers par excellence. 
Cependant il est plus probable qu'on ne doit point voir dans cette 
expression un souvenir de l'origine non-sémitique des anciens Phi- 
listins. Au temps des traducteurs grecs, la côte philistine était occupée 
par des populations mélangées beaucoup plus hellénisées que la Judée, 
et formaient des foyers hostiles au Judaïsme. Les Philistins sont donc 
étrangers en tant qu'Hellènes, et c’est la traduction qu’on trouve pour 
Philistins dans Is. 9 12 (11) "EXX^ve; ! (A concordance to ihe Septua- 
gint — Oxford). Josèphe dit IlaXaurrivot sauf <I>uXt<mvoç (Arch. 16 2 sur 
Gen. 10 14). Les mêmes oscillations se retrouvent naturellement dans 
les versions latines Philisliim ou Philisthiim y Philislini , Palæslini . 
Nous leur devons le nom de la Palestine. 

La question de l'origine des Philistins est intimement liée avec celle 
des Krethi et Plethi, ces gardes du corps de David (II Sam. 8 18 15 18 
20 7.23 I Reg. 1 38.14 I Chr. 18 17). D’après Winckler ( Gesch . Isr. 
II, p. 185) ce sont les deux tribus qui tiennent de plus près par le 
sang à David. Elles habitaient près d’Édom les pentes du Negeb d’où 
David était originaire et lui étaient fidèles comme étant de sa famille. 
On comprendrait très bien que le pays ayant porté le nom de cette 
tribu, les Carti, devenus les Krethi, on ait conclu au temps du syn- 
crétisme à une origine Cretoise pour les Philistins. Cette opinion ingé- 
nieuse ne tient pas assez compte des textes. Dans Sophonie (2 5), les 
Krethi représentent les Philistins, et ils leur sont encore identifiés 
dans Ézéchiel (25 16; ils sont nommés Ez. 30 5, où il faut lire 
’man au lieu de rP"nn yiN ^21, mais ce passage ne contient aucune 
notion topographique). Le livre de Samuel (I 30 4) place il est vrai le 
negeb du Krethi en connexion avec le negeb de Caleb et la ville de 
Siqlag, mais il sait aussi que Siqlag appartenait aux Philistins (I Sam. 
27 6) et la position du Kh. Zouheilîqeh , à six heures et demie au sud- 
ouest de Beit~Djibrtn, probablement l’ancienne Gath, est en confor- 
mité avec cette assertion. Il est impossible que ces faits aient été 
arrangés artificiellement après que l’origine crétoise des Philistins eût 
été reconnue. Il n’est pas étonnant que les gardes du corps aient été 
des étrangers, puisque plus tard les Krethi sont remplacés par des 



264 


JUGES. 13-16. — CRITIQUE 

Kari, où on ne peut guère voir que des Cariens (II Reg. il 4.14) et ce 
mot figure même à la place de Krethi dans le TM de II Sam. 20 23- 
Le second mot, Pelethi, qui ne paraît jamais seul, a semblé une forme 
secondaire du nom des Philistins. Les Septante l’ont rendu de diffé- 
rentes façons; «beXeôôet est le mode le plus autorisé. 11 marque une 
duplication du t qui dénote peut-être une forme araméenne, comme 
Attar pour Athtar. Mais il se peut que l’opinion de Winckler soit 
exacte sur ce point et que les Pelethi soient des habitants du Negeb r 
voisins des Krethi, dont le nom n’a avec celui des Philistins qu’une 
ressemblance accidentelle (cf. Peleth fils de Ierahmeël I Chr. 2 23). 

Quoi qu'il en soit, l’antiquité admettait l’origine crétoise des Phi- 
listins ou du moins des gens de Gaza. Le texte grec de Sophonie (2 6)- 
remplace même « le bord de la mer » ou la côte philistine par Kp-qrq, 
et les Krethi sont des Kpiyre; (Soph. 2 5; Ez. 25 16 et probablement 
30 5), sauf quand ils sont associés aux Pelethi (et I Sam. 30 14) ; alors- 
le mot est transcrit. C’est par suite de cette opinion généralement 
répandue que Gaza passait pour avoir reçu son nom de Minos et que 
son dieu Marnas était nommé Zeus Crétagène ou né en Crète ( Sieph _ 
Byz. s. v. Taïa). Que cette opinion soit une tradition proprement 
dite, c’est ce que semble prouver ce que nous allons dire des Philistins, 
eux-mêmes. 

Ici la concordance entre la Bible et les documents égyptiens est 
aussi satisfaisante que possible. Les Philistins viennent de Caphtor 
(Am. 9 7) qui est qualifiée une île ou une côte (Jer. 47 7). Ce dernier 
point a été contesté parce que le grec de Jérémie (29 4 = TM 47 4) 
ne porte pas le mot Caphtor. Mais le fait s’explique aisément; le tra- 
ducteur grec qui traduisait toujours Caphtor par Cappadoce ne pou- 
vait mettre la Cappadoce au nombre des îles ou des côtes ; Caphtor 
est exigé par le parallélisme avec les Philistins. Les Philistins sont 
donc quelquefois simplement des Caphtoriens. Loin d’appartenir à 
l'ancienne population, ils l’ont délogée (Dt. 2 23). S’ils sont fils de* 
Misraïm (Gen. 10 14), c’est simplement comme Philistins, placés sous- 
la domination de l’Égypte 4 . 

Mais la Bible ne nous dit pas où était Caphtor. La traduction dit 
grec, Cappadoce, Cappadociens, nous indique seulement la directioa 

1. Les mots « d'où sont sortis les Philistins » sont une glose qui serait mieux 
placée après Caphtorim qu’après Caslouhim. 



JUGES. 13 - 16 . — CRITIQUE 265 

-de l’Asie Mineure où on a choisi le pays qui avait le plus de ressem- 
blance, encore que grossière, avec le mot hébreu. 

Les documents égyptiens font un peu plus de lumière. Le pays de 
Caphtor y apparaît une fois sous la forme absolument identique, 
Kptâr , dans les listes d’Ombos (M. Muller, die Urheimat der Phi - 
lister , Berlin 1900 dans les Mitleilungen der Vorderasiatischen 
Gesellschaft). Le plus souvent le même mot est écrit K-f-ti-ou , ou 
Keftô, car on ne peut guère douter qu’il n’indique la même région. 
Cette région c’est probablement la Cilicie, la Pamphylie et la Lycie 
dans le sens strict, mais c’est aussi dans le sens large toute la côte 
d’Asie Mineure, les îles de la mer Egée et même la Grèce, car le» 
Égyptiens se représentaient ces vastes régions comme peuplées par 
une même race, dotée de la même civilisation, de celle que nous 
nommons mycénienne ou égéenne. Il n’y a pas lieu d’exclure la Crète 
dont les découvertes récentes attestent la prospérité à cette époque 
et qui semble même avoir été à la tête d’un empire maritime. 

Or dans ce pays de Keftô, on portait le nom propre d’ ’ A-ka-àôu , où 
M. Müller voit l’équivalent d’Akich, SP3N, le célèbre roi de Gath, 
hôte de David, que le grec nomme Ay^ouç. Les Assyriens connaissaient 
aussi un roi d’Eqron du nom d 'Ikaousou (KB II p. 148 et 240). 

Mais quoi qu'il en soit de ce détail, c’est du nord et par conséquent 
du pays de Keftô qu’est venue la grande invasion qui troubla le règne 
de Ramsès III et dont le peuple principal était les Poulasati. « A la 
fois matelots et soldats, il faut saluer en eux l’une des principales 
parmi les tribus que les Grecs de l’époque classique confondaient sous 
le nom vague de Cares, et qui infestaient, en même temps que les 
rivages de l’Asie Mineure, ceux de la Grèce et des îles de la mer Egée... 
On distinguait les Poulasati de loin, à leur heaume de feutre assujetti 
sous le menton par deux courroies et garni d’un diadème de plumes. 
Leur buste disparaissait sous des bandes d’étofTe épaisse ou de cuir, 
un pagne simple leur battait les genoux, leurs pieds étaient nus ou 
chaussés de sandales courtes. Ils employaient un bouclier rond à 
double poignée, et ils avaient la forte épée en cuivre des races septen- 
trionales, retenue par un baudrier sur le côté gauche de la poitrine, 
deux poignards, deux javelines * . » 


1. Maspero, Histoirê... II, p. 462 ss. 



266 JUGES. 13 - 16 . — CRITIQUE 

Dans ces Poulasaté, les Égyptologues sont aujourd’hui d’accord pour 
voir, non les Pelages, mais les Philistins. Ils étaient accompagnés 
d’autres peuples, parmi lesquels les Zakkala, dont nous aurons à parler ; 
tous semblent étrangers à la race sémitique, comme à la race des 
Hétéens ; les gens de Keftô, qui ont les mêmes caractères physiques et 
le même costume dans ses traits principaux, sont peints en rouge sur 
le tombeau de Rehmiré, par opposition aux Africains noirs ou bruns 
et aux Syriens blancs. 

Si les Philistins paraissent pour la première fois dans les monu- 
ments de Ramsès III, ils pouvaient cependant être connus déjà; la diffi- 
culté est de préciser à quel moment ils s'établirent au pays de Canaan et 
dans quelles conditions. Ramsès III les décrit comme une invasion 
formidable : « les îles avaient frémi, et elles avaient vomi leurs nations 
d’un seul coup... nul pays n’avait tenu devant leurs bras, ni Khàti, ni 
Qodi, ni Carchémis, les Arad, l’Alasia, mais ils les anéantirent » 
(Maspero, Histoire , II, p. 466). Müller (/oc. laud.) a noté que peut- 
être le Pharaon répugne à avouer sa négligence ou celle de ses prédé- 
cesseurs ; cette invasion a pu occuper le pays de Canaan, tributaire de 
l’Égypte, longtemps avant qu’il se soit décidé à lui barrer le passage. 
La bataille se livra probablement sur la côte où les Philistins demeu- 
rèrent. Ramsès III s’attribue une victoire signalée. Si on l’en croit, il 
faut dire avec Maspero qu’un décret de Pharaon assigna une patrie 
nouvelle aux débris des peuples de la mer : aux Philistins proprement 
dits, les villes les plus rapprochées de l'Egypte, entre Raphia et Joppé ; 
aux Zakkala, la forêt et la côte au nord des Philistins, jusque vers les 
comptoirs phéniciens de Dor et du Carmel. Il est possible que le roi 
ne fit que ratifier une situation qu’il ne pouvait empêcher. L’installa- 
tion définitive daterait donc des débuts du règne de Ramsès III, 
vers 1220 1 , mais il serait étonnant que les Philistins n’aient pas fait 
partie des peuples de la mer, repoussés par Mernephtah, et qu’ils 
n’aient pas, dès cette époque, fait quelque tentative d'occuper les 
stations maritimes du pays de Canaan. La Bible paraît supposer qu’ils 
occupaient déjà la route de la côte au temps de l’Exode (Ex. 13 17), 
mais il se peut que l’expression, pays des Philistins, soit à expliquer 

1. D’après Mahler, OLZ, 1902, p. 186, Ramsès II a régné de 1347 à 1280 et 
Ramsès III de 1240 à 1208. 



267 


JUGES, 13 - 16 . — CRITIQUE 

par une anticipation de l’usage admis plus tard. C’est bien du moins 
le cas dans les textes de la Genèse qui parlent des Philistins et du pays 
des Philistins. Les lettres d’el-Amarna connaissent Gaza, Ascalon et 
d’autres villes de la plaine, mais rien n’indique que leur situation poli- 
tique différât alors de celle des autres petits royaumes cananéens. 

L’arrivée des Philistins dut d’abord modifier cet ordre de choses. 
Les Cananéens et les Israélites qui avaient pris leur place furent 
refoulés. Justin affirme même que les Ascalonites prirent Sidon, 
l’année qui précéda la guerre de Troie, et que ce fut l’occasion de la 
fondation de Tyr (XVIII 3 5). Mais les nouveaux envahisseurs ne tar- 
dèrent pas à se fondre avec la population du pays. La Bible les consi- 
dère comme les incirconcis par excellence, mais seulement dans les 
livres des Juges et de Samuel. Hérodote semble dire qu’ils étaient 
circoncis 1 . Peut-être aussi le titre de leurs princes rappelle-t-il leur 
organisation nationale. La Bible ne donne qu’à eux le nom de seren , 
pl. serartim (Grec <jaTpdbtat), nom qui s’applique aux petits rois des 
cinq villes, Gaza, Eqron, Ascalon, Azot et Gath. KIostermann (sur 
I Sam. 5 8) a pensé que c’était un mot analogue au grec répawoç. On 
a cru qu’ils avaient une langue gréco-latine et qu’ils avaient enrichi le 
vocabulaire des Cananéens. Renan leur attribue l’introduction de cer- 
tains mots existant en hébreu depuis une époque très ancienne : 
parbar = peribolos , mekéra = ux^aipa, mekoné = machina, pilegs 
= pellex, liska = Mais le mélange du grec et du latin rend 

déjà ces rapprochements suspects. Mekoné (HJJIDD) s'explique bien 
par le sémitique. Mekéra et parbar ont pu être rapportés par les Phé- 
niciens. Il est aussi très prématuré d’attribuer aux Philistins l’impor- 
tation de l’alphabet crétois, qui serait devenu l’alphabet cananéen et 
araméen. Les Philistins se montrent à nous trop complètement sémi- 
tisés pour qu’il y ait lieu de leur attribuer, sans de fortes preuves, une 
action sur la civilisation asiatique. 

Le fait de la fusion a été surtout mis en relief par le papyrus Golé- 
nischeff ( Recueil de travaux } XXI, p. 74 ss. et Muller loc. cil.). Un 
Egyptien se rend en Phénicie pour s’y procurer du bois de construc- 
tion. A Dor il trouve installé le peuple des Zakkara ou Zakkala, un de 
ceux que Ramsès III avait combattus avec les Poulasati *. A défaut de 

1. «frotvixe; 81 xal Eupoi ot èv ttJ naXat'jTÎvTj.... 

2. Clermont-Ganneau ( Recueil ... IV, p. 250) a rapproché les Zakkara des 



268 


JUGES, 13-16. — CRITIQUE 

ce renseignement formel, on se croirait à la cour d’un petit roitelet de 
Canaan. Or les faits doivent dater de l’an 1050 environ, et sont par 
conséquent postérieurs d’à peine deux siècles à l’invasion philistine. 
D’ailleurs le culte des Philistins, d’après la Bible, ne se distingue en 
rien de celui des Cananéens. 

Les noms des rois de Philistie, sauf celui d’Akich 1 sont aussi d’ori- 
gine sémitique. Les noms propres sont cependant la plus sûre marque 
d’origine. Les Nabatéens ont conservé des noms arabes dans leurs 
inscriptions araméennes. Peut-être, lorsqu’une langue est complète- 
ment différente d’une autre, est-il plus difficile de maintenir les noms 
nationaux qui répugnent trop aux indigènes. 

11 semble résulter de tous ces faits que les Philistins étaient moins 
une nation, émigrant en masse, qu’un ramassis d’aventuriers, traînant 
il est vrai avec eux des femmes et des enfants, mais trop peu nombreux 
pour imposer leur civilisation au pays conquis. Ils n’en avaient pas 
moins donné aux riverains de la Méditerranée une impulsion éner- 
gique. Au temps de Samson ils étaient évidemment les maîtres absolus 
de la plaine et les suzerains de la Judée. Les hauts faits du héros ne 
pouvaient changer cet état de choses. Si même on leur a donné tant 
d’importance, c’est que les mécomptes des Philistins étaient toute la 
vengeance que les Hébreux pouvaient tirer d'un asservissement trop 
réel. Samson est comme un des héros grecs qui ont préludé parleurs 
exploits à la guerre de l’indépendance. Et de même que les Grecs 
modernes n’ont été affranchis que par le secours des grandes puis- 
sances, il se pourrait bien que David lui-même n’ait triomphé des 
Philistins que grâce à un retour offensif de l’Égypte qui aurait brisé 
leur force de résistance pendant que les Phéniciens regagnaient du 
terrain du côté du nord. 

Aouyap7jvoi d’Étienne de Byzance et tendrait à les rattacher à la famille araméo- 
arabc. La duplication du K est contraire à cette hypothèse, et surtout le type 
représenté par les Égyptiens. 

i. Et peut-être aussi celui de Bidir, dans le papyrus GolénischelT. 



Chapitre 47 - 18 . — Le sanctuaire de Mira 

ET LE SANCTUAIRE DE Dan. 


1 II y avait dans la montagne (TEphraïm un homme nommé 
Mikayahou. 2 Et il dit à sa mère : Les onze cents pièces 

1- 6. Fondation du sanctuaire de Mika. — 1) Le début comme 13 2 ; 

I Sam. 1 s. La moutagne d’Ephraïm s’étendait bien jusqu’à Béthel 4 5 ; 
Halévy (Rev. ét. juives, 1890, octobre 207-217) a pensé à Béthel qu’on vou- 
lait condamner sans le dire en même temps que Dan. Budde objecte avec 
raison qu’il s’agit d’un sanctuaire temporaire que l’auteur considère comme 
détruit au profit de celui de Dan (18 17). Le nom complet VPD'O, ne se 
trouve qu’ici et v. 4 : qui est comme Iahvé ? Partout ailleurs l’abrégé 

2- 4. Il y a évidemment de la confusion dans l’ordre actuel : le fils rap- 
porte que sa mère a dit... et ce qu’elle a dit n’est pas exprimé. Il rend l’ar- 
gent deux fois v. 3 et v. 4, et à la fin du v. 4, il semble bien que c’est lui 
qui annonce qu’il va le rendre, quoique les mots précédents soient dans la 

bouche de la mère. Budde restitue : 2 a je l’ai pris 3 b p 4* et je vais te le 

rendre. Et il rendit l’argent à sa mère, 2 b et sa mère dit : Mon fils soit béni 
•de Iahvé ! 3 b * Maintenant je consacre l’argent à Iahvé de ma main en faveur 
de mon fils pour en fabriquer une idole. 4 b Et sa mère prit, etc. Dans cet 
ordre, la consécration est comme une récompense pour la bonne action du 
fils et une confirmation de la bénédiction. Mais Moore a proposé un autre 
ordre beaucoup plus satisfaisant. Les paroles dites par la mère, c’est la 
consécration elle-même. Elle avait pour but d’augmenter la malédiction. 
L’argent consacré à Iahvé devenait tabou , le coupable ne pouvait en faire 
aucun usage sans encourir sa malédiction. Et tandis que dans l’hypothèse 
de Budde, le désordre actuel devrait avoir une cause purement accidentelle, 
assez étrange, puisque l’ordre primitif ne faisait pas de difficulté, on com- 
prend très bien qu’un scribe ne comprenant plus le sens de cette consécra- 
tion anticipée, sans avoir l’argent en mains, l’ait rapproché de la fabrica. 
tion. Il est d’ailleurs remarquable que la Vg . comprend ainsi les choses 
sans risquer le changement de texte, en traduisant par l’impf. dixerat v. 3. 
« Le traducteur suppose — que cet argent était voué et consacré au 
Seigneur dès auparavant » ( Calm .). 

2 s.) Les onze cents, sous-entendus sicles, comme 16 5, ce qui a fait 



270 


JUGES, 17 3 

d’argent qu’on t’a prises, et [à propos desquelles] tu as fait une 
malédiction et tu as dit à mes oreilles : 3b Je consacre absolu- 
ment l’argent à Iahvé, de ma main ' propre ’ pour faire une 
idole [ ]... 2û ? voici, j’ai l’argent, c’est moi qui l’ai pris, 3b ? et 

maintenant je te le rends. 2b Et sa mère dit : Que mon fils soit 
béni de Iahvé ! 3a Et il rendit les onze cents pièces d’argent à sa 

3. rmS ; TM 'OlS pour mon fils. Omettre H3DQ1 et un objet fondu. 


penser à quelques juifs que la mère de Mika était Dalila elle-même ( ap . 
Moore). npS n’est pas le dativ. commodi , G(B) Vg. quos separaveras tibi , 
d’après Sym. mais plutôt le dativ. incommodi , G(A, Lag. etc.), Targ. Syr. 
toj; Xr)<pOévtaç aot. Le verbe prendre est un euphémisme pour voler, employé 
d’avance par le voleur auquel il pourra être appliqué. — 'iriN est la 
forme ancienne du fém. ; elle se retrouve encore dans le verbe >rpbît, 
d’après d’autres rpSx. G(B) a lu xad p.e 7)pâao>, — « tu avais dit... » 
suppose quelque chose. La Vg. évite la difficulté en supprimant DJfi 
mON. D’après Budde les paroles de la mère ont été effacées comme cho- 
quantes. Nous les retrouvons avec Moore dans la consécration commina- 
toire. Cette consécration étant avancée, ’JJlS n’a plus de sens ; elle ne 
consacre pas en faveur de son fils dont elle ignore qu’il est le voleur ou le 
restituant, mais elle se réserve à elle seule le droit de consacrer l’argent, 
de sorte que le voleur ne pourra échapper à cette déclaration de tabou en 
consacrant lui-même. Or cette leçon est précisément fournie par les LXX. 
xarà aovaç G(A, Lag., etc. Syr. -hcx., Éth.) 9 pour moi seule, HüS, confirmation 
d’autant plus remarquable qu’elle n’est pas cherchée. G(B), Vg. Syr. Targ. 
se joignent ici comme de coutume h TM. Si on préférait lire «TTlS, que 
Budde déclare peu probable après le même sens demeure. La 

correction était comme imposée par la transposition, la consécration 
devenant une annexe de la bénédiction donnée au fils. L’objet de la consé- 
cration est un Sd 2 seulement dans G(A) mais dans TM et G(B, Lag.) aussi 
un nsDO. La distinction étym. entre les deux objets, c’est que le pesel est 
un objet de bois ou de pierre sculpté, le masékka un objet de métal fondu. 
Mais pesel signifie dans l’usage une idole, de bois, de pierre ou de métal 
(textes dans les dictionnaires ou Moore). Ce qui parait évident, c’est que 
notre récit ne comporte pas deux objets, mais une seule quifîgure dès le v. 4 
( Calm . Ilum. et les critiques). Comment expliquer H3DQ1 ? D’après Moore 
et Budde, c’est une glose. L’objet étant fondu, on a voulu ajouter le terme 
propre de l’objet en fonte. Mais le terme ne se trouve pas 18 30.31, ni 18 



271 


juges, 17 4-5 

mère, 4 [ ] et sa mère prit deux cents pièces d’argent et les 
donna au fondeur et il en fit une idole * et la maison de Mikaya- 
hou 5 lui servit de sanctuaire et il fit un éphod et des 

4. Omettre ICnS J"IN 212P1 î et il rendit V argent de sa mère . — 

Omettre nSDEI. 

Entre 4 et 5 : DinStt ma iS XV2 Wl; TM : et elle fut dans la mai- 

son de Mikayahou , et V homme Mika avait un sanctuaire. 


20 et il est déplacé de son endroit ordinaire dans 18 17.18. Hum. aime 
mieux supposer que les deux mots forment une seule idée, une idole en 
bois sculplé revêtu de fonte, mais cela n’explique ni la présence du 1 ni la 
disjonction de H2Dn loin de SdS 18 17.18. On pourrait donc supposer que 
la promesse ne comportait que Sd2 v. 3 avec G(A) ; que dans l’exécution ce 
SdS a été qualifié de HDDQ sans 1 comme le veau fondu (Ex. 32 4.8 etc.), 
H3DT2 Sx?, et qu’ensuite la copule a été introduite à cause de la locution 
connue qui joint les deux mots (Dt. 27 15 ; et ch. 1 14). Le mot HDDQ a 
ensuite été inséré dans les autres endroits sans beaucoup de consistance. A 
la fin de v. 4 : « et maintenant je te le rendrai », ^S peut être au masc. 
à la pause, mais aussi au fém. Il est impossible que le fils rende, la mère 
lui rende, il rende à sa mère. Donc : « et maintenant je te le rendrai », est 
à placer dans la bouche de Mika après l’aveu de sa faute. La mère alors 
bénit son fils, pour effacer autant que possible l'effet de la malédiction 
prononcée contre le voleur : « elle lève en quelque sorte les imprécations 
qu’elle avait prononcées, par les bénédictions qu’elle lui donne. » (Calm.) 

4) Dans l’ordre actuel, il est impossible d'expliquer pourquoi Mika rend 
encore l’argent à sa mère. C’est d'après Hum. une répétition du v. 3 ; mieux 
vaut alors reconnaître que cette répétion sans raison n’est pas le fait de 
l’auteur, mais le résultat d’une confusion de copiste. — La mère donne au 
fondeur qui apparaît dans l’A. T. comme fabricant d’idoles (Is. 40 19 ; 41 s ; 
46 6 ; Jer. 10 9.14). Elle n’y consacre que deux cents sicles, parce que la 
somme est suffisante. Moore remarque très bien qu’elle n’a pas promis 
toute la somme, mais qu’elle l'a seulement consacrée à Iahvé. Si elle avait 
fait du reste un usage relatif au culte, l’auteur l’aurait dit. Il est probable 
que l’idole faite, elle a pu penser que le reste pouvait être employé comme 
une somme ordinaire aux besoins de famille. Le pesel devait être isolé dans 
le texte primitif, puisque est au sing. ; cf. surv. 2 s. 

5) Ce v. est attribué par Moore, Budde, etc., au même auteur que le 
v. 1, différent de l’auteur de 2-4. La principale raison de voir deux docu- 



272 jüges, 17 5 

téraphim et il consacra un de ses fils, et il devint son prêtre. 


ments dans notre histoire est même la distinction entre v. 4 et v. 5. D’un 
côté une idole ( pesel ) dans la maison de Mika, de l’autre un sanctuaire, une 
maison de Dieu avec une idole nommée éphod et des téraphim. Mais cette 
hypothèse ne s’appuie que sur le texte actuel qui est fort douteux. EPNH 
placé en tête de la phrase avant lb qui se rapporte à lui est une 
construction au moins bizarre, soit après v. 4, soit dans la rédaction, car 
un rédacteur (JE?) n’avait aucun motif de répéter ici Mika. De plus Budde 
a soulevé une difficulté très grave. Comment cet homme avait-il déjà un 
sanctuaire lorsqu’il se décide à faire éphod et téraphim? car marque 

la suite des faits, non le plus-que-parfait. Pour un autel, des achéras, des 
massebas, il n’avait pas besoin d’un petit temple couvert qui est indiqué 
par üiiSn ITa. On ne peut pas non plus dire qu’il commence par bâtir le 
temple et qu’il fait ensuite les objets, au moins dans la construction 
actuelle qui oppose ce qui préexistait et ce qui se fait ensuite. Budde a 
fourni la seule solution possible : il y avait probablement ici ,Tn au lieu 
de H 31 Q ; mais dès lors la distinction des sources tombe d’elle-même. Il y 
a un ordre très clair. Mika, en possession d’une idole, lui bâtit un temple, 
pour l’idole, iS, puis il complète la petite installation par un éphod et des 
téraphim. Un changement meilleur et plus léger d’ailleurs a son point 
d’appui dans le G(B) si fidèle au TM : xai ô oTxoç Mcr/aia auxtà olxoç Osou ; 
« Et la maison de Michée lui servit de maison de Dieu ; » Vg. qui aediculam 
quoque in ea Deo separavit. Il s’agit d’un sanctuaire domestique qui conser- 
vera ce caractère, même avec le lévite, 18 19. Le texte était donc rPH in il 
DinSî* rva ib H31Q ; il est probable que c’est par une répétition de copiste 
qu’on a eu : OinSi* n>2 lS ro’13 IV2 Mil nzCO nm vrn, ce qui a porté à 
dissimiler en introduisant HDiQ tlPNm, que tout le monde regarde comme 
troublant. Il résulte de "cette correction, qui ne retranche du texte primitif 
que les mots considérés comme rédactionnels, plus un 3 devant ni3, que 
le bDS et l’TlSN sont ici considérés comme deux choses différentes. Sur 
l’éphod ; cf. sur 8 27. Les téraphim ont été très diversement interprétés. 
Il est incontestable qu’ils servaient à la divination (Ez. 21 26 ; Zach. 10 2 ) ; 
il paraît également certain qu’ils représentaient des dieux qui n’étaient pas 
Iahvé, mais plutôt des dieux domestiques gardés dans la maison ou sous 
la tente, Gen. 31 19 ss. I Sam. 19 13.16 ; enfin qu’ils avaient la forme 
humaine (I Sam. 19 ). On en a conclu qu’ils représentaient les ancêtres, et 
l’on a rapproché le mot QiSiri des QiKSl ou ombres des morts (Schwally 
Leben nach dem Tode 35 ss). Mais cette conjecture se heurte au texte 
d’Ezéchiel (21 26) où le roi de Babylone ne doit pas consulter ses ancêtres 



juges, 17 6-7 273 

6 En ce temps-là, il n’y avait point de roi en Israël, chacun 
faisait ce qui lui plaisait. 

7 Or il y avait un jeune homme de Bethléem de Juda, du clan 

sur les chemins, et k celui d’Osée 3 \ où les téraphim font partie d’un culte 
public national avec l’éphod. Dans notre passage même, on voit que Mika 
n’avait pas de téraphim avant de construire un sanctuaire plus solennel 
que la niche que chaque famille eût pu consacrer à ses ancêtres. Dans cet 
embarras on peut donc se demander si D^Sin ne serait pas un terme de 
mépris qui envelopperait plusieurs formes de superstition. Moore et Budde 
comparent les termes 1TO2, yiptr,D^W ! U, et signalent le terme très voisin 
de l’hébreu michnique HSTW, pudendum ; cf. II Reg. 23 24. Le rap- 
port entre D^snn de HD! pendre, une chose pendante et Penates , est peut- 
être à noter. Le mot n’est jamais employé qu’au pluriel, même pour un seul 
objet (I Sam. 19). Quoi qu'il en soit, les téraphim sont plutôt des génies 
familiers que les images des ancêtres. — Mika charge un de ses fils du 
sacerdoce en lui remplissant la main, expression consacrée pour confier le 
sacerdoce; en assyrien, confier une personne à quelqu’un ; ce sens est pro- 
bablement plus rapproché du sens primitif, mettre dans la main, confier ; 
cf. I Sam. 7 1. 

6) Le v. paraît aux critiques l’œuvre d’un éditeur qui aurait voulu expli- 
quer à son public la possibilité de pareilles énormités. Rien n’empêche 
d’admettre que l’auteur lui-même ait éprouvé ce besoin. La réflexion est 
des plus naturelles. Gédéon n’avait organisé un sanctuaire qu’en prenant 
en fait les attitudes d’un roi ; ce qui était étrange ici, ce n’était pas seule- 
ment le fait de l’idolâtrie, mais le fait d’un particulier créant un sanctuaire 
avec éphod. Une pareille usurpation n’eut pu avoir lieu avec le .pouvoir 
royal. Dans les autres cas (18 1 ; 19 1 ; 21 25) la réflexion a pu être emprun- 
tée à notre endroit où elle est bien à sa place. Elle suppose le pouvoir royal 
établi, et considéré avec faveur. 

7-13. Installation du lévite. — 7) Il y a une difficulté célèbre. Comment 
le lévite pouvait-il être du clan, nnSlTO, de Juda? Van Hoonacker pense 
encore que le clan ou la famille est « l’expression figurée de rapports 
historiques d’un autre genre » [Le Sacerdoce lévilique , p. 68: ; Hum. lit : 
de Bethlehem Iuda , et nomen ejus ïonathan et ipse levites , parce que le Syr, 
a remplacé les mots difficiles par « et son nom était Lévi », et qu’on est 
étonné de voir le nom propre paraître d’une façon abrupte 18 30; — mais 
le Syr. a simplement éludé la difficulté et tout le récit affecte précisément 
de ne pas nommer le jeune homme. Moore après Wellh. tranche le nœud en 
disant que le jeune homme était judéen de naissance, et lévite de profes- 
P. Lagrange. — Le* Juge*. 18 



274 juges, 17 8 

de Juda ; étant d’ailleurs lévite, il était là en clientèle. 8 Or ce 
personnage partit [ ] de Bethléem de Juda, pour aller résider 

8. Omettre T5MQ ou lire de sa ville. 

sion ; que la tribu de Lévi s’est constituée artificiellement et que nous en 
avons ici la preuve. Budde ne peut admettre que l’A. T. ait conservé la 
trace d’un état de chose si contraire à la tradition qui a prévalu et se 
montre disposé à supprimer les mots fâcheux avec G(B), Syr.-hex. f car 
aucun scribe ne lesaurait introduits, et à les remplacer par : de la famille de 
Moïse. Il distingue deux sources : A Et il y avait un homme (tZPN pour ^yz) 
de Bethléem de Juda , qui était un lévite , v. 8, et cet homme etc. ; 
dans B : // y avait un jeune homme [ ? de Bethléem de Juda ?], de la famille 
de Moïse [ou : des Lévites], qui habitait là comme client ». Il est à noter en 
passant que Budde, qui fait de WZ la caractéristique d’un des documents, 
est obligé de changer ce terme dès le début ! Avec le système des deux 
documents, on entend pour l’un qu’il habitait là chez Michée, ce qui force 
à reconnaître deux documents puisqu’au v. 8, le lévite n’est pas installé. 
Une autre solution de la difficulté principale, comment un lévite pouvait 
être de la famille de Juda, est proposée par Halévy (/oc. ci/., 212 ss.) ; il 
s’agirait de la famille lévitique de ce nom Neh. 12 8 ; Esd. 3 9 ; mais Budde 
fait observer avec raison qu’il eût fallu construire »TTW nnEUDD tlS NIHI. 
Mais en définitive, il ne nous paraît nullement évident que le terme 
de famille ne puisse s’employer pour désigner l’adoption d’un lévite dans 
un clan de Juda par mode de clientèle; NWl marque ici comme toujours 
une circonstance spéciale, presque une opposition « quoiqu’il fût lévite », 
et nous pensons avec Budde que le mot de lévite doit être pris dans le sens 
ordinaire de membre de la tribu de Lévi dont la situation spéciale dans 
Israël pouvait fournir des cas particuliers. La phrase doit être maintenue 
telle quelle. Elle a quatre membres qui sont dans un certain parallélisme. 
Le jeune homme est de Bethléem et de la tribu de Juda : mais il n’est pas 
de la race de Juda puisqu’il est lévite, ni originaire de Bethléem puisqu’il 
y est en clientèle, en simple résidence. Le DU attribué à la maison de 
Mika ne peut venir que du parti pris de voir ici un double récit. Personne 
ne peut affirmer qu’un étranger admis dans une tribu comme gèr ne comp- 
tait pas à la tribu. Une autre solution très simple consisterait à lire : 
Bethléem, du clan de Juda, par opposition à l’autre Bethléem. Le mot 
îTTirP après Bethléem 1° loco a pu être emprunté à la formule plus courte. 
Bethléem de Juda 2° loco (v. 8). 

B) doit être lu TVVD avec Budde; on a dû mettre T3Tn parce que la 



275 


JUGES, 17 9-11 

comme client selon quil trouverait, et il vint à la montagne 
d’Ephraïm jusquà la maison de Mika, suivant son chemin. 9 Et 
Mika lui dit : D’où viens-tu? et il lui dit : Je suis lévite, de 
Bethléem de Juda, et je vais résider comme client selon que je 
trouverai. ,0 Et Mika lui dit : Demeure auprès de moi, et tu seras 
pour moi un père et un prêtre, et je te donnerai dix pièces d’ar- 
gent par an et un état de vêtements et la subsistance. Et le 
lévite * passa la nuit ’ et se décida [ ] à demeurer avec l’homme : 
et le jeune homme fut comme un de ses fils. 11 Et Mika consa- 
cra le lévite et le jeune homme devint son prêtre et il fut dans 

10. TM -jbvi et il alla. — Omettre V|bn. 


ville de Bethléem du v. précédent était déjà qualifiée comme la ville du 
lévite. D’ailleurs ce mot est diversement placé dans le G et manque à Syr.- 
hex. Le lévite va chercher une autre position de clientèle, dans la pensée 
sans doute d’utiliser ses connaissances du culte et de la liturgie; il n’y a pas 
lieu de tirer de ce simple fait de grandes conséquences générales. Le lévite 
errant est tout à fait dans la donnée traditionelle qui n’attribue pas à la 
tribu de Lévi de part spéciale. Il ne cherche pas comme les Danites à s’en 
procurer une, mais seulement à s’associer à des gens établis; TU dans le 
même sens que l’arabe, se mettre sous la protection de quelqu’un, ensuite 
simplement s’établir, séjourner. 

10) Le titre de père n’implique pas que le lévite soit plus âgé, c’est un 
simple titre d’honneur (18 19; Gen. 45 8; II Reg. 6 21) et ici une flatterie 
pour cajoler le lévite; si le même auteur ajoute qu’il fut traité comme un 
fils, cela répond mieux à sa situation de fait, avant son installation dans le 
sacerdoce. D^D^S indique ici une année parce que l’idée de périodicité est 
naturellement inclue dans celle de traitement et qu’il ne peut être question 
d’un mois, V|bn "jb^l a été supprimé par Vg. et ne peut vraiment pas s’ex- 
pliquer. La conjecture « et il passa la nuit » ^b*H de Oettli, rejetée par Budde, 
donne un bon sens, car c’est peu à peu que le lévite devient prêtre. 11 passe 
la nuit, se décide à rester, est bien traité, enfin on le charge du sacerdoce. 
Il faut seulement supprimer ilbfl dans v. 11 avec LXX. Les critiques n’es- 
saient pas de tirer parti de cette incise pour dédoubler le récit, ils pré- 
fèrent corriger le texte ; c’est une méthode qu’ils pourraient étendre utile- 
ment à d’autres cas où le heurt n’est même pas si considérable. 

11 s.). C’est l’endroit où il semble le plus qu’il y ait double rédaction, car 



276 


juges, 17 13, 18 1 

la maison de Mika. 13 Et Mika dit : Maintenant je sais que Iahvé 
me fera du bien, car j’ai un lévite pour prêtre. 1 En ce temps-là* 
il n’y avait pas de roi dans Israël. 

chaque verset parait double et les deux premières moitiés pourraient se 
souder comme aussi les deux secondes; d'un côté le lévite, de l'autre le 
jeune homme. Mais ce n’est là qu'une apparence, car il est impossible de 
couper en deux 12 a , fait tout entier sur le modèle de v. 5, et ce demi-verset 
contient à la fois le lévite et le jeune homme. Le même cas peut donc se 
trouver v. il. Que si on ne réserve que 12 b pour faire suite à v. il, on ne 
voit pas que le lévite soit devenu prêtre. Budde pour tenir compte de tout 
cela est obligé de supposer le texte complètement bouleversé et enchevêtré* 
alors qu'il s’explique très naturellement dans le système de l'unité. A qui 
pourrait-il venir en pensée de fondre les deux textes suivants pour aboutir 
au texte actuel : A : v. il a . « Alors le lévite consentit à rester auprès de 
l’homme, v. i2 et Mika le mit en charge de sorte qu'il fut son prêtre et resta 
dans la maison de Mika »; B : v. 12 H P « et le jeune homme fut son prêtre et 
demeura dans la maison de Mika v. 11b e t fut traité comme son propre fils ». 
Quant à attribuer v. il à un document et v. 12 à un autre c’est encore une 
solution impossible puisque dans v. 11 le lévite ne devient pas prêtre (contre 
Kautzsch). Tout cet embarras montre bien que la distinction est impossible. 
Le texte actuel ne manque pas d’unité, il insiste seulement sur les bienfait» 
de Mika envers le lévite; c’est comme jeune homme qu’il pouvait être con- 
sidéré comme un de ses fils. 

13) « Mika s’applaudit d’avoir chez lui un prêtre de sa façon, qui était 
de la race de Lévi; il se persuade que Dieu aura sa dévotion pour beaucoup 
plus agréable, et que le peuple voyant sa chapelle domestique desservie 
par un homme de la race de Lévi, y viendra avec plus de confiance, et que 
ce concours avec les offrandes qu’on y fera lui procureront un gain consi- 
dérable » ( Calrnet ) ; surtout il doit être satisfait d’avoir un homme exercé 
aux cérémonies et en particulier à l’art délicat de consulter l’oracle. 

1-10. Les explorateurs danites. — 1) l b est la conclusion de l’histoire* 
précédente, suivant comme la première formule plus complète ( 17 *) ai» 
même mot de prêtre. C’est l’installation du sanctuaire qui la motive. Le 
nouvel épisode commence à lb; le T qui précède alors parait être 

une liaison factice pour relier ce début à la clause v. l a répétée par ui* 
rédacteur d’après 17 6 (Moore). C’est la Vg. qui a amené la séparation 
actuelle des chapitres. In diebus illis non erat rex in Israël , et tribus Z)a/i... 
Le mot de marque le rang officiel de Dan parmi les tribus; *cf. 13 2 
où il y a nnSUJO qui revient ici v. 2 et il et uni à v. 19. On comprend 



277 


JUGES, 18 1-2 

^Or en ce temps-là, la tribu de Dan cherchait un territoire 
pour y habiter [ ]. 2 Et les Danites envoyèrent de leur clan cinq 
bommes [ ] déterminés, de [Sor'a et d’Echtaol, pour explorer le 
pays et l’examiner, et ils leur dirent : Allez examiner le pays ! et 
ils vinrent au mont Ephraïm jusqu’à la maison de Mika et ils 

1. Omettre : car [un pays] ne leur était pas tombé en partage jusqu'à ce 
jour parmi les tribus d'Israël. 

2. Omettre DJY13fpT3 de leurs extrémités, des hommes. 


très bien que la tribu de Dan cherchât un territoire puisqu’elle avait été 
refoulée vers la montagne par les Amorrliéens (1 34), mais on ne comprend 
pas le motif donné ici, « parce qu’elle n’avait pas encore de territoire », 
puisque sa part lui avait été faite comme aux autres (Jos. 19 41 ss.). D’ail- 
leurs cette phrase lbp sent son style récent; cf. Ez. 47 14; Num. 34 2 (P), 
«t il manque le sujet de nSsa, qui serait yiNH d’après les textes cités, ou 
4ci yw puisqu’il ne peut être question d’un territoire déterminé; enfin elle 
n’est pas seulement en contradiction avec le texte de Josué, mais avec notre 
morceau lui-même qui représente les Danites comme étant dans un pays 
•que l’histoire de Samson prouve être vraiment leur territoire. L’incise est 
donc une pure glose qui a probablement voulu placer cet épisode avant 
l’installation des Danites. Le G ne paraît pas avoir lu 1 devant nblT3, 
2° loco. 

2) Voici encore pour Budde et Moore une des plus graves raisons de sup- 
poser deux sources ! La présence de deux mots qui paraissent faire double 
emploi, deux fois O HMK et DnnSttraa à côté de DmïpD. Mais il semble 
bien que DJV!3?pQ et l’un des deux ne figure pas dans le grec primi- 

tif, il manque à G(B) et est signalé comme hexaplaire par Syr.-hcx. Le 
pluriel Dmypft est plutôt d’une langue récente I Reg. 12 31 ; 13 33; II Reg. 
47 32 et non sans une nuance de mépris ; on trouve le singulier dans J 
Oen. 47 2, mais ce n’est pas le même mot, dans Gen. de Hÿp ici de nÿp. Il 
«st donc très vraisemblable que c’est ici une glose ajoutée même après la 
traduction grecque soit pour marquer que ces cinq n’étaient pas la fleur des 
pois, soit pour grossir Dan, comme le pluriel qui se trouve dans le grec 
DntrSttjQO pour onnSUDa; cf. 13 2, et pour harmoniser avec le nombre de 
450.000 combattants assigné à la tribu de Dan, Num. 1 39 ; 26 43. G (Lag.) a 
tout le TM, il manque encore un des deux à G(A) (cf. Field). SiH au 

pïel dans le sens d’explorer est un terme de E. — On est étonné de voir 
Jes critiques Budde, Moore, Kautzsch considérer comme une preuve cer- 



278 


juges, 18 3-4 

passèrent la nuit là. 3 Eux étant donc près de la maison de Mika, 
ils reconnurent la voix du jeune lévite, et ils s'approchèrent de 
là et lui dirent : Qui t’a amené ici? et que fais-tu là? et qu'as-tu 
à toi en ce lieu? 4 Et il leur dit : Mika m’a traité de telle et telle 

taine de doublet les mots après *H 12 NV|, comme s’il n’était pas très naturel 
d’exprimer la mission par le discours direct, même après que les messa- 
gers sont envoyés ; qu’il suffise de citer Gen. 32 3. Sor'ah et Echtaol sont 
considérés comme le centre du clan de Dan, comme dans l’histoire de 
Samson. Ils arrivent chez Mika et y passent la nuit, comme nous l’avons 
admis pour le lévite 17 10. 

3) Comment ont-ils reconnu le lévite ? d’après les uns, par le dialecte, 
l’accent, Caj ., Calrn. etc. et en dernier lieu Budde. Cependant le seul autre 
passage où on reconnaît la voix I Sam. 26 17 parie d’une connaissance per- 
sonnelle; ce qui est aussi le plus simple ici (Moore). Ils l’interpellent fami- 
lièrement comme une personne de connaissance, et le lévite ne s’en étonne 
nullement; il n’est pas invraisemblable que ce lévite ait commencé ses 
pérégrinations en passant chez les Danites. Hum. prend à son compte l’ima- 
gination vieillie de Cassel : le lévite aurait imité l’habit sacerdotal avec ses 
clochettes (Ex. 28 33), et c’est ce bruit qui aurait éveillé l’attention des 
gens de Dan. Passait-il donc la nuit en habit pontifical de grande céré- 
monie? — Le jeune lévite , ce qui réunit bien en une seule personne le jeune 
homme et le lévite; c’est partout le même auteur. Budde, Moore détachent 
la troisième question pour trouver deux auteurs. Il y avait vraiment dans 
ces deux documents une harmonie préétablie ! car elle complète bien les 
deux autres : quel intérêt as-tu à rester ici? Sa réponse aura trois membres 
qui répondent à chaque question quoique dans un ordre différent, parce que 
le salaire devait précéder le sacerdoce comme motif déterminant. 

4) nî31 nfà étonne à cause de l’union de la forme féminime nV pour nNÏ, 
avec la forme masculine. D’où Budde lit les deux fois ÎYD, et Moore consi- 
dère HT comme une simple dissimilation du masculin ordinaire. Mais comme 
la locution est attestée encore II Sam. 11 25; I Reg. 14 5, il n’y a pas lieu 
de la changer, ni de s’étonner que le féminin soit uni au masculin et passe 
avant lui; puisque les deux formes sont en somme des neutres ou des 
adverbes; cela était moins choquant avec la forme rfi qu’avec riRf lequel est 
suivi d’un autre nNÎ II Sam. 17 15 etc. — Le lévite marque ici les bons 
traitements de Mika qui l’ont décidé à s’arrêter, puis le salaire qu’on lui 
donne et les fonctions qu’il remplit. Réponse très simple qu’il faut encore 
partager pour avoir deux documents ! 



279 


juges, 18 5-7 

façon, et il me donne un salaire et je lui sers de prêtre. 5 Et ils 
lui dirent : Consulte donc Dieu afin que nous sachions * s’il fera 
réussir ’ le voyage que nous avons entrepris. 6 Et le prêtre leur 
dit : Allez en paix ! le voyage que vous avez entrepris est sous 
le regard de Iahvé. 7 Et les cinq hommes allèrent et vinrent à 

5. mSann. 


5) Les Danites profitent de l’occasion pour avoir un oracle; peut-être en 
avaient-ils déjà demandé au lévite. Consulter Dieu est une locution qui n’in- 
dique rien quant à l’auteur du récit; Iahvé vient dans la réponse du lévite. 
Le même changement en ordre inverse, I Sam. 22 13 et 10. Budde renonce 
donc ici à trouver deux auteifrs. — II faut choisir entre nbxnn ou rpS^Pn, 
car le fém. ne peut s’appliquer qu’à la route ce qui exige la forme qal , « si 
notre route sera heureuse »; (Jer. 12 1), tandis que la forme hiph ., « s’il 
rendra notre route heureuse » ne peut avoir que Dieu pour sujet (masc.) 
(Gen. 34 42). La forme massor. qui unit le féminin et l 'hiph., impossible 
en elle-même, semble laisser le choix et les Grecs ont également suivi 
les deux voies (cf. Field). La réponse du lévite fait pencher la balance pour 
rpbxvi, G(B, A, Lag.). 

6) Le lévite ne doute nullement qu’ils n’aient l’intention de consulter 
Iahvé, il répond en son nom d’une façon qui peut être prise comme très 
rassurante. nDZ litt. « en face de, sous les yeux de », et par conséquent sous 
sa direction et son bon vouloir; il- la rendra donc heureuse. Calm. et Ilum. 
pensent que cet oracle est dû au démon ou à la fraude du lévite. 11 n’est pas 
nécessaire de supposer l’un de ces deux termes ; le lévite emploie le rite 
alors en vigueur, rite qui nous est inconnu, et répond soit d’après le résul- 
tat, soit à sa fantaisie. Les Danites ont dû être encouragés à poursuivre 
leur chemin avec de bonnes espérances, mais le mot « allez-en paix » peut 
être pris pour une réponse rassurante sans trancher au fond (cf. II Reg. 5 
19) et encore plus nDJ, car, des deux textes cités par Moore et Budde comme 
fixant le sens du mot pour certainement favorable, Prov. 5 21 est juste- 
ment contraire et Ez. 14 7 ne prouve que par le contexte. La réponse est 
donc en somme ambiguë, et l’auteur a évité de dire que le lévite avait en 
réalité consulté Iahvé. 

7) nommé dans Jos. 19 47 uxoh (mais G(B) Aayeî;), que Well. pro- 
nonce Dttb d’après l’analogie de de [de gentibus et fam.jud. p. 37 
ap. Moore). Ici encore Budde voit évidemment deux documents, uniquement 
en somme à cause de rOTZTP fém. qui ne peut se rapporter au peuple et 



280 


JUGES, 18 7 

Laïch ; et ils virent le peuple qui l'habitait * demeurant ’ en 
sécurité, selon la coutume des Sidoniens, tranquilles et confiants, 
et on ne manquait de rien ’ dans le pays, riche en ressources, 
et ils étaient éloignés des Sidoniens et n'avaient pas de relations 

7. ntzrp masc. ; TM fém. — T2T Sd TIDITD JW ; TM HT D'SdO ]Wet per- 
sonne n'insultait en rien. — DTK ; TM DTK personne. 


serait une preuve qu’un récit parlait ici de la ville, l’autre du peuple. 
Kœn. 412 9 essaie de maintenir le TM : a au milieu d’elle qui habitait »... et 
cite Gen*. 3 8; I Reg. 14 6 pour des constructions analogues, mais en réalité 
rien n’est aussi dur que notre tournure : le peuple est au milieu de la ville 
et c’est la ville qui demeure... Subsidiairement Kœn. propose de lire 
raurpn, mais la difficulté est presque la même. Il faut simplement lire 
3ETP avec le Grec, et ne pas supposer un document pour une étourderie de 
copiste qui a suivi la formule connue, Is. 47 8; Soph. 2 15. — « Ces gens 
vivaient à la manière des Sidoniens >> (ou Phéniciens), est attribué à un 
autre document que celui qui marque leur éloignement des Sidoniens, et 
cependant les deux idées se concilient facilement. Ce qui suit depuis 
jusqu’à TW paraît signifier dans le TM : « et il n’y avait personne pour les 
couvrir d’opprobre en quelque chose dans le pays, étant possesseur de 
richesse? ou d’empire? «; sens absurde que la Vg. a su esquiver. D^SdQ 
est donc à remplacer par TJDnQ comme v. 10 avec HT Sd, c’est un pays qui 
ne manquait de rien. Dès lors, EJTP se rapporte naturellement au pays, 
possesseur de cette chose (Is. 65 9). TW d’après G(B) et Vg. signifierait 
richesses, ce qui va très bien au contexte, le mot est d’ailleurs un hapax. 
On peut songer à une confusion de scribes pour T3T1N trésor ou pour TwW 
richesse, ou supposer que le mot a ce sens d’après l’analogie de l’arabe 
ghadir « abondant », ( yoL). Il faut d’ailleurs reconnaître que ces détails sur 

la richesse du sol complètent bien l’aspect d’assurance du pays, vivant sans 
défiance et ne pouvant être secouru de personne. Le (G A) s’en tient à cette 
seule idée :... rûv EdHovuov, fjsu/aÇovtaç èv eXrîSt xai {irj Suvajiivov; XaXffc ai p^pa 
ev t?J YfJ, ou paxpav et’atv irco Siooîvo;, xai X'/fo; o jx rjv aùtoîç petà Supta;... leçon 
qui se recommande peu parce qu’elle semble avoir voulu éviter la difficulté 
et que « parler » pour nouer des négociations ne s’explique qu’après coup 
par la fin du verset. Cependant DTK pour DTK, est une leçon qu’il faut du 
moins accepter avec Calm. Hum. Budde. Ils n’avaient de relations avec 
aucuns de leurs voisins. Le fait est exprimé d’une manière très significative 
et en unité parfaite avec ces mœurs de Sidoniens qui viennent de leur être 



281 


JUGES, 18 8 

avec * la Syrie \ 8 Ils vinrent donc vers leurs frères, à Sore'a et à 
Echtaol, et leurs frères leur dirent : Qu’est-ce que vous * avez k 

8. Ajouter 


attiibuées. Leurs relations avec Sidon sont supposées, mais ils sont éloignés 
et ne peuvent être secourus facilement : avec Aram ou la Syrie ils n’ont pas 
de relations. On voit combien il est arbitraire de détacher pour un autre 
auteur : ils vivaient à la manière des Sidoniens (contre Moore et Budde ). — 
Pour la situation géographique de Laïs-Dan, elle est fixée à Tell el-Qadi, 
près Banias. Les Sidoniens pour les Phéniciens en général, cf. 3 3 (E) 

10 12 (R°). Banias est une sorte de bout du monde; il est séparé de Sidon 
par la profonde coupure du Nahr el-Litany , de Damas par l’Hermon, de la 
Syrie par le passage étroit qui conduit à la Cœlésyrie. 

8-10. Il y a certainement du trouble dans le TM, mais on ne saurait en 
conclure à deux documents. 

8) La question des Danites DDN HD est évidemment incomplète : il est 
très facile de supposer avec Budde DnN[ïQ] HD « qu’avez-vous trouvé » ou 
DnN["ï]îT2 « qu’avez-vous vu »?Mais lesLXX présentent une autre solution. 
Tt x<x07)<j0e; « pourquoi demeurez-vous assis? » si on suppose un hébreu 
identique, il faut mettre la question dans la bouche des espions, ce qu’a 
faitG(B)et encore Kittel (dans Kautzsch ), « et ils dirent à leurs frères » 
□♦"PFInS Dans cette recension on suppose que le rapport des explo- 

rateurs est passé sous silence et que l'auteur n’a rapporté que la péroraison 
destinée à enflammer les courages. Mais cette omission serait très étrange. 
Moore a pensé (d’après Baschi ) que le texte hébreu portait DTIN HO 

« que rapportez-vous, quels renseignements donnez-vous » (cf. II Sam. 24 13 ; 
Num. 13 26), un des Q étant tombés, on a corrigé DUü en Dès 

lors une réponse mentionnant le nom de la ville est nécessaire avant 
l’exhortation. Elle se trouve dans G(A, Lag.) représentant la recension 
primitive du grec qui n’avait aucune raison de l’insérer, ayant déjà : <» pour- 
quoi demeurez-vous assis? >• Que s’ils ont deux fois, « levez-vous et montons 
contre eux », c’est par une réaction du TM et de la recension de G(B); àXX« 
devant àvaTC7)T€ (2° loco) n’est pas une preuve que l’insertion est artificielle 
(contre Budde); ce mot se trouve assez souvent dans G sans représenter 
dans l’original rien de bien précis, par ex. Gen. 34 31 ; 38 23; 40 23; 45 1, et 
quelquefois seulement dans certains mss. par ex. Ex. 3 22 dans F(Siee/e); 

11 est d’ailleurs difficile de supposer qu’un glossateur grec ait imaginé 
lv6Jt*pu7:aTï('ja i uêv, si naturel sous la forme "jbnnn. Le texte grec nous parait 



282 juges, 18 9-10 

nous dire *? 9 Et ils dirent : 1 Nous sommes allés et nous avons 
parcouru le pays, jusqu’à Laïch, et nous avons vu le peuple qui 
l'habite demeurant en sécurité, selon la coutume des Sidoniens, 
et ils sont éloignés des Sidoniens et n’ont point de relations avec 
la Syrie. ’ * Debout ’ et nous marcherons contre eux, car nous 
avons vu le pays, et il est excellent. Et vous demeurez inertes? 
N’hésitez pas à partir pour venir occuper le pays. 10 Lorsque vous 
viendrez, vous viendrez vers un peuple qui se croit en sûreté, 
et le pays est étendu ; oui ' Dieu a mis ’ dans vos mains un pays 

9. maiS wp nxipa wx nyn nx nrrrn roznb vj yixi “jbnru*i tjxi 
mx m onb ^x w üwto non cppipn dot» üsutqd ; tm om. — 
lOIp ; TM TOTp. 

10. □ Mbxn ]ra >3 ; TM n mSk runa ^ car Z>iea /’a donnée. 


donc aussi légitime et presque aussi nécessaire que 1614. Voici ce texte 
d’après Lag... eiaTjXOajjiEv xat ijxTCEpi£^arr[aa[XEv ttj’v yrjv eo>; eiç Aàiaa (A itoç 
aiyf)aai!), xai EtÔopiEV tov Xaôv tov xaTotxouvTa ev auTfl xaxà to auyxptpa 

tûv Srôomcov xai jxaxpàv àzéyovrxç sx SiBwvo; xai Xovo; oux ^v au zoîç 4 uet<x 
Supiaç. 

9) HGIp au sing. comme une interjection est soutenu par Budde d’après 
l’analogie de HD S (Gen. 19 32; 31 44 etc.) avant un pluriel, mais du moins 
dans les deux cas cités HdS ne s’adresse qu’à une personne. Il est donc 
plus sûr de lire IQIp avec quelques mss. Après avoir parlé du peuple, qui ne 
sera pas un obstacle, les explorateurs font l’éloge du pays. Le v. 9 b est une 
reprise d’exhortation qui parait assez étonnante et mal liée. Mais il faut 
avouer que nous n’avons guère d’autres renseignements sur le style de 
l’éloquence entraînante chez les Hébreux. Les espions voyant qu’on ne 
bouge pas secouent vivement l’inertie de leurs camarades et reprennent 
(v. 10) leurs deux arguments, peuple tranquille, bon pays, en mentionnant 
le secours de Dieu. On peut concéder à Budde que DdSS et xib sont sur- 
chargés sans qu’il soit certain que l’auteur lui-même n’ait pu se rendre 
coupable de ce méfait. 

10) Budde remarque avec raison une anomalie du texte actuel : yj etc. 
s’expliquerait après une exhortation à prendre le pays, « car Dieu vous l'a 
donné », mais on ne comprend pas : « ce pays est vaste, car Dieu vous l’a 
donné ». Il opère donc toute une transposition. Mais si on lit : DMbxn 

en coupant autrement, ü^nbx qui étonnait devient naturel, surtout sous la 



283 


JUGES, 18 11-13 

où il ne manque rien de ce qu’on peut avoir sur la terre. 11 Ils 
partirent donc de là, du clan des Danites, de Sore’a et d’Echtaol 
six cents hommes armés en guerre. 12 Et ils montèrent et cam- 
pèrent à Qiryat-Ie'arim en Juda, c’est pourquoi on nomme cet 
endroit Makané-Dan, jusqu’aujourd’hui ; voici qu’il est à l’occi- 
dent de Qiryat-Ie'arim. 

13 Et ils passèrent de là à la montagne d’Ephraïm et ils 

plume de E, et la phrase est rationnelle : •< le pays est étendu , car Dieu 
vous donne un pays où rien ne manque », ou encore comme conclusion 
décisive de toute l'allocution : « oui Dieu vous donne etc. ». L'ensemble 
ainsi restitué d’après le grec et ainsi compris est beaucoup plus logique et 
naturel que les deux morceaux primitifs extraits par Budde : Par exemple 
dans son A : Et leurs frères leur demandèrent : Qu’avez-vous trouvé ? Ils 
répondirent : Pourquoi demeurez-vous inactifs*!... On voit que la réponse ne 
cadre guère. 

41-18. Marche des Danites. — 11) D12H3 est étonnant, le point de départ 
étant d’ailleurs bien marqué, mais ce n’est pas une raison pour faire un 
document de ce seul mot. Ce qui est plus remarquable, c’est que le clan de 
Dan est ici considéré comme un point de départ, car on ne dit pas six cents 
hommes du clan de Dan, mais ils partirent de là, du clan de Dan. ll est donc 
incontestable que dans notre histoire nnSEÏÏS ne s’entend pas de la famille 
au sens strict de la race, mais du clan campé sur un territoire. L'installation 
de Dan supposée ici, fût-elle imparfaite, est d’ailleurs contraire au passage 
du v. 1 que nous avons considéré comme une glose et où la tribu n'a même 
pas de territoire de droit. Le singulier est attesté par G (A ,Lag.)\ le pluriel 
vient sans doute dans G(B) de la précision qui a fait du nrtSEÏÏD la subdivi- 
sion d’une tribu. Les six cents guerriers sont accompagnés de femmes et 
d'enfants, même de troupeaux; cf. v. 21. — YUn part, passif suivi [d’un 
accus., au sing. comme v. 17, mais v. 16 le pluriel. 

12) Qiryat Ie'arim est assez justement identifié avec Qiryat el-'Enab ou 
Abou Goch , d'après Eusèbe qui la place au ‘9® ou au 10° mille sur la route 
de Diospolis (On. 109 27 271 40), aujourd’hui sur la route de Jaffa, mais en 
effet près du passage reconnu d’une voie romaine. Ce n’est guère qu’à 
deux heures d'Echou'a, mais toutefois dans la région de Juda et non loin de 
la montagne d’Éphraïm. Le v. 12 b se reprend pour indiquer que le lieu du 
campement est derrière Qiryat I’earim, c’est-à-dire à l’ouest, et que le 
nom de camp de Dan a demeuré ; cf. sur 13 25. Il est difficile de suspecter 
l’authenticité de l’explication. 



284 


juges, 18 14-16 

vinrent jusqu’à la maison de Mika. 14 Or les cinq hommes qui 
étaient allés pour explorer le pays [ ] prirent la parole et dirent 
à leurs frères : Savez-vous qu'il y a ici dans ces maisons un 
éphod et des téraphimet une idole [ ]? Et maintenant, voyez ce 
que vous avez à faire ! 15 Et ils s’approchèrent de là et vinrent vers 
le [ ] jeune lévite à la maison de Mika, et ils le saluèrent. 16 [ ]. 

14. Omettre Laïch. — Omettre : HDDOI et une idole fondue . 

15. Omettre JV2 la. maison de . 

16. Omettre v. 16 : et six cents hommes ceints de leurs armes de guerre se 
tenaient à Ventrée de la porte , lesquels étaient Danites . 


14-18. Vol de l'image, de l’éphod et des téraphim. — Il y a certainement 
dans le texte actuel un certain remplissage, mais rien n’autorise à y voir 
deux récits. Moore et Budde les reconstruisent d’ailleurs fort différemment. 
Ce qui est décisif contre l'hypothèse documentaire, c’est que les passages 
qui semblent s’exclure naturellement sont tellement semblables que l’idée 
ne pouvait venir à un rédacteur de les souder l’un à l’autre, étant donnée 
l'unité habituelle de la rédaction, tandis qu’ils s’expliquent soit par la redon- 
dance du style soit par l’addition de gloses. 

14) Budde distingue deux sources, l'une aurait dit Laïch , l'autre le pays ; 
il est évident en effet que yiNH avec l’art, ne peut être à l’état construit 
par rapport à Laîch y mais ce dernier mot est une simple glose marginale 
qui manque à de nombreux mss. grecs PVMO de Moore et que Syr.-hex . 
désigne comme hexaplaire. Laïch n’a rien à faire ici, il s’agit d’une accoin- 
tance avec le pays de Mika; cf. v. 17 . Les espions désignent l’établissement 
de Mika qui formait comme un petit village, « ces maisons »; ils disent à 
leurs frères « voyez ce que vous voulez faire » ce qui se comprend assez 
sans plus (cf. I Sam. 25 17). Budde met ici à l’impér. 17 ft P : allez là et prenez 
Véphod! C’est une pure conjecture sans fondement. 

15) Aussitôt dit, aussitôt fait. On se dirige tout droit vers le lévite. 
îl3*Q rP2 considéré pas Moore comme une glose, par Budde comme le 
reste d'un document distinct, s’explique très bien puisque le jeune lévite 
habitait chez Mika. Ce qui ne s’explique pas, c’est la maison particulière du 
lévite qui ne convient d’ailleurs à aucun document distinct. G (Lag,) omet 
la maison du jeune lévite. Telle qu’elle est la phrase est équivoque, on ne 
sait si on salue Mika (G Lag.) ou le lévite. Il convient donc de rayer JV2 
devant l^n. Les cinq vont au lévite pour le saluer. 

16-18) Ces versets sont évidemment surchargés car ils disent deux fois 



285 


juges, 18 17-18 

17 Et les cinq hommes qui étaient allés pour explorer le pays mon- 
tèrent [ ], pendant que le prêtre demeurait à l’entrée de la porte 
et les six cents hommes qui étaient armés en guerre. 18 Ceux-ci 

17. Omettre : ils vinrent là et prirent l'idole et Vèphod et les téraphim et 
Vidolc fondue. 


exactement la même chose, comment les six cents étant à la porte, les cinq 
sont entrés pour prendre les objets sacrés; une des deux fois on ajoute que 
le lévite était aussi à l'entrée de la porte. Le plus, le v. 17 est contraire 
aux règles de {a grammaire, la phrase commencée par ibîP’l ne peut se con- 
tinuer par INI et par mpb sans même de copule. On supprime donc celle 
des deux phrases racontant le vol qui n’est pas grammaticale. Il faut rai- 
sonner de même pour la station des six cents. Celle du v. 17 est gramma- 
ticale, conçue dans les mêmes termes que v. 11, avec nAÎ7 au sing. Il y a 
seulement l’article en plus devant tZPN, comme il convient puisque les six 
cents ont déjà été nommés. Au contraire, au v. 16, l’article manque, et ce 
défaut est suppléé par la mention finale que ces gens étaient des Danites, 
comme si nous ne le savions pas! De plus, contrairement aux deux autres 
cas, Gvvijn est au pluriel, avec le suffixe à ncnSc, sans aucune raison. C’est 
donc cette double mention qu’il faut rayer. Il est vrai que G(B) a supprimé 
la double mention 2° /oco, mais tout en conservant le prêtre qui se trouve 
dès lors tout seul, dans une situation impossible à expliquer. Un traducteur 
devait naturellement être porté à supprimer un passage qui fait double 
emploi plutôt la seconde fois que la première, tandis qu’un examen plus 
attentif nous a montré que c’est la première mention qui a le caractère 
d’une glose. Il ne reste qu’une difficulté, c’est que nnS ne se dit que de 
la porte d’une ville, non d’une maison privée. Peut-être y a-t-il ici un 
emploi anormal parce que le Beth>Mika est en somme un établissement 
important, auprès duquel des maisons sont groupées qui font corps avec 
lui. Il pouvait y avoir une entrée principale conduisant aux différents corps 
de logis; on a pu appeler le lévite ou bien sa demeure particulière pouvait 
se trouver précisément à l’entrée. Pendant que les six cents lui imposent le 
respect, les cinq qui connaissent les êtres vont faire le coup. Cet arrange- 
ment nous paraît assez simple pour que nous nous dispensions de repro- 
duire les diverses combinaisons proposées : Moore et Budde en proposent 
de différentes suivant leurs distinctions documentaires. En réalité il ne 
s’agit pas de documents différents ayant leur physionomie propre, mais de 
deux phrases qui font absolument double emploi, et dont l’une se révèle 
clairement comme une glose. 



286 


juges, 18 19-22 

donc vinrent à la maison de Mika et prirent l’idole, l’éphod et 
les téraphim [ ]. Et le prêtre leur dit : Que faites-vous ? 19 Et ils 
lui dirent : Tais-toi, mets ta main sur ta bouche et viens avec 
nous, et tu seras pour nous un père et un prêtre. Vaut-il mieux 
pour toi être prêtre de la maison d’un seul homme, ou être 
prêtre d’une tribu et d’un clan dans Israël? 20 Alors le prêtre le 
trouva bon, et il prit l’éphod, et les téraphim et l’idole, et il s'en 
alla au milieu du peuple. 21 Et ils reprirent leur direction et s’en 
allèrent, et placèrent les enfants et les troupeaux et les choses 
précieuses en avant. 22 Eux étant déjà loin de la maison de Mika, 
18. Omettre HD DD H T)H\ 


18) On voit bien ici que HDDDH IW1 a été ajouté après coup, car il n’est 
plus à sa place ordinaire après SdS. — Il faut naturellement repasser devant 
le prêtre qui proteste. 

19-26. Fuite du lévite. — Moore et Budde ne reconnaissent ici qu’une 
seule source avec des réserves pour le v. 20; cf. aussi sur v. 19. 

19) L’interrogation par n pourrait être suivie de DN à la disjonctive, ici 

IN comme II Reg. 6 27. L’ordre qui va de la tribu au clan est anormal, 
puisqu’il procède decrescendo. Naturellement ce ne peut être une preuve 
de deux documents, car on pourrait aussi bien choisir, en les cousant, 
l’ordre naturel. Ou il faut supprimerais comme une glose marginale des- 
tinée à rectifier ce que HflSSD appliqué à Dan avait d’inexact dans la ter- 
minologie technique postérieure, ou admettre que nnSSD ne signifie pas 
ici la subdivision d’une tribu mais un état; cf. Jer. 33 24 (G(B) xoù 

otxou eî; Sfjuov ’IsparJX). 

20) L’ordre des objets met ici leSüS à la fin comme v. 14. Il est clair que 
ce ne sont là que des rédactions variées. On trouve toujours les trois 
choses, ce qui est contraire à l’hypothèse documentaire. Le H1DD manque 
avec raison dans TM. — On rejoint le gros de la troupe. 

21) La construction est à l’inverse des faits : ils prennent leur direction 
et s’en vont après avoir placé les enfants et les objets précieux en avant, à 
cause de la poursuite prévue. — H TDD adj. fém. pris comme neutre de 
Tlll. Ges* 3 « ce qui est riche et précieux »; cf. Gen. 31 1. On peut restituer 
avec Budde les femmes qui ne manquent guère avec les petits enfants; cf. 
Dt. 2 34; 3 6 : tpn [nîO DHMn] n»N lanpn, les mots ont pu tomber à 
cause de la ressemblance avec les précédents. 

22) Construction comme v. 3 pli à hiph. poursuivre et atteindre; 
cf. Gen. 31 23 de Laban auquel on a aussi volé ses téraphim. 



287 


juges, 18 23-28 

les gens qui étaient dans les maisons voisines de la maison de 
Mika poussèrent des cris et poursuivirent les Danites. 23 Ils 
appelèrent les Danites, qui se retournèrent et dirent à Mika : 
Qu’as-tu à crier? 24 Et il dit : Vous avez pris le dieu que j’ai fait, 
et le prêtre, et vous partez, et que me reste-t-il? Et comment 
pouvez- vous me demander ce que j’ai? 25 Et les Danites lui 
dirent : Que nous ne t’entendions plus ! car des hommes de mau- 
vaise humeur pourraient bien tomber sur vous * et te feront dis- 
paraître, ’ toi et ceux de ta maison ! Et les Danites suivirent leur 
chemin, et Mika vit qu’ils étaient plus forts que lui, et il se 
retourna et revint à sa maison. 27 Eux prirent donc ce qu’avait 
fait Mika, et le prêtre qu’il avait, et ils vinrent à, Laïch, vers un 
peuple tranquille et confiant, et ils les passèrent au fil de l’épée 
et mirent le feu à la ville. 28 Et il n’y avait personne pour les 
secourir, car ils étaient loin des Sidoniens et ils n’avaient pas 

25. ISDN*! î TM nnSDHl cl tu feras disparaître . 


24) Gen. 3i 32, DmSn est construit dans un cas semblable avec le pluriel, 
de sorte qu’on peut bien penser que c’est ici le même sens, Vg. dcos meos ; 
mais comme Mika adorait Iahvé, le singulier est plus probable, se rappor- 
tant surtout à l’idole, cause première de toute l’installation; c'est ce qu'ont 
compris les LXX zo y^uhiov jaou. — C'est vraiment trop fort de lui deman- 
der encore de quoi il se plaint. 

25) viQ comme II Sam. 17 8 ; des gens en rupture de ban, des déses- 

pérés. La tournure ramasser dans le sens de faire disparaître, Ps. 26 9; 
I Sam. 16 6; mais elle ne se dit pas du sujet de l’action. On comprend qu’en 
pareil cas quelqu’un enlève l’âme d’un autre, mais peut-on dire : « tu ramas- 
serais ton âme » pour dire : « tu la perdrais? » G(B)rpoçOr[aouai, parait 

plus logique. 

27-29. Fondation de Dan. — 27) Début comme v. 3 Ce qu’avait fait 
Mika est une formule générale qui évite la répétition des mêmes objets et 
insiste sur le vol. Il est très arbitraire d’ajouter éphod avec Moore et 
Budde. D’après v. 30 et 31 il faudrait plutôt suppléer SüS, mais ce serait 
contre leur théorie I « Le prêtre qui était à lui »; on insiste parallèlement 
sur le vol. L’auteur marque la tranquillité des gens de Laïcli qui ne s’atten- 
daient pas à une brusque attaque, manifestement injuste. 

28) Lire encore D1N au lieu de D1N. — Tell el-Qadi est en effet à l’entrée 



288 juges, 18 29-30 

de relations avec * la Svrie ’ : et c’était dans la \allée de Beth- 

%/ 

Rehob, et ils bâtirent la ville et y habitèrent. 29 Et ils nommèrent 
la ville Dan, du nom de Dan leur père (qui avait été enfanté à 
Israël), mais dans le principe le nom de la ville était Laïch. 
30 Et les Danites établirent pour eux * le prêtre de Mika ’ tandis 

30. rwo 1*13 ; TM SdSH l'idole. — ,TOQ et non TO3C. — WH ; TM 
yiNH du pays. 


de la vallée de la Cœlésyrie. On peut chercher irp JV1 à Bibbariyé . 
D’autres conjectures dans Moore. 

29) Sur la forme "rSv; cf. 13 8. Ici il ne peut être question d’un partie.* 
il s’agit d'un pou'dloo d’un qal passif. D’ailleurs la notice a l’air d'être une 
glose, comme le v. 29 b parfaitement inutile après les explications données. 
Cependant cf. Gen. 28 19 dans un morceau de E; il est difficile de se pro- 
noncer sur cette manière d’écrire. Peut-être l’auteur primitif n’a-t-il pas 
reculé devant cette répétition. 

30-31. Le sanctuaire de Dan. — C’est ici que les critiques se croient le plus 
sûrement en possession de deux récits; chaque verset paraît être un dou- 
blet de l’autre; ils commençent de la même façon et cette ressemblance 
est encore plus étroite dans le G qui ajoute Mika après l’idole au v. 30 
comme au v. 31. De plus chacun contient une date. Il est vrai que l’embar- 
ras demeure extrême et que Budde, Moore et Nowack se voient obligés de 
recourir encore à des additions postérieures. Dans l'ensemble ils supposent 
que le texte primitif disait probablement dans un verset éphod, dans l’autre 
idole, de plus que la date « jusqu'à l’émigration du pays » a été ajoutée 
après coup. Pour tout le monde Jonathan est le jeune lévite; pour ceux qui 
admettent deux sources c’est ou le jeune homme inconnu ou le lévite. La 
situation est toujours désespérée. On fait dire au TM : l’idole est installée; 
le jeune lévite devient son prêtre et son nom enfin connu est Jonathan; lui 
et ses fils sont prêtres de Dan jusqu’à la captivité ou à l’émigration du pays. 
Le moment ne peut être que la transmigration par Teglathphalasar en 733 
(II Reg. 15 29) ou la fin du royaume de Samarie (721). Puis l’auteur revien- 
drait à l’idole pour marquer qu’elle subsista tant que la maison de Dieu fut 
à Silo, c’est-à-dire, d’après les critiques, tant qu'il y eut un temple à Silo. 
Ce temple était détruit au temps de Jérémie (Jer. 7 12.14; 26 9 ); mais pro- 
bablement déjà au temps de Saül puisque les prêtres descendants d’Éli, 
prêtre de Silo, avaient émigré à Nob (I Sam. 21 2 ss.). Ces deux dates sont 
étranges et ne paraissent pas conciliables. Comment le sacerdoce s’est-il 



289 


juges, 18 30 

que Jonathan, fils de Gerchom, fils de * Moïse ’, lui et ses fils 
étaient prêtres de la tribu de Dan jusqu’au jour de la migration 

prolongé à Dan? pourquoi l’idole avait-elle disparu? l’auteur, si c’est le 
même, se serait exprimé bien confusément. D’ailleurs l’auteur primitif ne 
peut être placé aussi bas que la chute de Samarie. C’est pourquoi on sup- 
pose qu’il y avait d’abord (v. 30) : o jusqu’aujourd’hui », remplacé plus tard 
par : « jusqu’à la migration du pays ». Mais c’est une pure conjecture : 
beaucoup de « jusqu’aujourd’hui » sont demeurés sans altération dans le 
texte alors qu'ils avaient cessé d’être vrais depuis longtemps. Une autre 
conjecture a eu beaucoup de succès, lloubigant a proposé de lire 
« l’arche », au lieu de yiNîl « le pays ». Le verbe nba se dit expressément 
de la prise de l’arche par les Philistins (I Sam. 4 21 s.). Mais cette conjec- 
ture séduisante parce qu’elle ramène les deux versets à la même date doit 
être écartée pour cette raison meme. 11 n’y avait pas de raison de dire deux 
fois la même chose, à moins qu’un des deux versets ne soit une glose de 
l’autre, ce qu’on ne peut guère supposer d’après une conjecture. Nous 
sommes aussi très frappés de quelques difficultés qui ne semblent pas 
émouvoir les critiques. Le verbe nbj ne s’emploie jamais que des per- 
sonnes ; une fois d’une ville (Jer. 1 3) mais la métaphore n’est pas la 
même. Les exemples cités par Nowack où la terre est prise pour ses habi- 
tants sont relatifs à d’autres verbes (Gen. 9 19; 10 25; Is. 26 18; 66 8). 
nSa signifie émigrer secondairement; le sens primitif est mettre la terre à 
nu : on ne peut donc faire de la terre le sujet. De plus il est assez étrange 
que le jeune lévite ne soit nommé qu’à la fin, et si c’est un coup de théâtre, 
s’il est devenu un homme nouveau ( Budde ), pourquoi le glisser dans une 
phrase circonstantielle? D’ailleurs comment un auteur pouvait-il connaître 
si bien le personnel du sanctuaire de Dan et lui donner une origine illustre 
quand on savait par ailleurs que Jéroboam en avait recruté les prêtres 
parmi des gens de rien? Sûrement au moment de la captivité du nord on 
n’aurait pas insisté sur cette généalogie (cf. I Reg. 12 34). Le seul moyen 
de mettre de l’ordre dans cette difficulté, c’est de supposer qu’une des deux 
dates marque le terminus a quo , l’autre le terminus ad quem , au lieu de 
marquer deux termes ad quem impossibles à établir. Le G du ms. A nous 
fournit ici une variante qui seule donne satisfaction ; il a lu la migration 
des Danites : cwç T7jç [moixeataç tou Aav, tyrn. Ce texte, remplacé par l’im- 
possible yiNH, est très clair si on considère 30 b comme une phrase cir- 
constantielle d’opposition. Et en effet VH marquerait très mal que Jona- 
than et ses fils devinrent prêtres : le sens obvie est qu’ils étaient prêtres. 
Toute la tribu de Dan n’a pas émigré vers le nord. Son prêtre ne l’a pas 
P. Lagrajsgk. — Les Juges. 19 



290 


JUGES, 18 31 

‘ de Dan 31 Et ils installèrent pour eux l’idole de Mika qu’il 
avait faite, tout le temps que la maison de Dieu fut à Silo. 

suivie : il a fallu s’en procurer un en route, un inconnu, tandis que jusqu’à 
ce moment les prêtres de Dan étaient descendants de Jonathan, descendants 
de Moïse. Ce changement en amènerait un autre, justifié en lui-même. Il 
est étrange que même un rédacteur ait commencé les deux versets par 
l’inauguration de l’idole. Si le verbe GUE (v. 31) est bien le mot propre pour 
dresser une idole, I Reg. 12 29; II Reg. 21 7; Jer. 7 30; 32 34, on ne peut 
pas en dire autant de D^pn qui s’entendrait plutôt du prêtre (I Sam. 2 35 ; 
cf. cependant Jos. 4 20). On s’expliquerait ainsi que le G ait Mika même au 
v. 30. 

30) Le noun suspendu de HIMO a son histoire déjà dans le Talmud (Jer. 
Berâkhôth 10 2 et Bab. Bâbâ Bâthrâ 109 b ). Les Juifs ont reconnu avec can- 
deur que le vrai texte est Moïse mais qu’on a mis Manassé parce que le 
lévite avait l’impiété de Manassé. Le texte Moïse est suivi par G(B) et Vg. 
Théodoret avait un texte qui paraît composite, c’est celui de M de Moore : 
uioç Mavaa<n) uiou rTjpaojfx utou Menai). On sait que Gersom est fils de Moïse 
Ex. 2 22; 18 3. 

31) Budde, Nowack veulent qu’il soit question du temple matériel de 

Silo. Mais mil ne veut pas dire subsister et GmSmH fVl est déterminé. S’il 
s'agissait d’un temple quelconque il faudrait lire HPN ou du moins 

éviter l’article devant G^iSn. Le sens obvie est donc : tant que la 
maison de Dieu fût à Silo (c’est d’ailleurs la traduction de Nowack), tant 
que le sanctuaire national y fut établi (Poe/s, p. 58). L’arche quitta Silo 
pour accompagner l’armée contre les Philistins (I Sam. 4) et elle n’y revint 
jamais. Il y a donc une coïncidence parfaite entre la prise de l’arche et la 
fin du sanctuaire de Silo. Mais le sanctuaire de Dan cessa-t-il alors? rien 
n’autorise à l’affirmer. Jéroboam semble lui avoir rendu un nouvel éclat 
(cf. cependant Klostermann sur I Reg. 12 29), et il existait encore au temps 
d'Amos (Am. 8 14). Mais l’auteur ne dit pas non plus qu’il fut supprimé. Il 
mentionne seulement sa coexistence avec celui de Silo. La formule doit être 
un équivalent des termes ordinaires, jusqu’aujourd’hui. Peut-être l’auteur 
a-t-il voulu seulement préparer ainsi une transition pour amener le lecteur 
au sanctuaire de Silo (I Sam 1 3 ss.), tout en notant par ce fait même 
l’étrange situation des Danites qui se faisaient un sanctuaire pendant que 
la maison de Dieu était à Silo. En tous cas, le rapprochement de ce culte 
avec celui de Silo sans qu’il y ait aucune raison de croire à leur chute 
simultanée, ne s’explique que parla comparaison d’un culte particulier avec 
le culte national. 



291 


JUGES, 17 - 18 . — CRITIQUE 

Critique littéraire. — Tout le monde est d’accord pour voir dans nos 
deux chapitres l'histoire de la fondation du sanctuaire de Dan. 11 
semble qu’il y a deux histoires, celle de Mika et celle des Danites, mais, 
en réalité, l’unité est reconstituée dans l’idole : c’est par elle que le 
récit débute, et c’est par elle qu’il finit. Cependant tout en reconnais- 
sant l’unité dans les faits, un grand nombre de critiques voient dans 
notre morceau deux documents très semblables et très étroitement 
cousus. Budde, Moore, Kittel dans Kautzsch ont poussé l’analyse aussi 
loin que possible en faisant la part de chacun. Oort, Kuenen, Wellhau- 
sen s’en sont tenus à l’hypothèse des compléments qui est aussi em- 
ployée par Moore. Voici les arguments de Budde : 1). D’après le docu- 
ment A, Mika a simplement un sanctuaire qu’il organise (17 1-5). — 
B raconte l’origine du sanctuaire par le vol de l’argent (17 2-4). — 
Nous avons montré que ces deux débuts étaient parfaitement unis 
dans le texte G(B), supérieur ici au TM. 2). Les objets du culte se 
nomment dans A Éphod et Téraphim (17 5), dans B Pesel et Masekka 
(v. 3s.). — Mais Budde est obligé de reconnaître que le Masekka ou 
idole fondue ne fait pas partie de l’histoire primitive. Les trois autres 
objets sont toujours unis dans la suite du récit, sauf qu’à la fin l’idole 
paraît seule, comme elle a été la cause originaire de tout le mouve- 
ment. On attribue la réunion des trois objets au rédacteur, mais il 
faut plutôt reconnaître que l’auteur a dû mentionner successivement 
la fabrication des différents objets. Que s’ils ne sont pas toujours nom- 
més dans le même ordre, qui prouve que cette variété est due à un 
rédacteur plutôt qu’à l’auteur? 3). D’un côté, le fils de Mika, puis un 
lévite, nommé tZPNH 17 8 et ensuite toujours prêtre (A) ; du côté B, un 
jeune lévite. — 11 faut remarquer d’abord qu’il s’agit toujours d’un 
lévite venu de Juda, de sorte que, sur ce point, l’histoire serait exacte- 
ment la même. De plus, pour extraire le jeune lévite dans le chap. 18 
du reste du récit (attribué à A), il faut enlever des passages absolu- 
ment dans le contexte. Il est plus simple d’expliquer que cette manière 
de parler se présente deux fois (18 3 et 18 15) au début des faits pour 
que le prêtre soit clairement désigné comme celui du chap. 17 , venant 
de Juda et qu’ainsi les Danites avaient pu connaître plus facilement. 
Il faut laisser aux auteurs une certaine variété dans l’expression. Par 
exemple, Moore attribue au même auteur 17 12 où la même personne 
est nommée successivement le lévite et le jeune homme, et à des 



292 


JUGES, 17 - 18 . — CRITIQUE 

auteurs différents 17 7 et 17 9 qui se correspondent exactement ! 4) II 
y a du remplissage dans la narration, le départ des explorateurs, leur 
trouvaille et le rapport qu’ils en font, l’érection du sanctuaire (18 30 r 
31.). — Ce dernier point est le seul délicat, cf. notes. Mais le remplis- 
sage n’est pas une preuve de dualité dans les documents primitifs. 
La distinction des documents ne peut s’opérer que lorsque les mêmes- 
choses sont dites avec des nuances de style, non pas lorsque le style 
est un peu diffus ou surchargé de gloses. Le texte ne nous est pas par- 
venu très intact. Moore et Budde rajustent l'ordre de 17 2-4 sans son- 
ger à un double document, ils rejettnet 18 l b 3 ; en revanche, il y a une 
lacune 18 8. Lorsque la critique textuelle a fait son œuvre, il ne reste 
rien dans le texte qui marque un double document primitif. D’ailleurs 
la question d’unité a peu d’importance pour les faits, puisqu’on recon- 
naît entre les deux récits une sorte d’harmonie préétablie qui a rendu 
la fusion plus facile, et quant à argumenter d'après ce qui a été passé 
sous silence par le rédacteur, il serait sage d’y renoncer. La seule diffé- 
rence qui subsisterait entre A et B, c’est que A nommerait éphod ce 
que B nommerait Pesel ou idole, d’où on conclurait facilement que 
l’éphod est une idole. La conclusion ne serait même pas rigoureuse, 
car le prêtre ayant expressément consulté Iahvé 18 6, il serait très 
naturel que ce fût au moyen de l’éphod dont la seule fonction bien 
connue est relative aux oracles. Dans le système de l’unité, l’idole 
étant représentée par Pesel , l’éphod ne peut naturellement pas avoir 
le caractère d’une idole, et se trouve sûrement être l’objet relatif à la 
divination. 

A tout prendre cependant, l’hypothèse documentaire dualiste n’esf 
pas moins justifiée que celle de Wellhausen d’après lequel les parties 
principales de B seraient simplement des compléments ajoutés pour 
jeter le soupçon et le blâme sur le sanctuaire de Dan. Les réponses que 
nous avons présentées sont également valables contre ce système. De 
plus, il faut reconnaître qu’un même esprit se retrouve partout; jamais- 
de blâme ouvert, ce qui serait évidemment le cas d’additions tardives, 
toujours des faits qui donnent au nouveau sanctuaire un caractère 
odieux. 

Pour ceux qui distinguent A et B, quels noms plus connus pour- 
raient désigner ces sigles? Budde avait d’abord pensé que A représen- 
tait l'Klohiste, B le Iahviste ; il intervertit maintenant avec Moore. 


293 


JDGES, 17-18. — CRITIQUE 

Kautzsch ( Kittel ) demeure dans le vague : des auteurs inconnus, N et 
N 4 . Pour nous qui croyons à l'unité, nous pencherions vers E. L’his- 
toire du téraphim avec la poursuite rappelle Gen. 31 ; bm explorer , 
-est de son style: ümSm ou plutôt ümSmH 18 10 est encore un indice. 

Critique historique. — L’esprit dans lequel notre histoire est écrite 
est ce qui importe le plus. D’après Moore, Budde etc., l’auteur raconte 
les faits comme les plus naturels du monde ; il ne blâme rien, et par 
conséquent le culte d'une idole, à condition qu’elle représentât Iahvé, 
«’a rien d’illégitime. La législation mosaïque ou n’existe pas, ou ne 
renferme pas la condamnation de cette idolâtrie. Si l'idole est faite 
.avec de l’argent volé, l’Église a bon estomac. Les injustices des Dani- 
les sont si peu odieuses à l’auteur que ses sympathies sont pour eux 
plutôt que pour le ridicule Mika. — Nous croyons que la pensée de l’au- 
teur résulte de ce que toutes les particularités du récit vont à faire du 
•culte nouveau une pure création humaine, un caprice dénué de toute 
.sanction divine. Les historiens les plus avancés dans l’étude des reli- 
gions reconnaissent à l’envi que l’idée religieuse est toujours présup- 
posée; nulle part nous ne voyons naître chez les Sémites la sainteté 
•d’un lieu par un simple accord : la sainteté est dans les choses, 
i’homme ne peut que la reconnaître, nullement la produire. Qu’on 
n'oublie pas non plus qu’il s’agit ici d’un auteur qui appartient du 
moins au mouvement d’idées d’où sont nés les ouvrages de l’Élohiste 
•et du Iahviste. On dit que la fondation de notre sanctuaire est mise 
■sur le même pied que la fondation de Bersabée, Béthel etc. Mais dans 
«tous ces cas, même pour Ophra de Gédéon, il y avait des théophaniesl 
Ici c’est un argent consacré pour faire une idole, afin que personne ne 
puisse le garder sous cet interdit. Le fils le rend, on le donne au fon- 
deur, il fait une idole, Mika y ajoute un éphod, des téraphim. De 
«on autorité, il consacre prêtre un de ses fils, mais il sent lui-même 
•combien le procédé est arbitraire ; il le remplace par un lévite salarié. 
Celui-ci consulte Dieu, mais l'auteur a bien soin de ne pas dire que 
Iahvé a répondu : la réponse est ambiguë. Il se décide à abandonner 
«on bienfaiteur en le volant, dans l’espérance d’une meilleure fortune. 
Peut-être, en effet, l’auteur a-t-il un fond de sympathie pour les Dani- 
4es, mais si Mika est ridicule, son idole est livrée au même ridi- 
cule. C’est un dieu fabriqué ; tel Laban avec ses téraphim que l’Élo- 
histe fait probablement condamner par Jacob (Gen 35 4) comme des 



294 


JUGES, 17 - 18 . — CRITIQUE 

dieux étrangers. Le pauvre homme qui se croyait si sûr de la protec- 
tion de lahvé (17 13) en est pour sa courte honte. Les Danites 
emportent ce qu'il avait fait (18 27 récit primitif de Budde, Moore), 
et l’histoire se termine par le même mot : l’idole que Mika avait faite 
(18 31). Et encore une fois, si les anciens avaient moins de scrupules 
quant au droit des gens, ils en avaient beaucoup plus quant à la créa- 
tion des sanctuaires. Un culte dont tous les éléments avaient une 
origine humaine était, sans qu’il fût nécessaire de le dire, un culte 
absolument étranger à toute idée de sainteté. L’auteur a d’ailleurs 
exprimé cette pensée nettement : en ce temps-là, chacun faisait ce qui 
lui plaisait. On a taxé ce passage de rédactionnel ; il ne fait que rendre 
l’idée interne qui se dégage de tout le récit. La même condamnation 
résulte du dernier mot : en ce temps la maison de Dieu était à Silo ; 
cette simple opposition entre la maison de Dieu et le culte, arbitraire 
dans son origine, vicié même par son transbordement, en dit long sur 
les intentions de l’auteur. Ces deux réflexions n’en font d’ailleurs peut- 
être qu’une seule. Quand il n’y avait pas de roi dans Israël, chacun 
faisait ce qu’il voulait; la maison de Dieu était à Silo, par conséquent 
dans Éphraïm ; mais était-elle suffisamment respectée ? Lorsque la jeune 
royauté eut installé le sanctuaire à Jérusalem, ne dût-on pas éprouver 
précisément les sentiments exprimés dans notre histoire.? 

Il nous parait donc très clair que toute cette histoire marque un 
blâme discret, mais très caractéristique. Mais s’il ne peut y avoir de 
doute sur les sentiments de l’auteur, les faits qu’il nous révèle 9ontdes 
plus graves. On voit un simple particulier organiser sans scrupule un 
culte idolâtrique. Une tribu en migration songe à se procurer et une 
idole et un prêtre. Nous avons même pensé que cette tribu avait déjà 
son prêtre auparavant. On pourrait alléguer que nous supposons gra- 
tuitement une extrême anomalie. Mais si les émigrants trouvent natu- 
rel d’avoir un prêtre pour leur clan, cela vient sans doute de ce qu’ils 
avaient l’habitude de ces cultes particuliers. Les prophètes et les his- 
toriens disent assez qu’ils demeurèrent fort tard dans Israël. Cela 
prouve bien que la défense des idoles n’avait pas prévalu et qu’on ne 
s’en tenait pas exclusivement au sanctuaire national, mais si les 
critiques modérés hésitent à en conclure que l’arche n’était pas un 
centre religieux pour Israël, ils ne devraient pas affirmer non plus 
que la défense des images n’existait pas. La prohibition des images 



JUGES, 17-18. — CRITIQUE 295 

avec le sentiment de l'unité était transmise au sanctuaire de l'arche. 
L'historien très ancien qui nous raconte la fondation du sanctuaire 
de Dan avait très nettement le sens de cette opposition entre le culte 
central et les sanctuaires particuliers. 

D’ailleurs l’unité religieuse d’Israël se manifeste même dans cet 
étrange épisode. Lorsque les Danites rencontrent le lévite, ils le prient 
de consulter un dieu qui ne peut être que Iahvé, puisqu'on répond en 
son nom. C’est l'unité dans le culte de Iahvé, c’est aussi l'unité dans 
l'importance des lévites. En soi, cela ne tranche nullement la question 
de l’origine des Lévites. Un prêtre au courant des rites, quelle que fût 
son origine par le sang, devait être naturellement recherché. Mais il 
est impossible de n’être pas frappé de ce fait que le lévite ne peut être 
qu'en clientèle; il n'est jamais chez lui, parmi les siens; il cherche à 
s'établir. Et cela est conforme à la tradition hébraïque postérieure. 



Chapitre 19 — 21 . — L’attentat de Gabaa. 

[E] 1 Or, en ce temps-là, il n’v avait point de roi en Israël; 
or il y avait un lévite séjournant au fond de la montagne 
d’Éphraïm, et il prit une femme concubine de Bethléem de Juda. 
2 Et sa concubine ' s’irrita * contre lui et elle le quitta pour aller 
à la maison de son père, à Bethléem de Juda, et elle y demeura 

2. spam ; TM rmm et elle forniqua. 


1-9. Un lévite cTÉphraim attardé a Bethléem. — 1) Dans 1* le waw 
devant ^bo indique en réalité une subordination, de sorte que l’histoire 
qui suit n'est pas rapportée au temps de celle qui précède, mais seulement 
au temps antérieur à la monarchie. Rien ne prouve que la formule soit 
rédactionnelle. Elle prouve seulement que l'auteur est le même que celui 
de 17 s. — Budde croit que le lévite est une addition aux deux documents 
qu’il distingue dans ce chapitre, mais l’expression qu’il attaque, rjb, est 
parfaitement correcte. Le lévite était encore un non domicilié, ce qui est 
bien remarquable. Le fond d’Éphraïm (cf. Is. 14 13) indique que l’auteur 
habitait Juda, car dans Éphraïm même cela ne donnerait aucune indication 
(Budde). Pour un judéen, ce doit être la partie nord d’Ephraïm. — nttfN 
: les deux termes ne sont réunis que II Sam. 15 16 ; 20 3 ; l’associa- 
tion est parfaitement possible, et la position de cette femme ne s’explique 
bien clairement que dans la polygamie. Elle est vraiment femme légitime, 
mais de second rang. Cette femme était de Bethléem, ce qui fait un second 
lévite en relation avec cette ville (17 1), mais en sens inverse du premier. 

2) vby rcîrn est doublement irrégulier ; après le waw cons. il faudrait 
de plus Sy n’exprime jamais ce rapport ; on fornique en s'éloignant 
de quelqu’un byi2, nnnQ etc. Le G(B) a É?:op€'j0T) (suivi par Vg.),qui pourrait 
bien être pour âi:opve’j07j et répondrait au TM. Mais G(A. Lag. anc.-lat. syr.- 
hex. etc) xod ojpyiaÔT) aÙTtû, qui convient beaucoup mieux au contexte 
puisque le mari vient pour la calmer. Moore a conjecturé très heureuse- 
ment que le texte était elle s'irrita , quoique le mot ne se dise que 

de la colère divine, corrompu en et elle commit l'adultère , que les 



297 


juges, 19 3-5 

quelque temps, quatre mois. 3 Puis son mari se leva et alla 
«après elle pour lui parler au cœur, pour la ramener, et il avait 
avec lui son domestique et une paire d’ânes, * et il alla ’ vers la 
maison de son père ; et le père de la jeune femme le vit, il alla 
au-devant de lui en lui faisant fête. 4 Son beau-père, père de la 
jeune femme, le retint donc et il demeura avec lui pendant trois 
jours, et ils mangèrent et burent et passèrent la nuit en ce lieu. 
5 Or le quatrième jour, ils se levèrent de bon matin, et il se leva 
pour partir ; et le père de la jeune femme dit à son gendre : 
Prends des forces [en mangeant] un morceau de pain, et après 

3. Nin ; TM infini et elle l'amena. 


Rabbins auraient corrigé en n27rfi sur cette réflexion qu’une concubine ne 
pouvait être coupable que de fornication. D’ailleurs la condescendance du 
lévite les a choqués ( Gittin 6 b ). Elle va chez son père, et non avec un com- 
pagnon, ce qui marque mieux la colère que l’inconduite. Le style est 
redondant : « chez son père, à Bethléem, — pour un certain temps, quatre 
mois ». 

3) Parler au cœur, pour chercher à gagner l’affection, Gen. 34 3 ; 50 21 ; 
Os. 2 16. Wt&nS le suff. masc. indiquerait : « pour ramener son cœur », 
mais le Qré est beaucoup plus naturel, HWnS « pour la ramener ». 
infini indiquerait que la femme ayant accepté la réconciliation amène le 
lévite chez son père. Mais où s’étaient-ils donc vus? Lire Nivi avec G(A, 
Lag.y etc.). D’une façon ou de l’autre, la réconciliation est sous-entendue. 
Ce qui importait à l’auteur, c’est d’expliquer pourquoi le lévite se trouvait 
•si tard en route. 

4) Son beau-père, le père de la jeune femme, style redondant. On sup- 
pose deux récits; dans l’un le lévite serait parti le même jour, dans 
l’autre, il serait resté plusieurs jours. 11 est impossible de détacher ces 
deux récits. Pour notre cas, le plus simple est de supposer que le terme de 
t>eau-père a paru trop fort pour une union de ce genre et qu’un glossateur a 
fait remarquer qu’il était seulement le père de la jeune femme, ici et v. 9; 
dansv. 7, le beau-père seul. 

5) Le sing. Dpvi est pour Budde une marque de document différent après 
le pluriel. Tous se lèvent de bonne heure, le lévite pour partir, le beau- 
père pour faire ses adieux; au moment où le lévite se lève pour partir, le 
beau-père le retient en s’adressant à lui seul au sing., tout en faisant allu- 



298 


juges, 19 6-8 

vous partirez. 6 Et ils demeurèrent et mangèrent tous deux 
ensemble et ils burent. Et le père de la jeune femme dit à cet 
homme : décide-toi à passer la nuit et mets-toi à Taise. 7 Et cet 
homme se leva pour partir et son beau-père le contraignit de 
sorte qu’ * il demeura * et passa la nuit là. 8 Et le cinquième jour 
il se leva de bon matin pour partir, et le père de la jeune femme 
lui dit : Prends des forces ! et * ils perdirent du temps * jusqu’à 

7. ItTVl ; TM 3127*1 et il retourna. 

8. inananV] ; TM inonanm et perdez du temps. 


sion au départ au pluriel. Il n’y a rien de tellement étrange. 1Î?D, avec 
qames chatouph , car l’accent Darga fait ici le même effet que Maqqeph v. 8, 
en enlevant le ton. Cependant cette prononciation en o est anormale ; 
mieux vaut lire T^Ddans les deux cas à cause de la gutturale. Pour l’idée, 
cf. Gen. 18 5, de E d’après nous. 

6 s.) aa-bain comme 17 il. -pb 313*1 ; cf. 18 20 pour l’expression et 16 25, 
mais seulement pour l’idée. 13 1 X 2 * ; cf. Gen. 19 s., de E d’après nous; Gen. 
33 11 (?). — 3127*1 « et il revint » a été lu 3127*1 « et il resta »> par une partie 
du grec, ce qui est plus naturel ; Vg. traduit largement. 

8) Nouvelle insistance. Assurément ce style paraît verbeux, mais com- 
bien les traits ont la couleur orientale! on emploie l’insistance, presque la 
ruse pour retenir un hôte. Il est tellement contraire aux habitudes qu’on se 
mette en route peu avant le coucher du soleil qu’il fallait montrer que le 
lévite n’a accepté cette extrémité que pour en finir, IHOnonm, d’après les 
règles de la consec. temp. ne peut être le parfait, c’est donc un impér. 
comme ont traduit les LXX. Mais on ne comprend pas que le beau-père les 
invite à perdre du temps jusqu’au coucher du soleil, car ni33 ne peut signi- 
fier la naissance et l’accroissement du jour (comme a rendu Vgr.). Il faut 
donc lire du moins IflQnOJVI. Mais quelques mss. grecs (cf. Field) ont 
rendu SieîcXava aùxov ou Ôte^Xaruvs aurov, que Moore restitue inn2*1 et il le 
séduisit , le trompa pour le retenir, qu’on placerait avant incnon*1. Budde 
accepte cette leçon composée; elle est peu probable parce que îcXavaw, 
a faire errer de côté et d’autre », peut être la traduction de l’hébreu par à 
peu près. Noter en tout cas que les onciaux A et B avec Lag . ont la fausse 
leçon axpaTêuÔrjri ou TrpaxEujov (B) pour aTpaYEuôrjxi ; la variété des leçons, 
différentes encore dans Aq. et Sym ., montre que ourcXocva ou 8t£T:XaTuv£ ne 
sont que des tentatives. 



299 


jcges, 19 940 

ce que le jour fut avancé et ils mangèrent tous deux. 9 Et cet 
homme se leva pour partir, lui, sa concubine et son domestique ; 
et son beau-père, père de la jeune femme, lui dit : Voici que le 
jour penche 4 vers le soir *, passez la nuit 4 ici * [ ] et mettez-vous 

à votre aise, et vous vous lèverez demain de bonne heure pour 
[suivre] votre chemin, et tu te rendras à ta tente. 10 Et cet 
homme ne voulut point passer la nuit, et il se leva et partit et 
vint en face de [ ] Jérusalem, ayant avec lui une paire d’ânes 

9. liyS ; TM TnyS pour se coucher (?) — nJH ; TM rwn voici. — Omettre 
HS pb ovn JYian le camper du your, passe la nuit ici . 

10. Omettre DW Jébus , c'est. — TWl; TM lay avec lui . 


9) Budde voit ici deux sources distinctes commençant toutes deux par 
H2H et exprimant en termes différents la chute du jour. Mais il y a telle- 
ment doublet que ce n’est là qu’une leçon composite comme le prouvent 
les textes des LXX qui diffèrent entre eux, mais ne contiennent qu’une 
des deux phrases en remplaçant le second H2H par ,12,1, « ici ». Moore lit 
d’après A, Lag. liyb DIM TO2 .12.1, « voici que le jour s'incline vers le 
soir » remplaçant nSl devenir faible , et 2*hy inusité comme verbe en 
hébreu pour marquer le coucher du soleil ; ,131 peut s’entendre dans le 
sens de baisser, mais le b est inexplicable devant le second verbe, attendu 
que ,1S1 signifie plutôt cesser de , s'abstenir de, que s'incliner à. 11 faut donc 
du moins lire yiÿb avec tous les Grecs. Le TM DIM JVI2n 12,1 est difficile 

VY * 

à expliquer : « voici le camper du jour (?) » ce peut être une glose expli- 
quant les mots précédents : on pourrait aussi lire DIM T 127 « encore 
aujourd’hui », avec Moore d’après G(A, Lag.). ,1S a pu être introduit pour 
remplacer ,121 devenu ,121. Le Syr. a seulement : voici que le jour s' in- 
cline , demeure ici et que ton cœur , etc. La Vg. a fusionné, conservant 
cependant etiam hodie qui paraît nécessaire au contexte. 

10-21. En route, arrivée a Gibe'a. — 10) Nous savons maintenant par 
les tablettes d’el-Amarna que Jérusalem s’appelait déjà Urusalim longtemps 
avant l’occupation par les Hébreux. Elle ne s est donc jamais appelée Jébus 
DW. Mais comme elle était occupée par les Jébuséens, on a pu dire ^DW! 
le Jébuséen, pour Jérusalem, Jos. 15 8; 18 16.28, comme Lutetia a fini par 
se nommer Paris du nom des Parisii qui occupaient la région. De là on a 
conclu au nom propre DW qui ne se trouve que I Chr. 11 4 et 5, où il 
paraît manifestement comme une glose au v. 4 et où il n’est pas critique- 
ment certain au v. 5. Ici même, au v. 10, il peut être considéré comme une 



300 


juges, 19 H-12 

bâtés, et sa concubine et * son domestique 11 Ils étaient vers * Jéru- 
salem et le jour * décroissait ’ beaucoup, et le domestique dit à 
son maître : Viens donc, et nous nous rendrons dans la ville des 
Jébuséens que voilà et nous y passerons la nuit. 12 Et son maître 
lui dit : Nous ne nous rendrons pas dans une ville d’étrangers 
qui ne sont pas * ceux-là ’ des fils d’Israël, mais nous irons au- 

11. ûSttnV; TM DW Jébus. — TV forme régulière pour TM V) (?). 

42. rran au lieu de H JH. 


glose placée avant le mot à expliquer par un copiste qui voulait corriger le 
texte en mettant le nom prétendu ancien. Au v. 11 « celte ville des Jébu- 
séens » dans 11 b montre bien que DW ne figurait pas dans 11*. Le texte 
primitif devait lire là aussi Jérusalem, ou 1DWH ; cf. Jud. 1 7.21 ; Jos. 
15 63 ; II Sam. 5 6. On peut donc dire que si l'opinion que Jérusalem s’ap- 
pelait primitivement Jébus a vraiment eu cours chez les Juifs et si elle a 
laissé des traces dans l’A. T., ce n’est que par des gloses et que les textes 
étaient conformes à ce que prouve l’histoire. — Ils ont dû arriver en face 
de Jérusalem après deux petites heures. — Le passage ne dit rien de la 
ville jébuséenne. — Syr.-hex. et quelques mss. grecs onm^JI qui doit être 
lu à la place de yoV qui se trouve déjà au début de l’incise. 

il) La tournure DH comme 18 3, dans un rapport plus éloigné avec 
15 14. Lire TV» au lieu de Tl, l’aphérèse doit être due simplement à un 
copiste. Nous avons noté que DW avait été introduit ici en conformité 
avec la glose de v. 10, mais ne peut être primitii. 

12 s.) 1*133 V37 « une ville d’étrangers », V37 étant féminin. HJn doit être 
corrigé en TOH, eux, les étrangers, nM collectif ; le fém. a sans doute été 
écrit en pensant aux villes. — 12 b paraît à Budde un doublet évident; dans 
ce document, le lévite aurait tout d’abord assigné Gibe c a comme but, au v. 
suivant l’autre document aurait laissé le but en suspens jusqu’à ce que le 
coucher du soleil décide. Moore considère l’incise comme une glose, parce 
que l’opposition ne peut être marquée par un simple waw conséc., cepen- 
dant Gen. 17 5 est dans le même cas. Nous pensons que les mots doivent 
être maintenus dans le sens propre d’une opposition : « nous ne nous 
arrêterons pas, mais nous continuerons vers Gibe'a. » *Tÿ peut avoir le sens 
de la direction ; cf. 1 Sara. 9 9. Le dessein de continuer la route une fois 
arrêté, et la direction marquée par le point culminant de la région, le lévite 
ajoute, peut-être après un certain temps : « nous nous approcherons, par 



301 


juges, 19 13-17 

delà dans la direction de Gabaa. 13 Et il dit à son domestique : 
Va, et nous approcherons d’un endroit, et nous passerons 
la nuit à Gabaa ou à Rama. 14 Ils passèrent donc et continuèrent 
et le soleil se coucha lorsqu’ils étaient en face de Gabaa de 
Benjamin. 15 Ils se dirigèrent donc de ce côté pour aller passer 
la nuit à Gabaa, * et ils vinrent et demeurèrent ’ sur la place de la 
ville et il n’y avait personne qui les recueillit dans sa maison 
pour passer la nuit. 16 Et voici que vers le soir un vieillard vint 
du travail, des champs, et c’était un homme de la montagne 
d’Ephraïm, qui séjournait à Gabaa, tandis que les gens du lieu 
étaient Benjamites. 17 Or, levant les yeux, il vit cet homme, le 
voyageur, sur la place de la ville, et le vieillard dit : Où vas-tu 

15. Le plur. HUTI iNlvj au lieu du sing. (TM). 


un petit détour, de Gibe'a ou de Rama ». Il est clair que Rama devait se 
trouver plus loin puisque le soleil tranche la question pour Gibe f a. Gibe'a 
est Tell el-Foul , Rama, er-Ram. Tell el-Foul est au quatrième mille de 
Jérusalem, er-Ram à l’est, un peu en deçà du sixième. La question fort 
difficile des différents Gibe'a, Geb'a , appartient à la topographie. 

13) "|S pour hdS. 

14) Gibe'a de Benjamin, par opposition à celui de Juda (Jos. 15 57) auj. 
Djeb'a et à celui d’Ephraïm (Jos. 24 33) auj. Djibya. Il est à noter que 14* 
résume les deux discours du lévite qu’on prétend être de deux sources. 

15) Au moment où le soleil se couche, ils quittent la voie directe pour se 
rendre à Gibe'a Le singulier alterne avec le pluriel, mais on ne peut rien 
en conclure pour les documents, les LXX ont toujours le pluriel et il est 
certain que le waw final est la lettre qui manque le plus facilement à la fin 
des mots. 

16) Le vieillard était d’Éphraïm, les gens du lieu de Benjamin. La der- 

nière réflexion est fort inutile, surtout après le v. 14, où Gibe'a avait été 
qualifiée d’après Benjamin. De sorte que Budde et aussi Moore considèrent 
comme une addition au récit depuis ttTNiTl. On aurait ajouté ce trait pour 
montrer qu’à Gibe'a comme à Sodome (Gen.i9 1 ss.) le seul homme hospi- 
talier était un étranger. Le trait est d’ailleurs assez naturel, non ignara 
mali de sorte que nous n’osons décider, d’autant que le vieillard com- 

mence simplement par interroger et ne montre de l’empressement que 
lorsqu’il a reconnu un compatriote; Lot s’empresse aussitôt (Geu. 19 2). 



302 


juges, 19 18-21 

et d’où viens-tu? 18 Et il lui dit : Nous sommes en route depuis 
Bethléem de Juda pour le fond de la montagne d’Éphraïm. Je 
suis de là, et je suis allé jusqu’à Bethléem de Juda, et je retourne 
* chez moi ’ et il n'y a personne qui me recueille dans sa maison. 
19 Et cependant j’ai de la paille et de la nourriture pour nos 
ânes, et j’ai aussi du pain et du vin pour moi et pour ta ser- 
vante et pour le domestique qui est avec * ton serviteur 1 ; il ne 
manque absolument rien. 20 Le vieillard dit : Sois le bienvenu, 
[laisse-moi] seulement [prendre] sur moi [de pourvoir] à tous tes 
besoins; seulement ne passe pas la nuit sur la place. 21 II le fit 
donc entrer dans sa maison et donna à manger aux ânes ; et ils 

18. wa Sn ; TM mm nu nNl a vec(?) la maison de Iahvé. 

19. "|Tiy le sing. au lieu du plur. (TM). 


18) Dans 18 b mm IV2 nNl est impossible parce que nN ne peut pas mar- 

quer l’endroit où l’on va, et que la locution « je vais avec Iahvé » ne peut 
signifier « je suis de la compagnie de Iahvé » c’est-à-dire prêtre. Il faut 
donc lire Sn av^c les LXX dont la leçon est tout à fait dans le con- 

texte, et laisser de côté toute allusion au sanctuaire de Silo. Le i de IVQ a 
été pris pour l’abréviation de mm ; nN pour Sn est une faute de copiste. 
Vg. ad domum Dei , ne suppose pas Béthel, mais mm W3, comme TM. Syr. 
Targ. ; dans la polyglotte d’Anvers le latin porte domum Domini ; d’ail- 
leurs s. Jér. traduit largement : il a interverti les questions au v. 17. 

19) Le début se soude étroitement à ce qui précède ; on ne veut pas les 
recevoir et cependant ils ne seront pas une gêne. Le îOSDD après « la 
paille hachée », signifie « du grain » (cf. Gen. 42 27) ; la même alliance de 
mots Gen. 24 25 dans J est peu caractéristique. "pTiy D2T le pluriel com- 
prend ici la jeune femme, avec G ; Vg. Syr. Targ. ont le sing. (le lévite 
seul) avec quelques mss. hébreux (Moore). Pour la fin de la phrase, cf. 18 
10 . 

20) La ponctuation jS fi Sn anormale pour Sn qui se trouve II Sam. 

17 16. 

21) Qré Sl’H de SSl, ici dénom. de S^Sl, ce qu’on donne aux bêtes de 
somme. Au printemps, on coupe les orges pour les faire manger en vert, 
c’est peut-être le de SSl mouiller. 



303 


juges, 19 22 

lavèrent leurs pieds et mangèrent et burent. 22 Pendant qu’ils 
étaient en bonne humeur, voici que les gens de la ville, gens de 
la race de Bélial, entourèrent la maison, se pressant en frappant 
contre la porte, et ils dirent à l’homme maître de la maison, au 

22-30. Le crime. Appel aux tribus. — La même redondance d’expres- 
sions se retrouve ici, sans qu’on doive conclure avec Budde' à un double 
document. Par exemple ces gens fils de Beli'al, peut être une épithète bien 
méritée, appliquée aux gens de la ville; le vieillard , maître de la maison 
n’est que pour insister sur ses devoirs d’hospitalité; entourer la maison et 
pousser la porte ne sont point un doublet, etc. Au contraire, nous sommes 
très portés à ne pas voir le crime de sodomie dans le texte primitif avec 
Budde après Doorninck et surtout d’après Josèphe, Ant. V 3.8. On a jus- 
qu’à présent supposé que Josèphe voulait innocenter ses compatriotes, 
mais de graves raisons textuelles militent pour lui. Le lévite dans sa 
déposition (20 5), ne fait aucune allusion à ce crime. Les gens de Gibe'a se 
contentent très bien d’avoir sa jeune femme et n’insistent pas davantage. 
Les expressions du v. 24 au masculin pluriel DriN, DilS sont intolérables 
et une preuve que le texte est corrompu. Le vieillard a dû offrir sa fille en 
échange de l’étrangère, et dès lors le lévite, voyant surtout qu’Ü9 ne 
cédaient pas, a sacrifié sa femme. Ce qui était surtout violé, c'était le droit 
sacré de l’hospitalité, envers un homme de même race, qui, en évitant une 
ville étrangère, devait se croire absolument en sûreté chez les siens. Budde 
remarque avec raison que l’insulte atteignait bien l’étranger v. 24 b , et que 
ce point mal compris a pu facilement être interprété d’un vice contre 
nature. Il faut donc faire un certain nombre de petits changements qu’on 
peut voir dans le texte. Cela est décisif contre Well., qui ne voyait dans 
notre histoire qu’un pastiche tardif de l’histoire de Sodome. Moore préfère 
supprimer le v. 24 qui aurait été ajouté pour imiter l’histoire de Lot, mais 
c’est supprimer le point capital ; le vieillard se sacrifie à l’hospitalité, et, 
pour ne pas que son hôte soit victime, le lévite se résigne à l’infâme exi- 
gence des gens de Gibe'a. 

22) Début comme 18 22. La fin est à mettre au fém. d’après les observa- 
tions ci-dessus. Sur SjpSl, voir l’article si suggestif de Cheyne dans Enc. 
biblica . L’étym. ordinaire S ST* « sans profit, sans utilité, des gens de 

rien », est loin d’épuiser le sens apocalyptique du mot qui se rattache à de 
très anciens concepts. Le texte typique serait Ps. 18 5 où Beli'al serait le 
grand abîme souterrain, celui d’où l’on ne remonte pas, nSÿ *>Sl, comme 
le Chéol babylonien est mat lâ iarat , « le pays sans retour ». Beli'al 



304 


juges, 19 23-23 

vieillard, disant : Livre-nous * la femme qui est venue dans ta mai- 
son pour que nous la connaissions \ 23 Alors l'homme maître de la 
maison sortit vers eux et leur dit : Non mes frères, ne soyez pas si 
brutaux ; après que cet homme est venu dans ma maison, ne faites 
pas cette infamie ! 24 Voici ma fille vierge [ ], je vous ' la ’ livrerai, 
abusez * d'elle ' et faites * lui ’ ce que bon vous semblera, mais ne 
faites pas à cet homme une pareille infamie . 25 Et les gens ne vou- 
lurent pas l’écouter; alors cet homme saisit sa concubine et la leur 
livra dehors, et ils eurent des rapports avec elle et se firent d'elle 
un jeu toute la nuit, jusqu’au matin, et ils la lâchèrent au lever de 

22. ~jITU Sn rusa WK TONH n« ; TM l'homme qui est venu dans 

ta maison pour que nous le connaissions. 

24. Omettre ITOaSsi. — niTlN bis au lieu de DIVIN, nS au lieu de D*lS. 


serait donc une personnification de l’abîme et des puissances du mal ; il est 
toujours employé pour indiquer une extrême malice, en Grec, àv^iia 
àvofjua, àrtocrcaaia, ou comme nom propre BeXtapi G(A, ici). De même, dans 
le N. T. (II Cor. 6 15), Beliar est opposé au Christ et semble être visé dans 
l’Antéchrist, ô avOpcono; xfjç àvop^aç (II Thess. 2 3). 

23 s.) Le vieillard insiste surtout sur la violation de l’hospitalité. Dans le 
v. 24, les pronoms masculins sont par trop étranges surtout en cette cir- 
constance ; Gen. 19 8 a les formes féminines. Le vieillard offre sa fille plutôt 
que de tolérer l’injure faite à son hôte. On ne comprend donc pas qu’il 
dispose en même temps de la concubine. Les commentateurs ont longue- 
ment disputé de la faute du vieillard et du lévite : peut-on ofTrir un 
moindre mal pour en empêcher un plus grand ? comment le vieillard a-t-il 
ofTert sa fille pour éviter ce qui n’eût été qu’une faute matérielle chez le 
Lévite? etc. Mais le cas de conscience ne s’est pas ainsi posé pour le vieil- 
lard. Il a simplement tout sacrifié un devoir sacré de l’hospitalité. lîWJlb'SI 
qu’il faut supprimer a d’ailleurs un suffixe anormal pour v. 2.9 y 

etc. 

23) nmN VJV*\ et nmbbym ne sont nullement des doublets; l’auteur 
marque l’acharnement et l’extrême intempérance des. coupables ; c’est un 
jeu cruel avec une personne réduite à l’impuissance, I Sam. 31 4 ; Jer. 3& 
19. Du soir jusqu'au matin indique qu’ils n’ont pas cessé, l’auteur marque 
ensuite précisément qu’ils ont rejeté la malheureuse au lever de l’aurore. 



305 


juges, 19 26-29 

l’aurore. 26 Et la femme vint au petit matin et tomba sur l’entrée 
de la maison de l’homme, où son seigneur se trouvait, jusqu’au 
jour. 27 Et son seigneur se leva le matin et ouvrit les portes de 
la maison, et il sortit pour continuer son chemin, et voici que la 
femme sa concubine était étendue sur l’entrée de la maison, les 
mains sur le seuil. 28 Et il lui dit : Lève-toi pour que nous par- 
tions ; et personne ne répondit. Alors cet homme la prit sur 
«on âne et se leva et partit pour chez lui. 29 Et il vint à sa mai- 
son et il prit un couteau et saisit sa concubine et coupa ses 

Le Qré JVlbvs est un des sept cas où la Massore corrige en D le 3, avec l'in- 
finitif (cf. Moore). 

26) Encore des doublets pour Budde « au petit matin », « jusqu'à ce qu’il 
fît jour »... mais tout cela n'est pas sans beauté ; elle tombe avant d’avoir 
-eu la force de frapper, elle demeure sans secours jusqu’à la pleine lumière. 
C’est l'agonie de l’infortunée qui frappe inutilement à la porte de la maison 
où est son mari, réduite à attendre encore. Ipin JY13S, cf. Ex. 14 27* de E 
selon nous. Un certain nombre de mss. grecs (Lag. etc.) ont 7r«p« ttjv Oupav 
tou jcuXwvo; tou oTxou... IVün Fins, et comme il n'est pas probable qu'ils 
aient introduit cette redondance, ce serait une preuve de yjW pour une 
porte de maison ; cf. 18 16.17 ; c’est en tout cas un accus, adv. — TIKH TJ 
semble avoir été ponctué niph., 1ÎNH par les LXX. 

27) nbsj « étendue », cf. 4 22; mais ici le texte évite de dire qu'elle était 
morte : elle est dans une position naturelle, les mains sur le seuil comme 
endormie. 

28) njÿ (littér. « et personne ne répondait ») ; les LXX ont ajouté : 
car elle était morte, mais cela ne paraît être que pour plus de clarté, comme 
*s. Jér., moins naïvement, a ajouté : intelligens quod erat mortua. Quoiqu'on 
admire beaucoup la concision tragique du texte, il est étonnant que la mort 
ne soit pas mentionnée. La version arm. et le syr.-hex. ( Field ) ont mis la 
mort à la place de llNH T? y. 27. 

29) Cela rappelle aussitôt I Sam. il 7, et Moore pense même que l’action 
de Saül coupant ses bœufs comme une menace symbolique va plus droit au 
but que celle du lévite qui ne tend qu’à inspirer de l’horreur pour le for- 
fait. Ce sont en effet des idées bien différentes, mais on ne peut dire quelle 
est la primitive, et encore moins avec Wellh. que nous n'ayons ici qu’une 
imitation. Le chiffre de douze ne vise pas directement les tribus, mais 
immédiatement la division des membres; on peut supposer que les bras 
et les jambes sont coupés aux jointures principales, la tête et le tronc 

P. Lagrangk. — Les Juges. 20 



306 juges, 19 30 

membres en douze morceaux; et il l’envoya dans tout le terri- 
toire d’Israël. (3°) * Et il recommanda aux gens qu’il envoya, disant : 
Voici ce que vous direz à tous ceux d’Israël : a-t-on vu pareille 
chose depuis le jour où les fils d’Israël sont montés du pays 
d’Egypte jusqu’à aujourd’hui? ’ 30b Pensez-y, prenez conseil et 
parlez! 304 Et tous ceux qui voyaient disaient : Il n’y a pas eu et 
on n’a pas vu chose semblable depuis que les fils d’Israël sont 
montés du pays d’Égypte jusqu’à aujourd’hui. 

30. -aiD mn dn Snto^ SdS nonn ns idnS nStt ton dtojnS wj 
ntn Dvn vj anxa yiNa Snto^ m robsr dvdS nra 


restant à part (Moore). Il n’est pas légitime de suspecter le chiffre de douze 
comme introduit plus tard d’après les idées Gxées sur les douze tribus (contre 
Budde) ; il faut plutôt constater que ce chiffre de douze était déjà admis et 
reçu couramment. A l’ajouter plus tard, on eût dit expressément qu’il 
envoya « aux douze tribus » d’Israël. 

30) Dans le TM TON*!, le waw consec . avec le parf. marque que l’action 
se reproduisait toutes les fois que le cas se présentait : « chaque fois 
qu’on voyait, on disait »; le waw consec, avec l’imparf. signifierait: 
« après avoir vu il disait »... D’ailleurs l’ensemble du texte est évidem- 
ment écourté. 30 b ne peut être placé que dans la bouche des envoyés du 
lévite. Il faut restaurer le texte d’après l’ancienne traduction grecque, 
représentée ici par A avec d'autres et Syr.-hex. On y trouve d’abord le 
TM 30 a puis une addition, puis le texte mass. 30 b . L’addition est nécessaire 
avant 30 b , mais on peut se demander si elle ne rend pas inutile le TM 30* ; 
cependant comme ce texte marque énergiquement la réprobation des 
Israélites et qu’on ne s’expliquerait pas son invention, il y a lieu de le 
conserver en le déplaçant. Pour 30 b V vient de forme secondaire 
pour yy», et doit être complété par nyy comme dans Is. 8 10 (le seul autre 
cas), ou encore les deux cas doivent être ponctués ijfÿ de yyi. Moore pré- 
fère la locution, d’ailleurs inusitée, nïV DTO, prendre conseil, d’après les 
LXX ; mais il semble qu’ici les LXX n’ont pas compris la locution 
□dS qui à elle seule signifie réfléchir. Il est vrai que DDab pour OdS serait 
plus naturel, mais Sg St. qui proposent cette correction fournissent des 
exemples de l’ellipse de lb, Is. 41 20 ; Job. 23 6. « Pensez-y, délibérez et 
faites connaître votre décision. » La Vg. très largement : Ferle senten - 
tiam et in commune decernite , quid facto opus sit. — Le texte de G(A) est 
celui que Josèphe avait sous les yeux (Ant. V 2 8). 



307 


juges, 20 1-2 

20 1 Et tous les fils d’Israël sortirent [P] et la communauté se 
rassembla comme un seul homme [E] de Dan à Bersabée et le 
pays de Galaad vers Iahvé à Maspha. 2 Et les principales forces de 
tout le peuple se présentèrent [PJ toutes les tribus d’Israël en 

1-40. Délibération des tribus. Quelques indices de P, v. 1 et v. 2, en 
partie v. 9 et 10. — 1) Un des caractéristiques du Code sacerdotal, c'est 
le mot myn qui considère les Israélites comme formant une assemblée, 
une congrégation. Le mot bflp soit comme verbe, soit comme substantif, 
a le même cachet; les deux réunis sont très expressifs; cf. Lev. 8 4; Num. 
17 7 et surtout Jos. 22 12 où il s’agit d’une réunion analogue pour com- 
battre Ruben etc. Dans Neh. 8 1 ; Esdr. 3 1, on trouve l’expression 
TnN, mais c’est le peuple qui se réunit : D yn Sd 13DW1 (Neh. 8 1). La part 
de P ainsi faite « de Dan à Bersabée » est une expression ancienne I Sam. 
3 20; II Sam. 3 10 ; 17 H etc. ; (de Bersabée à Dan I Chron. 21 2 ; II Chron. 
30 5). — liOPT ne doit pas être pris dans le sens de faire une expédition 
belliqueuse (contre Moore et Budde) , puisque le dessein n’est pas encore 
formé. Ils sortent de chez eux pour se rendre à Mispah. C’était une cité de 
Benjamin (Jos. 18 26), que nous plaçons à Tell Nasbeh (cf. Les Maspeh par 
M. l’abbé Raboisson 1897) et par conséquent touchant à la frontière de 
Joseph (Épliraïm) près d 'el Bireh. C’était alors un sanctuaire et un lieu de 
réunions I Sam. 7 5 ; 10 17. « On croit qu’il y avait aussi un autel, ce qui 
peut se confirmer par ce qui est dit ici, que le peuple s’y assembla ad 
Dominum , pour consulter le Seigneur » ( Calm .). Mais dans l’hypothèse de 
la stricte unité d’autel, on a préféré supposer qu’il s’agissait de Silo, et cela 
depuis Josèphe (Ant. V 2 9) • Quelques-uns ont voulu que Maspha en ce 
passage signifiât une hauteur, et qu’il soit mis pour Silo » (Calm.). Cette 
opinion a été reprise avec une grande érudition par Poels ( Histoire du 
sanctuaire , 1897). D’autres conciliateurs ont supposé que l’arche suivait la 
réunion dans ses divers mouvements. Mais au temps des Macchabées on 
conservait encore le souvenir de l’ancien sanctuaire (I Macch. 3 44 ss.). On 
croyait donc ce lieu honoré d’une présence spéciale de Dieu, sans qu’on ait 
pris soin de le rattacher à aucune théophanie patriarcale ; on peut remar- 
quer en passant que ces rapports avec les patriarches ne s’inventaient donc 
pas à plaisir pour consacrer les lieux de culte. En mettant Mispah à Nèby 
Samwil , on suppose que les Israélites se sont groupés en plein pays de 
Benjamin et dans une position peu favorable pour attaquer Gibe’a, à cause 
de la vallée profonde qui sépare Néby Samwil de Tell el-Foul. 

2) maS litt. « les angles », par conséquent les principaux, l’élite; ce mot 
peut appartenir au récit ancien (cf. I Sam. 14 38). Le reste est de P. On 



308 


juges, 20 3-5 

assemblée de peuple de Dieu, quatre cents mille piétons tirant le 
glaive. 3 Or les Benjamites apprirent que les fils d’Israël étaient 
montés à Maspha. [E] Les fils d’Israël dirent donc : Dites com- 
ment ce crime s’est passé. 4 Alors cet homme, le lévite, mari de la 
femme qui avait été tuée, répondit et dit : Je suis allé, moi et ma 
concubine, à Gabaa de Benjamin pour y passer la nuit . 5 Et les cito- 
yens de Gabaa se sont levés contre moi et ils ont entouré contre 
moi la maison pendant la nuit; ils ont voulu me tuer et ils ont 


trouve dans Mich. 2 5 mrP Snp, l’assemblée de Iahvé, mais cette expression 
est loin d’être aussi théocratique que : « toutes les tribus d’Israël en 
assemblée de peuple de Dieu. » Le chiffre de 400.000 combattants est en 
rapport avec celui de 600.000 de P, Ex. 12 37 et différents recensements. 
Mêmes expressions et même exagération Jud. 8 10. Moore fait remarquer 
que l’armée allemande qui assiégeait Paris en 1871 ne comptait que 
240.000 combattants. Ces chiffres n’ont évidemment rien d’historique et 
n’appartiennent pas au thème primitif, d’autant que cette masse (sans t oaw) 
paraît donnée comme explication de l’élite, nias. C’est probablement une 
simple glose, le recensement n’ayant lieu que plus tard v. 17. — se 

ranger, prêt à combattre (1 Sam. 17 16), ici pour parer aux éventualités. 
G(B) remplace D7H Sd IÏ1JS par mrp ils se tinrent devant Iahvé, mais 
A. Lag . etc. sont avec TM. 

3) La première partie du v. n’a évidemment pas de lien avec la seconde 
(G {Lag.) a essayé de l’établir), mais il est plus simple de la souder à ce qui 
précède que de supposer un document spécial. 

4) L’insistance sur Gibe'a « qui est de Benjamin » s’expliquerait mal si 
près des lieux, n’était les autres villes du même nom. niWljn rWNH WH 
peut être aussi bien d’un style redondant qu’une glose. 

5) Le lévite se plaint qu’on a voulu le tuer et qu’on a abusé de sa femme. 
Les Commentateurs ont grand’peine à montrer que ce n’est pas une 
contradiction avec le texte actuel de 19 22. En tous cas on n’insiste nulle- 
ment sur le crime de sodomie pour soulever l’indignation des tribus. En 
réalité il n’était pas en cause. Dans leur dessein d’abuser de la jeune femme 
les gens devaient naturellement songer à tuer le mari (cf. Gen. 12 12), il 
n’a échappé à la mort qu’en livrant lui-même sa femme : c’est là-dessus 
seulement qu’il glisse. Ce verset est donc en parfaite harmonie avec 19 22, 
mais selon notre correction. 



309 


juges, 20 6-9 

abusé de ma concubine tant qu elle en est morte. 6 Et j’ai pris ma 
concubine, et je l’ai coupée et je l’ai envoyée dans toutes les 
campagnes de l’héritage d’Israël, car ils ont fait [ ] une infamie 

dans Israël. 7 Vous êtes tous ici, fils d'Israël, délibérez et prenez 
conseil ici même. 8 Et tout le peuple se leva comme un seul 
homme , disant : Nous n’irons pas chacun à sa tente et nous ne 
nous rendrons pas chacun dans sa maison . 9 [P] Et maintenant 

voici ce que nous ferons pour Gabaa : * nous jetterons le sort 

6. Omettre HQT avec LXX. 

9. brun nbya ; TM bn» rpby contre elle par sort (?). 


6) nOÎ ne se trouve pas dans les LXX (A Lag. etc.), et doit être une 
glose pour exprimer plus fortement l'indignation du lévite et peut-être 
pour insister sur l’immoralité du fait, Lev. 18 17 etc. Dans G(B) est 
emprunté à Théodot. d’après s. Jér. (cf. Field , ici et sur Ez. 16 27 et Ez. 
22 9). 

7) Cf. II Sam. 16 20 pour l’expression n2T3T QdS *Qn. 

8) Moore et Budde voient dans les mots « et nous ne rentrerons pas 
chacun dans notre maison » une répétition oiseuse de ce qui précède, et 
par conséquent une glose. Mais il semble que l’auteur a visé les deux genres 
de vie qui existaient dans Israël, la vie sous la tente et la vie dans les 
maisons. Après ttPN le pluriel vbrwb préféré par Moore, Budde pourrait se 
soutenir (II Sam. 20 1), mais non en parallélisme avec *1IVS. La suite 
manque ; le sens exige : jusqu’à ce que nous ayons puni Gibe’a, qui se 
trouve précisément 10 b après l’addition de P. Dans le texte primitif il 
fallait écrire JVUT? TJ au lieu de IYWStS. 

9) 9 b est énigmatique dans TM : « contre elle par sort! » Keil se délecte 

de cette brièveté sentencieuse et comprend que la ville est condamnée à 
subir le sort des Cananéens dont les propriétés étaient confisquées et tirées 
au sort. Hum. le réfute. Moore recourt aux LXX et supplée flS J2 devant 
rpbÿ; àva€r,flro[xe0a erc’ ccuttjv ev « montons contre elle à tour de rôle », 

c’est l’idée du v. 18, mais nullement en rapport ici avec le contexte. Budde 
soupçonne les LXX d’avoir suppléé aisément à ce qui manquait et préfère 
lire : Stu nb*EJ, au lieu de b*VU2 rpb 'J\ le sens est excellent, déjà donné 
par Rosen., mais le changement est plus considérable qu’il est nécessaire. 
Nous lisons nbîTJ avec LXX au lieu de nb^EJ de Budde, expression aussi 
bonne pour le tirage au sort; quoique nous n’ayons pas l’expression, f nous 
ferons monter le sort* dans l’A. T., elle est supposée dans : « le sort 



310 


juges, 20 10-H 

10 et nous prendrons dix hommes pour cent de toutes les tribus 
d’Israël, et cent pour mille et mille pour dix mille pour prendre 
des provisions pour le peuple, * pour ceux qui vont ’ [E] faire 

* à Gabaa * de Benjamin, selon toute l’infamie qu’elle a faite dans 
Israël. 11 [P ] Et tous les gens d’Israël se réunirent vers la ville 

10. devant mwS; TM DNllS après rVKPÿS pour qu'ils aillent . — 

nyiab; tm yiab à Geb'a. 


monta », Lev. 16 9 s. rpby est à supprimer. Le petit désordre vient de la 
fusion des deux documents. C’est P qui commence au v. 9; il se préoccupe 
de fournir des vivres à son immense multitude : cette mesure n’est pas 
directement dirigée contre Gibe'a, donc son texte ne devait avoir ni 
ni rpSy> mais ces deux mots devaient être ajoutés quand la mesure d’inten- 
dance eut été insérée entre v. 8 et v. 10 b du texte primitif. Le 3, devant 
Syu devait être un H, l’article, qui parait nécessaire; le 1 a pu s’introduire 
d’après v. 48. Vg : très rondement : sed hoc contra Gabaa in commune 
faciamus. 

10) 10» un homme sur dix était assez dire; c’est bien le style dilîus de P, 
sans parler de l’irréel de l’hypothèse à cause des chiffres énormes qui sont 
ici en jeu. 10 b Lire nÿia, car yia n’est pas en question, DK*qS après 
rwyb est intolérable, comme simple équivalent et rompt le contexte 
« pour faire à Gibe'a ». Il faut donc le supprimer ou plutôt le lire 
avant IÏUtfyb, « pour le peuple, » c’est-à-dire pour ceux qui vont pour faire 
à Gibe'a etc. C’est la leçon du G que Moore désigne par M, mais repré- 
sentée ici par le cod. 18 (Field)\ la plupart des mss. ont lu ce mot après 
rwyb. G(B) qui suit TM a dû répéter rVUTïrb pour que le contexte ne soit 
pas interrompu! On voit en tout cela l’embarras de la soudure; 10 b précédé 
de était la fin du v. 8 dans le document primitif. Ici encore la Vg. 
prend au plus court ut comportent exercitui cibaria, et possimus pugnare 
contra Gabaa Benjamin et reddere ei pro scelere , quod meretur. C’est bien 
le sens général. 

11-18. Préliminaires du siège. — 11) Les vivres étant assurés, on se 
concentre autour de la ville, contre elle, b y au lieu de bN.-D'Hin a été 
rendu par LXX (sauf B qui n’a rien) par Êpyojxsvoi (ou èpyo'jAfivo;) que Moore 
juge à bon droit corrompu pour sy ojaevoi se tenant unis . Budde préfère lire 
ran, ce qui pourrait s’appuyer sur Syr.-hex. Le substantif est d’ailleurs 
beaucoup plus moderne que le verbe et l’indice d’une basse époque. 



juges, 20 12-15 311 

comme un seul homme, confédérés. 12 Et les tribus d’Israël 
envoyèrent des gens dans toute * la tribu * de Benjamin, disant : 
Quel est ce crime qui a été commis parmi vous? 13 Et maintenant 
livrez les hommes, fils de Bélial qui sont à Gabaa, et nous les 
mettrons à mort 'et nous ferons disparaître le mal ’ d’Israël; et 
* les Benjamites * ne voulurent pas écouter la voix de leurs frères, 
les fils d’Israël. 14 Et les Benjamites se réunirent ' de leurs villes ’ 
à Gabaa, pour sortir en guerre contre les fils d’Israël. ( 15 Les Ben- 
jamites se recensèrent en ce jour-là, [il y avait] des villes vingt- 

12. mur; TM imtP les tribus. 

13. nnn coupure différente du TM. — Lire >31 avec Qré. 

14. QiTOO ; TM Dnyn des villes. 


12) Lire 131E7 au sing. devant Benjamin avec LXX, Vg. etc. 

13) Comparer la procédure du Dt. 13 13 ss. Calmet : « Il semble que les 
Israélites auraient dû commencer par là, avant que de prendre les résolu- 
tions qu’on voit dans les vv. précédents. » Réflexion très juste ; nous avons 
déjà constaté que la résolution n’était pas du môme auteur. Dans P on 
s’explique que la démonstration militaire précède la sommation. 

13) Mettre l’article devant soit en doublant le n, soit en coupant 
n Vin "W13>. L’expression est purement deutéronomique, Dt. 17 12; 22 22 etc. 
Restituer avec LXX >31 devant ^Q>31, c’est un des cas de Qrê we lo Khetib . 

14) D’après Moore, du document primitif, mais plutôt de P, avec Budde, 
comme réplique au v. 41. Il n’est pas nécessaire de placer cette concen- 
tration des Benjamites dans l’ancienne histoire ; elle a pu être supposée. 
Lire (avec G) DrPiy au lieu de onyn ; on a conformé la leçon à celle du 
v. 15 (Budde), mais il y a une nuance appréciable; dans le v. suivant on 
doit dire D>l^n pour une moindre opposition avec Gibe'a qui est aussi de 
Benjamin. 

15) La ponctuation de HpSIV est anormale, puisque les consonnes indi- 
queraient Hithpa'el , qui exigerait la duplication de p précédé d’une brève. 
Cependant cette anomalie est très conséquente encore v. 15. 17. et 21 9 et 
la forme passive correspondante quatre fois Num. 1 47 ; 2 33 ; 26 62 ; l Reg. 
20 27. On a proposé une forme réflexe de Qal , mais Kœn . et GesK 26 54 l 
sont d’accord pour y voir une simple anomalie de ponctuation pour 
Hithpa'el. Il est en tous cas remarquable que tous ces passages sont d’un 



312 


juges, 20 16 

six mille hommes tirant le glaive, sans compter les habitants 
de Gabaa) [ ]. 16 Parmi tout ce peuple, il y avait sept cents 

hommes d'élite, ambidextres, tous ceux-là tiraient de la fronde 

15. Omettre : lira ttPN JTIND nw HpSnn, on recensa sept cents hommes, 
d'élite. 


style récent. — Devant VTpSnn 15 b il faut ajouter non avec G (A Lag .); 
aucune des citations de Moore, Dt. 3 5 ; I Reg. 5 30 ; II Chron. 9 14, ne 
justifie l’absence de "WH ou de non devant le verbe défini. — Le TM Sr/r. 
Targ. ont 26.000, mais les LXX ont 25.000, suivis par Vg. Le G(B) a 
23.000, mais c’est un accident, la tradition des LXX est ferme (A Lag. etc. 
Syr. hex ., eth. confirmée par Josèphe (25.600 en tout dont 500 frondeurs- 
gauchers (Ant. V 2 10). On voit vv. 44-46 que les Benjamites dans la der- 
nière bataille ont perdu 25.000 hommes; pour le même jour le v. 35 en 
marque 25.100, et il en reste 600 v. 47. Faut-il admettre que les LXX ont 
voulu se rapprocher de ces chiffres ou que le TM a voulu tenir compte des 
premiers combats? On peut soutenir en faveur du chiffre des LXX, que 
fauteur, si précis, n’aurait pas manqué de nous instruire en détail des- 
premières pertes des Benjamites s’il en avait eu en vue. 

16) Tel qu’il est écrit ce v. 16 suppose que les 700 frondeurs-gauchers ne 
sont pas les 700 de Gibe'a, mais pris dans tout le corps des Benjamites. 
Seulement les LXX Vg. Syr. n’ont pas depuis SdO jusqu’à TITO, et on doit 
admettre, du moins une fois, la suppression des 700 hommes d’élite, soit 
ici, soit v. 15 b ( Budde , Moore etc.). Si on retranche de SdQ à TITO d’où, 
vient l’addition massorétique ? D’après Hum. (comme probable) un copiste 
aura répété par mégarde TITO EPN IT1NQ ÿHUT et un autre aura donné un 
sens à cette répétition en ajoutant avant n?H DÿH 73Q. Mais il serait plus- 
probable que toute la correction fût intentionnelle. En effet il est impossible 
de supposer 700 frondeurs gauchers : T T2N a été emprunté à 

l’histoire d’Éhoud 3 15 ; Moore le considère comme une glose, et retranche 
ces trois mots, quoique sans autorité dans les versions. Ce qui caractérise 
la glose, c’est précisément le trouble apporté au passage. Il était assez 
naturel de représenter les 700 de Gibe'a comme d’excellents frondeurs p 
mais quand on en eut fait des gauchers par l’addition de la glose, il a falli* 
les prendre dans tout le peuple, d’où l’addition de SdQ à TITO dont le texte- 
des LXX était encore exempt. Nous adoptons une autre hypothèse, vers- 
laquelle penche Budde; on supprime au v. 15 depuis TTpSDn; le nombre des. 
gens de Gibe'a ne serait pas déterminé et évalué mentalement par l’auteur" 



313 


juges, 20 17-18 

sur un cheveu et ne manquaient pas. ( 17 Et les gens d’Israël se 
recensèrent, sans compter Benjamin, quatre cents mille hommes 
tirant le glaive, tous gens de guerre.) 18 Et ils se levèrent et 
ils montèrent à Béthel, et ils consultèrent Dieu, et les fils d’Israël 
dirent : Qui de nous montera le premier dans le combat contre 

à 600, pour correspondre avec v. 47. Le v. 16 demeurerait intact, les 
700 archers seraient l’élite des Benjamites, maislZ^O^ 7^ 7T2N ne signifierait 
pas gaucher, mais plutôt ambidextre, et ne serait qu’une autre manière de 
dire comme I Chron. 12 2 ss. que les frondeurs, surtout Benjamites, savaient 
se servir des deux mains. Il ne répugne pas qu’à une époque basse 7IDN ait 
fini par prendre cette signification que d’ailleurs les verss. lui donnent. Ce 
qui confirme cette manière de voir, c’est que Josèphe distingue les 500 fron- 
deurs des 25.600 qui comprennent les gens de Gibe'a. Si les chiffres de 
Josèphe pouvaient passer pour originaires, la seule correction à faire serait 
de lire au lieu du premier y2ïZ7 et UQn au lieu du second, mytort 
nom d’unité de iyir, un seul cheveu ; Moore préfère un locatif « dans la 
direction d’un cheveu » en ponctuant y au lieu de y. 

17) Les gens d’Israël, sans compter Benjamin (naturellement !) sont 400.000. 
Au Sinaï ils étaient 568.150 en enlevant les 35.400 Benjamites du chiffre total 
de 603.550 (Num. 2 23). Les proportions sont donc logiquement calculées. Le 
nombre des Benjamites a diminué dans la proportion de 1.38, celui des autres 
de 1 .67 (Hum.). L’auteura pensé que tout le monde absolument n’était pas venu 
à la guerre; d’après Hum. le nombre des Israélites avait diminué dans leurs 
courses et leurs combats. Depuis son commentaire des Nombres il reconnaî- 
trait sans doute l’impossibilité de mettre en mouvement de pareilles masses. 

18) Ce v. est attribué par Moore à l’écrivain sacerdotal. Budde le croit 
encore plus jeune et le considère après Berlheau comme une pure glose : 
c’est qu’il n’est nullement question dans la suite d’un rôle spécial attribué 
à Juda. Il est bien vrai que la consultation en elle-même, depuis nSy^ 
est une imitation de 1 2, mais on ne saurait dire si cette imitation est le 
fait de P ou d’un glossateur. Moore prétend même que le sens de 1 2 a été 
mal compris et que la priorité dans l’action est transformée ici en une 
priorité de rang et d'honneur rendus par nSnrQ rnirp qui serait même une 
phrase peu hébraïque. Il faut noter toutefois que les LXX ont àv«6r[a£ -rat 
= nSyi comme 1 2. De plus il y a une grave difficulté contre l’origine trop 
tardive du début du verset. Les Israélites vont consulter à Béthel, qui n’est 
qu’à une petite heure de Tell Nasbeh. Ceci a paru tellement anormal aux 
Juifs de basse époque qu’ils ont interprété Sn JV2 en deux mots comme la 
maison de Dieu, Vg. in domum Dei , hoc est Silo. Aurait-on eu la pensée 



314 


juges, 20 19-22 

les Benjamites? Et Iahvé dit : Juda * montera * le premier. 19 Et 
les fils d'Israël se levèrent le matin et campèrent contre Gabaa. 
20 Et les gens d’Israël sortirent pour le combat contre Benjamin, 
et les gens d’Israël se rangèrent en bataille avec eux pour le 
combat vers Gabaa. 21 Et les Benjamites sortirent de Gabaa et 
firent périr dans ce jour-là vingt-deux mille hommes d’Israël 
[demeurés] sur le sol. 22 Et les gens d’Israël reprirent courage et 
recommencèrent à se ranger en bataille au lieu où ils s'étaient 

18. nbir ; TM om. 


d'insérer une glose aussi gênante pour l’unité absolue du sanctuaire ? Hum. 
explique ce fait par la présence du grand prêtre muni de l'Ourim et du 
Toummim , mais pourquoi Béthel? De plus est à noter au lieu de nVP 

qui paraîtra dans les autres consultations. N’aurions-nous pas ici dans le 
début l’annonce d’une consultation à Béthel par le document primitif, E, 
consultation qui aurait disparu, remplacée par une imitation de 1 2, à 
moins que cela aussi ne fasse partie du thème primitif? 

19-28. Premières tentatives. Tout paraît être de P sauf peut-être v. 19. — 
19 s.) On voit dans le v. 20 le doublet de v. 19 et dès lors Budde et Moore 
donnent le v. 19 à l'auteur primitif, le v. 20 à P. Mais le v. 20 lui-même est 
écrit d’une manière si redondante que son auteur a très bien pu écrire v. 19 
sans vouloir dire les mêmes choses. On place son camp, on sort pour com- 
battre, on se range (cf. Gen. 14 8) en bataille. Ce peut donc être le même 
auteur dans le style diffus de P. 

21) Les Benjamites, sans perdre un seul homme d’après les chiffres des 
LXX, tuent 22.000 Israélites. 

22 s.) Le v. 22 est du même auteur diffus. Mais le v. 23 n’a plus rien à 
faire puisque les gens ont déjà repris courage. On peut supposer que les 
deux versets ont été déplacés et qu’il faut mettre v. 23 avant v. 22. On peut 
aussi retrancher v. 23 comme une glose. Ce parti est le meilleur d’autant 
que si cette consultation du Seigneur s’était trouvée dans le texte de P, elle 
eût été glosée par la présence de l’arche comme v. 27. Hum. supprime la 
difficulté en partie en traduisant IpTrirPl par roborati sunt arcessitis majo - 
ribus copiis ; mais les 400.000 avaient donné ; où pouvait-on trouver encore 
des troupes? La Vg. donne à la défaite une cause morale en corsant un peu 
le texte : Bursum filii Israël , et fortitudine et numéro confidentes ; on les 
taxe ainsi d’une présomption que le vrai texte ne leur impute pas. On s’ef- 
force en effet d’expliquer par une faute des Israélites leur défaite : mais ils 



315 


juges, 20 23-27 

rangés le premier jour. ( 23 Et les fils d’Israël montèrent et pleu- 
rèrent devant Iahvé jusqu’au soir et consultèrent Iahvé disant : 
Faut-il encore m’avancer pour combattre les fils de Benjamin 
mon frère? Et Iahvé dit : Montez contre lui.) 24 Et les fils d'Israël 
s’approchèrent des Benjamites le second jour. 25 Et Benjamin 
sortit de Gabaa à leur rencontre le second jour, et ils firent périr 
encore dix-huit mille hommes des fils d’Israël [demeurés] sur le 
sol ; tous ceux-là tirant le glaive. 26 Et tous les fils d’Israël et 
tout le peuple montèrent et vinrent à Béthel et ils pleurèrent et 
ils se tinrent là devant Iahvé, et ils jeûnèrent ce jour-là jusqu’au 
soir, et ils offrirent des holocaustes et des pacifiques en présence 
de Iahvé. 27 Et les fils d’Israël consultèrent Iahvé (or l’arche de 

pleurent devant Dieu, ils le consultent... et encore Dieu leur dit : continuez, 
alors qu’ils doivent être battus le lendemain. Ménochius voit là une louable 
restriction mentale, Hum. dit que la victoire est promise... pour plus tard. 
Mieux vaut supprimer comme glose le malencontreux verset, inconciliable 
avec v. 22 dans sa place, que rien ne prouve avoir été déplacé et qui est 
bien plutôt l’œuvre d’un esprit subtil qui a voulu établir un degré entre les 
différentes consultations; celle-ci ne suffisait pas sans le jeûne et les sacri- 
fices, la réponse de son côté est incomplète : donnant, donnant : n’est-ce 
pas la casuistique d’un rabbin? La Vg. harmonise en traduisant v. 23 : ita 
tamen ut prius ascenderent... 

24 s.) Nouvelle défaite dans le même style. 

26) Le v. est beaucoup plus complet que v. 23. Jusqu’au soir s’entend 
mieux du jeûne que des pleurs comme un terme ordinaire des jeûnes com- 
plets. On offre des pacifiques et des holocaustes. 

27 s). Il y a une parenthèse entre « ils consultèrent Iahvé » et — « en ces 
termes », qui cependant doivent être étroitement unis. La parenthèse est 
donc une glose, en quelque sorte double, la présence de l’arche justifie les 
sacrifices selon les idées rigoureuses sur l’unité d’autel, la présence du 
grand prêtre est indispensable pour la consultation. Mais un rédacteur dans 
l’esprit du code sacerdotal P, ou l’auteur d’un midrach aurait-il écrit une 
phrase qui avait un tel besoin d’être glosée, en introduisant une pierre 
d’achoppement comme Béthel? Il semble que la consultation à Béthel devait 
déjà se trouver dans le premier récit. Rien dans le v. 26 n’est purement du 
style de P, sauf la redondance : c tous les fils d’Israël et tout le peuple * qui 
indiquerait précisément une suture. En tous cas, on ne voit ici aucun senti- 
ment de pénitence comme Ex. 32 30; Jos. 7 6 ss.; les pacifiques indiquent 



316 


juges, 20 28-31 

l’alliance de Dieu était là dans ce temps-là, 28 et Phinéès, fils 
d’Éléazar, fils d’ Aaron se tenait devant elle en ce temps-là) disant : 
Dois-je sortir encore pour combattre contre les fils de Benjamin 
mon frère, ou faut-il cesser? Et Iahvé dit : Montez, car demain 
je le livrerai entre tes mains. 20 Et Israël plaça des embuscades 
tout autour de Gabaa. 30 Et les fils d'Israël montèrent le troi- 
sième jour vers les Benjamites et se rangèrent en bataille vers 
Gabaa comme les autres fois. 31 Et les Benjamites sortirent à la 
rencontre du peuple (ils s’étaient détachés de la ville), et ils com- 
mencèrent à faire des victimes parmi le peuple comme les autres 

qu’on se croit en paix avec Dieu. Dans l’opinion du glossaleur, les faits 
étaient rapprochés de la première conquête. 

29-36 *. Premier récit de la défaite des renjamites. — Budde voit ici et 
jusqu’à v. 48 la trace de trois documents, deux anciens et ce qu’il nomme 
le midrach. Voici sa division. A A appartiennent: v. 29-33 (?), 34. 36 b -l8. 
40-*2 ft . 44* et une conclusion correspondante à v. 47.48. B le second docu- 
ment ancien aurait 31 et 32. Le reste au Midrach : 30. 31* a 35. 36* et le 
contenu de 47.48. Au dernier rédacteur v. 44^-46 v. 39 et 42*>. 43. D’ailleurs 
de nombreuses retouches. Nous ne pouvons discuter en détail un système 
si compliqué, la nécessité d’admettre deux auteurs primitifs n’apparaît nulle 
part. Nous nois rallions dans l’ensemble à l’analyse de Moore qui voit v. 30 
à 36* le récit du dernier auteur, P, dans 36 b -41 celui de l’auteur ancien, par 
hypothèse E. 

29) Ce v. paraît appartenir à E dans lequel l’embûche joue un rôle pré- 
pondérant. Le pluriel, au lieu de TVIN, n’est pas sans exemples,. 

Jos. 8 4; Jér. 51 1 2; ce qui étonne ici, c’est que le sing. se trouve v. 33. 36- 
38. Le pluriel semble être commandé par le mot autour ; mais voit-on dans 
la suite que les embuscades aient complètement entouré la ville? 11 semble 
donc que le v. ait été retouché par le rédacteur pour s’appliquer aux deux 
^récits qui vont suivre. 

30) De P, faisant suite à v. 28 après l’oracle; mêmes expressions que 
v. 20.22 et allusion à ces faits. 

31) Le début comme v. 21.25. Ipron hoph. avec maintien du noun, Gesk 
K. 26 68/*, est maintenu par Budde contre Moore. La forme asyndelon est 
expliquée par Kœn. 119 à l’instar de Gen.40i0,le parf. indiquant une action 
qui se produit rapidement, et presque avant le temps normal qui serait 
exprimé plutôt par niph., *ipn^l(Jos. 8 16). En tous cas conclure de l’asyn- 



juges, 20 32-33 317 

fois, dans les chemins dont l’un monte à Béthel, et l'autre à 
* Gabaon *, en [rase] campagne. (Environ trente hommes d’Is- 
raël, 32 et les Benjamites dirent : ils sont battus [et fuient] 
devant nous comme la première fois) et les fils d’Israël 
s'étaient dit : Fuyons et nous le détacherons de la ville 
vers les chemins. 33 Et tous les gens d'Israël se levèrent 
de leur place et se rangèrent en bataille à Baal Tamar, et l’embus- 

31. naÿia ; TM niWia r ers Gibe'a (Gabaa). 


detonk deux documents, c'est supposer que leRédac. n'aurait pas su mettre 
un waw (contre Budde). 

La position est impossible dans le texte actuel. Il ne peut être question 
•d’un chemin qui monte à Gibe'a par opposition à une autre direction, parce 
que cela ne signifierait rien du tout. La lecture yia ne conviendrait pas non 
plus, car Djeb'a est plutôt en contre-bas. Il faut donc lire ruina, vers 
Gibé'on. Quelle que soit la situation de cette ville ( Vg. Gabaon), ou Néby 
Samwil ouel-Djib, un chemin se détache de la grande route de Naplouse 
pour s’y rendre. Il y a là un grand terrain plat, c’est le champ, synonyme 
des routes, dont parle le texte. 

32) On explique dans quelles pensées s’est opéré le mouvement décrit; 
les Israélites attirant les Benjamites dans un piège, les Benjamites se 
«croyant sûrs de la victoire comme les autres jours. 

33) Les termes du début sont difficiles : à la lettre les Israélites sortent 
de l'endroit où ils se tenaient comme pour entrer en ligne, et cependant ils 
étaient déjà en fuite. On ne peut traduire « ils quittèrent la place, fuyant 
le combat » (Hum.) ni « ils avaient abandonné leur première position » 
•( Studer ). Moore supprime lOlpOQ, ce qui n’arrange rien, car la difficulté 
est surtout dans lop qui marque une action nouvelle. On ne peut recourir 
Ici à la distinction des documents, car le passage avec -py est de P et par 
conséquent du même auteur que v. 3t a *. Il faut donc supposer que dans la 
pensée de l’auteur le combat n’avait été d’abord engagé sous les murs de 
Gibe'a que par un petit contingent : maintenant c’est tout Israël qui se 
lève de son camp et se range en bataille à Ba'al Tamar. Cet endroit devait 
être au nord-ouest de Gibe'a, derrière la plaine où on avait entraîné les 
Benjamites, vers Kh. 'Adase. Eusèbe connaissait de son temps unBethamar 
près de Gabaa (On. 238 75). Le nom de Ba'al du palmier a pu être importé, 
le plateau n’étant nullement propice à cette culture. — L’action del’embus- 



318 


juges, 20 34-36 

cade d’Israël s’élança de sa place, 'à l’occident ’ de Géba, 34 et 
ils vinrent en face de Gabaa, dix mille hommes d’élite de tout 
Israël, et le combat devint acharné (et eux ne savaient pas que 
le malheur les atteignait). 35 (Et Ialivé battit Benjamin devant 
Israël, et les fils d’Israël firent périr en ce jour-là vingt-cinq mille 
cent hommes de Benjamin, tous ceux-là tirant le glaive.) 33 Et les 
Benjamites voient qu’ils étaient battus. [E j Or les gens d’Israël 

33. TWDO ; TM mjnoo (?) 


cade est exprimée par nu, en hébreu sourdre , mais en judéo-araméen 
attaquer ; cet emploi indique donc une basse époque. mÿO serait un hapaæ 
de sens incertain. Le Syr. a compris une grotte , mais pour dix mille hommes? 
Il y a une grotte considérable au nord de Ifismeh , mais qui paraît être plu- 
tôt le résultat d’une carrière. D’ailleurs la forme serait incorrecte. Il faut 
lire ymS X12TQD à V occident de Geb'a, avec LXX (A Lag. Syr.-hex. eih. etc.) 
et Vg. Le mot n’est pas non plus ancien dans l’usage de la langue. Il faut 
maintenir Via, il était facile à l’embuscade de se dissimuler dans les vallées 
profondes entre Djeb'a et Hismeh, pendant que le combat portait en sens 
opposé : l’occident pour le* sud-ouest comme souvent. 

34) 73J12 est soutenu par les LXX, Syr. et même Vg. autant qu’une tra- 
duction très large permet de reconnaître le texte. La leçon est excellente, 
car le but de l’embuscade est de se placer entre les Benjamites et Gibe'a 
pour leur couper la retraite. Il ne faut donc pas lire 2X30 du côté du sud y 
avec quelques mss. hébreux, le Targ. Houbigant, Ilum., etc. Le combat est 
opiniâtre à l’avant, les Benjamites ne se doutant pas de ce qui se passe sur 
leurs derrières. La fin du verset est empruntée à 41 b . 

35) Ce sont les propres formules de P retournées contre les Benjamites; 
cf. v. 21. 25. 25100 + 600 échappés font les 25700 des LXX v. 15. Le soin 
d’ajouter les 100 semble indiquer que l’auteur ne voulait rien savoir des 
pertes que les Benjamites auraient pu éprouver les jours précédents. Mais 
cette ponctualité est suspecte : dans vv. 44-47 l’addition des pertes ne va 
qu’è 25000. De plus, le v. 36 a après cela fait un effet burlesque (Moore) ; 
peut-on dire des 600 survivants : les Benjamites virent qu’ils étaient battus, 
quand 25100 Benjamites sont restés sur le carreau! Le v. 35 est donc une 
glose anticipée. 

36 a ) C’est la fin de la bataille ou le commencement de la fuite dans P„ 



319 


juges, 20 37-38 

laissèrent de l’espace à Benjamin, car ils comptaient sur l’embuscade 
qu’ils avaient placée contre Gabaa. 37 Et l’embuscade se hâta et se 
déploya vers Gabaa, et l’embuscade s’élança et passa la ville au 
fil de l’épée. 33 Et il y avait comme mot d’ordre entre les gens 

Cela suppose un nombre encore considérable de Benjamites qui essaient 
de se sauver; la suite v. 42. 

36 b -4i. Second récit de la bataille. Il est de l’auteur le plus ancien, par 
hypothèse E. La dualité des documents apparaît ici clairement. D’après 
Hum., l’auteur se souvient qu’il lui reste à mieux exposer la fuite des Ben- 
jamites et la prise de la ville ; mais il est clair que c’est un autre récit du rôle 
de l’embuscade quoique les faits concordent assez bien. 

36 b ) Peut se rattacher à v. 29. 

37) La seconde partie du v. est traitée de glose par Budde et Moore ; 
mais il est très remarquable que -ptfO se dit précisément de l’embûche 
Ps. 10 9 ; c’est comme un terme consacré ; de même UtTS ; cf. 9 33.44. 

38) Il y avait cette convention entre les Israélites et l’embuscade : « mul- 

tiplie qu’ils fassent monter. . » etc. lin ne peut être que hiph. impér. de 
nn. Ce serait un ordre donné au chef de l’embuscade pour que les soldats 
fassent monter... On voit ce que cette construction a de bizarre. Aussi 
quelques mss. ont lin glaive, leçon encore plus impossible qui a passé dans 
G(A Lag.) sous la forme de jxa/aipa, dans G(B) sous celle de ttjç Le 

TM est encore soutenu par Kœn. 399 m. ; il faudrait du moins supprimer le 
suffixe de DrVlSynb. Il est plus simple de supprimer lin comme une mau- 
vaise répétition de XINH qui est absente de G (3/ de Moore ) et de St/r. La 
Vg. est si large qu’il est difficile de reconnaître son texte. 

Il est étrange que signifie ici se tourner pour fuir et au v. 41 se tour- 
ner pour faire face à l’ennemi. Moore a donc conjecturé très finement que 
39 a n’était que la suite de la convention. Il était convenu que lorsque la 
fumée (avec l’article ^UWn) monterait, les Israélites se retourneraient pour 
combattre. Pour obtenir ce sens il change l’impf. conséc. en parfait consec. 
t|S»TI. Budde nie que le sens voulu soit obtenu. D’ailleurs la convention 
serait inutile à l’embuscade, déjà maîtresse de la ville; c’est le gros de 
l’armée seul qui doit savoir ce qu’il a à faire. Il faut donc se résigner à 
prendre dans le sens de se retourner, à déterminer par le contexte 
pour la fuite ou pour l’attaque. Ce n’est pas tout à fait un doublet de 36 b ; 
là on disait seulement que les Israélites avaient laissé le champ libre aux 
Benjamites, les avaient attirés un peu loin. Tout le v. est considéré comme 
une glose par Budde; mais il est très bien en situation. Le chiffre de 
30 morts convient mieux à E qu’à P qui fait mouvoir des masses. Si donc 



320 


juges, 20 39 42 

d'Israël et l'embuscade [ ] de faire monter de la ville un signal 
de fumée. 33 Les gens d'Israël firent donc volte-face dans le combat 
et Benjamin commença à faire des victimes parmi les gens d'Israël, 
environ trente hommes, car ils s’étaient dit : Vraiment le voilà 
encore battu devant nous comme dans le premier combat. 40 Et 
le signal commença à monter de la ville, une colonne de fumée, 
et Benjamin se retourna, et voici que toute la ville montait vers 
le ciel. 41 Alors les gens d’Israël firent volte-face et les gens de 
Benjamin demeurèrent interdits, car ils virent que le malheur les 
atteignait. [P] 42 Et ils se retournèrent pour fuir les gens d’Israël 
* dans la direction du désert et le combat s'attacha à lui, et ceux 

38. Omettre Tin multiplie. 


le v. 39 ressemble à 31, il est plus probable que c’est 31 qui, écrit tout 
d’abord en connaissance du récit de E, lui a été ensuite conformé; les 
30 hommes boitent à la fin du v. 31. Le v. 32 b qui ne va guère dans son con- 
texte et qui est beaucoup moins soigné, a été aussi emprunté à notre 
verset par un glossateur. Dans P on dit * comme chaque fois *, puisque 
•cette bataille est la troisième. E qui a dû mentionner une première défaite 
dit * comme dans le premier combat \ Il est possible qu’en revanche D^SSn 
ait été introduit d’après v. 31 (Moore), il n’est pas nécessaire. 

40) nNUQ est suffisamment clair après le v. 38; cependant il a été expli- 
qué dans le texte * colonne de fumée*. comme syn. d’holocauste, 

Ps. 51 21, d’où le Dt. 13 17 a pu dire d’une ville brûlée ensuite d’un ana- 
thème qu’elle était HUtS ; ici l’ellipse serait trop forte, le sens est 
donc : la ville entière; cf. Ex. 28 31 etc.; cf. Jos. 8 20. 

41) 41 b a les mêmes termes que 34 b , mais dans un contexte plus naturel. 
Nous sommes revenus au point où les Benjamites se disposent à prendre la 
fuite; la suite au v. 47. 

42-48. Ruine complète des Benjamites. — 42) Ce v. est inexplicable dans 
TM. 11 semblerait que les Benjamites en fuite aient été mis en pièces par les 
habitants des villes voisines. Mais tout le monde était à la guerre et pour- 
quoi ce revirement des villes voisines appartenant à la tribu de Benjamin? 
comment expliquer *D*irQ chacun dans sa ville ? S. Jér. et le Targ. ont com- 
pris qu’il s’agissait de l’embuscade qui vient barrer le chemin. Ce n’est pas, 
croyons-nous, l’embuscade qui a brûlé la ville dans E, mais celle qui 
s’était mise contre la ville dans P v. 34 : le combat devenant dur, les Ben- 
jamites se retournent pour fuir vers le désert et tombent sur les dix mille. 



321 


juges, 20 43-43 

qui venaient ' de la ville ’ le mirent en pièces * dans le milieu ’ ; 
43 ils entouraient Benjamin * et le poursuivirent ’ * depuis Nokha 
(?) [ ] jusque vis-à-vis de * Géba ’ au levant du soleil. 44 Et il 

tomba de Benjamin dix-huit mille hommes, tous ceux-là braves 
guerriers. 46 Et ils se détournèrent et fuirent dans la direction du 
désert, vers la Roche de Rimmon, et ils glanèrent dans les che- 
mins cinq mille hommes, et ils s'acharnèrent après lui jusqu’à les 

42. Tîrn TM onjrno des Villes. — "pra; TM I3ira au milieu de lui. 

43. insvvn ; TM înSHim (?). — nryup ; TM nrrua repos. — Omettre 
insmn ils le firent fouler. — yii ; TM n3TUn vers Gibe'a (Gabaa). 


□WntZflD indique P; cf. v. 21.25. Il faut lire la ville au sing. avec G(M) de 
Moore, et ensuite *yirn comme Jos. 8 22 au lieu de "DirQ. Ils sont vraiment 
entre deux, c’est la conclusion normale des dispositions indiquées au v. 33. 
Les deux parties du v. se tiennent très bien, il est donc inutile de suppo- 
ser avec Budde et Moore que la seconde est une addition malencontreuse. 

43) Moore a fait ressortir les impossibilités de ce verset : tpi « pour- 
suivre » inusité à la forme hiph. -pi n’ayant pas à hiph. le sens de fouler 
aux pieds; les parfaits asyndelon, le mot nnUQ repos , absolument inexpli- 
cable à moins de le prendre en sens inverse, comme Vg. nec erat ulla requies 
morientium , que Hum. trouve heureux comme une contraction de ma 
sans repos ! Le sens du Si/r. « facilement » appliqué aux vainqueurs n’est 
pas moins étrange. Moore suppose hardiment qu’il faut lire nnÎJD, en pre- 
nant nm J comme un nom propre avec G(B) arco Noua; c’est le nom d’un fils 
de Benjamin I Chron. 8 2. — in^YTH peut être considéré comme une 
glose, correction de IHSmn qu’il faudrait plutôt corriger en inETl^. De 
plus nîHA ne peut être correct avec la mention de l’orient : il doit être 
question de yna. En revanche nous pencherions à garder *nro « ils entou- 
rèrent »(Ps. 2213) qui est bien dans la situation comme nous l’avons comprise 
et que Moore lit plutôt irTO ou TnDG(B) xaxbcoTtTov, « ils mirent en pièces ». 

44) Dans toute cette action il périt 18.000 hommes. nN en tête d’une 
phrase pour introduire un nom est de basse époque, mais pas plus bas que 
P Num. 3 46 etc. ( GesK .*• 117 /»i). 

45) Même début que v. 47; il a pu être emprunté par P à l’histoire primitive. 
Ils tournent dans la direction du nord. — D3TU n’est pas connu. Gibe'a est 
exclu ainsi que Geb'a déjà nommé, Gibe'on n’est pas dans la direction, 
Galaad G(A Lag.) est trop loin. Moore propose très ingénieusement Dîna lîT, 
jusqu’à les couper, ce que les Israélites se reprocheront d’avoir fait (21 6). 

P. Laghaniîk. — Le* Juge*. 21 



322 


juges, 20 46-48, 21 1-2 

* mettre en pièces ’ et ils lui tuèrent mille hommes. 46 Or tous ceux 
qui tombèrent de Benjamin en ce jour furent au nombre de vingt- 
cinq mille hommes tirant le glaive, tous ceux-là braves guerriers. 
[EJ 47 Et ils se retournèrent et ils fuirent dans la direction du désert 
vers la Roche de Rimmon, au nombre de six cents hommes, et ils 
demeurèrent à la Roche de Rimmon pendant quatre mois. [P] 
48 Et les gens d’Israël revinrent vers les Benjamites et les pas- 
sèrent au fil de l’épée, depuis les villes * habitées ’ jusqu’aux 
animaux, jusqu’à tout ce qu’on rencontrait ; même ils mirent le 
feu à toutes les villes qu’ils rencontraient. 

[P] 21 1 Or les gens d’Israël avaient fait un serment à Maspha, 
disant : Personne d’entre nous ne donnera sa fille pour femme à 
Benjamin. 2 Et le peuple vint à Béthel, et ils s’assirent là jus- 
qu’au soir devant Dieu et ils élevèrent la voix et versèrent des 

45. D3775 737 ; TM 133775 (?). 

48. Lire nno plutôt que nno. 


46) Récapitulation : en tout 25.000 : une différence de 100 avec v. 35. 
Contre Moore et Budde il nous semble que les chifTres de détail n’auraient 
pas été inventés par une retouche pour aboutir à un chiffre différent; c’est 
plutôt v. 35, dans un contexte impossible, qui est une retouche pour plus 
d’exactitude. Ici on a pu supposer que les Benjamites avaient perdu une 
centaine d’hommes dans les premiers combats. 

47) Rammôn, à l’est de Beitin, a été reconnu par Eus. (On. 287 98). 

48) De P, style récent. Ils reviennent de la poursuite et massacrent la 
population qui n’a pas pris part à la guerre. Lire GnO 7^37 avec quelques 
mss. et Dt. 2 34; 3 6 et non GriD 7^37 soutenu par la Massore. L’anathème 
est complet. 

1-9. Regrets des Israélites. — 1) Ce v. pose le problème dont la solu- 
tion occupe le chapitre. Il n’est pas de auteur du v. 18 qui énonce posté- 
rieurement le même fait. Poels, p. 20, prétend que ce serment n’a pu être 
fait qu’après la ruine des Benjamites ; il n’y a de cela aucune raison ; 
dès le début de la guerre et à cause de leur immoralité on a pu faire ce 
serment quoi qu’il arrive. 

2) Évidemment de l’auteur des consultations précédentes, 20 18.23.26. 
Ils pleurent devant Dieu, Num. 25 6. 


323 


juges, 21 3-8 

larmes abondantes. 3 Et ils dirent : Pourquoi donc, Iahvé Dieu 
d'Israël, cela est-il arrivé dans Israël, qu’il manquât aujourd’hui 
à Israël une tribu? 4 Et le lendemain, le peuple se leva de bonne 
heure et ils bâtirent là un autel et ils offrirent des holocaustes et 
des pacifiques. ( 5 Et les fils d’Israël dirent : Quel est celui qui n’est 
pas venu à l’assemblée, parmi toutes les tribus d'Israël, vers 
Iahvé? Car on avait fait le grand serment par rapport à celui 
qui ne viendrait pas vers Iahvé à Maspha, disant : On le mettra à 
mort.) 6 Or les fils d’Israël eurent du regret par rapport à Benja- 
min leur frère, et ils dirent : Aujourd’hui une tribu a été retran- 
chée d’Israël. 7 Que ferons-nous [ ] pour [donner] des femmes 

à ceux qui sont restés ? puisque nous avons juré par Iahvé de ne 
pas leur donner nos filles pour femmes ? 8 Et ils dirent : Quel est 
celui, parmi les tribus d’Israël qui n’est pas venu vers Iahvé à 

7. Omettre GnS à eux. 


3) Il y a une place vacante, "TpE au niph. y il manque une tribu à l’appel 
dans la grande réunion plénière qui se tient devant Dieu. 

4) Moore et Budde suspectent le v. comme une glose, surtout la cons- 
truction de l’autel puisqu’il existait déjà, 20 26. De plus il est inouï qu’un 
auteur d’une basse époque ait imaginé ces sacrifices à un lieu comme 
Béthel. D’ailleurs le v. est de style ancien, cf. II Sam. 24 25. 

5) Il est constant que ce v. se présente à l’improviste et paraît anticipé; 
la question reviendra, beaucoup plus naturelle, au v. 8. Mispah a été mis à 
l’instar du v. 1. Le grand serment, avec l’art, est du moins étrange. Tout 
concorde à faire considérer le v. comme une glose ; mais comme il fait 
nécessairement partie de l’histoire de l’anathème de Iabech qu’il doit pré- 
parer, l’histoire de cet anathème se présente dès le début comme greffée 
sur la première. 

6) Même sens que v. 3 et que v. 15. Le sentiment est exprimé avec natu- 
rel et avec force, ce v. suivrait bien le v. 4. Dans 20 5, nous avons vu par 
conjecture yiA « couper un tronc »; les deux termes se correspondraient 
dans le même auteur. 

7) Exprimé de nouveau presque dans les mêmes termes v. 16. Enlever 
avec G(A) nnS qui est inutile avant D^JV^b. 

8) Le but de la recherche est ici très naturel, ce n’est pas de savoir qui 
est tombé sous l’anathème, mais qui n’est pas engagé par serment, s’étant 

21 . 



324 


juges, 21 9-12 

Maspha ? or il n’était venu personne de Iabech de Galaad au camp, 
vers rassemblée. 9 (Et le peuple se recensa et voici qu’il n’y avait 
là personne de Iabech de Galaad). 10 Et ils y envoyèrent (la com- 
munauté) douze mille hommes des plus braves guerriers, et on leur 
donna mission, disant : Allez et vous passerez au (il de l’épée les 
habitants de Iabech de Galaad, même les femmes et les enfants. 

11 Et voici ce que vous ferez : vous soumettrez à l’anathème tous 
les mâles et toutes les femmes qui ont eu des relations avec eux). 

12 Et ils trouvèrent parmi les habitants de Iabech de Galaad quatre 

trouvé absent au moment où on a juré. Ceux-là pourront donner leurs 
filles. Cela correspond très bien à v. 1. Il n’est venu personne au camp. 
« ronan » suffisait pleinement; « SnpH Sx » a dû être ajouté après coup 
dans le style de v. 5. inx ïQ, cf. II Sam. 7 23. 

9) Ce verset est un doublet évident : S. Jér. a eu le mérite de le com- 
prendre et il a introduit dans le texte une solution exégétique : « Eo 
quoque tempore , curn essenl in Silo , nullus ex eis ibi reperlus est ». Pour 
Hum., après avoir dit qu’il n’y avait personne de Iabech l’auteur nous dirait 
comment on s’en est aperçu! Ip2rni cf. 20 15.17. 

La position exacte de Iabech n’est pas fixée, mais l’écart ne peut être 
considérable. Eusèbe (On. 268 81) signale un village de ce nom à 6 milles 
de Pella sur la route de Gerasa. Pella est Tabaqat Fahel , Gerasa est 
Djerach. Iabech était donc quelque part le long de l’ou. Iabis qui a con- 
servé son nom, peut-être à Djubêha. Cette cité ne paraît dans l’A. T. qu’ici 
et à propos de l’histoire de Saül, I Sam. 11 ; 31 11-13 ; II Sam. 2 5 s. ; 21 
12 s. 

10-14. L’expédition contre Iabech. — La forme d’anathème donnée à 
l’expédition parait être surajoutée. 

10) peut se souder à v. 12. Après cela, mjffi est caractéris- 
tique pour P; cf. sur 20 1. L’expédition sacrée est calquée sur Num. 31, 
un des passages les plus récents du Pentateuque. Le nombre de 12.000 
d’après Num. 31 est mille par tribu, mais l’imitateur n’a pas songé à déduire 
Benjamin ( Budde ). 

11) 137 23*7 ViïlV HlTX, la phrase ne se trouve que Num. 31 17.18.35 ; 
cf. Lev. 18 22 20 13 ; Ez. 23 17. Vg. ajoute : virginesautem reservate d’après 
G(B) ; G(E) a encore « et ils firent ainsi » p TO3P7 qui est bien du style de 
P. 

12) Les quatre cents filles de Iabech d’après les 32.000 vierges Madianites 
Num. 31 35. « Ils trouvèrent » est une expression étonnante après le 


325 


juges, 21 13-16 

cents jeunes filles vierges (qui n'avaient point eu de relations 
avec les mâles), et ils les emmenèrent au camp ( à Silo qui est 
dans le pays de Canaan). 13 Et toute la communauté envoya par- 
ler aux Benjamites qui étaient à la roche de Rimmon, et ils con- 
clurent ‘ la paix \ 14 Et Benjamin revint en ce temps-là, et ils 
lui donnèrent les femmes qu’ils avaient laissé vivre parmi les 
femmes de Iabech de Galaad, [R] et elles ne leur suffirent pas. 

[E] 15 Or le peuple eut du regret par rapport à Benjamin, car 
Iahvé avait fait une brèche parmi les tribus d’Israël. 16 (Et les 

13. DlbtpS ; TM OlS;Z7, même sens, mais moins correct. 


massacre. Cela se souderait mieux à un simple envoi (cf. v. 10). « Ils 
envoyèrent là et ils trouvèrent chez les habitants de Iabech quatre cents 
vierges et ils les amenèrent au camp. » DriN, le masc. pour le fém. — Silo, 
au pays de Canaan, comme Jos. 21 2; 22 9. Cette indication est au moins 
étrange. Pourquoi le camp aurait-il été transporté ? D’ailleurs l’histoire 
qui suit est incompatible avec la présence de tous les Israélites à Silo. Et 
pourquoi dire : au pays de Canaan ? Cela semble être une glose ajoutée par 
quelqu’un qui n’habitait pas la Palestine pour donner aux faits religieux 
l’apparence de s’être passés près du sanctuaire légal. 

13) mbtpb Nlpavec S (Dt. 20 10), qu’il faut remettre ici avec LXX. 

14) L’ensemble du v. a été du moins retouché dans le sens de l’expédi- 

tion d’anathème comme le prouve le mot *nn, les femmes qu’on a conser- 
vées en les laissant vivre. Mais le G( A Lag.) représentant les LXX a lu 
VH qui serait parfaitement possible, les femmes qui se trouvaient là (sur ce 
sens de rpH cf. Gen. 6 4), qu’on avait à disposition. Si ce texte était plus 
ancien que TM, ce serait une preuve qu’un texte antérieur a été systémati- 
quement modifié dans le sens de l’anathème. De plus 1NXD dans le sens 
de suffire ne se trouve que Num. 11 22, passage secondaire, et il faut sup- 
poser que le masc. est pour le féminin. Dans LXX sans distinction de A et 
B, xal rjpwiv auTotç outo»;, « et cela leur plut ainsi » : p Drpyya qui a 

d’autant plus de chances d’être primitif qu’il n’a pas comme TM l’apparence 
d’une transition pour raccorder les deux histoires. 

15-23. Le rapt de Silo. L’ensemble est évidemment d’un ancien auteur. 
— 15) C’est un nouveau début; cf. v. 6. La causalité est ici attribuée direc- 
tement à Iahvé. L’expression faire une brèche est d’une très ancienne 


326 


juges, 21 17-18 

anciens de la communauté dirent : Que ferons-nous pour [donner] 
des femmes à ceux qui sont restés?) car il n’v avait plus de femmes 
dans Benjamin. 17 Et ils dirent : ' Comment conserver ’ les restes 
de Benjamin, et empêcherons-nous une tribu de disparaître 
d’Israël? 18 Car pour nous, nous ne pouvons pas leur donner 
des femmes parmi nos filles, car les fils d’Israël avaient 
juré : Maudit soit celui qui donnerait une femme à un 

17. iNUn ; TM nttTP l'héritage de... 


langue, Ex. 19 22.24; cf. II Sam. 5 20 ; 6 8 expression reproduite I Chron. 
13 11. 

16) La première partie du v. n’est que la répétition de 7 a avec les anciens 
de la Communauté, le Sanhédrin, elle est parfaitement inutile et même 
elle vient trop tôt, faisant double emploi avec ce qui suit. C’est donc une 
glose. 16*> au contraire est très en situation. On craint que la tribu de 
Benjamin ne vienne à s’éteindre ; la cause devait en être indiquée avant 
que le remède ne fût proposé (Moore contre Budde qui prétend que le v. 
en entier est de son C (le midrach) qui n’aurait laissé vivre les jeunes filles 
de Iabech que pour imiter Num. 31 17 s. sans se préoccuper du tout des 
Benjamites !) 

17) Le TM est inexplicable : « un héritage d’écliappés à Benjamin », on 
peut voir dans Ilum. les différentes conjectures pour donner un sens à ces 
mots; suivant l’opinion commune, les Israélites conviennent de ne pas 
porter atteinte au territoire de Benjamin, ce qui n’est pas la question. 
S. Jér. est resté dans le thème en s’abstenant de traduire à la lettre : « Et 
magna nobis cura ingenlique studio providendum est , ne una tribus deleatur 
ex Israël. » Il s’agit de pourvoir à la conservation future de la tribu. Budde 
corrige nuT en rpNlTû, nous laisserons ; cf. Esdr. 98.13; Gen. 32 9 et cela 
peut s’appuyer sur Syr. ; mais il est encore mieux de lire avec Moore 
d’après G(MO) :ro); latai xXfjpoc 8taaü>£opevc; t<û Beviap.iv etc. La question est 
dans le contexte, celle du v. 16 est une glose qui a remplacé celle du v. il ^ 
le texte étant déjà corrompu, ou au contraire l’introduction de la glose a 
fait supprimer la question au v. 17. 

18) On voit ici avec évidence que nous sommes en présence d’un docu- 
ment autre que v. 1 ss. Tout le début est répété; ici on nous dit que le 
serment a été accompagné d’une malédiction. 



327 


juges, 21 19-22 

Benjamite. 19 Et ils dirent : Voici venir la fête annuelle de 
Iahvé à Silo (qui est au nord de Béthel, au levant du soleil de la 
route qui va de Béthel à Sichem, et au sud de Lebona). 20 Et ils 
recommandèrent aux Benjamites, disant : Allez et mettez-vous en 
embuscade dans les vignes. 21 Et vous vous tiendrez en observa- 
tion, et lorsque les filles de Silo sortiront pour faire leurs chœurs 
de danse, vous sortirez des vignes et vous ravirez chacun sa 
femme parmi les filles de Silo, et vous retournerez au pays de 
Benjamin. 22 Et lorsque leurs pères ou leurs frères viendront 

19) La fête doit être annuelle, puisqu’elle est périodique et qu’il ne s’agit 
ni du mois ni de la semaine. Moore affirme sans raison que c’est une fête 
d’automne. Tout ce qu’on peut induire des circonstances générales, c’est 
que c’est une des trois grandes fêtes nationales (Ex. 34 18 ss.). La situation 
de Silo est la plus minutieusement décrite de tout TA. T., elle correspond 
très bien à la situation de Sêloûn, à la condition d’entendre 133 du sud-est 
par rapport à Lebonah, auj. Loubbân. Cette insistance est en tout cas 
absolument inexplicable si Silo avait déjà été nommée par l’auteur v. 12. 
Tout le monde est d’accord (même Hum.) pour voir une glose dans les 
mots depuis TON , parce que la situation de Silo n’avait pas besoin d’être 
ainsi marquée. On attribue cette glose h un copiste habitant hors de la 
Palestine. Mais, avant d’écrire l’histoire du sanctuaire de Silo, ne pourrait- 
on avoir eu l’idée de noter exactement sa position? 

20) Lire avec le Qrc Vl3?v; au pluriel, Moore et Budde pensent que les 
premières paroles du v. 19 étaient déjà adressées aux Benjamites avant la 
glose sur la situation de Silo, car la phrase demeure suspendue. 

21) Vin le qal ne se trouve qu’ici ; au v. 23, c'est la forme pilp. Probable- 
ment « danser en cercle, faire des rondes ». *1N3P est le masc. qui, pour les 3 
pers. plur. fém. est plus sympathique à la langue; Ges K., 145 p cf. pour les 
danses aux fêtes religieuses, Ex. 32 19. La comparaison de l'enlèvement 
des Sabincs est classique. 

22) Le v. est hérissé de difficultés. Moore le considère en partie comme 
une glose, Budde y trouve deux documents. Les corrections textuelles 
aplanissent suffisamment les obstacles. Dans DITON et DrpriN les suffixes 
masc. n’ont rien de trop étonnant après 12h DIVIN pour des femmes. Lire 
avec le Qrc m et non l*n, et avec Vg. et LXX DD^Sn et non pas 13 ^Sn. 
Après cela le TM semble signifier : <c donnez-nous les (les fdles en faveur des 
BenjamitesJ, car nous n’avons pas donné à chacun sa femme (dans la guerre 
de Iabech),car vous ne les leur avez pas données (étant empêchés par le ser- 



328 


juges, 21 23-24 

* vous ’ chercher querelle, nous leur dirons : * Pardonnez ’ leur 
d’avoir pris ’ chacun sa femme [comme] à la guerre, car * si 
vous les leur eussiez données, alors vous auriez péché. 23 Les fils 
de Benjamin firent donc ainsi, et ils prirent le nombre de femmes 
qu’il leur fallait parmi les danseuses qu’ils avaient enlevées, 
et ils s’en allèrent et revinrent vers leur domaine et rebâtirent 
leurs villes et y habitèrent. [P] 24 A cette époque-là, les fils 

22. ; TM 13^Sn nous. — 13FI ; TM 131311 accordez- nous. — Omettre 

la négation kS- — lllpb ; TM 13ÜpS nous avons pris. — Ponctuer nS ; TM la 
négation NiS. 


ment), mais maintenant vous auriez tort de les reprendre ». — Il est difficile 
de comprendre ce que tout cela pouvait avoir d’efficace pour apaiser les 
gens de Silo. L’allusion à la guerre de Iabech ne doit pas se trouver en tous 
cas sous la plume de l’auteur de notre épisode, et il faut voir s'il n’a pas 
été introduit par de légers changements non rédactionnels. D’abord 131311 
n’est représenté que par G (R) et Targ., les autres textes des LXX, assez 
différents les uns des autres, et Vg. avec Syr. ont seulement >3fl, qui con- 
vient beaucoup mieux puisque GniN est pris comme masculin et que 13 a 
pu être ajouté ici comme dans 13 ^Sn : « pardonnez-leur » est tout à fait en 
situation. Que pardonner ? d’avoir pris ces jeunes filles avec violence : c’est 
le G de Lag. oti ËXaoov éauiotç yuvatxa sxaaTO? aurojv iv tw JioXiuu), donc lire 
ipnb au lieu encore de ^3pîlS, et efTacer nS. Et pourquoi pardonner? en 
cela, ils n'ont fait que vous éviter une faute : si vous les aviez données, 
vous auriez péché, c’est-à-dire par manquement à votre serment, comme 
Studer l’a bien compris, en lisant kS, correction acceptée même par Kœn. 
390 s. Moore corrige suivi en cela par Budde DVD en HTO ’D apodose après 
iS; cf. Num. 22 29 ; mais à tort car la pensée n’est pas : «< vous pécheriez 
maintenant », mais « vous auriez péché alors ». C’est presque ce qu’a vu 
Cajétan : quia vos non dedistis cis ; tune enim peccassetis. 

23) NIT3 dans le sens de prendre femme, se marier, serait de style très 
moderne ; ici il signifie qu’ils s’emparèrent des femmes. On dirait 
bien qu’il s'agissait dans ce récit de tous les survivants de Benjamin: ils 
prennent des femmes selon leur nombre, rentrent chez eux, rebâtissent 
leurs villes. Nulle part, il n’est question des 400 pourvus dans l’autre récit. 

24-25) Conclusion. — 24) D’après Budde, la première partie de l’auteur 
postérieur qui congédie solennellement la communauté; la seconde partie 



JUGES, 19 - 21 . — CRITIQUE 329 

d’Israël s’en allèrent de là, chacun à sa tribu et à son clan, [E] et 
ils sortirent de là chacun [pour aller] à son domaine. 20 Dans ce 
temps-là, il n’y avait point de roi en Israël, chacun faisait ce 
qui lui plaisait. 

de E, après v. 14. On pourrait dire que 24b parle des individus après qu’il 
a été question des tribus et des clans, et ce doit être la pensée du Rédac- 
teur ; mais le double DtttQ indique plutôt un double document. Dans la 
Rédaction : départ de Silo, départ du centre de chaque clan. 

25) Fin des deux dernières histoires ; cf. 17 6 ; 18 1 ; 19 1, qui serait une 
heureuse transition à l’histoire de la royauté naissante. 


* 

★ * 

Critique littéraire. — Les trois derniers chapitres du livre des Juges 
ont été soumis par Wellhausen à une sévère critique {Composition .., , 
p. 233 ss.). « C’est en petit la question du Pentateuque. » Il a fait 
remarquer combien cette histoire diffère des autres. Partout ailleurs 
dans le livre des Juges les tribus agissent pour leur compte, tout au 
plus sont-elles en partie groupées, sans perdre le sentiment de leurs 
relations mutuelles. Ici c’est un Israël parfaitement centralisé, qui agit 
comme un automate. C’est bien comme un seul homme qu’ils se 
rassemblent, qu’ils délibèrent, qu’ils combattent, qu’ils se lamentent et 
qu’ils pleurent. Les chiffres considérables qui figurent ici répondent à 
cette manière de voir : 400 000 hommes se réunissent comme par 
instinct ; 26700 Benjamites s’opposent à eux. Les Israélites perdent le 
premier jour 22 000 hommes, le second 18 000, sans que les Benja- 
mites paraissent éprouvés le moins du monde, mais le dernier jour ils 
sont réduits à 600. L’unité d’Israël est l’unité d'une église, c’est la 
communauté qui agit. On se sent dans une conférence spirituelle, tout 
à l’opposé de la vie spontanée et naturelle du peuple telle qu’elle se 
reflète dans les livres des Juges, de Samuel et même des Rois. Pour 
appuyer ces remarques, Wellhausen a relevé un certain nombre 
d’expressions de date assez basse et qui ne se trouvent que dans la 
Chronique ou le Code sacerdotal. Il se demande s’il y a dans toute cette 
histoire seulement un fond de vérité historique et conclut négativement. 



330 


JUGES, 19 - 21 . CRITIQUE 

Ce n’est même pas une tradition naïve, c’est une création artificielle. 
On se trouve en présence des noms qui jouent un rôle dans l’institution 
de la royauté, Gibe *a, patrie de Saül, Jabech qu’il a délivrée des Ammo- 
nites et qui est justement associée à la ruine de Gibe'a, de sorte qu’il 
paraît évident que la haine judaïque contre l’hégémonie pré-davidique 
de Benjamin s’est donnée libre carrière. Mispah, comme point central 
indiqué d’avance, remplace Jérusalem comme elle l’a remplacée plus 
tard (Jer. 40 6 ss.; 1 Macch. 3 46 ss.; cf. aussi 1 Sam. 7 5 ss.). Peut-être 
le point de départ de cette histoire est-il dans l’allusion d’Osée aux 
jours de Gibe *a (Os. 10 9), allusion mal comprise, car elle s'appliquait à 
l’élection de Saül. Ainsi la critique de Wellhausen est presque entiè- 
rement négative, et universelle, puisqu’il n’essaie pas de distinguer ici 
divers éléments. Sa conclusion paraît être que les trois chapitres 
constituent un midrach de basse époque. 

La critique de Moore et de Budde est plus réservée en même temps 
que plus approfondie. Ils distinguent deux documents, l’un ancien, 
l’autre plus récent, ayant seul le caractère d’un midrach. Le chap. 19 
tout entier serait du document ancien, ainsi que la iin du chap. 21 
(15-23), de sorte que le caractère historique des faits dans leur ensemble 
serait assez solidement appuyé. Ils ont essayé de pousser plus loin 
l’analyse. Le document ancien se partagerait lui-même en deux: E et J, 
mais Moore ne donne à E que six ou sept versets du chap. 19 (6 b .8; 10.13. 
15), rien dans les deux autres. Budde a poursuivi la même dissection 
jusqu’au bout. Nous essayons de montrer dans les notes que la distinc- 
tion de deux documents primitifs ne repose que sur des redondances 
de style ; ce n’est pas une base suffisante. D’ailleurs la question n’a 
aucune importance historique, puisque les deux récits seraient à peu 
près contemporains et semblables L 

Une autre divergence entre les deux distingués commentateurs, c’est 
que Budde penche pour reconnaître au document plus récent, le 
midrach, une existence séparée, antérieure à la rédaction définitive, 


1. Sauf peut-être au chap. 21. Dans ce dernier chapitre, d’après Budde, le 
documenl E allait chercher les femmes des Benjamites parmi les pens de labech qui, 
n’ayant pas fait de serment, pouvaient les livrer sans péché, J les prenait à Silo. 
Mais puisque J et E étaient si étroitement unis partout ailleurs, il est déjà invrai- 
semblable qu’un Hédacteur JE ait laissé subsister cette discordance, et nous mon- 
trons dans les notes qu'on ne peut conclure à la présence du document primitif 
dans l’histoire de labech (avec Moore). 



331 


JUGES, 19-21. — CRITIQUE 

Moore incline à n'y voir que des compléments surajoutés. Il est très à 
noter que pour les deux auteurs tout ce qui regarde Béthel est attri- 
buable au midrach, complété lui-même par des gloses, dont les deux 
principales sont la présence de l’arche et du grand prêtre (20 27 b .28 a ) et 
la fixation du camp à Silo au pays de Canaan (21 12 b P). Ils ne voient 
donc aucun inconvénient à ce qu’un midrach de basse époque ait placé 
à Béthel le lieu principal du culte des tribus. Le Midrach trouvant 
dans le récit primitif le lieu de rassemblement et même de culte à 
Mispah, aurait placé à Béthel de préférence tout ce qui regarde l’oracle, 
les prières, les lamentations et les sacrifices. 

C’est là une difficulté considérable — que les auteurs n’abordent 
même pas, et à notre sens insoluble. Comment peut-on même suppo- 
ser que lorsque l’unité de l’autel eût été non seulement établie par le 
Deutéronome mais encore appliquée par le Code sacerdotal aux campe- 
ments dans le désert — nous parlons selon l’opinion de ces critiques — ; 
après que Béthel eût été pendant toute la période des deux royaumes 
le centre d’un culte schismatique et idolâtrique, l’auteur d’un midrach 
en ait fait le centre du culte, alors qu'il savait bien par l’histoire du 
temps que l’arche était à Silo avec son sacerdoce? Si le mot midrach 
historique signifie quelque chose, il semble qu’il faille l’entendre comme 
une application à l’histoire des règles de l’exégèse midrachique. Les 
conséquences d’une situation seraient tirées d’après d’autres textes 
qui représentent la situation telle qu'elle devrait être en droit, de 
manière à constituer une sorte d’histoire théologique, conforme au 
dernier étal de la législation. Dans notre hypothèse le midrach eût 
consisté à placer le centre du culte auprès de l’arche soit en l'amenant 
à l’armée, soit en plaçant le camp à Silo, jamais en introduisant Béthel, 
à moins de prendre Beth-El dans le sens de la maison de Dieu ! Or ces 
tentatives ont été faites, comme Poels l’a très bien vu. « D’après 20 
2l b .28% l'arche de Silo aurait été portée à Béthel. Mais il n’est pas 
difficile de reconnaître ici une de ces gloses, assez nombreuses, que 
nous devons aux scrupules des scribes. Leur doctrine sur l’unité de 
sanctuaire était ici en jeu. Les scribes ont adopté une solution bien 
simple, en faisant transporter à Béthel l'arche de Silo. L'auteur de la 
Vulgate a trouvé une autre solution de la difficulté. C’est probable- 
ment à l’exemple des rabbins que saint Jérôme considère ici Beth-El 
comme nom commun, désignant la « maison de Dieu » à Silo même. 



332 JUGES, 19 - 21 . — CRITIQUE 

Évidemment l’une de ces deux explications exclut l’autre » {Histoire du 
sanctuaire , p. 10). L’étonnant est que Poels n’ait pas vu que la fixa- 
tion du camp à Silo était encore une autre tentative de ce genre. Il est 
impossible de supposer que cette mention (21 13) fasse même partie 
de la dernière rédaction, puisque jamais le camp n’a été à Silo et qu’on 
ne dit pas qu'il y ait été transporté. Évidemment les vieillards qui con- 
seillent les Benjamites ne sont pas avec tout le camp à Silo. Malgré 
tout, Poels a soutenu pour son compte et ex professo une opinion qu’il 
avait lui-même notée comme une échappatoire rabbinique. D’après 
lui, Beth-El est la maison de Dieu, le seul sanctuaire légitime, placé à 
Silo. Mispah est la Colline, comme qui dirait l’Église, le haut lieu de 
Silo où se trouvait l’arche. L’unité est ainsi rétablie entre Mispah, 
Béthel et Silo. Cet essai d’harmonisation qui remonte du moins à 
Josèphe a été repris par Schulze (1784) et par John (1803). C’est un 
midrach proprement dit, l'histoire légale reconstituée par des inter- 
prétations qui malheureusement sont par trop forcées. Nous avons 
déjà dit que Silo ne figure ici comme lieu de campement que dans une 
glose; dans tout le cours du récit le rassemblement est à Mispah, le 
culte se fait à Béthel. Or, rien n’autorise à prendre ici Mispah comme 
nom commun. Il n’est appellatif que deux fois dans la Bible (Is. 21 8; 
II Chron. 20 24) et encore plutôt dans le sens d’observatoire, de lieu où 
l’on monte la garde pour voir de loin, que dans le sens de colline ou 
de haut lieu. Mispah, ville de Benjamin, paraît exactement dans les 
mêmes conditions de lieu de rassemblement et de prière (1 Sam. 7 3 ss.; 
10 17 ss.) vers la même époque, en tous cas avant la royauté. Poels 
objecte qu’on ne serait pas venu se rassembler si près des Benjamites. 
On ne pouvait pas non plus se concentrer trop loin d’eux, puisqu’on 
voulait et les intimider et parlementer avec eux. Tell Nasbeh, à deux 
heures de Gibe'a, est précisément un endroit très convenable. D’ail- 
leurs si Mispah désigne la colline où était l’arche, pourquoi de là 
monte-t-on à Béthel, maison de Dieu (20 18)? Béthel lui-même n'est 
jamais pris dans la Bible au sens de maison de Dieu pour désigner un 
sanctuaire ou le sanctuaire légal. Il n’y a en apparence qu’un seul 
exemple contraire (Zach. 7 2) où le texte est loin d’être sûr, et que ce 
sens rendrait inexplicable. De ce que l’étymologie de Béthel était 
connue comme signifiant maison de Dieu, il ne s’ensuit pas que ce 
nom fut usité comme nom commun, pas plus qu’Israël ou tout autre, 



333 


JUGES, 19-21. — CRITIQUE 

et si Osée joue sur ce nom (4 15; 5 8; 10 5), cela prouve simplement 
que l’étymologie, très facile, était bien connue d’après Gen. 28 19 et se 
prêtait à cette figure. 

Il est difficile en tous cas de ne pas voir dans la localisation de 20 31 
la propre ville de Béthel, et, dès lors, comment supposer que l’auteur 
a tout bfouillé comme à plaisir? Il est vrai que le mot Stt n>2 est ordi- 
nairement écrit en deux mots, mais il en est ainsi lorsqu'il s’agit évi- 
demment du nom propre et Baër écrit Sxnn en un mot d’après la 
Massore (cf. sa note très appuyée sur Gen. 12 8). 

Mais si tout cela est très certain, si Béthel est bien ici la ville célèbre 
par le culte du veau d’or, si le mot n’est nullement à prendre dans le 
sens que le midrach devait lui prêter en vertu de ses propres principes, 
il est donc certain aussi, contre Budde et Moore, que ce n’est pas 
l’auteur d’un midrach qui a introduit ici Béthel. 

Comment donc résoudre le problème littéraire? 

Il y a d’abord des passages qui ont le caractère de gloses, même par 
rapport à la dernière rédaction, c’est-à-dire qui peuvent être considé- 
rés comme n’appartenant pas au texte sacré, précisément parce 
qu’ils l’interrompent, non pas comme des éléments anciens, mais 
comme des surcharges. Ce sont 20 23, la consultation en pleurant après 
qu’on a déjà repris courage ; 20 27 b et 28 a , la présence de l’arche et du 
grand prêtre qui est une véritable parenthèse troublant la suite des 
idées ; 20 35 qui affecte d’être un calcul plus exact des morts de 
Benjamin, mais donné beaucoup trop tôt (avec Well. et Poels contre 
Budde et Moore ) ; 21 12 b p * Silo, au pays de Canaan s , contraire à tout 
ce qui précède. Que ces éléments aient le caractère midrachique, nous 
ne l’avons pas nié, mais ce sont des gloses postérieures, semblables 
comme esprit à celle que s. Jér. insère sans s’en douter dès 20 18 : 
« Qui surventes venerunt in Domum Dei, hoc est, in Silo ». Peut-être 
faut-il attribuer le même caractère à l’anathème contre Iabech. On 
pourrait concevoir l’histoire de Iabech de deux façons. En constatant 
que les gens de Iabech ne sont pas venus, les Israélites pouvaient se 
réjouir de trouver là une solution facile; n’étant pas venus au camp, 
ils n’avaient rien juré , ils pouvaient donner leurs filles ; ce serait la 
première manière qui se concilierait avec l’histoire de Silo. Mais un 
reviseur ou un glossateur plus sévère aurait pu trouver que l’absence 
des gens de Iabech à une assemblée du peuple de Dieu réunie pour une 



334 


JL'GËS, 19 - 21 . CRITIQUE 

grande exécution de justice divine exigeait une punition sévère, d'où 
l’application aux gens de Iabech de l’anathème décrit aux Nombres 
(ch. 31 ). Reviseur ou glossaleur? Nous ne saurions le dire; en tous cas 
l’anathème semble bien avoir été ajouté après coup à l’histoire de 
Iabech. Le v. 5 qui le prépare est taxé de glose par Poels, et, en effet, 
d’une part il vient trop tôt, puisque le but de l’expédition de Iabech est 
de fournir des filles aux Benjamites, ce qui n'est décidé que plus tard; 
d’autre part c’est un second serment qui se greffe sur le premier d’une 
manière assez gauche. De meme le v. 9, doublet du v. 8. Ce v. 9 est 
encore une application du recensement qui ne paraît jamais sans que le 
texte manifeste quelque trouble ; ainsi 20 17 après que le nombre de 
quatre cent mille a déjà été donné 20 *2. Le recensement des Benja- 
mites 20 15 renferme lui-même une grave difficulté textuelle (cf. ad h . 
/oc.), sans dire que le verbe même qui exprime le recensement est tou- 
jours écrit d’une manière anormale. 

Il est donc établi que presque tout ce qui a attiré l’attention de 
Wellhausen, et qui lui a servi à taxer le récit dans son entier de com- 
position fantaisiste de basse époque, tout cela n'est dans l’ensemble du 
récit que le résultat d’une retouche ou d’une révision, et quoique la 
retouche ait été assez considérable, elle ne forme pas dans son ensemble 
un document spécial qui ait pu exister séparément. 

Il y a plus. Après ces légers retranchements il reste un double récit, 
ce qui nous permet d’établir contre Wellhausen l’existence d'un 
document primitif, exempt de toutes les marques de modernité qu’il 
a relevées, et aussi ancien, selon toute apparence, que celui qui raconte 
l'établissement du sanctuaire de Dan. Dans le chap. 19 , il n’y a aucune 
trace de modernité, comme l'ont montré Budde et Moore, sauf, peut- 
être l’origine éphraïmite du vieillard v. 16, qui pourrait être une 
petite glose. Nous pensons avec Budde que l’assimilation au crime de 
Sodome (Gen. 19 ) est plutôt le fait d'un copiste que d’un rédacteur. 
Dans les chap. 20 et 21 , le mélange ne paraît pas contestable, parce 
qu’il y a deux débuts, deux batailles, deux fuites, deux dénouements, 
non seulement par redondance de style, mais par de véritables quan- 
tités formant les deux éléments distincts d'un tout. Les points de 
suture paraissent visiblement 20 9.36; 21 15. Mais il est faux de dire 
avec Budde que la contradiction éclate surtout parce que le point 
central des alliés dans un document est Mispah, dans l’autre Béthel 



335 


JUGES, 19 - 21 . — CRITIQUE 

(20 26 ; 21 2 ) ; dans tous les versets où il est question de Béthel il est 
dit qu'on y va, littér. qu’on y monte ; ce qui prouve que, pour l’auteur 
qui parle de Béthel, les Israélites n’y étaient donc pas groupés. D’ail- 
leurs comme tell Nasbeh est à une petite heure de Beilin, il ne peut y 
avoir là aucune difficulté sérieuse, ce ne sont point deux centres de 
concentration : le groupement est à Mispah comme plus favorable à 
l’attaque contre Gibea, les actes du culte ont lieu à Béthel, comme 
étant sans doute un sanctuaire plus célèbre, et peut-être parce que 
Mispah, tout en étant un sanctuaire, ne possédait pas les moyens de 
consulter Dieu, en d’autres termes n’avait pas de prêtre portant 
l’éphod. Quoi qu’il en soit, l’un des deux documents étant dans la 
manière du récit de Mika, nous pouvons le nommer le récit primitif 
ou E, l’autre a tous les caractères de l’histoire généralisante du Code 
sacerdotal. 

Faut-il dès lors affirmer que ce qui regarde Béthel appartient au 
récit primitif? Nous n’oserions le dire, mais en revanche il nous 
paraît très clair que cela est de la même manière que la première 
introduction de notre livre (1 1-2 5). La situation est la même en bien 
des points, et les termes aussi. Au début du livre des Juges, Josué 
étant mort, les tribus se trouvent sans direction ; on consulte Dieu 
qui met en avant Juda (1 1- 2). Cela est répété 20 18, non pas comme 
une imitation maladroite [Budde), mais comme répondant a la même 
nécessité en l’absence d’un roi et d'un Juge, de ne pas laisser tout 
Israël abandonné à lui-même. Dans Jud. 2 1, nous sommes à Béthel 
(d'après LXX que nous avons jugé avec les critiques contenir le texte 
primitif) ; c’est un lieu où Dieu parle à tout Israël, on y pleure (cf. 2 4 
et 21 3), on y offre des pacifiques (2 3 ; 20 26 ; 21 4). L’ensemble de ces 
ressemblances ne peut être fortuit. Mais tandis que le passage relatif 
à Béthel dans 2 1-5 était assez isolé pour qu’on puisse l'attribuer à un 
rédacteur, ici il paraît plus vraisembable que les morceaux qui sont 
dans la même manière du Code sacerdotal formaient une histoire dis- 
tincte. Nous avons longtemps penché pour l'hypothèse d’un complé- 
ment, mais elle nous paraît décidément insuffisante pour expliquer 
surtout le double récit de l'embuscade. Il est vrai que nous n’avons 
rien du style du Code sacerdotal dans l’histoire de l’attentat (ch. 19) ; 
mais aux chap. 20 et 21 on peut reconstruire toute l’histoire dans sa 
manière si caractéristique, la communauté, l’assemblée du peuple de 



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JUGES, 19 - 21 . CKITIQUE 

Dieu, les chiffres considérables, l’aspect idéal des fautes remplaçant 
parfois la physionomie concrète. Cependant P table toujours sur une 
histoire ancienne et que nous croyons parfaitement authentique. 

Si l’auteur primitif met en scène tout Israël, faut-il se scandaliser si 
P interprète cette donnée vague par des chiffres correspondant à ceux 
du Pentateuque dans les recensements? Le Rédacteur ne nous indui- 
rait en erreur que s’il nous donnait son développement comme de 
l’histoire pure. Mais comme le dit très bien Poels, « le caractère indé- 
terminé du récit semble indiquer clairement que l’auteur sacré n'a 
point prétendu donner une relation strictement historique. Les deux 
premiers jours, 25700 Benjamites 1 attaquent 400.000 Israélites et en 
tuent 22000 + 18000 pendant que les Benjamites mêmes ne perdent 
pas un seul homme. Le troisième jour les Israélites ne perdent que 
30 hommes, tandis que 25.100 (v. 35) ou 18000 (v. 44) -f- 5000 + 
2000 (v. 45) = 25000 Benjamites sont tués par les enfants d’Israël. 
Il est clair que ce dénombrement des enfants de Benjamin est systé- 
matique. L’auteur a voulu nous faire saisir la punition terrible dont 
Iahvé frappa l’adultère. A cet effet il fait ressortir le nombre colos- 
sal des victimes » ( Histoire du sanctuaire , p. 45 s.). Mais pourquoi 
tant de victimes dans Israël ? La raison que P avait en vue ne peut 
être que celle donnée par Théodoret. On voit les Israélites se rassem- 
bler, prêts à exterminer leurs frères comme les exécuteurs de la 
justice divine sans demander à l’oracle de Iahvé autre chose qu’une 
indication sur la tribu qui doit prendre la tête. L’exécuteur de la jus- 
tice divine, investi d’un rôle considéré comme sacré, était-il lui-même 
sans reproche ? Evidemment non ! Il ne devait donc obtenir la victoire 
qu’après avoir fait sa paix avec Dieu : les pleurs, le jeûne, les holo- 
caustes, les pacifiques, le mettent à même de recevoir une réponse 
favorable sans restriction. Dès lors, les choses changent du tout au 
tout : si les Israélites perdent encore trente hommes, cela pourrait 
bien marquer dans la pensée de l’écrivain, que quelques-uns d’entre 
eux n’étaient pas encore dignes de la sainte communauté du peuple de 
Dieu. L’enseignement tiré du texte est donc exactement pour nous ce 
qu’il était pour les Pères : il s'agit ici d’une histoire qui a pris la 
couleur nécessaire à l’enseignement moral qui est le premier but d’une 
écriture sacrée. 


1. Sans doute d'après les LXX. 



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JUGES, 19 - 21 . CKITIQUE 

Naturellement le document primitif et P ont été ensuite fondus par 
un rédacteur (Rp). Nous nommons le récit primitif E à cause de son 
analogie avec l’histoire des Danites. Budde a essayé de le scinder en 
deux et de faire le partage entre E et J ; nous avons déjà dit que ses 
raisons sont très insuffisantes. 

Critique historique. — D'ailleurs nous admettons sans hésiter le carac- 
tère historique et objectif de tout le fond des événements. Le témoi- 
gnage d’Osée (9 9 10 9), très obscur, ne peut cependant s'appliquer 
qu’à ces faits. Il y eut dans Israël, aux jours de Gibe'a, un forfait qui 
pesa longtemps sur la conscience publique. C’est en vain que Wellhau- 
sen objecte qu’alors Israël fut sans reproche, Benjamin était le seul 
coupable. Les Israélites comprirent il est vrai la nécessité de punir le 
crime, mais précisément parce qu'ils s’en sentaient solidaires et si les 
Benjamites s’obstinèrent à défendre les coupables, le mal était donc 
répandu. Quand se passa cet épisode? Si nous enlevons 20 27 b 28®, 
qui parle du grand prêtre Phinéès, il faut convenir avec Wellhausen 
que nous n'avons plus de raison de marquer une date. L'auteur de la 
glose pensait certainement que les faits s’étaient passés peu après la 
mort de Josué. On croirait d’après leur place dans le livre des Juges 
et l’insistance sur l’absence d’un roi que dans sa pensée ils étaient peu 
antérieurs à l’institution de la monarchie. On a objecté que nulle part 
on ne trouve de traces de l’alTaibiissement de Benjamin et surtout 
qu’il est impossible de le supposer au moment où la petite tribu va 
prendre l’hégémonie avec Saül. Cette raison est peu Convaincante. Un 
petit peuple n’est jamais plus près de prendre l’essor que lorsqu’il a 
déployé un héroïsme exceptionnel dans une lutte contre un colosse. 
Telle Athènes après que l’Attique eût été ravagée par les Perses ou la 
Hollande après l’invasion de Louis XIV. Six cents Benjamites résolus 
n’étaient pas une quantité négligeable pour former un clan remuant 
et actif. La sévère épreuve infligée à Benjamin était plutôt selon les 
causes naturelles, le prélude de son élévation. On a objecté aussi 
( Graetz , Wellhausen, Nôldeke ) contre la réalité des faits qu’ils n’ont 
été inventés qu’en haine de la maison de Saül, et cette invention — 
des critiques — repose sur le rapprochement dans notre histoire de 
Gibe'a patrie de Saül, avec Iabech qui lui doit son salut et se montre 
reconnaissante (I Sam. 11 1 ss. ; II Sam. 2 5-7). Il est beaucoup plus 
simple de voir là un rapprochement parfaitement historique. Si les 



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JUGES, 19 - 21 . CRITIQUE 

gens de Iabech (I Sam. 11 4) vont tout droit porter leur requête à 
Gibe'a, cela concorde très bien avec l’histoire des mariages. Budde 
remarque que dans les livres de Samuel on ne voit pas l’intention de 
déprécier systématiquement Saül ni Benjamin. 

Une dernière conclusion. Si l’auteur connaît la fête de lahvé à Silo 
et sous la forme d’un an ou fête à pèlerinage (21 19) et si, par con- 
séquent, il rentre facilement dans l’ensemble de la tradition qui fixe à 
Silo le séjour de l’arche pour toute la durée de l'époque des Juges, 
avec le caractère d’un sanctuaire national, il ne se fait pas scrupule de 
considérer Mispah comme un lieu où Ton est spécialement en présence 
de lahvé, ni surtout Béthel comme un lieu de culte supérieur. En cela 
il est en harmonie avec l’histoire de Bokim 2 5, avec celle de Gédéon 
(7 24 et 27), avec celle de Jephté (11 20), avec celle de Manoé (13 19). 
En d’autres termes le Rédacteur du livre des Juges a fidèlement repro- 
duit les anciens récits d’après lesquels l’unité du sanctuaire national, 
dépendant de l’unité de l’arche, ne supposait pas l’unité absolue d'au- 
tels. 

Nous avons besoin d’une excuse pour avoir étudié si longuement la 
critique textuelle et littéraire des trois derniers chapitres des Juges, 
peut-être sans résultats assez certains ; nous la trouvons dans le mot 
de Wellhausen cité plus haut : c’est en raccourci la question du Pen- 
tateuque. 


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